M. le président. « Art. 7. - Les trois premiers alinéas de l'article 187-1 du code de procédure pénale sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre d'accusation ou, en cas d'empêchement, au magistrat qui le remplace d'examiner immédiatement son appel sans attendre l'audience de la chambre d'accusation. Cette demande doit, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre d'accusation. La personne mise en examen, son avocat ou le procureur de la République peut joindre toutes observations écrites à l'appui de la demande. A sa demande, l'avocat de la personne mise en examen présente oralement des observations devant le président de la chambre d'accusation ou le magistrat qui le remplace, lors d'une audience de cabinet dont est avisé le ministère public pour qu'il y prenne le cas échéant ses réquisitions, l'avocat ayant la parole en dernier.
« Le président de la chambre d'accusation ou le magistrat qui le remplace statue au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande, au vu des éléments du dossier de la procédure, par une ordonnance non motivée qui n'est pas susceptible de recours.
« Le président de la chambre d'accusation ou le magistrat qui le remplace peut, s'il estime que les conditions prévues par l'article 144 ne sont pas remplies, infirmer l'ordonnance du juge d'instruction et ordonner la remise en liberté de la personne. La chambre d'accusation est alors dessaisie.
« Dans le cas contraire, il doit renvoyer l'examen de l'appel à la chambre d'accusation.
« S'il infirme l'ordonnance du juge d'instruction, le président de la chambre d'accusation ou le magistrat qui le remplace peut ordonner le placement sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen.
« Si l'examen de l'appel est renvoyé à la chambre d'accusation, la décision est portée à la connaissance du procureur général. Elle est notifiée à la personne mise en examen par le greffe de l'établissement pénitentiaire qui peut, le cas échéant, recevoir le désistement d'appel de cette dernière. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 4 rectifié, M. Othily, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article 187-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 187-1. - En cas d'appel interjeté dans les vingt-quatre heures suivant une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen peut, dans le même délai, demander au président du tribunal de grande instance ou au magistrat qui le remplace de décider la suspension de l'exécution de cette ordonnance.
« Après avoir entendu les réquisitions du ministère public, les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat, le juge statue sans délai par une ordonnance qui n'est pas susceptible de recours.
« S'il estime que les conditions prévues par l'article 144 ne sont pas remplies, le juge ordonne la suspension de l'exécution de l'ordonnance ; il peut soumettre cette suspension au respect par la personne mise en examen d'une ou plusieurs des obligations énumérées à l'article 138. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 30, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés et tendant, après le 1er alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4 rectifié, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne mise en examen ou son avocat en fait la demande dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent en audience publique sauf si la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de l'information, aux intérêts des tiers, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. »
Par amendement n° 24, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le 1er alinéa du texte présenté par cet article pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 197-1 du code de procédure pénale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne mise en examen ou son avocat en fait la demande dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent en audience publique sauf si la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de l'information et aux intérêts des tiers. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4 rectifié.
M. Georges Othily, rapporteur. Il s'agit du référé-liberté, dont j'ai déjà largement parlé dans la discussion générale.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale se heurte à une objection fondamentale : investi d'un pouvoir de décision sur le fond, le président de la chambre d'accusation deviendrait un juge d'appel du juge d'instruction. On aboutirait ainsi au résultat, quelque peu paradoxal, de la suppression de la collégialité au niveau de l'appel.
Certes, cette collégialité serait théoriquement conservée dans l'hypothèse où le magistrat saisi confirmerait le mandat de dépôt, puisque l'appel serait alors soumis à la chambre d'accusation. Mais celle-ci serait inévitablement influencée par la décision préalable de son président qui, surtout si elle porte sur le fond du placement en détention et non plus sur son caractère manifestement infondé, conférerait au mandat de dépôt une présomption sérieuse, quasiment irréfragable, de légalité.
La solution de l'Assemblée nationale aboutirait ainsi à un changement de nature du référé-liberté qui aurait pour objet, non plus de faire déclarer l'appel suspensif, mais d'investir un magistrat unique, en l'occurrence le président de la chambre d'accusation, d'un pouvoir de décision sur le fond, et ce dans le cadre d'une procédure d'appel.
A cette objection de principe s'ajoutent deux inconvénients majeurs présentés par le texte de l'Assemblée nationale : d'abord, en conservant la compétence du président de la chambre d'accusation, l'Assemblée nationale rend pratiquement impossible la comparution personnelle de la personne visée par le mandat de dépôt ; ensuite, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif qui ne permet pas d'éviter le traumatisme de l'incarcération puisque, dans l'attente de la décision du magistrat, l'intéressé sera placé en détention.
