M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie et des finances, monsieur le ministre délégué au budget, mes chers collègues, je ne serai pas long, je sais que je serai jugé sur la longueur de mon propos. Il revient aux présidents de groupes d'exprimer leur jugement sur la politique que sous-tend ce budget.
Je voudrais simplement dire que le président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, exprimera dans un instant notre gratitude, la sienne et la mienne, à tous ceux qui ont permis que nos travaux soient conduits dans de bonnes conditions.
Qu'il me soit permis néanmoins de le remercier à titre personnel tant il m'a aidé : il m'a apporté son soutien, son encouragement ; il a permis que la commission délibère dans les meilleures conditions.
Mes chers collègues, je me limiterai donc à mon propos, et je vous remercie, par avance, de votre bienveillance.
Nous avons examiné environ cinq cents amendements ; nous en avons adopté trente-neuf en première partie et trente-sept en deuxième partie, ce qui n'est pas mince ! La priorité que j'ai en permanence retrouvée dans vos préoccupations est l'emploi. En effet, l'emploi s'est retrouvé au coeur de toutes les préoccupations que vous avez exprimées.
Cette préoccupation, nous l'avons retrouvée, monsieur le ministre délégué au budget, dans la nécessité de revoir la taxe sur les salaires. Nous l'avons également retrouvée dans la nécessaire adaptation de la taxe professionnelle. Nous l'avons aussi retrouvée dans le soutien à l'innovation créatrice des Français, avec les FCPI dont nous avons parlé aujourd'hui. Nous l'avons retrouvée également dans le soutien à l'esprit d'entreprise, à la récompense du risque des Français qui est la garantie du développement économique de notre pays. Cette priorité, nous l'avons encore retrouvée dans le soutien à l'industrie cinématographique avec les SOFICA, dans le soutien au logement avec la déduction forfaitaire, avec des propositions que le Gouvernement pourra apprécier s'agissant des plans d'épargne-logement, mais aussi avec la poursuite du prêt à taux zéro pour l'ancien, dans le soutien à l'agriculture avec l'extension de la déduction pour investissement et dans le soutien à la presse avec la réforme de l'article 39 bis, qui, je crois, a apporté une satisfaction aux entreprises de presse.
Avant de conclure, je dirai qu'une idée ne m'a jamais quitté durant toute cette discussion : je ne crois pas que la solution soit exclusivement dans les idées que nous avons en matière de législation, qu'il s'agisse du domaine juridique ou fiscal. Le trésor d'initiatives ne se trouve peut-être pas à la direction qui est placée sous votre autorité, monsieur le ministre de l'économie et des finances.
M. Gérard Delfau. Effectivement !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Le trésor est dans les mains des Français.
M. Gérard Delfau. Oui !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, faisons en sorte, avec humilité, de ne pas dresser, devant les Français, devant l'initiative et l'envie d'entreprendre qui est la leur, des barrières qui les découragent. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas besoin de plus de lois ni de plus de crédits. Nous avons à simplifier la vie de nos concitoyens. (M. Faure applaudit.) Il ne faut pas que les Français qui veulent entreprendre soient découragés par ce labyrinthe juridique et fiscal qui les empêche de progresser. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mes chers amis, en ouvrant la discussion, j'ai proposé l'audace. Je pense qu'il faut continuer à proposer l'audace. Il faut offrir aux Français la volonté, ils nous rendront l'espérance ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, parlant sous votre témoignage, je dirai que, pour la première fois depuis bien longtemps, le Sénat va se prononcer sur le projet de loi de finances initiale à une heure raisonnable de la soirée et non plus à une heure tardive de la nuit ou à une heure avancée du petit matin. (Marques d'approbation sur des nombreux travées.)
Pour ne pas contrarier ou anéantir cette conséquence bénéfique de l'expérience de rénovation de la discussion budgétaire que nous avons tentée cette année, je suis donc contraint de m'astreindre à un effort de brièveté et de concision (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE) dans les quelques observations qu'il m'apparaît indispensable de formuler à l'issue de ce marathon budgétaire.
Ces observations porteront, d'une part, sur les résultats de nos travaux et, d'autre part, sur la nouvelle physionomie de la discussion budgétaire.
Sur le fond, tout d'abord, je ne peux qu'être laconique, car tout a été dit, et excellemment dit, par notre rapporteur général, Alain Lambert.
Qu'il me permette cependant, même si je vais heurter - et je sais que je vais le faire - sa modestie, de lui dire et de vous dire combien, pour ma part, j'ai apprécié, tout au long de nos débats, sa grande compétence, sa force de conviction et sa courtoisie de tous les instants. C'est cela, mes chers collègues, le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Sans recommencer nos débats, je dirai que le Sénat a apporté à ce budget courageux, transparent et sincère un certain nombre d'améliorations.
Sans rappeler tous les apports du Sénat, je me bornerai à souligner les mesures en faveur du logement et en faveur des collectivités locales, avec, notamment, l'éligibilité des groupements de communes au fonds de compensation de la TVA, si souvent réclamé ici même au Sénat.
Je rappellerai également que nous avons obtenu des abondements de crédits pour certains secteurs sur lesquels s'était plus particulièrement porté l'indispensable effort de maîtrise de la dépense publique.
Je pense à l'aménagement du territoire, au patrimoine monumental et au fonds d'aide à la presse. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Enfin, cette discussion budgétaire a été riche de débats intéressants et politiques - au vrai sens du terme - sur certains thèmes, notamment avec les aménagements susceptibles d'être apportés à la taxe professionnelle, sujet auquel le Sénat, messieurs les ministres, est de plus en plus sensible.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. René Régnault. C'est exact !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. En définitive, les modifications et les adjonctions introduites par le Sénat sont loin d'être négligeables et le bilan de notre discussion est globalement positif au regard de l'étroitesse des marges de manoeuvre budgétaires du Gouvernement. (Nouvelles protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Miquel. C'est nul !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce résultat, nous le devons, en grande partie, à l'étroite concertation qui a présidé à nos rapport avec le Gouvernement.
A cet égard, permettez-moi, monsieur le ministre de l'économie et des finances, et vous, monsieur le ministre délégué au budget, de vous remercier sincèrement et chaleureusement tous les deux de votre compétence éprouvée, mais aussi votre courtoisie et de votre sens du dialogue. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je voudrais maintenant, mes chers collègues, jeter un rapide regard sur les inflexions que nous avons apportées ensemble au rythme de la discussion budgétaire, avec la complicité et le soutien du président de notre assemblée.
Comme vous le savez, l'essentiel de l'entreprise de rénovation de la discussion budgétaire a consisté à recentrer la discussion des fascicules sur l'examen des crédits, en organisant en amont - et bientôt en aval - de cette discussion des débats qualifiés par nous-mêmes de thématiques.
M. René-Pierre Signé. Cela ne veut rien dire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Sans vouloir dresser dès ce soir un bilan définitif de cette expérience - expérience qui, par nature, est perfectible - je considère que cette rénovation comporte de nombreux aspects positifs. A vous, mes chers collègues, d'en juger !
C'est ainsi que le rythme de nos travaux, pourtant enserrés dans le carcan des vingt jours qui nous sont alloués pour examiner le budget, a été, si j'ose dire, plus humain. La discussion a ainsi été plus humaine, c'est l'évidence.
Nous avons pu, à la fin des deux premières semaines de la discussion budgétaire, disposer de deux jours pour nous acquitter des obligations liées à l'exercice, sur le terrain, de nos mandats locaux.
Par ailleurs, nous avons évité, dans la mesure du possible, de siéger la nuit au-delà d'un horaire raisonnable. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles de groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas ce qui fait un bon budget !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Qui n'a jamais protesté ici contre ces séances de nuit prolongées ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Moi !
M. René-Pierre Signé. Et aujourd'hui ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Enfin, je considère, pour ma part, que nous avons rompu avec le caractère litanique, liturgique et, en définitive, léthargique de la discussion des fascicules budgétaires.
M. Jean Chérioux. Bravo !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cet examen a été plus nerveux, plus incisif et, en définitive, plus vivant.
A cet égard, je voudrais remercier les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les rapporteurs pour avis des autres commissions techniques, qui se sont prêtés de bonne grâce aux contraintes de ce nouvel excercice.
Je voudrais également remercier tous les présidents de séance, qui ont fait respecter, avec une courtoise fermeté ou une ferme courtoisie, selon leurs tempéraments, les nouvelles règles du jeu. Ils ont ainsi permis à nos débats de s'inscrire harmonieusement dans le calendrier arrêté par la conférence des présidents.
M. Jean-Louis Carrère. C'est la soirée des violons ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Les rares dépassements des temps de parole sont parfois venus des ministres que l'on qualifie de ministres dépensiers dans le jargon budgétaire (Exclamations sur les travées socialistes), alors même que ce vocable perd de sa signification en ces temps de rigueur budgétaire...
Dans leurs interventions, qui se situaient, pour la première fois, en fin de parcours, si vous me permettez cette expression,...
M. René-Pierre Signé. Oui, ils sont en fin de parcours !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... certains d'entre eux ont cependant parfois fait précéder leurs réponses aux intervenants d'une nouvelle présentation de leurs crédits, présentation qui avait été déjà faite par les différents rapporteurs.
M. Claude Estier. Peut mieux faire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. A cet égard, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, certains efforts de pédagogie s'avèrent peut-être nécessaires pour parvenir, dans tous les cas, à un bon usage du nouveau rythme de nos travaux. (M. le ministre des relations avec le Parlement sourit.)
Je saisis cette occasion pour vous remercier, monsieur le ministre des relations avec le Parlement : avec votre chaleur humaine, votre bonhomie et votre sens du dialogue (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE), vous avez su, en certaines circonstances, mettre de l'huile dans les rouages.
