M. le président. « Art. 1er. _ Tout salarié majeur titulaire d'un contrat de travail de droit privé relevant du régime d'assurance vieillesse de base mentionné au titre V du livre III du code de la sécurité sociale ou à l'article 1024 du code rural et des régimes de retraite complémentaire mentionnés au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale peut adhérer à un plan d'épargne retraite répondant aux conditions fixées par la présente loi. »
Sur l'article, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici, au début de l'examen de la présente proposition de loi, dans une situation assez paradoxale.
En effet, avant même d'avoir résolu la question de la nature juridique des plans d'épargne retraite de leurs règles comptables, de leurs conditions d'agrément et des règles prudentielles relatives à l'utilisation de leurs fonds, nous sont soumis plusieurs articles, dont l'article 1er, qui a pour objet de décrire les prestations assurées par les fonds. On met en quelque sorte la charrue devant les boeufs.
Le moins que l'on puisse dire est que la nature et la qualité réelles des prestations fournies par les fonds de pension sont pour le moins encore incertaines, puisque l'on ne connaît pas les résultats de ces fonds.
Dans l'architecture générale de nos prélèvements sociaux, les fonds de pension ont pour le moins une particularité : ils ne présentent pas le caractère d'un prélèvement obligatoire, leur utilisation étant subordonnée aux conditions de mise en oeuvre que nous examinerons ultérieurement.
Cette situation est d'ailleurs en elle-même intéressante à analyser. Les fonds de pension n'étant pas des prélèvements obligatoires, ils peuvent avoir vocation à s'y substituer dans une logique de réduction de ces prélèvements.
Dès lors, se pose une question de fond. Si l'on réduit le niveau des prélèvements obligatoires grâce ou à cause des fonds de pension, c'est que le niveau des prestations versées en regard de ces prélèvements est appelé aussi à se réduire.
En clair, les fonds de pension apparaissent d'emblée comme un étage supplémentaire de la protection sociale des salariés, mais surtout comme un étage appelé à embellir aux dépens des deux premiers.
D'une part, il s'agit du régime général de sécurité sociale, et donc des prestations servies, quoi qu'il arrive, à tout salarié du secteur privé dont le salaire sert de base de calcul aux cotisations prélevées sur la richesse créée.
D'autre part, il s'agit des régimes complémentaires obligatoires, développés à partir des années cinquante et qui, aujourd'hui, affilient l'ensemble des salariés du secteur privé, selon des critères d'ailleurs précis, à savoir le statut de cadre ou de non-cadre.
Ces deux piliers de la protection sociale complémentaire, et singulièrement de la couverture du risque vieillesse, sont, chacun le sait, fondés sur la répartition et la solidarité entre les générations.
Le troisième pilier, qui nous est fourni par les fonds de pension, procède d'une logique différente puisqu'il fait référence à la capitalisation quant à son mode de financement et de retour en prestation et à l'adhésion facultative et volontaire.
La comparaison entre les deux premiers piliers peut, bien entendu, porter aussi sur les règles de garantie des prestations. Les deux premiers piliers sont tenus d'assurer des prestations définies, alors que le troisième ne sert de prestations qu'à concurrence de la rentabilité des investissements réalisés à partir de la collecte.
Cette différence profonde explique sans doute le peu de popularité que la formule semble pour l'heure rencontrer, malgré les réels efforts des établissements financiers concernés pour faire admettre l'opportunité des fonds de pension.
Les régimes obligatoires sont, on le sait, soumis à des règles propres. Il s'agit, en particulier, d'assurer aux pensionnés et retraités une forme de salaire différé dont le montant correspond à l'application d'un taux sur un salaire de référence.
A ce titre, observons que le maintien d'un grand nombre d'éléments de masse salariale hors du champ de la protection sociale obligatoire continue de peser sur les ressources des régimes obligatoires.
L'indexation des pensions et retraites est en effet aujourd'hui associée à l'indice des prix, ce qui, combiné aux nouvelles modalités de calcul du salaire de référence, conduit a priori à amorcer sur la durée une baisse tendancielle du niveau des prestations servies.
Cette lente mais sûre dégradation du pouvoir d'achat conduit, naturellement, à ouvrir un champ nouveau aux formules de capitalisation, même si ces formules ne présentent aucune garantie de prestations en retour des versements effectués puisqu'il n'y a pas de prestations définies.