Ces considérations rendaient nécessaires une réécriture de l'article 7 ; tel est l'objet de l'amendement n° 4.
La nouvelle rédaction proposée prend en compte les critiques avancées à l'encontre du dispositif adopté par le Sénat en première lecteur et préserve, contrairement au texte de l'Assemblée nationale, la compétence de la chambre d'accusation en appel.
La compétence en matière de référé-liberté serait confiée au président du tribunal ou à son remplaçant, qui pourrait donc entendre sans délai la personne mise en examen.
Ce magistrat ne réformerait pas la décision du juge d'instruction mais pourrait seulement décider la suspension de l'exécution du mandat de dépôt jusqu'à la décision de la chambre d'accusation. Celle-ci conserverait donc toute sa compétence en appel. Le président du tribunal prendrait, en effet, une mesure provisoire qui ne serait pas préjudiciable au fond.
Compte tenu des objections avancées à l'encontre du placement du demandeur dans un local spécifique dans l'attente de la décision sur le référé-liberté, la commission n'a pas repris le dernier alinéa du texte adopté par le Sénat en première lecture. En contrepartie, il convient d'exiger que le président du tribunal ou le magistrat qui le remplace statue sans délai, faute de quoi le référé-liberté ne permettrait pas d'éviter la mise sous écrou du demandeur dans l'attente de la décision.
Enfin, le juge du référé-liberté verrait, conformément au souhait de l'Assemblée nationale, sa compétence élargie au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire. Il ne serait donc plus placé face à l'alternative par trop réductrice : maintien en liberté ou mise en détention.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 30 et l'amendement n° 24.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit du débat préalable non plus devant le juge d'instruction, mais devant le président du tribunal de grande instance dès lors qu'un recours aura été déposé.
L'amendement - comme le sous-amendement - tend à rendre public le débat, sauf si le président du tribunal de grande instance estime que cela est de nature à nuire au bon déroulement de l'information, aux intérêts des tiers, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.
Jusqu'à présent, le référé-liberté consistait, pour le président de la chambre d'accusation, à éventuellement constater que le juge d'instruction avait manifestement violé les dispositions de la loi, qu'il n'avait pas le droit de placer quelqu'un en détention provisoire. C'était le seul pouvoir qu'il avait ! Ensuite, il revenait à la chambre d'accusation qui siège en formation collégiale de se prononcer sur le fond.
M. le garde des sceaux demande que l'on donne un pouvoir d'opportunité au président de la chambre d'accusation. Si ce dernier déclare le recours recevable, l'affaire ne vient plus devant la chambre d'accusation. En revanche, s'il le déclare irrecevable et décide que le prévenu doit demeurer en prison, à ce moment-là, la chambre d'accusation reste saisie de l'appel.
Or il est bien évident, chacun en conviendra, que la chambre d'accusation ne mettra pas son président en minorité. Le moins que l'on puisse dire est que les choses paraissent décidées : si le président confirme en référé la position du juge, une pression s'exercera, de fait, sur les membres de la chambre d'accusation.
Le président de la commission des lois a proposé que l'on ne se contente pas de ce juge unique, que l'on conserve la collégialité de la chambre d'accusation pour l'appel et que l'on ait recours d'abord, en référé au président du tribunal de grande instance.
Ce système présente un avantage. A Paris, la cour d'appel se trouve au même endroit que le tribunal de grande instance et que le juge d'instruction. Mais, en province, la cour d'appel est souvent située à 200 kilomètres et, une fois que le juge d'instruction a pris la décision, si l'on demande l'avis du président de la chambre d'accusation, le prévenu restera en prison deux ou trois jours. Ce sont les journées les plus dures ! En outre, un débat peut avoir lieu devant le tribunal de grande instance tout de suite après la prise de décision du juge d'instruction.
Ce système est, pour nous, nettement moins bon que la collégialité. Il est moins bon aussi que de faire demander par le juge d'instruction directement au président du tribunal de grande instance de prendre la décision. Cependant, c'est le moins mauvais de ceux qui nous sont en définitive proposés aujourd'hui.
C'est pourquoi, en ce qui nous concerne, nous sommes d'accord avec la proposition de la commission. Toutefois, nous aimerions que le débat public, qui a été refusé tout à l'heure devant le juge d'instruction, soit au moins possible devant le président du tribunal de grande instance.