M. René-Pierre Signé. A la mairie de Paris !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Par ailleurs, je suis certain - et des statistiques le prouveront bientôt - que la diffusion du travail budgétaire tout au long de la session unique, loin de brimer l'opposition, va, au contraire, lui ouvrir de nouveaux espaces d'expression. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. Il faut le faire, quand même !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Au terme de cette intervention, je voudrais, messieurs les ministres, adresser mes remerciements les plus sincères à vos collaborateurs ainsi qu'aux fonctionnaires du Sénat.
Vous me permettrez d'avoir une pensée particulière pour le personnel de la commission des finances, tous cadres confondus, qui travaille sans relâche avec une compétence, un dévouement et une conscience professionnelle à toute épreuve que vous-même avez su, je l'espère, apprécier. (Applaudissements sur toutes les travées.)
Je remercie également la presse, qui a rendu compte de nos travaux et permis de faire connaître les réflexions, les propositions et les apports de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Ah oui : les 30 % !
M. André Rouvière. Il faut remercier l'opposition, aussi !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Au moment même où certains voudraient...
M. Gérard Roujas. Ils voudraient, oui !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... nous cantonner, au nom d'une lecture fallacieuse de nos institutions, dans un rôle de muet du sérail, le Sénat a montré, une fois de plus,...
M. René-Pierre Signé. Que vous êtes incapables de gouverner !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... qu'il constituait une instance de réflexion et une force de proposition au service de notre pays. (Applaudissements prolongés sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Ivan Renar. Ce n'est pas le muet du sérail, c'est une nuit à l'Opéra !
M. le président. Avant de procéder au vote sur l'ensemble, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui l'ont demandée pour expliquer leur vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation des débats décidée le 5 novembre 1996 par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de quinze minutes pour ces explications de vote, à l'exclusion de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, qui dispose de cinq minutes.
La parole est à M. Blin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Maurice Blin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera sans réserve ni hésitation ce projet de budget (Rires sur les travées socialistes), pour deux raisons simples.
Tout d'abord, parce qu'il constitue une étape marquante dans l'assainissement de nos finances publiques. (Ah ! sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Et l'hélicoptère ?
M. Maurice Blin. Ensuite, parce qu'il rejoint la politique comparable engagée par l'ensemble des voisins de notre pays, soucieux d'entrer à l'heure dite dans une Union européenne économique et monétaire respectable et enfin respectée.
Ce projet de budget représente un effort de redressement sans précédent (Rires sur les travées socialistes), mené dans une conjoncture extrêmement difficile.
Le mérite en revient au Gouvernement, auquel le courage ne manque pas et à qui nous renouvelons notre plein et entier appui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Comme l'avait souhaité notamment mon groupe parlementaire, le Parlement a pu être consulté dans le cadre de la préparation de ce budget, au printemps dernier, lors d'un débat dense et riche d'enseignements.
Je me félicite, à cet égard, que la plupart de nos propositions aient pu être retenues : la maîtrise des dépenses publiques, la réduction des déficits, mais surtout la simplification et l'allégement de l'impôt sur le revenu.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et de l'impôt sur la fortune !
M. Maurice Blin. Je me bornerai donc à deux observations.
Le Gouvernement accomplit un important effort de réduction des dépenses de fonctionnement. Il s'agit là d'une action courageuse et salutaire.
Le coût de gestion des administrations publiques est excessif dans notre pays.
M. René-Pierre Signé. A cause des hélicoptères !
M. Maurice Blin. Néanmoins, malgré une baisse des effectifs de la fonction publique, les dépenses de fonctionnement continuent d'augmenter d'environ 2,5 % dans le projet de budget pour 1997, alors que les dépenses d'équipement connaissent, hélas ! une nouvelle baisse de 8 %. L'ombre qui pèse sur l'investissement, tant public que privé, d'ailleurs, et qui est la clé de l'avenir, n'est donc pas dissipée.
La réduction du train de vie de l'Etat devrait être poursuivie et accentuée l'an prochain et surtout, si possible, mieux répartie.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas brillant !
M. Maurice Blin. En second lieu, le désengagement de l'Etat dans le domaine de l'investissement fait peser sur les collectivités locales des charges croissantes, et ce dans le temps même où prolifèrent des réglementations d'origine nationale ou européenne.
C'est ainsi qu'apparaissent de nouvelles charges sans compensation financière, qui concernent notamment l'environnement, les transports, la sécurité. Il conviendrait de réfléchir à leur prise en compte dans le pacte de stabilité financière, qui, nous nous en félicitons cependant, est respecté en 1997.
M. Raymond Courrière. Il n'est pas difficile !
M. Maurice Blin. La discussion de ce projet de budget, temps fort de cette session, s'achève. Je souhaite, à cette occasion et à mon tour, rendre hommage à M. le rapporteur général, à M. le président de la commission des finances, à M. le ministre de l'économie et des finances, à M. le ministre délégué au budget pour la qualité du travail des uns et pour la qualité et la capacité d'écoute des autres.
M. Jean-Louis Carrère. C'est la brosse à reluire !
M. Jacques Mahéas. C'est Noël !
M. Maurice Blin. Ce budget, je le répète, est une étape décisive sur la voie qui conduit à l'avènement de l'union économique et monétaire de l'Europe. Cette entreprise ambitieuse, et même proprement révolutionnaire, puisque sans précédent dans l'histoire (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes), nous en mesurons les difficultés, mais nous savons la volonté qu'à le Gouvernement de les surmonter. Quoi qu'il advienne, quelles que soient les embûches qui peuvent se dresser sur son chemin, qu'il soit assuré de notre soutien.
Nous souhaitons aussi - mais en est-il besoin ? - que la majorité sénatoriale lui manifeste l'estime et la confiance qu'il mérite, mais nous savons qu'ils ne lui manqueront pas. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie et des finances, monsieur le ministre délégué au budget, monsieur le ministre des relations avec le Parlement,...
M. Jean-Louis Carrère. Lui aussi va nous jouer du violon ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Gérard Larcher. ... mes chers collègues, par un soutien actif à la politique menée sous l'impulsion du Président de la République, nous approuvons les priorités que le Gouvernement s'est fixées et qui trouvent leur illustration dans le budget sur lequel notre Haute Assemblée va avoir à se prononcer tout à l'heure.
Ainsi, ce budget tend à rendre à la France ses marges de manoeuvre indispensables pour affronter dans de meilleures conditions la réalité de la mondialisation des échanges économiques, ces mêmes marges de manoeuvre qui nous ont tant fait défaut à cause de la multiplication des déficits et de la course folle à l'endettement constatées il y a quelques années. (Applaudissements sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. André Rouvière. Il faut préciser : c'est Balladur !
M. Gérard Larcher. Doit-on rappeler que les années 1992 et 1993 furent marquées par la seule véritable récession économique connue par notre pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec un produit intérieur brut en baisse de 1 % ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
Comme M. Josselin de Rohan a déjà eu l'occasion de le dire lors de la discussion générale, le budget pour 1997 nous apparaît comme un budget sérieux, sincère et rigoureux. Il témoigne de la volonté du Gouvernement et, avec lui, j'en suis certain, de la majorité sénatoriale de s'engager résolument sur trois voies.
La première, c'est la réduction des déficits publics. C'est une constatation depuis trois ans - nous ne pouvons que nous en féliciter - 1997 sera une nouvelle année de baisse du déficit budgétaire. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Dans quelques jours, le Sénat examinera le projet de loi de finances rectificative pour 1996. Que constatons-nous ? C'est un projet de confirmation de la loi de finances initiale : le respect du cheminement de la réduction du déficit de l'Etat est associé, pour 1996, à un solde budgétaire maintenu à 288 milliards de francs, soit 3,65 % du PIB. Il était important, voire essentiel, pour affirmer encore la volonté de la France d'assainir ses finances, que cette politique soit confirmée en tous points. C'est le cas, il faut s'en féliciter et il faut le dire.
En 1995, je le rappelle, l'objectif était de contenir le déficit à 5 % du PIB ; pour 1997, l'objectif est de passer sous la barre des 3 %.
La deuxième voie sur laquelle le Gouvernement développe son action est la baisse des prélèvements obligatoires. La réduction simultanée des déficits publics et des prélèvements obligatoires est un acte politique majeur, sans doute sans précédent dans son parallélisme et dans son importance.
Comme de nombreux membres de notre groupe, nous avons eu l'occasion de le dire lors de la discussion des articles de la première partie, le choix de l'impôt sur le revenu pour marquer la baisse des prélèvements nous semble le plus juste. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Certains préconisent encore, dans des ébauches d'esquisses de brouillons de projets de programme, une baisse de la TVA, preuve supplémentaire qu'ils allient à des crises d'amnésie des déficiences en matière de calcul économique !
Un point de TVA au taux normal représente 30 milliards de francs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Augmentez-la !
M. Gérard Larcher. La baisse des prélèvements proposée par le Gouvernement pour 1997 s'élève à 25 milliards de francs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce ne sont pas les mêmes qui paient !
M. Gérard Larcher. Si la TVA avait été choisie pour être la clé de voûte de la réforme fiscale, sa baisse aurait été inférieure d'un point et n'aurait pas été perçue par les consommateurs puisqu'elle aurait été engrangée pour l'essentiel par les circuits de distribution.
Mais la surprise de ces esprits chagrins face au choix du Gouvernement pour la réforme fiscale et leurs propositions de substitution touchant la TVA s'expliquent aisément.
Qu'il suffise de se souvenir qu'en dix ans les gouvernements socialistes...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Caillaux !
M. Gérard Larcher. ... ont augmenté de 10 % les prélèvements sur le travail et diminué de 40 % la taxation sur les revenus financiers. (Vives protestations sur les travées socialistes.) Hommage à l'argent qui dort ! (Applaudissements sur quelques travées du RPR.)
Notre approche est différente. Nous voulons que la réforme de l'impôt sur le revenu permette de laisser à ceux qui travaillent, qui entreprennent, la plus grande part de ce qu'ils ont gagné au quotidien.
Pour ce qui est de l'impôt de solidarité sur la fortune... (Ah ! sur les travées socialistes..) ... Attendez, attendez ! Vous nous avez montré l'exemple !
