M. le président. « Art. 9. - Les employeurs souscrivent les plans d'épargne retraite auprès de personnes morales, dénommées fonds d'épargne retraite.
« Les fonds d'épargne retraite ont pour objet exclusif la gestion de plans d'épargne retraite.
« Les fonds d'épargne retraite doivent être constituées sous la forme d'une société anonyme d'assurance, d'une société d'assurance mutuelle, d'une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou d'un organisme mutualiste du code de la mutualité.
« Lorsque le fonds d'épargne retraite est constitué sous forme d'une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, le chapitre II du titre III du livre IX dudit code est applicable aux plans d'épargne retraite souscrits auprès de ce fonds.
« Lorsque le fonds est constitué sous une autre forme juridique, les titres premier, III et IV du livre premier et le titre IV du livre IV du code des assurances sont applicables aux plans d'épargne retraite souscrits auprès de ce fonds. Toutefois, lorsque le fonds d'épargne retraite est constitué sous la forme d'un organisme mutualiste régi par le code de la mutualité, les dispositions dudit code relatives aux obligations réciproques des organismes et des adhérents sont applicables lorsqu'elles sont compatibles avec les dispositions du présent alinéa. »
Sur l'article, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. L'article 9 a pour objet de clarifier la question du statut juridique des fonds de pension.
Ainsi, les fonds de pension seront des sociétés anonymes à but lucratif dont l'objet exclusif est la gestion de fonds d'épargne retraite.
Cet article prévoit également la possibilité d'une variété d'intervenants comprenant quatre catégories principales, dont les règles de fonctionnement sont d'ailleurs tout à fait différentes les unes des autres. Il s'agit des sociétés d'assurance - dans ce cas, on peut estimer que le capital du fonds de pension sera constitué à partir du capital de la branche vie-capitalisation - ainsi que des sociétés d'assurance mutualistes, des institutions de prévoyance à but non lucratif et, enfin, des sociétés mutualistes.
Ainsi organisé, ce champ de la concurrence exclut de fait les établissements de crédit, dont l'absence peut surprendre mais dont on verra que M. le rapporteur n'a pas oublié l'existence dès lors qu'il soumet les activités des fonds de pension à l'avis de la Commission des opérations de Bourse et qu'il les assimile à des organismes de gestion de portefeuille pour compte de tiers, c'est-à-dire à des maisons de titres.
Bien entendu, l'interaction de l'article 9 et des dispositions que je viens d'évoquer ne peut manquer de créer d'incontestables difficultés de fonctionnement pour les fonds qui n'ont pas pour origine les sociétés d'assurance.
Dès lors, l'article 9 ne met pas en place les conditions d'une concurrence loyale et équitable.
M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 76 est présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 121 est présenté par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 9.
Par amendement n° 77, MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi l'article 9 :
« Les plans d'épargne retraite sont souscrits auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les règles techniques, financières et comptables que la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés applique lorsqu'elle met en oeuvre des plans d'épargne retraite. »
Par amendement n° 13, M. Marini, au nom de la commission, propose de remplacer les deux premiers alinéas de article 9 par un alinéa rédigé comme suit :
« Les fonds d'épargne retraite sont des personnes morales ayant pour objet exclusif la couverture des engagements pris dans le cadre de plans d'épargne retraite. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 78, présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, tend, dans le texte présenté par l'amendement n° 13 pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 9, à remplacer le mot : « couverture » par les mots : « garantie intégrale ».
Le sous-amendement n° 165, présenté par MM. Charasse, Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, vise à compléter le texte présenté par l'amendement n° 13 par une phrase ainsi rédigée : « Aucun cas de force majeure ou circonstance extérieure exceptionnel, même prévu ou autorisé par une loi, ne pourra être invoqué par les sociétés anonymes d'assurance, les sociétés d'assurance mutuelle, les mutuelles, les institutions de prévoyance, pour les délier de leurs engagements vis-à-vis des affiliés. »
Le sous-amendement n° 166, présenté par M. Massion, a pour objet de compléter le texte présenté par l'amendement n° 13 par une phrase ainsi rédigée : « L'usage, dans les plans d'épargne retraite, d'unités de compte est prohibé. »
Par amendement n° 14, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article 9 :
« Lorsque le fonds est constitué sous une autre forme juridique, les titres Ier, III et IV du livre Ier et le titre IV du livre IV du code des assurances sont applicables aux plans d'épargne retraite souscrits auprès de ce fonds. Toutefois, lorsque le fonds d'épargne retraite est constitué sous la forme d'un organisme mutualiste régi par le code de la mutualité, les articles L. 121-2, L. 122-2, L. 122-3, L. 321-2 dudit code lui demeurent applicables. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 79, présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, dans la dernière phrase du texte proposé par l'amendement n° 14 pour le dernier alinéa de l'article 9, à remplacer les mots : « organisme mutualiste » par les mots : « mutuelle ».
Par amendement n° 15, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter l'article 9 par un alinéa rédigé comme suit :
« Les fonds d'épargne retraite ne peuvent s'engager à servir des prestations définies en fonction du salaire de l'adhérent. »
La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 76.
M. Marc Massion. Il s'agit, en réalité, d'un amendement de cohérence avec notre amendement n° 77 puisque, par ce dernier, nous proposons une autre rédaction de l'article.
M. le président. La parole est à M. Bécart, pour présenter l'amendement n° 121.
M. Jean-Luc Bécart. En proposant la suppression de l'article 9, nous nous opposons au fait que l'argent des salariés puisse être géré en dehors de leur entreprise ou de leur branche professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 77.
M. Marc Massion. La proposition de loi ayant pour objet exclusif d'offrir à l'ensemble des salariés la possibilité de se constituer un complément de retraite, il n'est pas souhaitable que de multiples organismes interviennent pour en assurer la mise en oeuvre.