Les fonds de pension sont, en quelque sorte, un pari hasardeux, dirai-je : ils se fondent en effet sur une perspective de croissance continuelle de la capitalisation boursière dans notre pays, celle-ci étant précisément inférieure à celle que connaissent d'autres pays industrialisés.
Dans le même temps, ils se fondent sur l'espérance d'une rémunération sans cesse accrue de cette capitalisation, ce qui pose d'autres problèmes systémiques que nous examinerons dans le cadre de la discussion des articles.
Deux paris audacieux, donc !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Loridant.
M. Paul Loridant. J'en termine, monsieur le président.
Dois-je rappeler ici l'amère expérience des formules d'épargne retraite des années vingt ou trente, où les versements réalisés se sont noyés dans l'inflation galopante des années de guerre et dans l'effondrement de la production consécutif à la guerre ?
Dois-je souligner que, plus près de nous, il a fallu une tempête monétaire sur le peso mexicain pour que de nombreuses caisses de retraite américaines se retrouvent d'un seul coup en cessation de paiement parce que leurs investissements avaient été mobilisés sur la dette publique mexicaine ?
Quel économiste est aujourd'hui capable de faire le pari de la rentabilité sur le long terme ?
Ce sont ces questions que pose l'article 1er de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je me suis inscrit sur cet article, qui est de portée générale introductive, pour clore, si c'est possible, la discussion qui s'est instaurée et au cours de laquelle ont été avancés - à mon avis, fort mal à propos - un certain nombre d'arguments pour justifier la mise en place de ce système.
Je le répète, il a été pris argument de la difficulté qu'il y aurait à maintenir le système actuel des retraites pour justifier l'instauration de cette « surcomplémentaire », alors même que cela ne règle ni le problème des retraites tel qu'il est posé aujourd'hui, ni celui des retraites pour demain puisque le système est facultatif et comporte, au demeurant, un nombre suffisant de dispositions pour qu'on aperçoive assez bien et assez vite qu'il ne concernera qu'une petite partie des adhérents potentiels dans l'ensemble des salariés.
Il convient, en tout cas, de bien préciser un point.
On nous dit, on nous répète que, le nombre des inactifs par rapport à celui des actifs étant appelé à augmenter, le système actuel serait ruiné d'avance.
J'observe, d'abord, qu'on ne fait rien pour empêcher cette ruine ; nous parlons bien d'autre chose aujourd'hui.
On nous a opposé des citations prises dans des déclarations d'un passé lointain. Cela m'amène à penser que notre rapporteur, M. Marini, et celui de nos collègues qui a repris ces citations n'ont peut-être pas pris la mesure du bilan qu'a tiré le parti socialiste de son activité gouvernementale passée.
Sachez, messieurs, qu'il est des points sur lesquels nous avons fait un constat d'erreur ou d'insuffisante précision et que les point que vous évoquez en font partie. (M. Lachenaud sourit.)
Je vous vois sourire, mon cher collègue ; comprenez que j'en fasse autant à voir que, pour justifier chacune des décisions que vous prenez, vous arguiez du fait que des socialistes proposaient la même chose il y a quelques années !
Il est tout de même étrange de votre part, vous qui combattez constamment les socialistes, d'aller chez les socialistes chercher les arguments pour couvrir vos propres décisions. Que n'avez-vous dit, à l'époque, votre enthousiasme pour le socialisme ! Peut-être votre adhésion aurait-elle fait plaisir à quelques-uns de mes camarades !
J'en reviens au rapport entre actifs et inactifs. Vous faites preuve, dans cette affaire, d'un état d'esprit prostré et peu entreprenant. Car, à la vérité, rien ne nous condamne à ce déséquilibre ! De nombreux paramètres entrent en effet en ligne de compte, qui ne sont jamais évoqués. Il en va ainsi du taux d'activité des femmes, du taux d'activité des jeunes, qui est aujourd'hui l'un des plus bas des pays développés, du taux d'activité des hommes et des femmes entre cinquante et soixante ans, qui est également l'un des plus bas du monde développé, du taux de natalité, dont la dégradation n'est pas une loi de la nature.