Pour ce qui est de l'ISF, dis-je, nous sommes sereins et tranquilles puisque le Sénat, dans sa sagesse, n'a rien fait d'autre que de revenir au dispositif résultant des lois votées par la majorité socialiste d'alors, sur l'initiative, d'ailleurs, des gouvernements socialistes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dites-le aux députés !
M. Gérard Larcher. De plus, la Haute Assemblée ne s'est pas déjugée puisque l'année dernière - veuillez me pardonner messieurs les ministres, de faire ce rappel - lors des débats engagés sur cette question, elle avait mis en garde le Gouvernement sur les risques qu'il y avait à déplafonner l'ISF, au regard tant de la surface imposable que de l'emploi.
Les craintes du Sénat ont été confirmées par les faits. Le Sénat se devait donc, collectivement, dans le cadre de sa majorité municipale, (rires) ... - pardonnez-moi, mes chers collègues - sénatoriale. Soyez indulgents, mes chers collègues !
M. Jean-Louis Carrère. On n'est pas à Rambouillet !
M. Gérard Larcher. A Rambouillet, il n'y a pas de problème !
Le Sénat se devait, dis-je, de conduire cette réflexion, et certains échos qui nous viennent d'ailleurs nous paraissent quelque peu excessifs !
La réduction des prélèvements passe aussi par un effort consenti sur la baisse des cotisations sociales sur les bas salaires. Ce dispositif représente plus de 50 milliards de francs et permettra de préserver puis de développer l'emploi en faveur de ceux qui sont les plus menacés par l'antichambre de l'exclusion que constitue le chômage.
La troisième voie empruntée par le Gouvernement est la maîtrise de la dépense publique.
Pour la première fois depuis cinquante ans, il y aura, en 1997, une stabilisation en francs courants de la dépense publique par rapport à l'année précédente.
L'augmentation mécanique de la dépense publique n'est donc plus une fatalité.
Un sénateur socialiste. Et l'emploi ?
M. Gérard Larcher. Le Gouvernement a stoppé ce mouvement croissant que l'on croyait inéluctable en réalisant 60 milliards de francs d'économies.
M. René-Pierre Signé. Et le chômage ?
M. Gérard Larcher. Parce que le Gouvernement a, dans sa recherche d'économies, systématisé la démarche consistant à dépenser mieux et non à dépenser plus, les marges de manoeuvre dégagées ont permis de renforcer les moyens mis à la disposition des fonctions régaliennes de l'Etat.
C'est d'ailleurs ce principe du « dépenser mieux » qui devra, demain, s'appliquer à la gestion de nos entreprises publiques.
M. Jean-Louis Carrère. Pour ce qui va en rester !
M. Gérard Larcher. Après la réforme réussie de France Télécom, il va falloir, avec courage et détermination, s'occuper des autres entreprises du secteur public dans les délais les plus brefs. (Thomson ! sur les travées socialistes.)
Lors de l'examen des différents fascicules budgétaires, le Sénat a pleinement joué son rôle, vous l'avez rappelé, monsieur le président, monsieur le rapporteur général.
S'agissant de la politique de l'emploi, préoccupation constante du Sénat, le budget pour 1997 s'élève à 150 milliards de francs, dont 47 milliards de francs pour le traitement économique du chômage et la réduction des charges sociales sur les bas salaires.
M. Jean-Louis Carrère. Dix minutes déjà !
M. Gérard Larcher. Dans ce domaine aussi, le Gouvernement a privilégié la qualité de la dépense publique sur la seule quantité. Ainsi, certains dispositifs d'aides publiques à l'emploi, qui étaient trop coûteux, ont été modifiés afin d'en améliorer l'efficacité.
Nous nous félicitons du bon accueil qui a été réservé par le Gouvernement, à l'excellente proposition de notre collègue André Jourdain, puisqu'une réflexion approfondie a été engagée. Cette proposition, qui autorise la déduction des salaires correspondants aux emplois créés du montant des cotisations d'assurance chômage, nous semble une voie intéressante d'activation des dépenses passives du chômage.
Développer l'emploi, c'est aussi, mais pas uniquement, aménager le temps de travail. Mais cette démarche, à laquelle le Sénat s'est associé dès la loi quinquennale - j'en ai un souvenir très personnel, avec le président Fourcade - doit se faire selon la réflexion développée ici par le ministre du travail et des affaires sociales ; réflexion que nous partageons : la productivité ne doit pas être affectée ; les salariés doivent y trouver des avantages ; l'emploi doit progresser.
Tout doit donc se faire par le dialogue dans les branches et les entreprises, mais surtout pas de façon obligatoire et uniforme par la loi.
Procéder de cette façon, comme cela fut proposé encore récemment par certains esprits « oublieux », rend nécessaire un rappel.
Entre 1982 et 1984, la France a perdu 370 000 emplois, alors que la durée du temps de travail était réduite uniformément d'une heure sans diminution de salaire !
M. René-Pierre Signé. Vous, c'est 170 000 par an !
M. Gérard Larcher. La voie pragmatique du Gouvernement démontre qu'on peut avancer : en quatre mois...
M. René-Pierre Signé. Arrêtez de donner des leçons !
M. Gérard Larcher. ... ce sont près de quatre millions de salariés des principales branches d'activité qui ont été couverts par un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail.
Le budget pour 1997 prolonge l'effort dans cette voie par la mise en place de l'incitation à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, avec 800 millions de francs de crédits. Cette démarche pragmatique du Gouvernement, qui donne toute sa place à la négociation sociale,...
M. Jean-Louis Carrère. Elle a permis de créer combien d'emplois ?
M. Gérard Larcher. ... me paraît plus sérieuse que la proposition socialiste de créer autoritairement 700 000 emplois en deux ans,... (Protestations sur les travées socialistes.) ... répartis pour moitié dans le secteur public, Etat et collectivités locales, et pour moitié dans les entreprises privées.
Le coût de cette proposition, à l'apparence généreuse, peut être estimé à 70 milliards de francs.
M. René-Pierre Signé. Cela vous gêne !
M. Gérard Larcher. Une telle application d'un dirigisme économique archaïque aurait pour conséquence de donner un formidable coup de frein à la croissance et, très rapidement, d'aggraver la situation de l'emploi. (Exclamations sur les travées socialistes. - Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
D'ailleurs, même M. Jospin semble mesurer les risques ! N'a-t-il pas dit, au forum social, à Saint-Denis : « Nous ne ferons pas tout, tout de suite » ? Pourquoi donc, si cela est si bon pour la France ? (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Et le budget au Sénat, monsieur Larcher !
M. Gérard Larcher. Au fil de notre discussion, le Sénat a pu être entendu sur un certain nombre de points.
Ainsi, sur l'initiative de notre commission des finances et de notre collègue Lucien Neuwirth, a été supprimé le dispositif, adopté par l'Assemblée nationale, tendant à appliquer le régime fiscal des salaires aux indemnités temporaires d'accident du travail, qui ne nous a pas paru opportun.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Gérard Larcher. La Haute Assemblée a toujours porté une attention particulière au monde rural, tout comme à la politique de la ville.
M. William Chervy. C'est faux !
M. Gérard Larcher. Le Sénat a obtenu un accroissement assez substantiel des crédits destinés au fonds de gestion de l'espace rural et des moyens nécessaires au fonctionnement du fonds national de développement et d'aménagement du territoire.
L'année 1997 sera une année législative importante pour l'aménagement du territoire : l'effort en faveur des zones urbaines défavorisées sera prolongé pour le monde rural par un texte spécifique.
En matière culturelle aussi, nous nous félicitons de l'accroissement des crédits...
M. William Chervy. Vous croyez au père Noël !
M. Gérard Larcher. ... alloués à la restauration du patrimoine monumental, accroissement obtenu par le Sénat sur l'initiative de notre collègue Maurice Schumann. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Préparer l'avenir de la France, c'est aussi se donner les moyens d'une défense nationale forte articulée autour des principes voulus par le Président de la République : professionnalisation des armées et adaptation de notre défense. Le budget y prépare.
M. René-Pierre Signé. C'est terminé ! Le temps de parole est épuisé !
M. Gérard Larcher. Tel qu'il ressort de nos travaux, de nos débats et des contributions déterminantes de l'ensemble de nos rapporteurs, le budget pour 1997 est tourné vers l'avenir et prépare la France à la reprise de l'activité économique attendue pour l'an prochain.
M. Jean-Louis Carrère. C'est long, trop long !
M. André Rouvière. Et pas intéressant !
M. Gérard Larcher. Ce projet de budget a également une spécificité puisqu'il est le premier à avoir été examiné selon la nouvelle procédure. M. le président du Sénat, M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général l'ont évoqué.
M. René-Pierre Signé. Abrégez !
M. Gérard Larcher. Qu'ils soient remerciés pour la manière à la fois particulièrement attentive et intelligente avec laquelle ils ont préparé ce budget et mené l'ensemble de nos débats.
Nos débats ont, semble-t-il, été plus denses et plus fructueux. (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
A cet égard, je remercie les ministres, en particulier M. le ministre de l'économie et des finances, M. le ministre délégué au budget et M. le ministre des relations avec le Parlement, qui connaît si bien cette assemblée. (M. Estier fait semblant de jouer du violon.)
Mes chers collègues, il me reste quarante-huit secondes ! (Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
M. William Chervy. Pour dire des bêtises !
M. Gérard Larcher. Pour la France et pour les Français, le groupe du Rassemblement pour la République sera aux côtés du Gouvernement et votera ce budget, manifestant ainsi sa confiance...
M. René-Pierre Signé. On n'a plus confiance !
M. Gérard Larcher. ... et son soutien dans l'oeuvre de redressement et de réforme courageuse engagée par le Gouvernement en totale cohérence avec les engagements de M. le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Régnault. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René Régnault. Tout d'abord, pour abréger le suspens, je vous le dis d'emblée, ...