Le monopole ainsi conféré à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés constituera une garantie pour les assurés. Il évitera d'inutiles frais d'intermédiation et de gestion. Il simplifiera considérablement la tâche des entreprises et des assurés. Enfin, il permettra, en raison des volumes gérés, d'accroître la part des placements en actions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour présenter les sous-amendements n°s 78, 165 et 166.
M. Marc Massion. Le terme de « couverture » qui est employé dans l'amendement n° 13 n'a pas de signification. Il est préférable de préciser que les fonds d'épargne retraite garantissent intégralement les engagements qu'ils prennent vis-à-vis de leurs assurés. Tel est l'objet du sous-amendement n° 78.
Le sous-amendement n° 165, déposé sur l'initiative de notre collègue M. Charasse, tend à préciser que les fonds d'épargne retraite devront, en toutes circonstances, faire intégralement face à leurs engagements et servir aux bénéficiaires des fonds l'intégralité des rentes et des capitaux promis lors de la mise en place des plans d'épargne retraite.
Enfin, le sous-amendement n° 166 vise à prohiber l'usage, dans les plans d'épargne retraite, d'unités de compte. En effet, les plans libellés sous forme de contrats en unités de compte comportent des risques tant pour les titulaires que pour les entreprises souscriptrices. Ces contrats, exprimés en unités de SICAV ou de fonds communs de placement, peuvent avoir des résultats très aléatoires en fonction de l'évolution des marchés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre le sous-amendement n° 79.
M. Marc Massion. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 79 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 76, 121 et 77, ainsi que sur les sous-amendements n°s 78, 165 et 166.
M. Philippe Marini, rapporteur. M. le ministre appelait tout à l'heure à juste titre notre attention sur l'utilité d'encourager le placement en actions auprès des gérants des actifs des fonds d'épargne retraite.
La commission des finances estime que la meilleure façon de s'assurer de la prédominance des actions est précisément d'exclure les contrats dits à prestations définies. Ces derniers supposent, en effet, des engagements de rendement arithmétique. Or, pour y parvenir, la seule solution technique consiste à utiliser essentiellement les instruments de taux, les instruments obligataires tels que les valeurs du Trésor ou les titres de créances émis par les émetteurs privés.
Vous aurez certainement deviné que la commission est défavorable aux amendements identiques n°s 76 et 121.
Quant à l'amendement n° 77, la commission y est fermement défavorable, car il est contraire à la liberté individuelle et aux intérêts des adhérents. En effet, la concurrence les préservera. En outre, il tend à instaurer une sorte d'organisation administrée qui s'imposerait à tous, ce qui est naturellement tout à fait contraire à la philosophie de cette proposition de loi.
S'agissant du sous-amendement n° 78, le terme « couverture », contrairement à ce que prétendent ses auteurs, est fréquemment utilisé par le code des assurances et il a un sens précis. La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 165 me semble a priori superfétatoire, car le code des assurances doit déjà apporter de telles garanties. Toutefois, nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement sur ce point afin qu'il apporte au Sénat toutes les précisions indispensables.
La commission est très défavorable au sous-amendement n° 166, car les plans libellés en unités de compte nous semblent, au contraire, plus protecteurs des intérêts des adhérents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 76, 121, 77, 13, 14 et 15 ainsi que sur les sous-amendements n°s 78, 165 et 166 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est naturellement défavorable aux amendements identiques n°s 76 et 121 ainsi qu'à l'amendement n° 77, qui est contraire à la philosophie de la réforme.
Il est favorable à l'amendement n° 13, qui est de nature rédactionnelle.
Le sous-amendement n° 78, qui tend à supprimer le mot « couverture », ne me paraît pas nécessaire. Je sais bien que, à cette heure, nous préférerions le mot « couette » (Sourires), mais le mot « couverture » a été retenu, monsieur Massion, par la loi Evin du 31 décembre 1989. Il a également une signification juridique, et il peut donc être maintenu.
Le Gouvernement n'est pas hostile, sur le fond, au sous-amendement n° 165, qui tend à préciser que les fonds d'épargne retraite ne peuvent se délier de leurs engagements à l'égard des salariés qui ont adhéré à un plan auprès d'eux. Toutefois, il nous paraît inutile puisque, en réalité, les dispositions qu'il prévoit figurent déjà dans d'autres textes, notamment dans le code des assurances. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Il est défavorable au sous-amendement n° 166, mais favorable à l'amendement n° 14.
Il n'est pas hostile à l'amendement n° 15. Toutefois, je fais simplement observer à M. le rapporteur que la rédaction retenue au premier alinéa et à la fin de l'article 2 signifie implicitement que les fonds d'épargne retraite ne peuvent s'engager à servir des prestations définies en fonction du salaire de l'adhérent puisqu'elles seront liées aux versements qu'ils auront effectués pour leur compte. Cela dit, si M. le rapporteur souhaite apporter cette précision supplémentaire à l'article 9, je ne m'y opposerai pas.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 165 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission partage l'avis du Gouvernement : elle y est défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 76 et 121, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 78, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 165, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 166.
M. Marc Massion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Je souhaite apporter quelques précisions supplémentaires. Le code des assurances prévoit deux types de contrats que, dans un souci de protection des assurés, les directives européennes imposent de nettement dissocier. Tout d'abord, les risques sont à la charge de l'assureur lorsqu'il s'agit de contrats libellés en francs et du souscripteur lorsqu'il s'agit de contrats libellés en unités de compte. Il est essentiel, pour la protection des retraites, que seuls des contrats en francs puissent être gérés par les fonds de pension.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 166, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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