Et s'il fallait que je sois un peu plus provoquant, m'appuyant sur les déclarations du président du syndicat des assurances allemands, j'y ajouterais l'immigration. En effet, selon lui, le système des retraites est dans un tel état qu'il faudra envisager de faire venir en Europe davantage d'immigrés pour qu'ils contribuent au développement de la richesse et viennent cotiser pour nos systèmes de retraite. Je laisse ce sujet à votre méditation.
En tout cas, globalement - ce sera mon mot de la fin - c'est décidément un bien étrange système économique et politique que celui qui fait de tout bienfait, pour terminer, un fléau. Quoi ? La vie s'allonge, la santé des gens est meilleure, la possibilité d'accéder aux richesses est plus grande, et c'est précisément de tous ces bienfaits que vous faites un fléau ? Il faudrait gémir et regretter de vivre plus longtemps et en meilleure santé !
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a tout de même place pour une volonté pour retourner le cours des choses, plutôt que d'accepter de subir une espèce de force de loi de la nature qui n'est démontrée nulle part.
La France est assez riche, assez grande, assez forte, elle a des traditions assez longues dans ce domaine pour inverser le cours des événements. Moi, je crois qu'elle le peut !
M. François Autain. C'est gaullien !
M. Jean Chérioux. Ce n'est qu'une apparence !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 107 est déposé par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 1er.
Par amendement n° 4 rectifié bis , M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi l'article 1er :
« Tout salarié lié par un contrat de travail de droit privé et relevant d'un régime de retraite complémentaire obligatoire mentionné au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale peut adhérer à un plan d'épargne retraite, dans les conditions prévues par la présente loi.
« Les salariés employés par une entreprise dans laquelle ne sont pas proposés de plans d'épargne retraite peuvent demander leur adhésion à un plan existant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 157, présenté par le Gouvernement, tend à supprimer le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4 rectifié bis .
Le sous-amendement n° 153, déposé par M. Seillier, vise, dans le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4 rectifié bis :
I. - Après les mots : « plans d'épargne retraite », à insérer les mots : « dans les conditions définies à l'article 6 de la présente loi ».
II. - Après les mots : « adhésion à un plan », à insérer les mots : « d'épargne retraite à titre individuel ».
III. - A supprimer les mots : « en Conseil d'Etat ».
Par amendement n° 46, MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans l'article 1er, de supprimer les mots : « majeur titulaire d'un contrat de travail de droit privé », et les mots : « et des régimes de retraite complémentaire mentionnés au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale ».
La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Marc Massion. L'article 1er est l'article qui institue le système. Il est donc dans la logique de ce que nous avons dit depuis le début que nous demandions sa suppression.
Je veux attirer l'attention sur la situation qui existe avant même que le système proposé puisse éventuellement être mis en application.
Un certain nombre d'entreprises ou de branches professionnelles ont déjà mis en place des systèmes de retraite complémentaire à adhésion obligatoire pour l'ensemble de leurs salariés ou une ou plusieurs catégories d'entre eux. Si l'affiliation des salariés est obligatoire, la décision de mise en place ou d'interruption de ces couvertures incombe librement aux entreprises.
Rien ne justifie que ces systèmes, qui existent souvent depuis de nombreuses années et représentent un volume d'encaissements annuels de 8 milliards à 10 milliards de francs, ne puissent continuer à exister.
Or, la mise en place, avantageuse sur le plan fiscal et social, du nouveau plan d'épargne retraite ne manquera pas de porter un coup fâcheux à ces régimes.
Avant de songer à un système facultatif et individuel d'épargne retraite, il conviendrait donc de développer plutôt ces régimes de retraite supplémentaire collectifs, obligatoires et paritaires.
Par ailleurs, encourager les régimes collectifs d'entreprises n'a pas d'influence sur les prélèvements obligatoires.
Enfin, une constitution de retraite prenant beaucoup de temps si l'on veut recevoir une prestation complémentaire décente, il convient de choisir l'obligation plutôt que le régime facultatif.
M. le président. La parole est à M. Bécart, pour défendre l'amendement n° 107.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les régimes obligatoires de protection sociale et le principe de la solidarité entre générations sont-ils aujourd'hui en bout de course ?