M. Alain Joyandet. Oui ! Oui ! Oui ! Dites-le donc !
M. René Régnault. ... le groupe socialiste ne votera pas le budget pour 1997. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En effet, ce budget ne répond pas aux difficultés de notre pays.
M. René-Pierre Signé. Et si c'était leur dernier budget ?
M. René Régnault. Il poursuit et même amplifie une politique économique inadaptée et donc injuste.
M. René-Pierre Signé. C'est exact !
M. Philippe de Bourgoing. C'était la vôtre !
M. René Régnault. Or, et je le dis avec une certaine gravité, cette politique accroît, mes chers collègues, la désespérance de nombre de nos concitoyens. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. Hélas !
M. René Régnault. N'en riez pas, vous savez que c'est exact !
Pourtant, messieurs les ministres, votre présentation de la copie était habile, preuve que nous ne sommes pas sortis des budgets artificiels que vous condamniez cependant il y a peu. (Exclamations ironiques sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Et c'est vous qui dites cela ?
M. René Régnault. Ce vocable d'« artificiel » s'applique d'abord à la réforme fiscale. Une nouvelle fois, un des grands chantiers chiraquiens se termine en modeste musique conservatrice ordinaire !
On nous annonçait une grande réforme, nous avons une diminution modeste, d'un seul impôt, concentrée sur les ménages aisés, en contradiction totale avec les besoins de transformation de notre fiscalité.
Artificielles également sont les évaluations de recettes, avec une prévision de croissance de 2,3 % et les réductions de dépenses qui, en effet, sont souvent factices, parce qu'elles résultent de débudgétisations ou de sous-évaluations ou bien parce qu'elles sont réalisées sur des postes en croissance vertigineuse du fait des erreurs du Gouvernement lui-même, et je ne pense ici qu'au CIE, par exemple.
Enfin et surtout, artificielle est la réduction du déficit public. Le déficit budgétaire sera donc réduit seulement d'un peu plus de trois milliards de francs, ...
M. Jean Chérioux. Et après ? Votre budget, c'était combien ?
M. René Régnault. ... alors que la sécurité sociale sera en déficit de 30 milliards de francs au moins. Le déficit frôlera, par conséquent, les 4 %. Il est conforme, en cela, aux prévisions que nous avions faites lors du débat budgétaire du printemps.
M. Jacques Delong. C'étaient des prévisions météorologiques !
M. René Régnault. Mais, grâce à l'opération sur France Télécom et à la modification de la comptabilisation des coupons courus, voilà 60 milliards de francs que l'on raye sur le papier.
Puis, vous prédisez un équilibre sur le besoin de financement des collectivités locales et un excédent pour les comptes des administrations publiques, ce qui m'amène à deux remarques.
Premièrement, les collectivités locales sont bien gérées, quoi qu'en disent certains et, deuxièmement, les excédents de l'UNEDIC doivent servir, non à la réduction des déficits, mais à une meilleure indemnisation des chômeurs et à la reconduction du dispositif préretraite contre emploi, ...
M. Henri Weber. Très juste !
M. René Régnault. ... sans préjuger le résultat de la négociation en cours. Nous souhaitons que les chômeurs puissent bénéficier d'un dispositif analogue.
Le respect du critère de 3 % de déficit est donc totalement artificiel. D'ailleurs, la presse étrangère a retenu cette présentation. Nous sommes donc toujours dans les budgets virtuels. Mais, l'année prochaine, il faudra bien, cette fois, baisser réellement le déficit public de 1 % du PIB, soit plus de 80 milliards de francs à trouver.
M. André Rouvière. Ce sera dur !
M. René Régnault. Ces artifices, continuels depuis 1993, c'est l'héritage qu'ils préparent. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Ah ! l'héritage !
M. René Régnault. Ces artifices, depuis 1993, n'ont en fait qu'un seul objectif : cacher l'échec de votre gestion des finances publiques. (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.)
M. André Rouvière. Leur héritage sera lourd !
M. René Régnault. Depuis 1993, en dépit de la manne des privatisations - 140 milliards de francs - en dépit des augmentations d'impôts sans précédent - 200 milliards de francs - les déficits publics sont toujours très élevés. Et cette législature aura vu une hausse de pratiquement 50 % du service de la dette du fait d'une croissance de l'encours de la dette de plus de 1700 milliards de francs depuis votre arrivée au pouvoir, ...
M. Jean Chérioux. Grâce au déficit que vous avez créé avant !
M. René Régnault. ... soit une hausse de 81 %.
M. Henri Weber. La dette, c'est vous, la droite !
M. René Régnault. Ce n'est pas le déficit que nous avons créé, c'est la dette que vous avez contractée ! Pour chaque Français, cela représente une augmentation de la dette de trente mille francs.
Nous approchons d'ailleurs dangeureusement de la barre des 80 % puisque, dès l'année prochaine, nous serons à 58 %.
A ceux d'entre vous qui voudraient nous resservir l'héritage, je propose une comparaison des données 1992-1997 et un examen des chiffres de nos partenaires économiques, qui démontrent irréfutablement que nos résultats sont de loin les plus mauvais.
M. Jacques Delong. On n'est pas obligé de partager votre analyse !
M. René Régnault. Ce projet de loi de finances est également injuste. D'abord parce qu'il réduit les moyens de nombreux services public. En supprimant des aides à l'emploi, en réduisant les crédits sociaux ou encore ceux qui sont destinés aux collectivités territoriales, le Gouvernement s'attaque à des dépenses de solidarité et va aggraver les inégalités. (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
S'il faut maîtriser les dépenses, vos efforts aboutissent dans la réalité à une contraction des crédits sociaux et des crédits utiles pour l'économie, la cohésion sociale, l'emploi et l'avenir, tandis que d'autres crédits, comme les aides aux entreprises ou encore aux exploitations agricoles les plus aisées, poursuivent, quant à eux, leur inutile envolée.
Parallèlement, votre réforme fiscale aboutit à augmenter les prélèvements proportionnels - la TVA, la CSG, la CRDS - et à réduire les prélèvements progressifs, comme l'impôt sur le revenu, qui est déjà faible en France.
Vous concentrez votre réforme sur l'allégement de l'impôt sur le revenu alors que cet impôt est déjà effectivement particulièrement faible dans notre pays, par rappport à la situation qui prévaut chez nos partenaires et alors qu'il est pratiquement le seul à réaliser, en dépit de ses imperfections, une progressivité des prélèvements.
De plus, c'est avant tout l'allégement des tranches supérieures qui est réalisé. En effet, la baisse des taux pour les revenus des années 1997 à 2000 est plus importante pour les tranches du barème élevées que pour les autres. Quant aux non-imposables, soit 49 % des foyers, ils ne gagneront rien, puisqu'ils ne paient pas d'impôt sur le revenu ! Ils subissent, en revanche, toutes les autres mesures déjà prises pour les autres impôts.
En revanche, les multiples privilèges et exonérations qui dénaturent la progressivité et font que des ménages très fortunés, qui ne paient pas ou si peu d'impôt, ne sont pas touchés alors que les moins nantis subissent, comme nous l'avons vu, la suppression des abattements professionnels. Curieuse appréciation de la solidarité et de la progressivité, puisque votre réforme est plus intéressante à mesure que l'on s'élève dans l'échelle des revenus !
La navette parlementaire n'a pas amélioré la justice fiscale, c'est le moins que l'on puisse dire ! Nous avions déposé de nombreux amendements tendant à obtenir une modification de la réforme fiscale de manière qu'elle aide les ménages modestes, qu'elle contribue à la création d'emplois, par exemple en réduisant l'imposition qui pèse sur les associations (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants), en abaissant le taux de TVA, en allégeant la taxe d'habitation due par les ménages modestes et en redonnant ainsi du pouvoir d'achat à ceux qui peuvent ou, mieux encore, qui ont besoin de consommer.
M. Jacques Delong. Il n'a rien compris !
M. René Régnault. La réponse a toujours été négative, au motif que les impératifs budgétaires ne le permettaient pas. Cependant, ces impératifs budgétaires n'existaient plus lorsqu'il a fallu trouver 350 millions de francs en faveur des propriétaires fonciers - je pense que vous avez compris, monsieur Delong (rires sur les travées socialistes) ou, à partir de 1999, les 400 millions de francs pour financer la seule déduction fiscale en faveur des agriculteurs concernés par le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole, c'est-à-dire les plus importants, ou encore les 100 millions de francs pour les véhicules de société, ou enfin lorsqu'il a fallu trouver les sommes nécessaires pour créer de nouvelles niches fiscales, de manière à réduire le montant des impôts de plus de 50 000 francs, et parfois jusqu'à 200 000 francs. Non ! là, les impératifs budgétaires n'existaient plus !
De surcroît, je rappellerai que nos amendement étaient gagés par des augmentations d'impôt équivalentes permettant de rétablir un certain équilibre dans la contribution fiscale des différents agents économiques et de supprimer certaines aides fiscales fort coûteuses et sans réel intérêt pour l'emploi ou la croissance. Il y a manifestement et réellement deux approches de la fiscalité, et je me félicite que ce débat qui nous a réunis pendant plusieurs semaines ait permis de les mettre au jour, et ainsi d'éclairer nos compatriotes.
Et, comme une cerise sur le gâteau, illustrant de la meilleure manière ce que je viens de dire, est intervenue le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune. (Ah ! sur les travées des Républicainis et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Josselin de Rohan. C'est une idée socialiste !
M. René Régnault. C'est cela, monsieur de Rohan, ce sont les élus socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat qui ont plafonné le montant de l'ISF pour les mille familles les plus concernées ! (Rires sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Là, nous avons vu - et nous le voyons encore ce soir - le vrai visage de la majorité...
M. Jean-Pierre Camoin. Vous avez des trous de mémoire !
M. René Régnault. ... et aussi la vraie signification de votre politique fiscale, messieurs les ministres. (Applaudissements prolongés sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendant, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Josselin de Rohan. L'ISF ? C'est vous qui l'avez créé !