Nous comprenons la méfiance que vous avez exprimée tout à l'heure à l'égard du juge d'instruction, mais il ne saurait en aller de même vis-à-vis du président du tribunal de grande instance.
Je précise que le sous-amendement n° 30 que je viens de défendre est semblable à l'amendement n° 24. En effet, si l'amendement n° 4 rectifié, présenté par la commission, est adopté, l'amendement n° 24 n'aura plus d'objet. C'est la raison pour laquelle nous l'avons repris sous la forme d'un sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 30 et sur l'amendement n° 24 ?
M. Georges Othily, rapporteur. Le sous-amendement n° 30 et l'amendement n° 24 soulèvent la même question que l'amendement n° 18. Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées précédemment, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 24 et sur le sous-amendement n° 30.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 4 rectifié et 24, ainsi que sur le sous-amendement n° 30 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je ne veux pas reprendre le débat que nous avons eu lors de la discussion générale. Je suis défavorable aux deux amendements, en particulier à l'amendement de la commission, ainsi qu'au sous-amendement.
En effet, le système qu'a proposé le Gouvernement, et que l'Assemblée nationale a retenu et amélioré, notamment en introduisant l'avocat devant le président de la chambre d'accusation - il s'agit d'une amélioration très importante - ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Exact !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... est fondé sur le pouvoir du président de la chambre d'accusation. Le Sénat propose que le pouvoir de décision revienne au président du tribunal de grande instance. Tout à l'heure, à la tribune, j'ai indiqué les raisons pour lesquelles ce système était différent et pourquoi, en matière d'instruction, le pouvoir du président de la chambre d'accusation me paraîssait plus naturel et plus protecteur. C'est la raison pour laquelle je ne suis favorable ni à l'amendement de la commission, ni aux propositions adventices faites par le groupe socialiste.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Pour ceux qui suivent habituellement nos travaux, je rappellerai que la commission des lois a quelque paternité dans la création du référé-liberté.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Absolument !
M. Jacques Larché, président de la commission. De tout temps, elle s'est heurtée aux services de la Chancellerie. Ceux-ci ont défendu des positions qui ont empêché le référé-liberté de revêtir toute l'efficacité que l'on avait songé à lui donner lorsque nous en avions discuté devant M. Méhaignerie.
Quelle était, en effet, l'intention initiale du référé-liberté ? Il s'agissait d'abord de prévoir un effet suspensif. Or, celui-ci disparaît avec le texte adopté par l'Assemblée nationale ; c'est non plus un référé-liberté qui est amélioré, mais l'acte de décès du référé-liberté. Pourquoi pas ? Au départ, l'intention - qui n'a pas été suivie et nous avions d'ailleurs commis une erreur lors de l'adoption du texte - était de donner un pouvoir suspentif. En effet, lorsqu'une mesure de mise en détention est ordonnée, il faut pouvoir la contrôler immédiatement, non pas au fond, mais dans ses effets, c'est-à-dire que l'on constate, peut-être, qu'il n'y a pas lieu, avant que la chambre d'accusation ne statue définitivement dans un certain délai, d'imposer à celui que l'on songe à mettre en détention l'épreuve de l'entrée en prison.
Quand nous avions examiné cette disposition, nous nous étions heurtés à une difficulté évidente. En effet, que faisait-on de celui qui attendait que l'on statue sur sa demande de sursis à exécution ? Fallait-il le mettre en prison ou ailleurs ? Nous avions envisagé un système transitoire de placement dans un lieu qui n'était pas celui d'une véritable mise en détention, peut-être dans un local de police. Tout cela n'était pas bon et était difficilement applicable.
Dans l'amendement que nous vous soumettons aujourd'hui, la solution consiste, pour éviter l'entrée en prison, ce qui est tout de même l'essentiel, à faire en sorte que la décision de sursis, positive ou négative, intervienne immédiatement. Si tel est le cas, il n'est pas nécessaire de faire entrer l'intéressé en prison. Ou bien on l'y fait entrer parce que le sursis à exécution n'est pas ordonné, ou bien le sursis à exécution est ordonné dans l'attente de la décision de la chambre d'accusation qui, elle, statuera au fond et de manière collégiale, et confirmera ou non la mise en détention. La chambre d'accusation pourra donc ne pas confirmer le sursis à exécution.