Il y a en effet belle lurette que des voix se sont élevées pour annoncer le naufrage prochain des régimes de protection sociale obligatoire, victimes en quelque sorte de la crise économique, des évolutions de la démographie et d'une sorte de montée en charge des prestations.
Le chantage à la démographie est couramment utilisé pour justifier la remise en cause des garanties collectives fondamentales en matière d'assurance vieillesse, la détérioration continuelle du ratio cotisants-retraités remettant en cause l'équilibre général du dispositif.
Méfions-nous, toutefois, des prospectives démographiques trop audacieuses quant à la durée. Il en va en effet de la démographie comme de la météorologie : plus l'on s'éloigne du moment de l'observation, plus la marge d'erreur est grande.
Qui aurait prédit à la France de l'entre-deux-guerres, saignée à blanc par la Première Guerre mondiale, qu'elle connaîtrait dans les années quarante et cinquante une véritable explosion démographique, avec des classes d'âge, aujourd'hui théoriquement en pleine activité, de plus de 800 000 personnes ?
De la même façon, on ne peut que rappeler que notre pays garde, par rapport à d'autres pays voisins, comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et même l'Italie ou l'Espagne, un certain dynamisme démographique qui a d'ailleurs de multiples raisons.
L'une des causes fondamentales de la détérioration du ratio cotisants-retraités réside, qu'on le veuille ou non, dans la persistance et le développement d'un chômage massif, qui conditionne aujourd'hui des pertes de recettes très importantes pour la protection sociale, singulièrement pour l'assurance vieillesse.
La discussion de la loi de financement de la protection sociale n'a-t-elle pas montré que la raison principale du dérapage des comptes sociaux - qu'il convient de regarder toutefois à sa juste mesure - résidait dans les pertes de recettes, et, accessoirement, se retrouvait dans certaines charges de non-compensation et de compensation que doit assumer le régime général ?
Les fonds de pension sont un peu présentés comme une réponse au risque démographique et on les dit insensibles aux contraintes de la conjoncture en termes d'emploi global de la force de travail.
Par ailleurs, les fonds de pension vont être accompagnés d'un appareillage de dispositions fiscales et sociales particulières, qui sont, en fait, appelées à les rendre attractifs.
Cela pose une question essentielle. Il y a en effet fort à parier que, dans de nombreuses entreprises, notamment celles où le dialogue social est limité à sa plus simple expression, nous ne soyons bientôt amenés à constater un comportement nouveau des chefs d'entreprise, qui consistera à favoriser, dans la gestion quotidienne, la souscription et l'abondement de plans d'épargne retraite en échange, si l'on peut dire, de la revalorisation des salaires.
En clair, les fonds de pension apparaîtront comme un lent mais sûr processus de liquidation progressive de l'assiette des garanties collectives fondées sur la répartition.
Si l'on en croit les plus chauds partisans du système de capitalisation, ce sont 40 milliards à 60 milliards de francs qui, dès la promulgation de la présente loi, pourraient être collectés.
Attendu que ces sommes représentent 1 à 2 points de masse salariale, il est à craindre que, outre le coût d'une éventuelle exonération non compensée, le régime général de protection sociale ne subisse également les conséquences d'une assiette condamnée à se rétrécir ou, au mieux, à se stabiliser en francs courants.
Pourquoi ? Tout simplement parce que les fonds de pension ne sont établis et rémunérés que sur la base de la valorisation d'une seule utilisation de la valeur ajoutée, le versement de dividendes et d'intérêts.
En fait, les fonds de pension sont clairement, dès le départ, un obstacle dressé contre les salaires bruts comme contre les salaires nets, puisque leur rémunération dépend de la moindre progression de ces salaires.
Pour ce seul motif, on ne peut que rejeter le principe même d'un tel mécanisme et, par conséquent, adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4 rectifié bis .
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise, en particulier, le cas des entreprises, notamment petites et moyennes, qui n'auraient pas pu - ou n'auraient pas voulu - créer de plan d'épargne retraite.
