M. le président. Par amendement n° 5, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8 nonies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 706-24 du code de procédure pénale, un article 706-24-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-24-1. - En cas d'urgence, si les nécessités de l'instruction l'exigent, les visites, perquisitions et saisies peuvent être effectuées en dehors des heures prévues par l'article 59, pour la recherche et la constatation des actes de terrorisme prévus par l'article 706-16 et punis d'au moins dix ans d'emprisonnement :
« 1° Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ;
« 2° Lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ;
« 3° Lorsqu'il existe des présomptions qu'une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu se préparent à commettre de nouveaux actes de terrorisme.
« A peine de nullité, ces opérations doivent être prescrites par une ordonnance motivée du juge d'instruction précisant la nature de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquelles ces opérations doivent être accomplies, et comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux seules conditions prévues par les 1°, 2° et 3° du présent article.
« Cette ordonnance est notifiée par tout moyen au procureur de la République. Elle n'est pas susceptible d'appel.
« Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 706-24 sont applicables.
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 706-24 du code de procédure pénale, il est ajouté, après les mots "de l'enquête", les mots "de flagrance". »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Mon propos ne sera pas long, car ce point a fait l'objet, cet après-midi, de l'essentiel de mon intervention à la tribune ; il a été repris par le rapporteur de la commission, et une sorte de débat s'est instauré pendant la discussion générale à ce sujet.
Cet amendement vise à introduire, en tenant compte de la décision prise au mois de juillet par le Conseil constitutionnel, la faculté pour le juge d'instruction de pouvoir décider de faire procéder dans plusieurs cas à des perquisitions de nuit avant six heures du matin, pour la recherche et la constatation des actes de terrorisme prévus par l'article 706-16 du code de procédure pénale et punis de plus de dix ans d'emprisonnement : lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ; lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ; lorsqu'il existe des présomptions qu'une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu se préparent à commettre de nouveaux actes de terrorisme.
La décision est prescrite par une ordonnance motivée du juge d'instruction, notifiée au procureur de la République, et qui comporte toutes les considérations de droit et de fait fondant la décision de perquisition.
Ce texte exclut les perquisitions en enquête préliminaire et retient le cas de flagrance, comme le Conseil constitutionnel l'a prescrit.
A ce sujet, je voudrais simplement dire un mot de plus à M. Dreyfus-Schmidt, qui, cet après-midi, a expliqué fort benoîtement qu'il n'était en rien responsable de la décision prise par le Conseil constitutionnel...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas dit cela !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... et que le Conseil constitutionnel avait décidé sur l'enquête préliminaire, mais en aucune façon n'avait mis en cause les pouvoirs du juge d'instruction, d'ailleurs parce que le groupe socialiste du Sénat ne le lui avait pas demandé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas comme vous le dites ! Je n'ai pas dit cela !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je voudrais donc dire simplement que la saisine socialiste du Conseil constitutionnel...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Laquelle ? Il y en a eu deux !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... était marquée de ce que j'appellerai « une véhémente subtilité ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quelle saisine ? Celle des députés ou celle des sénateurs ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. La saisine qui a été signée, au nom des sénateurs socialistes, le 20 juin dernier par M. Claude Estier, qui est, me semble-t-il, votre président de groupe. (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parfaitement !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Voilà !
Cette saisine était d'une véhémente subtilité, car elle consistait à prendre à partie de manière très claire non seulement le texte, ce qui est une chose, mais aussi les juges du siège, ce qui en est une autre.
Parce que je crois, monsieur Dreyfus-Schmidt, qu'il faut prendre ses responsabilités comme moi-même je les prends, je voudrais vous donner lecture du texte de la décision :
« Conscients de cette faiblesse, les auteurs du projet » - c'est-à-dire le Gouvernement - « ont cru y pallier en insistant sur les garanties offertes par la présence et le rôle de l'autorité judiciaire... On ne saurait cependant s'en satisfaire.