Dans la pratique, les choses ne se sont pas très bien passées et le référé-liberté a été un semi-échec. En effet, il avait été mal élaboré, et ce pour deux raisons. D'abord, les services de la Chancellerie avaient convaincu M. Méhaignerie de ne pas accepter ce que nous lui proposions. Ensuite, nous n'avions pas offert au juge statuant dans le domaine du sursis à exécution une solution de remplacement. C'était tout ou rien. En effet, on lui donnait la possibilité ou bien de surseoir à l'exécution de la décision du juge ou bien de ne pas y surseoir. En l'occurrence, on peut prendre un moyen terme : le juge saisi directement pourrait prononcer une mesure relevant du placement sous contrôle judiciaire.
Ainsi, le texte que nous avons proposé et que la commission a accepté donnerait au référé-liberté un contenu qui est digne, en quelque sorte, de l'appellation que nous avions retenue pour ce système. Il s'agit d'une mesure rapide, qui permet de sauvegarder la liberté.
Tout ce qui a été élaboré jusqu'à présent n'a pas, pour les raisons que j'ai évoquées avec ma franchise habituelle, abouti à une structure juridique satisfaisante. Or, nous avons, je crois, l'occasion de le faire maintenant. La proposition de l'Assemblée nationale dénature complètement le référé-liberté ; c'est tout autre chose.
Tout à l'heure, l'un de mes collègues m'a dit : de toute manière, l'Assemblée nationale aura le dernier mot. C'est un argument qui n'est pas acceptable.
En effet, certaines décisions ont été prises par un certain nombre de nos collègues parce qu'ils étaient persuadés que l'Assemblée nationale ne nous suivrait pas. Il faut savoir si nous sommes le Sénat, avec son pouvoir de délibération, prenant ses responsabilités, indiquant, selon ce qu'il croit juste ou bon, le droit qui doit être appliqué. Ou alors supprimons le bicaméralisme.
S'agissant du référé-liberté, la décision que nous devons prendre est importante. Il s'agit de savoir si l'essai qui a été tenté peut être amélioré ou si nous devons renoncer à un système qui n'était pas intégralement satisfaisant, mais que nous proposons d'améliorer.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 30.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, j'interviendrai à la fois sur l'amendement n° 4 rectifié et sur le sous-amendement n° 30.
S'agissant de l'amendement n° 4 rectifié, je voudrais simplement, après les propos très justes de MM. Larché et Dreyfus-Schmidt, apporter une précision.
Avec les meilleures intentions du monde, j'en suis convaincu, l'Assemblée nationale, loin d'améliorer le système de garanties au profit du justiciable mis en examen en matière de détention provisoire, vient au contraire de le réduire. En effet, c'est le président de la chambre d'accusation qui va avoir à décider immédiatement s'il y a lieu ou non d'infirmer - le mot est dans le texte - la décision de placement en détention provisoire. Cela signifie en clair que lorsqu'il aura pris sa décision, s'il décide de ne pas infirmer, ce ne sont pas ses collègues quelques jours après, réunis au sein de la chambre d'accusation, qui vont, je pense, démentir leur président !
Nous sommes donc passés à un système dans lequel, loin d'avoir la garantie de la collégialité en cour d'appel, ce qui est une règle absolue, sans avoir cette collégialité au niveau du placement en détention provisoire, ce que nous espérons je dirai à la quasi-unanimité, on aura purement et simplement dans la réalité judiciaire une décision d'un seul magistrat de la cour d'appel dans le domaine le plus sensible qui soit, celui du placement en détention provisoire.
Par conséquent, ce qui est proposé par la commission des lois du Sénat, à savoir le référé devant le président du tribunal, même si c'est une création originale, a au moins le mérite considérable de laisser intactes les garanties au niveau de la chambre d'accusation.
J'ajoute que cela constitue un tempérament qui n'est pas à méconnaître contre une décision de placement en détention provisoire qui aurait été prise, disons-le, dans des conditions qui seraient de nature à surprendre dès l'abord.
Par conséquent, le système qui est proposé par la commission des lois, quelles que soient les bonnes intentions de l'Assemblée nationale à cet égard et les améliorations apportées en ce qui concerne la possibilité pour la défense de s'exprimer, va à l'encontre de la finalité que nous recherchons.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 30, je dirai simplement, car je mesure bien que tout à l'heure on a rejeté, à mon vif regret, ce qui avait été avancé, c'est-à-dire la publicité, à la demande du mis en examen et le contrôle du juge d'instruction de l'audience de placement en détention provisoire, que, ici, nous sommes déjà dans le cadre des voies de recours.