M. Jean-Louis Carrère. Cela les gêne !
M. René Régnault. Eh oui, cela les gêne !
Sans un regard pour la réalité sociale de notre pays, vous avez osé défendre les mille plus grosses fortunes de notre pays, allant même jusqu'à les plaindre,...
M. Josselin de Rohan. Mais c'est vous qui l'avez fait !
M. René Régnault. ... alors que, dans le même temps, vous refusiez aux moins favorisés des allégements de leur taxe d'habitation ou encore de frais de scolarité, et je pourrais poursuivre l'énumération. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. René Régnault. Artificiel, injuste, votre projet de budget est également inadapté.
Si je reprends les termes qu'a utilisés dans ce projet de budget M. le ministre de l'économie et des finances, je lis « notre cadre macroéconomique est sain » et, plus loin que « plusieurs signes de reprise apparaissent clairement ».
En conséquence, le Gouvernement prévoit une accélération de la croissance en 1997, dont le taux atteindrait 2,3 %, et des créations d'emploi comprises entre 160 000 et 190 000. Nous voudrions y croire !
A lire cette présentation, on ne peut qu'admirer la méthode du Gouvernement - la méthode Coué ! - ou se demander si vous parlez bien de la France !
M. René-Pierre Signé. Mais non !
M. René Régnault. En effet, un simple regard sur l'évolution de la croissance depuis début 1995 montre que notre pays est en situation quasi récessionniste depuis l'arrivée de M. Chirac.
M. Gérard Miquel. Bien sûr !
M. René Régnault. Croissance trimestrielle moyenne depuis le deuxième trimestre 1995 : plus 0,1 point ! Difficile de ne pas lier cette évolution à la politique économique et fiscale des gouvernements Balladur et Juppé, qui, en faisant subir aux ménages un choc fiscal par deux fois en quatre ans, ont clairement cassé la croissance en amputant le pouvoir d'achat des Français, notamment des plus modestes. Et le cercle vicieux a été aggravé : une consommation faible entraîne l'atonie de la production et des investissements des entreprises, ce qui implique une hausse du chômage, une aggravation des déficits et une consommation faible !
Or les prévisions de croissance sont malheureusement loin d'être optimistes. La moyenne des prévisions est de seulement 2 %, avec une augmentation du chômage de 120 000 unités. Telle est la réalité.
M. Bernard Barbier. Non !
M. René Régnault. Et, dans ce contexte, ce projet de budget apparaît totalement en déphasage. Plutôt que de réduire des dépenses inutiles et coûteuses, comme les vaines aides aux entreprises qui augmentent encore de 25 %, le Gouvernement s'est lancé dans une réduction comptable des dépenses, notamment sur les investissements, qui se réduisent de 15 %, et sur des dépenses utiles ou à fort potentiel d'emploi.
Plutôt que d'annuler ces chocs fiscaux, vous nous faites une réformette fiscale concentrée sur les impositions des plus aisés. Une étude de l'OFCE chiffre d'ailleurs à 49 000 la réduction du chômage obtenue par cette réforme.
M. Jacques Delong. Dépêchons !
M. René Régnault. Seule une amélioration concrète de leur pouvoir d'achat pourrait inciter les Français à consommer, ce qui nécessite une action sur les salaires et, au plan fiscal, sur les prélèvements les plus lourdement ressentis et les plus injustes, à savoir les impositions locales et la TVA.
Ce budget va donc aggraver les tendances récessionnistes de notre économie, sans réellement réduire les déficits. Comme je l'avais dit en introduction, si ce budget est historique, c'est en ce qu'il persévère dans une voie inadaptée aux difficultés de notre économie et de notre société.
Les Français l'ont compris : ils sont aujourd'hui massivement, unanimement presque, opposés à votre politique. Une nouvelle appréciation de la politique est d'ailleurs en train de naître.
Certes, on ne gouverne pas pour être populaire, mais quelle drôle d'appréciation de la volonté des Français, quel mépris même !
Quand la quasi-unanimité d'un pays s'oppose à une politique, il faudrait peut-être se poser quelques questions. Quand le chômage, la précarité, la désespérance deviennent le lot quotidien de millions de personnes, il faudrait peut-être un peu les écouter et mieux les comprendre.
M. André Rouvière. Bien sûr !
M. René Régnault. Pourtant, le Président de la République va une nouvelle fois, jeudi soir, renouveler sa confiance dans cette politique, comme il l'a déjà répété de très loin, il y a quelques jours, je veux dire de Tokyo.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Régnault.
M. René Régnault. Il y a peut-être une nouveauté, la flexibilité, nouvelle frontière de la droite conservatrice et libérale.
Aux nouveaux partisans de cette vieille lune libérale, je propose un voyage d'études aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Dans ce dernier pays, il n'y a plus de salaire minimum, la durée hebdomadaire du travail n'est pas réglementée, un chômeur ne perçoit que 281 francs par semaine, les contrats à durée déterminée sont sans limites. Résultat, ce que M. Chirac appelle la fracture sociale se creuse dans des proportions énormes puisque les personnes au plus bas de l'échelle voient leur revenu diminuer sans cesse.
Une autre politique est possible, nous sommes en train de la présenter aux Français, qui ne l'accueillent d'ailleurs pas si mal, ce qui justifie votre fureur. Nous l'avons en partie illustré dans ce débat. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Cela me conduit à vous confirmer notre opposition résolue au projet de budget qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous parvenons aujourd'hui au terme d'une discussion budgétaire qui, de tradition marathonienne, a pris cette année des allures sprinteuses !
Je souhaiterais, avant toute chose, rappeler notre désaccord sur la réduction importante - près de quarante heures - du débat sur les crédits de la loi de finances. Cette réduction du temps de parole s'est accompagnée d'une diminution du nombre des jours de discussion, ce qui a entraîné de mauvaises conditions de travail non seulement pour les sénateurs, mais aussi pour les personnels. L'important, mes chers collègues, ce n'est pas de se coucher de bonne heure, c'est de travailler dans de bonnes conditions !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Ivan Renar. Nous n'acceptons pas une telle évolution, car elle marque une volonté d'éluder le débat sur les dépenses publiques qui, cette année précisément, subissent de multiples coupes claires ou sombres, c'est selon !
La session unique, entrée en vigueur depuis un an, aurait, bien au contraire, dû permettre un approfondissement des débats et une amélioration du contrôle de l'action gouvernementale en matière de finances publiques.
Au bout du compte, les sénateurs disposent d'un temps plus court pour s'exprimer et le pouvoir d'intervention du Parlement est toujours aussi faible, le projet de budget sortant du Parlement dans le même état, ou presque, qu'il y est entré.
Ce budget, comme l'a indiqué M. Arthuis à l'Assemblée nationale, est, pour le Gouvernement, « un budget historique ».
Il est historique en effet, car il est marqué par la volonté obsessionnelle de passer à la monnaie unique, quelles que soient les conséquences pour les peuples qui composent l'Union européenne.
L'objectif est clairement affiché : il faut entrer, coûte que coûte, dans le corset des critères de convergence imposés pour la mise en place future de l'euro.
C'est cette obsession de la monnaie unique qui entraîne la réduction drastique de nombreux budgets et la suppression de milliers d'emplois dans la fonction publique.
La liste de l'austérité est longue. Il faut tout particulièrement rappeler que le budget de la santé est diminué de 8 milliards de francs et celui de l'industrie de 14 milliards de francs.
Il faut rappeler également que le budget de la culture perd 2,9 %. Je souhaite, à cette occasion, saluer le large mouvement des travailleurs intermittents du spectacle - comédiens et techniciens - qui luttent pour le maintien de leur indemnisation.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Ivan Renar. A l'heure où l'on honore André Malraux et son oeuvre, j'estime que le Gouvernement doit intervenir pour obtenir de M. Gandois et du patronat le maintien de ces acquis nécessaires à la vie culturelle de notre pays.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. Ivan Renar. Il apparaît nécessaire aussi de maintenir l'abattement fiscal des artistes, abattement sacrifié sur l'autel de la monnaie unique.
Il faut rappeler encore la suppression de 5 000 postes d'enseignants du primaire et du secondaire.
Vous le savez, mes chers collègues, les économies d'aujourd'hui sur l'investissement de matière grise sont les gâchis de demain, en particulier pour la jeunesse de notre pays.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Ivan Renar. Ces quelques orientations, et je pourrais en citer d'autres, sont contraires à l'intérêt national, aux besoins des populations.
Alors que les progrès scientifiques créent de nouveaux besoins et de nouvelles exigences en matière de santé, est-il logique de réduire les crédits de la santé ?
Alors que la crise du logement est si dure pour des dizaines de milliers de sans-logis, est-il logique de sacrifier le logement social comme le Gouvernement l'entreprend ?
Alors que l'évolution technologique, si porteuse d'avenir, s'accélère, est-il logique d'amputer les moyens d'un pilier essentiel de la formation, l'école ?
Alors que les créations d'emplois sont une priorité nationale, comme l'a dit M. le rapporteur général il y a un instant, est-il logique de restreindre le potentiel d'intervention de l'Etat en matière industrielle ?
Messieurs les ministres, votre Gouvernement et la majorité qui le soutient rejette l'idée d'un Etat véritable initiateur de la relance économique.
Il y a une logique de fond dans l'action du Gouvernement, mais ce n'est pas la logique de l'intérêt national, c'est la logique de l'ultralibéralisme qui prévaut à Bruxelles, la logique de la finance qui sacrifie l'homme au nom du sacro-saint profit.
C'est le dogmatisme du peu, c'est l'obsession de la réduction des dépenses publiques qui a ouvert une véritable chasse à ce que j'appellerai des acquis fiscaux, qui sont autant d'acquis sociaux.
Ainsi, les célibataires, les divorcés et même les futures mères ont-ils perdu les exonérations fiscales dont ils bénéficiaient. Il s'en est d'ailleurs fallu de peu que le RMI ne soit soumis aux conditions de ressources des ascendants.
Dans un autre domaine, la mise en cause de l'abattement fiscal des journalistes ainsi que d'autres professions est également d'inspiration maastrichienne.