Nous suggérons que, dans ces situations-là - et ces situations-là seulement -, on permette aux salariés concernés de demander leur adhésion à un plan existant, dans des conditions à définir par le pouvoir réglementaire, et ce afin de ne laisser personne au bord du chemin et de permettre à tous les salariés, même de très petites entreprises, de bénéficier des plans d'épargne retraite.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 157.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. La nouvelle rédaction proposée dans l'amendement n° 4 rectifié bis par la commission des finances pour le premier alinéa de l'article 1er convient parfaitement au Gouvernement. Elle est plus concise et se justifie, car la seule référence au régime complémentaire est suffisante, sous réserve d'ailleurs d'un cas que nous aborderons plus tard lors de l'examen d'un sous-amendement déposé par M. Cantegrit, celui des Français de l'étranger.
En revanche, le second alinéa de l'amendement n° 4 rectifié bis soulève une question plus délicate. Il répond à un double souci.
Il s'agit, d'une part, de faire en sorte qu'aucun salarié ne se trouve dans l'impossibilité d'adhérer à un plan d'épargne retraite. Cette préoccupation est partagée par le Gouvernement, qui a choisi, pour atteindre cet objectif, de faire confiance à la dynamique de la négociation collective, dans l'entreprise, dans la branche ou au niveau interprofessionnel, pour que l'ensemble des salariés puissent avoir accès au plan d'épargne retraite dans des délais raisonnables.
De plus, la possibilité, prévue par l'article 6 de la proposition de loi, de mettre en place des plans d'épargne retraite par décision unilatérale d'un employeur ou d'un groupement d'employeurs permet de surmonter les blocages éventuels de la négociation collective.
Il s'agit, d'autre part, de mettre les plans en concurrence les uns avec les autres pour améliorer leurs performances. Or l'amendement n° 9 tendant à créer un article 6 bis répond déjà à cette préoccupation, que nous partageons, en proposant que les souscripteurs d'un plan puissent réexaminer l'ensemble des conditions au moins tous les cinq ans.
L'adhésion individualisée telle qu'elle est envisagée ici pose problème.
En effet, la possibilité ouverte pour des plans d'entreprise ou de branche d'accueillir des adhérents venant d'autres entreprises ou d'autres branches pourrait être utilisée par certaines entreprises financières pour démarcher directement l'ensemble des salariés sur la base d'un contrat conclu, en principe, pour ces salariés, mais destiné, en fait, aux salariés extérieurs. Dans ce cas, nous serions ramenés à la souscription purement individuelle, qui avait été écartée par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement.
En outre, une telle possibilité risquerait de freiner la mise en place des plans étant donné que les employeurs peu désireux de négocier sur cette question pourraient facilement se défausser en renvoyant ceux de leurs salariés qui en exprimeraient la demande vers d'autres entreprises.
Autrement dit, monsieur le rapporteur, le Gouvernement reconnaît que vous posez un vrai problème, celui du salarié qui souhaiterait adhérer à un plan dans l'hyppothèse où aucun accord n'aurait été passé au niveau de son entreprise ou au niveau de sa branche. Néanmoins, notre sentiment est que cette hypothèse doit faire l'objet d'une étude plus attentive et que nous ne sommes pas en mesure de retenir aujourd'hui cet amendement dans la rédaction proposée.
Peut-être la suite du débat à l'Assemblée nationale nous permettra-t-elle de progresser sur ce point ? Mais, en l'état actuel, le Gouvernement ne peut accepter votre amendement, monsieur le rapporteur, qu'à la condition de l'amputer de son second alinéa, comme le prévoit le sous-amendement n° 157.
M. le président. La parole et à M. Seillier, pour défendre le sous-amendement n° 153.
M. Bernard Seillier. Il s'agit d'un sous-amendement de précision qui porte sur le second alinéa de l'amendement n° 4 rectifié bis de la commission. Il n'apporte rien de neuf par rapport au débat qui a été ouvert à l'instant par M. le ministre.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Marc Massion. L'article 1er de la proposition de loi illustre la précipitation avec laquelle ce texte a été élaboré, même s'il a fallu du temps pour qu'il arrive jusqu'à nous.
La qualité première d'un texte de loi devrait être sa clarté et sa lisibilité. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cet article 1er ne répond pas à ces deux critères.
M. le rapporteur a manifesté sa sollicitude aux salariés de moins de dix-huit ans, qui étaient exclus dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Je ne suis pas sûr que la population potentielle soit considérable, car l'accès à un fonds d'épargne retraite suppose un emploi et un niveau de rémunération relativement élevé. Rien ne justifiait toutefois l'exclusion de cette catégorie.