Je rappelle que dans les voies de recours, il existe déjà depuis 1989 la possibilité, pour celui qui a été placé en détention provisoire, de demander à être entendu personnellement dans le cadre de l'audience publique par la chambre d'accusation. Nous sommes ici dans une situation semblable, s'agissant de l'exercice d'une voie de recours contre une décision de placement en détention provisoire.
Je ne reprendrai pas tout ce que j'ai dit. Je tiens cependant à rappeler ce qui me paraît véritablement la meilleure expression des principes en cette matière. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement », tel est le principe rappelé dans l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des Droits de l'homme. Par ailleurs, l'arrêt Pretto précise : « La publicité des procédures des organes judiciaires protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public. Elle constitue l'un des moyens qui contribue à préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu'elle donne à l'administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l'article 6, paragraphe 1 - que j'ai cité - le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la convention. »
On reconnaîtra que, s'agissant de la détention provisoire, ce rappel des principes fondamentaux prend un sens particulier.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Si j'ai demandé la parole, sans doute un peu tardivement, c'est parce que s'agissant d'un débat aussi important, il faudrait au moins que les bases soient exactes.
Contrairement à ce que vient de dire l'un de ceux qui m'ont précédé à la Chancellerie, le président de la chambre d'accusation, dans le texte de l'Assemblée nationale, proche de celui du Gouvernement, n'aura pas à refuser d'infirmer. Le texte précise simplement la chose suivante : ou bien le président de la chambre d'accusation saisie infirme par ordonnance non motivée, au vu des éléments du dossier, la mise sous mandat de dépôt ; ou bien il estime ne pas pouvoir en l'état infirmer, et il renvoie le dossier à la chambre d'accusation qui, huit jours, dix jours ou vingt jours plus tard, se réunit et peut parfaitement prendre une position différente de celle de son président, lequel lui-même, dix jours ou douze jours plus tard, peut considérer qu'il y a désormais toutes les raisons d'infirmer la décision de mise sous mandat de dépôt, notamment parce que les garanties offertes par la personne incarcérée auront été modifiées entre-temps. Mais que l'on ne défende pas la position que vous défendez, monsieur Badinter, avec des arguments qui ne sont pas vrais.
Il faut dire ce qu'il y a dans le texte ! Or le texte de l'Assemblée nationale, comme celui du Gouvernement, apporte une protection et une effectivité au référé-liberté, monsieur le président de la commission des lois, qu'il ne connaît pas dans le texte de 1993, c'est exact. Je ne laisserai personne dire le contraire !
Je veux bien que l'on discute, mais encore faut-il, notamment à cette heure avancée, le faire à partir d'éléments vrais !
M. Robert Badinter. Je demande la parole.
M. le président. Je ne puis vous la donner en l'instant, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, j'ai été mis personnellement en cause, et en des termes que je ne peux laisser passer.
M. le président. Dans ces conditions, je considère, monsieur Badinter, que vous avez demandé à interrompre M. le garde des sceaux.
Monsieur le garde des sceaux, permettez-vous, rétroactivement, à M. Badinter de vous interrompre ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. J'accepte, bien sûr, que M. Badinter m'interrompe. Je précise simplement qu'il ne peut pas supporter de ne pas avoir le dernier mot en quoi que ce soit. Eh bien, le problème c'est que, avec moi, de temps en temps, il se « plante » !
M. le président. La parole est à M. Badinter, avec l'autorisation de M. le garde des sceaux.
M. Robert Badinter. Je laisse le Sénat apprécier la qualité du propos de M. le garde des sceaux !
Je rappellerai simplement à M. Toubon que lorsque nos positions respectives étaient inversées, je ne lui ai jamais refusé, moi, la parole.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est bien la raison pour laquelle je vous l'accorde !
M. Robert Badinter. Je dirai simplement qu'il est exact que le texte parle seulement d'infirmation par le président lorsqu'il s'agit de remettre en liberté une personne placée en détention, mais s'il n'infirme pas, croyez-vous que la décision que le président prend à ce moment-là est susceptible, elle, d'être ensuite immédiatement contredite par les magistrats qui siègent à ses côtés ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est tout de même incroyable !
M. Robert Badinter. Quoi qu'il arrive, c'est bien la décision du président qui l'emportera. C'est cela la vérité !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Un assesseur n'est pas un hologramme !
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je comprends bien que nous sommes dans un climat qui rend la discussion sereine quelque peu difficile, si bien que les arguments auxquels je me réfère et qui sont tout simples ont peut-être du mal à se faire entendre.
