M. le président. « Art. 1er. - I. - Non modifié.
« II. - Le 2° de l'article 144 du code de procédure pénale est remplacé par un 2° et un 3° ainsi rédigés :
« 2° Lorsque cette détention est l'unique moyen de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;
« 3° Lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé, a provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 28 est déposé par Mme Borvo, M. Pagès, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous les deux tendent à supprimer le second alinéa (3°) du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le 2° de l'article 144 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 16 rectifié, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le second alinéa (3°) du texte présenté par le II de cet article, pour remplacer le 2° de l'article 144 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « et persistant ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai déjà défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Robert Pagès. Monsieur le garde des sceaux parlait lui-même de critères flous et vagues qui ne peuvent fonder la privation de liberté.
S'agissant de critères imprécis autorisant des abus éminemment subjectifs, nous proposons de supprimer le motif tiré de la nécessité de préserver l'ordre public en raison du trouble causé par l'infraction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily, rapporteur. La commission a examiné les amendements n°s 15 et 28 avec attention et elle a émis un avis défavorable car ils suppriment le trouble à l'ordre public comme critère de placement en détention provisoire. Or, dans l'hypothèse des crimes passionnels ou de la violation de sépulture, ce critère pourrait être utile.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement 16 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes pour la suppression du critère, non pas, je le rappelle, de « trouble à l'ordre public », mais de trouble « exceptionnel » à l'ordre public, et également de trouble « persistant » à l'ordre public, comme l'a prévu l'Assemblée nationale.
Le texte qui nous est proposé dispose qu'on peut placer une personne en détention provisoire « Lorsque l'infraction, en raison de sa gravité,..., a provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin. »
Si la détention est le seul moyen d'y mettre fin, c'est que, bien évidemment, le trouble persiste. Cela va de soi ! Il est donc tout à fait inutile de préciser qu'il est persistant.
En première lecture à l'Assemblée nationale, le rapporteur, M. Houillon, qui a proposé d'indiquer que le trouble doit être « exceptionnel et persistant », a prétendu reprendre une nombreuse jurisprudence de chambres d'accusation dans des cas « où la personne susceptible d'être mise en détention était appréhendée et mise en examen bien après les faits ».
Cette jurisprudence se justifiait dès lors que l'article 144 du code de procédure pénale évoquait la nécessité de la détention « pour préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction ». Il n'était pas alors spécifié que c'était pour y mettre fin.
Il était bien normal, lorsque l'on arrêtait quelqu'un longtemps après les faits, que la chambre d'accusation se posât la question de savoir si le trouble durait encore, sinon elle ne pouvait plus mettre l'intéressé en détention provisoire.
Mais dès lors qu'aujourd'hui, avec le texte nouveau, le trouble n'est pris en considération que lorsque la détention est le seul moyen, encore une fois, d'y mettre fin, par définition le trouble persiste. Il est donc tout à fait inutile d'alourdir le texte en le précisant. Voilà pourquoi nous demandons la suppression des mots « et persistant ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 16 rectifié ?
M. Georges Othily, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement. J'avais d'ailleurs moi-même fait part de mes interrogations dans mon rapport écrit sur la pertinence du terme « persistant ».
J'avais pensé qu'il aurait peut-être une utilité, non pour une décision de placement en détention, mais en cas de maintien en détention. L'exposé des motifs de l'amendement démontre bien, de manière convaincante, que cela n'est pas le même cas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je veux confirmer ce que j'ai déjà dit en première lecture, puisque nous avons déjà eu ce débat : je suis hostile aux deux amendements de suppression n°s 15 et 28, ainsi qu'à l'amendement n° 16 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vous ai donc pas convaincu, et vous persistez dans l'erreur !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 15 et 28, repoussés par la commision et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Franchement, c'est une question quasiment de forme !
Si nous nous battons, ce n'est pas par plaisir ! C'est simplement parce qu'il nous paraît être de notre devoir de législateur de rédiger des textes qui soient cohérents et non pas ridicules !
Or il est ridicule d'exiger l'existence d'un trouble exceptionnel et persistant et de préciser en même temps que la détention doit être le seul moyen d'y mettre fin ! Il est bien évident que le trouble est persistant, à défaut de quoi il serait inutile de mettre quelqu'un en prison pour y mettre fin !
M. le garde des sceaux prétend traiter notre amendement par le mépris en disant qu'il y est défavorable, sans préciser pourquoi ni comment. Je me permets d'insister auprès de nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, pour reconnaître, comme la commision l'a fait tout naturellement, elle qui s'est penchée sur ce problème, que notre observation était simplement juste.
M. Pierre Fauchon. C'est bien vrai !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié, accepté par la commision et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste également.
(L'article 1er est adopté.)

Article 2