« Du principe posé par l'article 66 de la Constitution, » - c'est-à-dire le fait que l'autorité judiciaire est garante de la liberté individuelle - « on ne saurait déduire que la liberté individuelle est respectée à la seule condition que l'autorité judiciaire soit appelée à jouer un rôle précis et déterminant. Les principes de la liberté sont plus exigeants. » - merci pour les juges ! « Ce n'est que dans le droit, très élaboré, de l'Inquisition » - merci encore pour les juges ! - « qu'on pouvait se satisfaire de l'usage de toutes sortes de moyens pourvu seulement qu'un magistrat autorisé y présidât.
« La fonction confiée par la Constitution à l'autorité judiciaire est une garantie de la liberté, non une excuse permettant d'y porter atteinte.
« Dans ces conditions, de même qu'on ne saurait, par exemple, rétablir la torture sous le prétexte qu'on en confierait le contrôle à un juge, on ne saurait davantage, et toutes proportions naturellement gardées, » - merci ! - « se résigner à la méconnaissance d'un droit fondamental au seul motif que celle-ci ne pourrait intervenir que par une décision écrite signée d'un magistrat. »
Et, s'agissant de l'article 10, le recours devant le Conseil constitutionnel se termine ainsi : « Au moins pour avoir autorisé, » - ce qui veut dire : en plus d'avoir autorisé - « dans le cadre de l'enquête préliminaire, les visites, perquisitions et saisies de nuit, l'article 10 sera immanquablement déclaré non conforme à la Constitution. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et alors ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est ce que j'appelle une véhémente subtilité, parce que, monsieur Dreyfus-Schmidt, après cela, le Conseil constitutionnel vous a compris : il vous a suivis !
N'ayez pas l'air, comme vous l'avez fait cet après-midi à la tribune, de vous en plaindre ! Ayez le courage de vos actes (M. Michel Dreyfus-Schmidt rit) et de vos succès, même lorsqu'ils sont embarrassants !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily, rapporteur. L'amendement n° 5 ne fait que reprendre ce que nous avions voté, en le purgeant, nous semble-t-il, de celles de ses dispositions qui ont été critiquées par le Conseil constitutionnel.
La commission émet donc un avis favorable. Cela étant, celui-ci est soumis, pour reprendre une formule du Conseil constitutionnel, à une « réserve d'interprétation » qui concerne le 3°.
Vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, de permettre des perquisitions dans le cadre d'une instruction, lorsque se préparent de nouveaux actes de terrorisme.
Mais le juge d'instruction est normalement saisi de faits précis. En matière de terrorisme, c'est une « entreprise » ayant pour but de servir la terreur qu'est chargé d'instruire le juge. Ce n'est, à notre avis, que si les nouveaux actes sont liés aux faits dont il est saisi, c'est-à-dire à cette entreprise, que le juge d'instruction pourra faire l'application du 3°. A défaut, il devra demander un réquisitoire supplétif au procureur.
En d'autres termes, le 3° ne remet pas en cause les principes traditionnels relatifs à la saisine du magistrat instructeur.
Telle est l'interprétation que m'a chargé d'énoncer la commission quand elle a décidé d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 5.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Robert Pagès. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je souhaite m'étonner des conditions de la venue en discussion de cet amendement au demeurant fort complexe sur le plan juridique et pour le moins ambigu.
La référence au lâche attentat de Port-Royal, que nous avons condamné avec la plus grande vigueur, en demandant la mise hors d'état de nuire des criminels, ne doit pas, selon nous, permettre de légiférer à chaud sans la réflexion nécessaire.
Nous savons tous ici la difficulté de maintenir l'équilibre entre le respect des deux principes fondateurs de la République reconnus par le Conseil constitutionnel : l'inviolabilité du domicile, élément crucial du respect de la liberté individuelle, et le droit à la sécurité collective ou individuelle.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne remettent pas en cause le principe même du droit de perquisition de nuit en matière de proxénétisme et de trafic de drogue. Ils rappellent toutefois que, premièrement, la solution de ces problèmes dramatiques passe par la mobilisation de la société tout entière et non pas uniquement par la voie de la seule répression policière et que, deuxièmement, toutes les garanties démocratiques doivent être préservées.
