M. le président. Par amendement n° II-3 rectifié, Mme Heinis et les membres du groupe des Républicains et Indépendants propose d'insérer, après l'article 71, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est ajouté à l'article 93 quater du code général des impôts un V ainsi rédigé :
« V. - Les dispositions du 7 bis de l'article 38 sont applicables au profit ou à la perte réalisés lors de l'échange de droits sociaux résultant d'une fusion ou d'une scission de sociétés bénéficiant du régime prévu à l'article 210 B, lorsque ces droits sont affectés à l'exercice de la profession au sens de l'article 93.
« Ce régime est applicable sous les conditions et sanctions prévues à l'article 54 septies . »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 1997.
« III. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due concurrence par un relèvement du droit de consommation sur les tabacs visé aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. L'amendement tend à combler une lacune législative en matière de report d'imposition des plus-values réalisées lors de scissions, de fusions et de restructurations s'effectuant dans le cadre de professions non commerciales, non industrielles ou non agricoles.
Sur un plan juridique général, les fusions conduisent à des échanges de titres au niveau des actionnaires : les titres des sociétés absorbées sont remplacés par des titres des sociétés absorbantes, l'échange constituant ainsi une mutation à titre onéreux.
Sur le plan fiscal, la conséquence directe est la constatation de plus-values latentes, existant au jour de la fusion, en principe taxables au titre des revenus de l'année de réalisation de la fusion.
Toutefois, afin de ne pas entraver les indispensables restructurations des entreprises françaises, le législateur a institué une faculté de report d'imposition : le contribuable ne paie l'impôt sur la plus-value constatée lors de la fusion qu'au titre de l'année au cours de laquelle il cède les titres sociaux reçus lors de l'échange.
C'est l'objet du paragraphe II de l'article 93 quater du code général des impôts.
Ainsi, le contribuable ne paie l'impôt que lorsqu'il dispose effectivement de la trésorerie correspondant aux plus-values réalisées.
Le champ d'application de cet aménagement du dispositif fiscal est très large, puisqu'il vise les particuliers, les professionnels taxés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les professionnels taxés dans la catégorie des bénéfices agricoles et les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés.
L'article 71 de la présente loi l'étend aux plus-values résultant de l'apport, par une personne physique, d'un brevet ou d'une invention à une société chargée de l'exploiter avec, bien entendu, des conditions adaptées.
Une catégorie de contribuables se trouve cependant exclue de ce report d'imposition : celle des professionnels dont l'activité est taxée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et pour lequels les titres sociaux constituent un actif professionnel et non une part de leur patrimoine privé. Il s'agit donc, par l'article additionnel proposé, de combler une lacune législative résultant, semble-t-il, plus d'un oubli que d'une volonté réelle.
Outre une unification souhaitable du régime fiscal des fusions, l'adoption de cet article additionnel permettrait une harmonisation du régime fiscal français avec les directives CEE, aux termes desquelles le principe de stricte neutralité fiscale des opérations de restructuration est de portée générale.
La commission a d'ailleurs précisé, dans la réponse faite à une question écrite de parlementaire, « que la législation d'un Etat membre doit respecter le principe de stricte neutralité également pour les contribuables relevant du régime des bénéfices non commerciaux ».
Or, à l'heure actuelle, les avocats titulaires de parts de sociétés civiles professionnelles, les médecins détenant des actions de cliniques se trouvent de plus en plus souvent confrontés à des nécessités de restructurations ou de fusions.
Lorsqu'ils réalisent de telles opérations, le principe de l'imposition immédiate se heurte à l'absence de liquidité, la plus-value correspondant à une analyse financière d'entités économiques purement théoriques.
Le report d'imposition pallie cette absence de liquidité immédiate.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir accepter cet amendement en soulignant qu'il s'agit d'une harmonisation des reports d'imposition et non pas d'une exonération.
Monsieur le ministre, j'avais déjà évoqué cette question auprès de M. Arthuis, lors du vote du dernier texte portant DDOEF. Il m'avait indiqué qu'il ferait procéder à une étude par ses services. Il a bien voulu me faire savoir que cela avait été fait, et je l'en remercie. Aussi, j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez donner un avis favorable à mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission se réjouit de la manière dont nous faisons de la bonne législation fiscale, et Mme Heinis et le Sénat tout entier souhaitent être encouragés dans ce type de démarche.