Pourtant, cette amélioration du texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas suffisante. Le texte que vous proposez, monsieur le rapporteur, exclut tout à la fois les agents contractuels et les salariés agricoles. Vous me permettrez, dans un cas comme dans l'autre, de ne pas bien comprendre les raisons de cette double exclusion.
Rien ne justifie que les agents contractuels de l'Etat, des collectivités territoriales et de certains établissements publics soient exclus du bénéfice des plans d'épargne retraite, d'autant moins que vous proposez des adhésions individuelles.
Vous allez sans doute m'objecter, du moins c'est M. le ministre qui le fera, que les agents contractuels peuvent bénéficier de la PRÉFON. Certes, cet organisme couvre aussi les conjoints de fonctionnaires ou agents contractuels, que ceux-ci aient cette qualité ou soient des salariés de droit privé.
Vous allez également me dire que les finances de l'Etat pourraient également se trouver engagées si ses agents contractuels demandaient un abondement à leur employeur.
Vous me permettrez de ne pas accepter cet argument, alors que le statut fiscal et social que vous avez élaboré va peser considérablement sur le budget de l'Etat et sur les finances de la sécurité sociale. Mais n'anticipons pas, car nous aurons l'occasion de revenir un peu plus tard sur cette question.
En outre, vous avez prévu des adhésions individuelles lorsque l'employeur n'aura pas mis en place de plan d'épargne retraite. Dans ces conditions, je ne vois pas ce qui peut vous conduire à exclure les contractuels de l'Etat et des collectivités publiques.
La dernière exclusion concerne les salariés agricoles. Dès lors que vous faites référence aux régimes complémentaires de salariés, il vous faut viser non seulement le titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, mais aussi l'article 1050 du code rural.
Pour notre part, il nous semble plus simple de faire référence aux régimes de base de sécurité sociale, et donc de reprendre, sur ce point, la formulation de l'Assemblée nationale sans faire également référence aux régimes complémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 45 et 107, sur les sous-amendements n°s 157 et 153 et sur l'amendement n° 46 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 45 et 107.
S'agissant du sous-amendement n° 157, si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, vous avez admis la réalité du problème posé pour les PME ayant de faibles effectifs et qui peuvent très bien ne pas être couvertes, au moins pendant la période initiale, par un accord permettant de créer un fonds d'épargne retraite.
Vous soulignez la nécessité d'études complémentaires. Moi, je vous répondrai plutôt : prévoyons dès maintenant l'ouverture du dispositif aux salariés de ces PME et si, dans le cours de la navette, la rédaction doit être améliorée, naturellement, on y pouvoira dans l'une ou l'autre des deux assemblées.
Aussi, mes chers collègues, en dépit de ce qui nous a été indiqué voilà quelques instants par M. le ministre, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 157.
Je comprends bien le souci de M. Seillier, mais je pense qu'il serait préférable, à ce stade, qu'il retire son sous-amendement n° 153. En effet, le point dont il s'agit peut être traité soit par décret, car nous évoquons un décret au second alinéa de notre amendement, soit au moyen d'une précision rédactionnelle qui serait apportée au cours de la navette. Venant d'avoir connaissance de votre texte, mon cher collègue, je ne suis pas en mesure de vous faire une réponse plus satisfaisante, bien que je reconnaisse la pertinence de votre remarque.
En ce qui concerne l'amendement n° 46, qui ouvre le champ des fonds d'épargne retraite, j'aurais tendance à dire à M. Massion que je ne comprends plus très bien. En effet, il souhaite que les salariés bénéficiaires de régimes spéciaux de sécurité sociale entrent dans le champ d'application du dispositif d'épargne retraite. Nous, nous avons envisagé ce dispositif pour le régime général et pour tous ceux qui, affiliés au régime général, sont également adhérents, par définition, des régimes obligatoires par répartition.