En matière de terrorisme, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 16 juillet 1996, que les perquisitions de nuit ne devaient être autorisées que dans le cadre d'une procédure particulièrement rigoureuse. Il a notamment considéré que la seule référence « aux seules nécessités de l'enquête » ne pouvait autoriser une perquisition de nuit. Cette dernière ne pouvait donc s'effectuer, en dehors de la flagrance, dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une instruction préparatoire.
L'examen de l'amendement gouvernemental et des trois cas autorisant les perquisitions de nuit dans des affaires de terrorisme ne nous satisfait pas. En effet, les trois conditions ne sont pas, selon notre analyse - peut-être insuffisante - cumulatives.
Or, le 3° de l'article 706-24-1 permet, selon nous, les dérives que le Conseil constitutionnel avait, à juste titre, dénoncées le 16 juillet dernier.
Les présomptions évoquées dans cet alinéa peuvent, à mon avis, s'inscrire dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une instruction provisoire et elles seront de toute façon définies selon le seul arbitraire du juge d'instruction.
Cet amendement nous apparaît, en fait, apporter plus de confusion que d'éclaircissements et n'évite pas, je le répète, l'argumentation du Conseil constitutionnel.
Pour ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne le voteront pas.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, si j'étais intervenu tout à l'heure, après que vous avez dit à mon collègue et ami Robert Badinter que ce qu'il avançait était faux, alors que c'était parfaitement vrai, je vous aurais dit ce que me disait mon père : « Tu te fâches, donc tu as tort ! »
En effet, vous aviez tort puisque le Sénat ne vous a pas suivi sur votre référé-liberté.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ah non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ici, je vais essayer de ne pas me fâcher non plus.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Veuillez m'excuser de vous dire, monsieur Dreyfus-Schmidt...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! Je ne vous autorise pas à m'interrompre !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Attendez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vous autorise pas à m'interrompre !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous fais observer que, tout à l'heure, M. le garde des sceaux a autorisé M. Badinter à l'interrompre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne vous a pas demandé à m'interrompre, monsieur le président !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. M. Dreyfus-Schmidt est un partisan de l'adage de Laignel. Il est majoritaire, donc il a raison. On revient quinze ans en arrière !
M. Michel Dreyfus-Schmidt Je n'apprécie pas votre attitude à notre égard, alors que nous avons fait tout à l'heure un effort d'analyse juridique pure et que nous avons dit les choses telles qu'elles sont. A malin, malin et demi, semble dire, comme d'habitude, M. le garde des sceaux ! Il s'agit de choses sérieuses !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Vous auriez pu vous en apercevoir depuis le début de cet après-midi, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons saisi le Conseil constitutionnel, comme nous avons le droit de le faire. Le Conseil constitutionnel vous a donné tort. Ne soyez donc pas mauvais joueur, acceptez-le !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est vous qui êtes gêné par la décision du Conseil constitutionnel !
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, je vous demande de ne pas ajouter à la confusion du débat.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. M. Dreyfus-Schmidt s'est excusé cet après-midi, à la tribune, du fait que le Conseil constitutionnel l'ait suivi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit, je le répète : nous avons demandé qu'il ne soit pas possible, dans le cadre d'une enquête préliminaire, de faire des visites domiciliaires, des perquisitions ou des saisies de nuit.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce n'est pas ce que vous avez demandé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous vous avons dit que ce n'était pas possible, contrairement à ce que vous prétendiez, ni en matière de proxénétisme ni en matière de drogue. C'est tout ce que nous avons dit dans notre recours.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Pas du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce que vous venez de lire fait allusion non pas au juge d'instruction mais au contrôle par le président du tribunal de grande instance ou par le juge délégué par lui, que vous avez introduit dans votre texte.