Il n'y a en effet pas de raison que cette discrimination entre membres de professions industrielles, commerciales ou artisanales, imposés au BIC, et membres de professions libérales, imposés au BNC, perdurent. La proposition de Mme Heinis, qui a fait l'objet d'un examen, semble tout à fait recevable pour la commission des finances.
Monsieur le ministre, c'est de cette façon que l'on va pouvoir simplifier finalement la vie de ceux qui entreprennent en France. Ils attendent finalement moins des recettes miracles ou des avantages fiscaux extraordinaires ; ils souhaitent surtout qu'on leur simplifie la vie, qu'on les laisse faire leur métier. Voilà un exemple de la législation fiscale qui, demain, permettra à la France de réussir. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je crois en effet que, dans cette affaire, nous avons bien travaillé.
Mme Heinis avait soulevé le problème, comme elle l'a rappelé, à l'occasion du dernier texte portant DDOEF. La rédaction qu'elle avait proposée alors semblait mériter un examen plus attentif. Elle avait bien voulu retirer son amendement sous le bénéfice de cet examen.
La rédaction qui est proposée aujourd'hui nous paraît irréprochable. Elle va dans le sens de la simplification souhaitée par tout le monde.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-3 rectifié bis .
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-3 rectifié bis, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 71.
Par amendement n° II-207, M. Machet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 71, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 4° du quater du 1 de l'article 39 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La déduction est également admise pour les contribuables qui exercent leur activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont en application des articles 8 et 8 ter , soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux. »
« II. - Les pertes de recettes entraînées par l'application des dispositions du paragraphe I ci-dessus sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Dans le cadre des mesures en faveur des entreprises et concernant la déductibilité des droits de mutation à titre gratuit, l'article 39-1-4 du code général des impôts ne permet cette déduction que pour les héritiers d'une entreprise individuelle. Il est proposé d'étendre la déductibilité aux droits de mutation acquittés par les héritiers, donataires de parts de sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu qui s'engagent à exercer dans cette société leur activité professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La loi de finances de 1996 a donné une base législative à une doctrine administrative selon laquelle le patrimoine professionnel de l'héritier d'une entreprise individuelle se confond avec son patrimoine privé. En conséquence, les droits de succession comme les intérêts d'emprunt sont considérés comme constituant une dépense en vue de la constitution du revenu et peuvent, à ce titre, être déduits du résultat imposable.
La commission des finances s'est posée la question de savoir s'il pouvait être considéré que le patrimoine professionnel de l'héritier, dans le cadre d'une société soumise à l'impôt sur le revenu, se confondait avec son patrimoine privé dès lors que la société était constituée de plusieurs associés. C'est la raison pour laquelle elle souhaiterait recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Monsieur Machet, la déduction qui est envisagée dans cet amendement est d'ores et déjà possible en application des dispositions de l'article 151 nonies du code général des impôts.
Dans l'hypothèse où il y aurait un doute, j'ai l'intention de mettre au point une instruction administrative qui commentera les dispositions de l'article 10 de la loi de finances de 1996 et qui précisera que, bien que n'étant pas engagés pour l'acquisition d'une entreprise individuelle, les droits de mutation à titre gratuit afférents à la transmission de parts de société de personnes sont néanmoins déductibles en application de cet article 151 nonies.
Cette déduction, qui sera subordonnée à la poursuite de l'activité par le bénéficiaire de la transmission de ces parts, est conforme à l'esprit du dispositif prévu en faveur de la transmission des entreprises individuelles, comme vous le soulignez.
Monsieur Machet, je pense donc que, au bénéfice de ces explications vous pourriez retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Machet, l'amendement n° II-207 est-il maintenu ?
M. Jacques Machet. Compte tenu des précisions que vient de donner M. le ministre, je le retire.
M. le président. L'amendement n° II-207 est retiré.

Article 71 bis