La suppression de cet abattement, même si le Sénat a voté - ce dont je me félicite - une augmentation des aides à la presse, porte un coup grave à la presse écrite et peut mettre en péril l'existence de certains journaux, donc de toute une partie de la vitalité démocratique.
On nous dit que la levée de ces différentes exonérations aurait pour objet l'égalité devant l'impôt et s'inscrirait dans le cadre de cette réforme tant vantée, visant à rendre la fiscalité plus juste. Une telle argumentation n'est pas recevable.
Non seulement l'inégalité devant l'impôt perdure, mais elle se renforce avec ce projet de loi de finances pour 1997.
Les 200 000 foyers fiscaux les plus privilégiés bénéficieront, dès l'an prochain, du quart du produit de la baisse de l'impôt sur le revenu ?
M. Michel Charasse. C'est exact !
M. Ivan Renar. Comme nous l'avons déjà indiqué au cours de cette discussion, nous estimons que cette réforme fiscale tourne à l'imposture, puisque la part des impôts indirects dans les recettes fiscales progresse encore, puisque la CSG est encore une fois augmentée et la CRDS maintenue.
Comment passer sous silence l'alourdissement des impôts locaux qui pèseront sur les contribuables de manière inégalitaire. Il témoigne des difficultés croissantes des collectivités locales qui sont amenées à supporter toujours plus le poids de la crise et les transferts de charges qui l'accompagnent.
M. Michel Charasse. Il faut faire la révision des bases !
M. Ivan Renar. Cette réforme fiscale tourne aussi au déni de justice sociale quand on constate que la majorité sénatoriale, non contente d'approuver le renforcement de l'austérité, non contente de voter, comme je l'ai déjà indiqué, la suppression de mesures favorables à ces grands privilégiés que sont les accidentés du travail ou les futures mères, la majorité, donc, a proposé d'alléger l'ISF pour les 1 000 fortunes les plus importantes du pays.
Cette mesure est contraire à l'idée même de solidarité nationale.
Dans le contexte de restriction, où l'on ne jure plus que par les mots assainissement, réduction, économie, il est pour le moins paradoxal, voire indécent, de favoriser des personnes qui, elles, sont véritablement privilégiées.
J'en apporte la preuve, les 400 plus grosses fortunes possèdent un capital de 380 milliards de francs, ce qui représente 30 % du budget de l'Etat.
Comme le disait à juste titre Victor Hugo : « Le tout des uns se compose du rien des autres. »
Ces quelques chiffres démontrent que l'urgent ce n'est pas d'alléger, mais c'est bien de faire participer ces capitaux à l'effort national.
Nous avions déposé un certain nombre d'amendements en ce sens. Augmentation du barème, imposition des oeuvres d'art au-delà d'un certain seuil, taxation des biens professionnels les plus importants toutes nos propositions ont été repoussées sans hésitation par la majorité sénatoriale. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Heureusement !
M. Ivan Renar A l'occasion de la discussion générale et du débat sur l'article concerné, nous avons développé avec la vigueur nécessaire nos arguments. Nous avons pu déjà déceler une certaine gêne sur les bancs de la majorité. J'ai même vu plus que des rougeurs ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Cette gêne s'est transformée en hostilité franche de la part des députés de la majorité parlementaire.
Ces derniers, vous le savez bien, effrayés par la perspective des élections législatives de 1998, ont bien perçu le caractère provocateur de l'amendement sénatorial et souhaitaient, pour une bonne part d'entre eux, en demander la suppression.
M. Michel Charasse. Elections obligent !
M. Ivan Renar. Ce n'est cependant pas avec une grande surprise que nous avons appris, cet après-midi, l'approbation par le groupe de l'UDF et le bureau du groupe du RPR de l'amendement sénatorial. La raison du plus fort - du plus riche, devrais-je dire - s'impose donc. La majorité devra maintenant s'expliquer devant l'immense majorité des Français qui souffrent des inégalités croissantes.
Nous souhaitons donc - et nous agirons en ce sens, même si notre participation est limitée - que la commission mixte paritaire qui va se réunir supprime l'article concerné. Chacun sera placé devant ses responsabilités.
Ce budget, messieurs les ministres, mes chers collègues, est un véritable budget de fracture sociale. Pas un pan de l'activité nationale n'est à l'abri des contraintes de la mise en place de la monnaie unique qui, je le rappelle, n'a pour objectif essentiel que de doter les puissances financières européennes, principalement allemandes, d'un instrument de spéculation pour s'opposer à l'influence du yen et du dollar.
En 1992, nous affirmions que l'Europe de Maastricht était une Europe qui se construisait contre les peuples et le budget dont nous achevons l'examen aujourd'hui en apporte la preuve.
Et si le groupe communiste républicain et citoyen avait raison ? Quand j'entends un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, je ne suis pas loin de le penser. Il est vraiment temps d'essayer autre chose !
Les Françaises et les Français doivent pouvoir se prononcer aujourd'hui, en connaissance de cause, sur la future monnaie unique comme s'y était engagé M. Chirac, alors candidat à l'élection présidentielle, le 6 novembre 1994. (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Il n'est pas possible de continuer à accepter que des décisions importantes, par exemple l'instauration d'un pacte de stabilité sous contrôle allemand de fait, soient décidées sans l'intervention démocratique et citoyenne.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Ivan Renar. Ce pacte de stabilité qui dépasse même la portée de Maastricht prévoit un mécanisme de sanction pour les pays qui dépasseraient les seuils de déficit autorisé.
Notre peuple doit pouvoir se prononcer sur de telles décisions, qui mettent en cause son destin, qui portent atteinte à l'organisation économique et sociale du pays, puisque, par exemple, la spécificité française en matière de service public est directement mise en cause par Maastricht.
Le Président de la République doit donc organiser un référendum, comme il l'a promis, et nous espérons qu'il l'annoncera jeudi soir.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc contre ce projet de loi de finances pour 1997 qui, au nom de Maastricht, tourne le dos à toute idée de relance pour engager, enfin, une lutte déterminée pour le plein emploi, pour le développement industriel et agricole.
Nous voterons contre ce projet qui ne répond en rien à cette attente de plus en plus majoritaire dans l'opinion publique, d'une autre politique, qui place au coeur des exigences de notre société non plus l'argent, mais l'homme et sa famille.
Cela me permet, mes chers collègues, en conclusion de donner un coup de chapeau et d'adresser un grand merci à Mmes et MM. les fonctionnaires du Sénat qui nous ont permis de travailler dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le moment est venu de porter un jugement objectif sur le projet de loi de finances pour 1997, à la lumière des débats du Sénat. Ces débats ont certes été encadrés dans le temps, mais efficacement, et je crois que la nouvelle formule qui a été employée, si elle pouvait susciter quelques craintes, justifie pleinement son efficacité. Il me semble que tous ont pu s'exprimer, même s'il a fallu prendre quelques précautions pour limiter les temps de parole.
Les principes généraux de ce budget ne laissent pas indifférent. En effet, le Gouvernement instaure une politique de réduction réelle des dépenses publiques avec l'étalement sur une année supplémentaire des programmes quinquennaux.
De plus, la loi de finances pour 1997 s'attaque avec détermination aux déficiences de notre politique économique et financière : déficit budgétaire négligé pendant de nombreuses années, endettement croissant, services publics et entreprises nationalisées déficitaires et nécessitant de sérieuses recapitalisations. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que les crédits des différents ministères connaissent une décroissance plus ou moins significative. A dire vrai, les orientations définies répondent, à mon sens, aux exigences de la situation. Elles devraient conduire à l'assainissement de notre économie, préalable à la reprise de la croissance tant espérée.
Ce budget pour 1997 limitera le déficit à 284,9 milliards de francs, soit 3,4 % du PIB ou, plus exactement, 3 % selon la comptabilité européenne, qui prend en compte le concours financier exceptionnel de France Télécom. Ce point de vue a été discuté, c'est vrai, par nos partenaires de l'Union européenne, mais il a finalement été reconnu comme sincère et véritable.
Mes chers collègues, la cadence de réduction du déficit public est donc respectée : celui-ci décroît de 5 % en 1995 à 4 % en 1996, puis à 3 % pour 1997. Ces chiffres sont encourageants, mais il conviendra ensuite de maintenir le cap de la bonne gestion. Les perspectives budgétaires devront être respectueuses du pacte de stabilité voulu par l'Union européenne, avec des déficits publics inférieurs à 3 % du PIB, à l'avenir.
L'effort doit donc être poursuivi. C'est une affaire de bon sens et d'honnêteté vis-à-vis de nos partenaires.
De plus, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé de baisser, dès 1997, l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Une telle diminution coûtera à l'Etat 25 milliards de francs pour l'année prochaine et 75 milliards de francs jusqu'en 2001. Elle aboutira à une modification profonde du barème de l'impôt sur le revenu, l'éventail des taux, qui va actuellement de 12 % à 56,8 % - ce dernier taux étant le plus fort d'Europe - passant, en 2001, de 7 % à 47 %.
Parallèlement, un million et demi de foyers supplémentaires ne seront pas imposables, ce qui portera à près de la moitié la proportion des foyers fiscaux français qui ne seront pas imposés sur le revenu.
La difficulté réside dans la lisibilité de cette mesure en raison des besoins de financement de la protection sociale. Qui peut nier aujourd'hui que les nouvelles cotisations sociales, véritables taxes fiscales prélevées sur l'ensemble des revenus des ménages, rongent et réduisent plus encore les moyens financiers de nos concitoyens ? Le remboursement de la dette sociale et la contribution sociale généralisée élargie et majorée, avec la déductibilité de la seule tranche à 1 %, illustrent parfaitement le caractère additionnel les faisant apparaître comme un « impôt sur le revenu bis ».
Il faudrait trouver une solution, car cette surimposition exigerait une baisse beaucoup plus significative de l'impôt sur le revenu. Mais la manoeuvre est impossible, car la nécessité de limiter le déficit budgétaire demeure prioritaire.