Je lis l'article 706-24 : « Les opérations prévues à l'alinéa précédent doivent, à peine de nullité, être autorisées sur requête du procureur de la République par le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui. »
Tout à l'heure, vous faisiez semblant de croire que, lorsque dans notre recours nous parlions du contrôle du juge, nous parlions du juge d'instruction. Non, monsieur le garde des sceaux, nous ne parlions pas du juge d'instruction !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je n'ai pas parlé du juge d'instruction ; j'ai parlé du juge tout court !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout le problème est là.
Le Conseil constitutionnel a annulé la possibilité, que vous aviez demandée et à laquelle nous nous étions opposés, que soient menées des perquisitions de nuit dans le cadre de l'enquête préliminaire. C'est la vérité.
Le Conseil constitutionnel a également annulé la possibilité des perquisitions de nuit ordonnées par le juge d'instruction, ce que nous ne lui avions pas demandé.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est la vérité la plus pure.
Et lorsque, aujourd'hui, vous demandez la possibilité pour le juge d'instruction de l'ordonner - en expliquant qu'il n'y a pas de raison que le juge d'instruction ne puisse pas le faire si l'information est ouverte puisque, en matière de flagrance, les policiers ont ce droit - et que vous dites que cela est conforme à la décision du Conseil constitutionnel, ou vous vous trompez ou vous nous trompez.
Ce n'est pas vrai, ce n'est pas du tout conforme à la décision du Conseil constitutionnel, qui a étendu l'annulation à la perquisition ordonnée par le juge d'instruction, même si nous ne le lui avions pas demandé...
M. le président. La parole est à M. Vinçon, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi tout de même de conclure, monsieur le président. Nous avons été mis en cause suffisamment gravement...
M. le président. La parole est à M. Vinçon, et à lui seul !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vais donc pas dire comment nous voterons. Vous le verrez bien !
M. Serge Vinçon. Le dernier attentat à la station du RER Port-Royal, voilà une semaine et demie, nous a cruellement rappelé que notre pays demeure, aujourd'hui comme hier, une cible privilégiée du terrorisme.
Aussi, nous ne pouvons qu'approuver ces dispositions, qui permettront au juge d'instruction, sous certaines conditions, de procéder, en matière de terrorisme, à des perquisitions de nuit.
Nous avons ainsi le sentiment que le Sénat apportera par ce texte sa contribution à la lutte indispensable contre le terrorisme, et j'ose dire que nous nous étonnons qu'il n'y ait pas unanimité sur un sujet aussi grave pour la sécurité de nos concitoyens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas une raison pour nous prendre pour des imbéciles ! Je ne parle pas de vous, mon cher collègue, mais de M. le garde des sceaux.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je ne reviendrai pas en arrière, ni sur la discussion qui a déjà eu lieu, ni sur la décision, ni sur la saisine.
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, et cette décision, telle qu'elle est, je n'hésite pas à dire qu'elle est, selon moi, parfaitement satisfaisante.
Puisque nous en sommes au stade des explications de vote, je tiens à dire que je rejoins l'orateur précédent. Je considère, comme M. Dreyfus-Schmidt l'a rappelé excellement dans son propos liminaire, que le terrorisme doit être combattu avec la dernière fermeté, que les crimes qui sont ceux des terroristes sont de ceux qui affligent le plus profondément la conscience humaine et que, face au terrorisme, il convient que tous les démocrates mesurent les enjeux et prennent leurs responsabilités.
Nous le savons, l'objectif des terroristes est toujours double face à une démocratie.
Il est d'abord de la déstabiliser, de l'amener à ce degré d'angoisse où, précisément, elle fera leur jeu et tombera dans les pièges tendus par eux, ce que nous n'accepterons jamais, pour notre part.