Monsieur le garde des sceaux, je suis sûr que, dans votre esprit, ce texte visait à limiter la détention provisoire.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Certes !
M. Pierre Fauchon. Voulez-vous vous interroger un instant et vous demander ce qu'il y a, en définitive, de consistant dans ce texte pour limiter la détention provisoire ?
En vérité, si je vois bien des intentions excellentes, je ne vois pas de dispositif réellement opérationnel.
On a changé un mot ici ou là, mais on sait bien que ce n'est pas un mot différent dans une rédaction qui amènera les juges à beaucoup changer leurs habitudes : ils adapteront les mots, puis ils continueront comme avant.
Nous n'avons pas trouvé - reconnaissons d'ailleurs que ce n'est pas facile ! - de dispositif réellement efficace. Nous avons limité la durée de la détention provisoire, ce qui n'empêche pas l'abus de cette dernière : c'est en effet surtout le premier jour qui est le plus éprouvant quand la détention provisoire n'est pas justifiée. Nous avons aménagé le système de réparation. Mais tout cela est périphérique par rapport à notre problème.
Nous voterons - je peux le dire dès maintenant - l'amendement du Gouvernement sur les perquisitions de nuit, qui a certainement son importance, surtout en ce moment.
Mais, en dehors de tout cela, je ne vois pas bien quelles sont les avancées.
Or, monsieur le garde des sceaux, je me permettrai de vous dire en toute sérénité, au nom de mes quarante ans d'expérience professionnelle - je me permets de penser que cela compte ; certes, je n'ai pas pu être ministre pendant ce temps, mais une expérience professionnelle est peut-être plus utile parfois ! - que, en vérité, le référé, confié au président du tribunal de grande instance, comme nous l'avions imaginé, est le système véritablement opérationnel.
Vous m'avez dit tout à l'heure qu'un tel système n'est pas dans nos normes habituelles, qu'il est considéré quelque peu comme hérétique et que, pour cette raison probablement, cela « tiraille » un peu à la chancellerie. Il est possible que cela soit un peu hérétique ; mais, encore une fois, que voulons-nous tous ? Nous voulons limiter les abus de la détention provisoire.
Or, réaliste comme vous l'êtes et comme il est dans votre tempérament de l'être, monsieur le garde des sceaux, vous ne pouvez pas être inattentif au fait que, avec le système prévoyant la saisine du président de la chambre d'accusation, il y aura assez souvent un décalage dans le temps entre les deux décisions. Compte tenu de ce temps trop long, la détention aura en fait commencé ; il n'y aura pas de comparution des parties ; les avocats, la moitié du temps, n'iront pas en raison de la route à faire, qui prend une demi-journée ou une journée, ce qui est trop long. Par conséquent, ce référé est en fait une espèce de recours qui, par ailleurs, comme il s'agit d'informer et non pas de surseoir à l'exécution comme nous le souhaitons, ne pourra pas du tout avoir l'efficacité que nous recherchons.
Au contraire, le président du tribunal de grande instance, qui n'a qu'un couloir à traverser pour voir le juge d'instruction, peut réagir immédiatement ; nous sommes sûrs qu'il entendra l'avocat et le procureur, qu'il verra la personne concernée. Tous les procès-verbaux du monde ne valent pas, en effet, le contact et l'audition de la personne concernée !
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter. Très bien !
M. Pierre Fauchon. C'est important !
J'ajoute, monsieur le garde des sceaux - vous devez y être sensible - que le président du tribunal de grande instance joue un rôle régulateur sur ses juges. Si, sur telle ou telle décision, il ne voudra pas censurer son juge, il trouvera néanmoins le moyen, le lendemain ou le surlendemain, de mettre en garde ce dernier, si c'est nécessaire. Le président du tribunal de grande instance, qui voit ses juges tous les jours, a donc un rôle régulateur que l'on ne peut attendre du mécanisme imaginé par renvoi devant le président de la chambre d'accusation.
Je crois, pour toutes ces raisons, que, même si, comme vous l'avez dit tout à l'heure, le système retenu par l'Assemblée nationale peut apparaître comme plus normal, plus habituel - je dirai plus volontiers « plus routinier » -, il est en réalité beaucoup moins efficace, et donc beaucoup moins conforme à vos souhaits profonds - j'en suis sûr - que celui que nous vous proposons.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 30, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 4 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé et l'amendement n° 24 n'a plus d'objet.

Article 8 bis à 8 septies

M. le président. Les articles 8 bis à 8 septies demeurent supprimés.

Article 8 octies A