Accepter un tel amendement serait, me semble-t-il, vraiment ouvrir une brèche dans le principe de la spécificité de certains régimes destinés à des catégories de travailleurs salariés particulières. Or j'ai cru comprendre voilà un an, lorsque l'on avait timidement envisagé ce type de perspective, que les réactions étaient extrêmement vives. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à rejeter l'amendement n° 46, sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 45 et 107, sur l'amendement n° 4 rectifié bis , sur le sous-amendement n° 153 ainsi que sur l'amendement n° 46 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est évidemment hostile aux amendements identiques de suppression n°s 45 et 107.
Le Gouvernement est également hostile à l'amendement n° 46, pour la raison que vient d'exposer excellemment M. le rapporteur.
J'ai indiqué ce qu'il en était tout à l'heure de l'amendement n° 4 rectifié bis de la commission des finances en présentant le sous-amendement du Gouvernement.
Je suis, enfin, hostile au sous-amendement n° 153 de M. Seillier qui, en fait, donnerait la possibilité à un salarié de choisir sans limite, à titre individuel, n'importe quel plan d'épargne retraite. Cette disposition paraît présenter plus d'inconvénients que d'avantages et ne serait pas acceptée, notamment, par les partenaires sociaux.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 45 et 107, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 157.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Nous avons été sensibles à l'argumentation du Gouvernement. Nous comprenons l'esprit de ce sous-amendement. Cependant, nous pensons qu'il y a lieu de maintenir la possibilité pour les salariés d'adhérer à des plans existants. La rédaction de l'amendement de M. le rapporteur a été examinée de très près par la commission des finances, et nous allons être conduits à l'adopter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 157, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 153.
M. Bernard Seillier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 153 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4 rectifié bis.
M. Marc Massion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Le second alinéa que M. le rapporteur propose d'ajouter à l'article 1er modifie sensiblement la proposition initiale. Je vois mal, en outre, comment il pourra être appliqué.
Il modifie la proposition initiale, car il opte résolument pour des adhésions individuelles et confirme pleinement l'orientation de votre texte en faveur d'opérations d'épargne et non d'opérations de retraite.
Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons dit précédemment. Je m'en tiendrai à l'analyse de votre texte qui, je le crains, sera difficilement applicable.
La proposition de loi réserve l'accès aux plans d'épargne retraite aux seuls salariés d'entreprises ayant mis en place un tel plan. Il ne peut y avoir d'autres plans. Vous allez donc admettre que des salariés qui, pour cette raison, ne peuvent bénéficier d'un plan d'épargne retraite adhèrent à un plan existant qui ne pourra donc être que le plan d'une autre entreprise. Etes-vous certain que cette entreprise sera d'accord ? Si tel est le cas, que se passera-t-il si l'entreprise vient à disparaître ? Que ferez-vous alors de ces affiliés à titre individuel ?
En fait, ce que vous voulez, c'est que des fonds d'épargne retraite proposent, de leur propre initiative, à des assurés d'adhérer à des plans qu'ils commercialiseront. Ces fonds seront créés sur l'initiative des assureurs et non sur celle des assurés ou de leurs représentants dans le cadre de leur entreprise.
Vous nous avez expliqué que n'étaient visés que les salariés. Cette condition est effectivement applicable dès lors que l'on se situe dans le cadre de l'entreprise, puisque, lorsque le salarié quitte l'entreprise, il ne peut plus cotiser au plan de son ancienne entreprise.
Comment allez-vous faire pour des salariés adhérant individuellement ? Quels contrôles exercerez-vous pour être certain qu'il s'agit toujours d'un salarié et que celui-ci n'est pas devenu, dans l'intervalle, un non-salarié ? Je vous rappelle que vous avez prévu des avantages fiscaux et sociaux substantiels. Ceux-ci ne peuvent être accordés sans contrôle !
Que se passera-t-il lorsque l'entreprise mettra en place un plan d'épargne retraite et que certains de ses salariés cotiseront déjà individuellement à un autre fonds ? Pourront-ils continuer ou bien seront-ils tenus de rejoindre le fonds d'épargne retraite choisi par l'entreprise ?
Enfin, vous avez prévu des comités de surveillance. Comment ces salariés qui auront adhéré à titre individuel seront-ils représentés dans ces comités ?
Ce n'est pas en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat que vous allez résoudre toutes ces questions. C'est pourquoi nous demandons la suppression de ce second alinéa.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et l'amendement n° 46 n'a plus d'objet.

Article additionnel après l'article 1er