Il est aussi de l'amener, par une célèbre dialectique de provocation-répression, à oublier en cours de route ce que sont les fondements mêmes de notre société démocratique et de l'Etat de droit.
C'est pourquoi, quels que soient les crimes commis, nous devons toujours tenir ferme sur ce que sont nos valeurs fondamentales. Je rappelle cette exigence parce qu'il est toujours bon de la conserver présente à l'esprit face à de tels crimes.
En ce qui concerne la question immédiatement posée, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, et, dans l'amendement qui nous est aujourd'hui présenté, je retrouve l'habileté - je la connais bien - des services de la Chancellerie. Je tiens à leur rendre ce témoignage. Ils ont taillé au plus près, juste à ras de ce qui pouvait constituer une éventuelle inconstitutionnalité.
Nous nous trouvons donc en présence d'un amendement concernant des cas qui, finalement, s'inscrivent dans une hypothèse de flagrance et d'une perquisition de nuit qui serait pratiquée par un juge d'instruction. Je dis que nous sommes dans la flagrance ou quasiment dans la flagrance compte tenu des trois cas évoqués : le premier, c'est le crime et le délit flagrant lui-même ; le deuxième c'est qu'il va y avoir destruction de preuves ; le troisième, c'est que, s'il y a réunion pour commettre un crime terroriste, il faut agir immédiatement.
C'est, finalement, parce que l'on considère qu'il est difficile pour le juge d'obtenir l'élargissement de la saisine par le procureur que l'on présente cet amendement.
C'est un juge d'instruction, il y a urgence, il s'agit de prévenir le crime que l'on prépare. Je ne suis pas convaincu que les règles classiques ne permettent pas à l'enquête de flagrance de pourvoir à une telle situation et d'agir.
Mais, dans de telles circonstances, au regard des pouvoirs du juge d'instruction et des précautions prises, à mon sens, il serait mal venu de dire que ce texte tombe sous le coup d'une censure d'inconstitutionnalité.
Simplement, je tiens à marquer que, étrangement, il constitue, au regard de l'histoire, un étonnant retour au code d'instruction criminelle. J'ai eu la curiosité de m'y référer.
Je me bornerai à cette citation du traité de droit criminel de Merle et Vitu : « En cas de crime flagrant, le code d'instruction criminelle donnait au juge d'instruction des attributions importantes. Averti d'une telle infraction, le juge pouvait s'en saisir seul, par dérogation à la règle qu'un magistrat d'instruction ou de jugement ne se saisit jamais lui-même ; il pouvait se rendre sur les lieux et procéder à tous actes d'instruction, après avoir averti le procureur, mais sans être obligé de l'attendre, vu l'urgence.
« Ses pouvoirs étaient plus larges qu'à l'ordinaire. » Suit le développement.
Et les auteurs d'ajouter : « La situation s'est modifiée avec le code de procédure pénale, qui a enlevé au juge d'instruction le droit de se saisir seul. » Nous y voilà revenus.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. A l'évidence, le Gouvernement a pris toutes les précautions légales dans l'amendement qu'il nous propose. Il a énuméré en détail les situations exceptionnelles dans lesquelles les forces de police pourront agir : les cas d'extrême urgence, le flagrant délit, le risque immédiat de disparition des preuves, etc.
Il s'agit d'une procédure exceptionnelle, mais la lutte contre le terrorisme est tellement impérative, tellement grave qu'il faut que la justice dispose des meilleures moyens de la combattre.
Bien évidemment, après le récent attentat, et devant les menaces répétées, nous voterons cet amendement, marquant ainsi notre entier soutien au Gouvernement pour cette lutte contre le terrorisme, dans laquelle le pays doit être unanime.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je veux simplement adresser à M. le rapporteur une réponse formelle sur ses réserves quant au 3° : celle-ci figure au paragraphe II de l'amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté, le groupe communiste républicain et citoyen ainsi que le groupe socialiste étant déclarés voter contre.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la projet de loi, après l'article 8 nonies.

Article 9