Aussi, mes chers collègues, nous sommes bien forcés de reconnaître que la révolution libérale américaine, mise en application par Ronald Reagan sur les conseils de Milton Friedman et qui consistait à réformer en profondeur l'impôt sur le revenu et à l'amenuiser considérablement n'est guère possible dans notre pays. D'une part, elle irait à l'encontre de la psychologie sociale française. D'autre part, elle n'aboutirait de façon efficace que dans un contexte de budget à déficit volontairement non maîtrisé. Ce fut le cas aux Etats-Unis lors de la grande réforme de l' income tax de 1980 à 1984.
C'est pourquoi la seule voie à suivre, pour éviter à chacun de nos concitoyens assujettis à l'impôt sur le revenu les effets pervers additionnels, réside dans la déductibilité du revenu non imposable de la totalité de la contribution sociale généralisée.
Tel devrait être l'objectif du Gouvernement en vue de l'élaboration du projet de loi de finances pour 1998. A défaut d'une telle mesure, la démarche de diminution de l'impôt sur le revenu risque d'être ni efficace ni évidente tant pour les ménages, principaux acteurs de la consommation en France, que pour les investisseurs, créateurs d'emplois et de richesses.
La baisse de l'impôt sur le revenu, élément précurseur d'une réforme fiscale plus complète, à concevoir et à réaliser avec réflexion, doit-elle comporter la disparition des abattements exceptionnels souvent dénommés « niches fiscales » ? La majorité de l'Assemblée nationale et du Sénat a tranché, reconnaissant le caractère inéluctable de la mesure inscrite à l'article 61 du présent projet de loi de finances.
Cependant, cette question a divisé les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. Il ne faudrait pas que le processus engagé conduise certaines catégories socioprofessionnelles à payer plus d'impôts alors même que les taux de l'IRPP vont baisser. Le Sénat, et particulièrement sa commission des finances, a longuement réfléchi à cette difficulté en pensant tout particulièrement aux journalistes, qui bénéficient depuis 1934 d'un abattement de 30 % sur leurs revenus.
Quelle réponse peut-on apporter à l'anxiété légitime de certains ?
Il faut contrôler les conséquences de la conjonction entre l'article 61 et la diminution de l'impôt sur le revenu. C'est la voie dans laquelle a souhaité s'engager la majorité du groupe.
Observons que la suppression de l'abattement de 30 % ne sera appliquée qu'à partir de 1998, c'est-à-dire aux revenus de 1997. Au 1er janvier prochain, la possibilité d'opter pour l'imposition au réel peut être envisagée. Pour ceux qui désirent rester au forfait, le Gouvernement, si j'ai bien compris, s'engage, par la création d'un fonds spécifique pour les journalistes, à procéder aux corrections qu'appellerait l'application de la réforme.
Pour conclure, mes chers collègues, rappelons que la France, parmi les pays industrialisés, détient le record du chômage et des prélèvements obligatoires. Triste et troublant rapprochement, plus troublant encore si l'on établit une comparaison avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Les charges sociales excessives, l'économie administrée, la fiscalité confiscatoire, peu compréhensible et versatile, pèsent toujours trop au détriment de la liberté d'entreprendre et de l'économie de marché. La France se trouve face à un véritable choix de société.
Cessons de réglementer, cessons de soutenir par des aides artificielles et libérons les énergies ! Voilà bien la voie dans laquelle doit s'engager le Gouvernement et tel est bien le sens de sa réforme, marquée par le début de la baisse de l'impôt sur le revenu.
Il me faut reconnaître les efforts du Gouvernement. Il réalise un profond changement dans la politique budgétaire dès 1997, en procédant à une réduction des dépenses publiques, à une limitation du déficit, en contenant la dette et en entreprenant une décroissance de l'impôt sur le revenu.
Dans ces conditions, les membres de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique social et européen émettront un vote positif sur le projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances présente une grande originalité : c'est, en effet, la première fois, depuis des décennies que le Parlement doit se prononcer sur un budget qui marque une réduction des dépenses publiques par rapport à l'année précédente.
C'est une première constatation et une première satisfaction relative.
La deuxième satisfaction tient à la réduction des déficits budgétaires. Pas de tous, certes, car l'équilibre des régimes sociaux, par exemple, est loin d'être assuré, et le déficit pour ce chapitre atteint encore 30 milliards de francs, mais c'est toutefois moins que précédemment.
Le troisième motif de satisfaction concerne la baisse des prélèvements obligatoires. Celle-ci n'est pas encore assez poussée, mais elle est nettement amorcée, ce qui est bien, car trop de nos concitoyens sont encore étouffés non seulement par le poids des impôts, mais aussi par la lourdeur des contributions automatiques auxquelles ils sont astreints. Soulignons à cet égard l'effort considérable consenti pour la réduction des cotisations sociales sur les bas salaires.
Le quatrième motif de satisfaction consiste en la baisse de l'impôt sur le revenu. On n'en est encore qu'aux ébauches, cependant la diminution de l'impôt sur le revenu est programmée sur une période de cinq ans, et, dès 1997, on verra, sous certaines conditions, régresser le taux de la taxe sur les sociétés applicable aux petites et moyennes entreprises.
Réduction des dépenses, réduction du déficit, réduction des prélèvements obligatoires, réduction des impôts : ce sont bien les quatre objectifs qui avaient été annoncés dès l'abord par MM. les ministres et dont la commission des finances a souligné la pertinence.
A cet égard, je dois, au passage, rendre hommage au président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, à notre excellent rapporteur général, M. Alain Lambert, qui n'a pas cessé d'éclairer pour nous un labyrinthe parfois obscur ou, en tout cas, assorti de nombreux détours.
Nous comprenons aussi la voie suivie par le Gouvernement, mais reconnaissons que cette voie est bien douloureuse à maints égards. Nous ne l'avons que trop constaté à l'occasion de l'examen de chaque budget.
La politique de rigueur et d'économie a évidemment entraîné bien des suppressions et bien des sacrifices ! Bon nombre de ministères ont vu leur capacité d'agir, d'investir, considérablement réduite.
Les crédits d'investissement public sont les plus touchés : ils ont même atteint une limite au-dessous de laquelle on ne peut descendre, me semble-t-il. Certains budgets ont été frappés de coupes sans précédent. Toutefois, il est vrai aussi qu'en dépit de l'austérité quelques-uns ont même bénéficié d'augmentations sensibles, comme par exemple celui de l'éducation nationale, qui atteint le chiffre record de 277 milliards de francs rien que pour l'enseignement scolaire.
Cependant, il est important - et je me permets de vous livrer à cet égard une remarque très pressante, messieurs les ministres - que ces crédits que nous allons voter soient, comme la loi normalement y oblige, effectivement mis à la disposition des différents ministères. Rien n'est plus désagréable que ces « gels » qui interviennent en cours d'années et qui deviennent plus tard des annulations. Des programmes commencés doivent être interrompus ; des accords conclus ne peuvent être respectés ; des contrats ne sont pas honorés, des promesses ne sont pas tenues. Cela est extrêmement désagréable particulièrement vis-à-vis de l'étranger, quand il s'agit de contrats passés avec des gouvernements par exemple.
Cette pratique dite abusivement de « régulation budgétaire » n'a pas commencé avec vous, monsieur le ministre. Les gouvernements précédents, quels qu'ils soient, l'ont également suivie, et ce depuis sept ou huit ans.
Vraiment, il vaut mieux ne prévoir que les crédits dont on pourra disposer plutôt que de devoir supprimer d'un seul coup, en cours d'année, des centaines de millions de francs, ce qui rend toute gestion impossible.
Dans la discussion budgétaire que nous venons d'achever, plusieurs mesures, je dois le dire, ont paru inopportunes à un certain nombre de nos collègues. C'est, par exemple, le cas des nouvelles dispositions relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune figurant à l'article 13, ou de l'augmentation de la TVA, même si l'on nous assure qu'elle ne sera que temporaire, ou des dispositions figurant à l'article 62 sur lequel nous avons passé hier plus de deux heures de débat. Sur ces problèmes, des divergences se sont manifestées au sein de notre groupe ; nous nous en sommes expliqués au passage.
Il en a été de même pour la contribution financière de la France aux Communautés européennes, inscrite au fameux article 32. Alors que nous sommes obligés d'appliquer tant de rigueur à l'intérieur de nos frontières, il a paru insupportable à certains de nos collègues de voir que nous aurions à verser, avec un certain laxisme et sans contrôle réel, près de 90 milliards aux organismes de Bruxelles.
Pour ces diverses raisons, messieurs les ministres, mes chers collègues, un ou deux de nos collègues ne voteront pas l'ensemble de ce projet de budget. Toutefois, la grande majorité des non-inscrits, reconnaissant les efforts accomplis par le Gouvernement pour faire face à une situation extrêmement difficile, votera le projet de loi de finances pour 1997, convaincus que, dans les circonstances actuelles, il trace le seul chemin que peut suivre la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le droit-fil de la nouvelle formule que nous avons inaugurée avec la discussion de ce budget, je me dois de montrer l'exemple et de réduire volontairement mon temps de parole (Sourires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste) , d'autant que, passant en septième position, je n'ai pas le sentiment de pouvoir apporter de grandes surprises.
M. Jean-Louis Carrère. Le meilleur pour la fin ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Merci !
Tout a été dit, et fort bien dit. La majorité approuve et l'opposition s'oppose. Par conséquent, il me semble que, dans ce raccourci, les positions des uns et des autres sont connues.
Comme l'ont fait les orateurs qui m'ont précédé, je voudrais adresser toute ma gratitude à ceux qui nous ont permis de cheminer au fil de ces jours d'une façon tout à fait acceptable : le président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, le rapporteur général, M. Alain Lambert,...
M. Jean-Louis Carrère. Et voilà les violons ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. ... les présidents des autres commissions, tous les rapporteurs.
Je voudrais également remercier M. Arthuis, ministre de l'économie et des finances, et M. Lamassoure, ministre délégué au budget, ainsi que M. le ministre des relations avec le Parlement. Vous avez essayé les uns et les autres de nous expliquer clairement quelles étaient les contraintes de votre politique et, naturellement, de nous montrer qu'elles étaient inéluctables. Je crois que nous y avons été très sensibles.
Je tiens à remercier aussi les vice-présidents du Sénat qui, avec une amicale autorité, ont su donner la parole aux uns et aux autres, ainsi que l'ensemble du personnel de cette maison.
Nous n'avons pas, au fil de la discussion, ménagé notre soutien au Gouvernement. Nous considérons en effet que bien peu avant lui avaient osé affronter le problème de nos déficits et de nos dépenses.
La France ne pouvait continuer à vivre au-dessus de ses moyens sans hypothéquer durablement son avenir et sa place en Europe.
L'évolution de nos dépenses aurait dû imposer naguère une gestion plus rigoureuse. Depuis de très nombreuses années, les dépenses augmentaient en moyenne de plus de 5 % par an. Il était donc grand temps de mettre un terme à cette escalade périlleuse, et nous devons saluer la détermination du Gouvernement, qui a réussi la performance de présenter un budget équivalent à celui de l'an passé.
Ces efforts d'économies, toujours douloureux, n'ont pourtant pas été appliqués aveuglément puisque les budget de la justice, de l'éducation nationale, de la recherche et de l'emploi augmenteront en 1997.
Je note aussi que, cette année, un traitement acceptable a été réservé aux collectivités locales.
M. René-Pierre Signé. Tout juste acceptable !
M. Henri de Raincourt. Je crois être honnête en disant cela.
La maîtrise des dépenses publiques ne saurait toutefois, à elle seule, permettre de relancer le moteur de l'économie. Le Gouvernement l'a bien compris. C'est pourquoi il a pris l'engagement d'orienter la fiscalité en adaptant l'impôt aux réalités économiques du monde moderne.
Equilibre du budget, dépenses contenues, allégement des prélèvements se traduisent par des chiffres. Mais, derrière les chiffres, il y a la réalité des hommes et des femmes, de nos entreprises, et l'une des difficultés de la tâche consiste à expliquer à nos compatriotes que ces chiffres traduisent une réelle volonté de redonner à notre pays de l'oxygène...
M. René-Pierre Signé. Vous vous y prenez mal, monsieur de Raincourt !
Un sénateur socialiste. C'est du gaz carbonique !
M. Henri de Raincourt. ... pour qu'il puisse retrouver vigueur et force afin d'affronter l'avenir dans les meilleures conditions possibles et, surtout, préparer les jeunes générations à le faire.
Il nous appartient d'aider le Gouvernement à démontrer la pertinence de ce projet de loi de finances pour 1997.
Un sénateur socialiste. Eh bien, bon courage !
M. Henri de Raincourt. Mais nous n'en manquons pas !
C'est à nous d'essayer d'encourager nos compatriotes en leur rappelant ce que, trop souvent, on dissimule : le formidable potentiel de notre nation, son génie inventif, les prouesses de sa technologie.
M. Josselin de Rohan. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. On insiste beaucoup, et on a raison de le faire, sur ce qui ne va pas ; mais on doit, dans un souci d'équilibre et d'honnêteté, porter aussi les feux sur ce qui va bien dans notre pays (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE) et reconnaître l'immense valeur de celles et ceux qui font « tourner » notre pays dans les différents secteurs.
Ainsi, nous contribuerons à lever les contraintes, à dissiper les doutes et les hésitations d'un certain nombre de nos compatriotes, en sachant, comme vous le disiez, monsieur le rapporteur général, susciter à nouveau l'audace. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Messieurs les ministres, c'est un budget de redressement sincère que vous nous présentez.
Sous l'autorité du Premier ministre, vous nous rappelez, avec courage, que gouverner, ce n'est pas séduire momentanément, mais c'est conduire une politique pour l'avenir. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Le Gouvernement actuel, c'est son honneur, et nous le soutenons aussi pour cette raison, s'efforce de réduire les déficits, de payer la dette accumulée et de maîtriser les dépenses.
M. Jacques Mahéas. Il n'y a plus de Gouvernement ! C'est la déroute !
M. Henri de Raincourt. C'est une tâche ingrate dont mon groupe mesure la difficulté.
Les sénateurs républicains et indépendants approuvent la politique mise en oeuvre par le Gouvernement...
M. Jean-Louis Carrère. Pas M. Giscard d'Estaing !
M. Henri de Raincourt. ... et voteront le projet de loi de finances pour 1997 sans hésitation ni état d'âme.. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Mes chers collègues, un budget peut-il être bon ? Existe-t-il des budgets justes ?
M. André Rouvière. Il y a des idées justes !
M. Henri de Raincourt. Chacun peut s'interroger selon sa sensibilité, et nous en avons encore ce soir une très vivante démonstration,...
M. René Régnault. C'est un cas d'école !
M. Henri de Raincourt. ... mais, à mes yeux, ce projet de loi de finances pour 1997 est vertueux et indispensable pour la France. Il représente un acte politique essentiel et positif, et vous verrez qu'il produira des effets que nos compatriotes sauront à l'évidence reconnaître. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons donc au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 1997.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas tout à fait !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Ceux qui se sont exprimés ce soir pour expliquer le vote de leur groupe ont manifesté leur autorité, leurs convictions, mais aussi leur ardeur et leur chaleur. Je crois que l'ambiance qui règne ce soir au sein de la Haute Assemblée est en soi un message de confiance et d'optimisme pour nos compatriotes.
Un sénateur socialiste. Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est vous dire si je suis heureux d'être parmi vous en cet instant.
La discussion s'est remarquablement déroulée, et je m'en réjouis, d'abord parce que vous avez adhéré à la stratégie budgétaire du Gouvernement.
M. Jacques Mahéas. Pas nous !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Le projet de budget qui vous a été présenté est le fruit de vos travaux puisque, pour la première fois, nous avons pu, dès le mois de mai, ouvrir un débat d'orientation budgétaire. Ce projet de budget a donc été fondé sur vos propres recommandations et prescriptions.
Nous avons, d'ores et déjà, à nous préparer au débat d'orientation budgétaire pour 1998.
Si cette discussion s'est remarquablement déroulée, c'est aussi parce que vous avez enrichi le débat fiscal. Je voudrais saluer ici la contribution du Sénat, qui a su éclairer le débat. Puis-je rappeler à quel point vous avez mis en évidence des enjeux essentiels, et, au premier chef, la nécessité d'adapter notre fiscalité à l'ouverture au monde de notre économie ?
A cet égard, le débat qui s'est déroulé dans cette enceinte a été d'une très haute tenue.
Je placerai sur le même plan la réflexion de votre commission des finances sur la taxe professionnelle. Son président a exprimé avec force une demande tendant à l'organisation d'un débat sur la taxe professionnelle, afin que nous puissions en alléger la charge pour les entreprises qui ont des effectifs particulièrement nombreux dans le secteur des industries manufacturières.
Dans le même ordre d'idée, je voudrais saluer la constance et la détermination du rapporteur général quant à une simplification de nos réglementations. Il a, en cette matière, formulé des propositions particulièrement prometteuses.
Je salue donc le travail ainsi accompli par le Sénat.
Enfin, notre discussion s'est remarquablement déroulée parce que...
Un sénateur socialiste. Elle a été courte !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... le Sénat a été financièrement responsable.
Je crois que le temps est fini où l'on considérait qu'un bon budget était un budget dont les dépenses progressaient.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Un bon budget est désormais un budget qui apporte la démonstration que nous sommes capables de réduire la dépense publique (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par rapport au projet de loi de finances issu des travaux de l'Assemblée nationale, le Sénat n'aura dégradé le déficit que de 86 millions de francs. Permettez-moi de saluer ce souci d'économie qui a caractérisé vos délibérations. Je tiens à vous en féliciter et à vous remercier. Je crois que, eu égard à la contrainte budgétaire que connaît notre pays, nous devrons être constamment inspirés par la responsabilité dont vous avez su faire preuve.
Le budget qu'une majorité d'entre vous s'apprête à voter concilie trois objectifs vitaux : le premier est de réduire la dépense publique ; le second, est de réduire le déficit public ; le troisième est d'alléger le poids de l'impôt.
M. Roland Courteau. Cela dépend pour qui !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est dire si ce budget est exemplaire pour assurer le redressement de la France et contribuer à l'emploi.
M. Félix Leyzour. C'est une autre affaire !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Ce qu'il faut maintenant, c'est que tous nos compatriotes se mobilisent.
Je confirme que, sur le plan macroéconomique, les indications sont encourageantes. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras. C'est le contraire !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Les hypothèses de croissance en 1997 seront de 2,3 %. Nous avons aujourd'hui un faisceau d'indications qui confirment ces bonnes perspectives (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.) A nous de mobiliser l'ensemble de nos compatriotes pour que 1997 soit une année de croissance et de reconquête de l'emploi.
Je voudrais du fond du coeur, m'exprimant aussi au nom de MM. Lamassoure et Romani, remercier la Haute Assemblée, son président, M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et tous les membres de la commission des finances.
Je crois que cette discussion a été particulièrement riche, particulièrement dense, particulièrement prometteuse.
C'est en effet un budget exemplaire, un budget essentiel pour le redressement que la majorité du Sénat va voter ce soir. C'est pourquoi le Gouvernement tient à vous exprimer toute sa gratitude.
Enfin, je veux saluer la capacité d'innovation dont le Sénat a su faire preuve. Pour réussir, nous avons besoin de réformes. Eh bien, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez remarquablement réussi la réforme de la discussion budgétaire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1997.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre K.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Le scrutin va rester ouvert encore quelques minutes pour permettre à ceux qui n'ont pas répondu à l'appel nominal de venir voter.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
MM. les secrétaires vont procéder au dépouillement.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 54:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages 156
Pour l'adoption 218
Contre 93

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

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