M. le président. Mme Nicole Borvo attire à nouveau l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation dramatique des victimes du saturnisme à Paris.
En trois ans, 1 904 enfants ont présenté des signes de saturnisme dans la capitale, selon les nouvelles données de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France.
Cette maladie des taudis, qui frappe les plus pauvres, doit être éradiquée.
Le seul remède au saturnisme, c'est le relogement des familles.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour reloger de manière prioritaire les familles touchées et publier les sites exacts où les plombémies supérieures à 100 microgrammes ont été relevées, afin de pouvoir intervenir efficacement et rapidement. (N° 524.)
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Voilà un an, j'interrogeais M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation qui fait que des Parisiens, et malheureusement des plus jeunes, sont victimes de saturnisme.
Depuis un an, la situation ne s'est pas améliorée, bien au contraire. C'est ce qui ressort d'une étude de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France, la DRASSIF, étude dont la publication a d'ailleurs été retardée sans doute parce que les chiffres qu'elle contient sont terriblement accusateurs pour les pouvoirs publics.
Permettez-moi de citer quelques extraits de ce rapport.
« Le nombre d'enfants présentant au moins un critère majeur est en augmentation : 70 % des enfants prélevés pour dépistage entre novembre 1994 et avril 1995 présentent au moins un pica et/ou un autre cas de saturnisme dans l'entourage et/ou demeurent dans un habitat ancien dégradé, contre 62 % précédemment. »
Le rapport note également que le « pourcentage d'enfants d'origine européenne augmente » et que l'« on retrouve des enfants présentant des plombémies élevées quelle que soit l'origine géographique des familles ».
Les familles des milieux les plus défavorisés sont particulièrement frappées par cette maladie des taudis. C'est le nord-est de la capitale qui est d'ailleurs le plus touché. Or c'est là que le chômage et la précarité atteignent des taux largement supérieurs aux moyennes régionales. C'est également là que l'on compte le plus grand nombre d'habitations précaires de la capitale.
La situation est telle qu'on ne peut plus attendre pour prendre des mesures efficaces afin d'en finir avec cette maladie d'un autre âge.
Et ce n'est pas une modeste équipe d'un comité de pilotage de lutte contre le saturnisme insuffisamment pourvue en moyens - trois personnes à mi-temps seulement, selon la presse - qui pourra venir à bout des problèmes de saturnisme à Paris !
Au lieu de parcelliser le problèmes, il conviendrait de regrouper les services sanitaires et sociaux de la mairie et de la préfecture afin qu'ils puissent les étudier globalement et apporter des réponses adaptées aux victimes de cette terrible maladie. Il n'y a pas de remède médical : c'est par le relogement des familles concernées qu'il faut lutter contre le saturnisme.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence. Madame le sénateur, en Ile-de-France, de mai 1992 à avril 1995, un dépistage du saturnisme a été réalisé chez 6 490 enfants à partir des données de l'interrogatoire médical et/ou des signes cliniques évocateurs d'intoxication par le plomb.
Chez 1 296 d'entre eux, la plombémie était supérieure à 150 microgrammes par litre, nécessitant une enquête environnementale au domicile de l'enfant, permettant de repérer les peintures dégradées et d'informer les familles sur les zones à risque qui seront isolées.
Le suivi de ces enfants à intervalle régulier est indispensable pour juger de la maîtrise de l'environnement, des mesures d'hygiène et, le cas échéant, des résultats du traitement curatif.
Les données non médicales résultant du dépistage et du suivi sont intégrées dans un système de surveillance et sont communiquées, sous forme de synthèse, à un comité de pilotage de la lutte contre le saturnisme, mis en place en avril 1996 par le préfet de Paris, qui en a confié la présidence au directeur régional des affaires sanitaires et sociales.
Ce comité s'appuie sur deux commissions de travail : une commission « santé », chargée d'étudier les cas d'intoxication qui lui sont soumis, et une commission opérationnelle, dont la mission est d'arrêter les dispositions techniques et financières propres à supprimer les causes du saturnisme, de prescrire les travaux nécessaires et d'aider les familles concernées.
En effet, le relogement n'est pas la solution unique pour prévenir l'intoxication au plomb. On le réserve aux situations où l'habitat est irrémédiablement insalubre ou dans lesquelles une surpopulation aggravée ne permet pas à la famille de vivre dans des conditions décentes.
Dans la majorité des cas, un bon niveau de protection est atteint par des travaux de recouvrement des peintures, qui peuvent être financés dans le cadre des aides publiques habituelles de rénovation de l'habitat.
Ainsi, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, a relevé le montant des travaux subventionnables à 40 000 francs en cas de peintures riches en plomb susceptibles d'entraîner des cas de saturnisme et supprimé le délai de cinq ans avant l'intervention d'une autre subvention d'amélioration de l'habitat.
Le projet de loi de renforcement de la cohésion sociale prévoit par ailleurs d'appuyer les actions de luttre contre le saturnisme, notamment par l'attribution à l'ANAH de crédits réservés à la réalisation de travaux d'urgence dans les logements des enfants intoxiqués.
Enfin, il convient de rappeler que, dans la région parisienne, au titre du plan Périssol, plusieurs milliers de logements anciens rénovés sont en cours de mise sur le marché pour le relogement des personnes modestes et que le risque lié au plomb est pris en compte dans ces rénovations.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de toutes les informations que vous avez bien voulu me donner. J'espère simplement ne pas avoir à constater dans un an que la situation à cet égard continue de s'aggraver.
Vous avez cité un certain nombre de mesures de prévention qui ont été prises. Vous avez indiqué en particulier que des commissions se préoccupent de ce problème. Mais une politique de prévention implique un engagement financier de la part des pouvoirs publics, car les dépenses en question ne peuvent pas être assumées par les familles, chacun le sait.
Quelques rares entreprises du bâtiment possèdent le matériel permettant d'éviter une aggravation de la pollution. Or le coût d'une telle intervention est supérieur à 100 000 francs pour un petit appartement. Il convient de mettre une telle somme en regard du coût des hospitalisations répétées, des souffrances qu'entraîne la maladie pour les enfants et les familles, sans parler des retards scolaires, qui ont également un coût social.
Cette situation est donc humainement insupportable mais aussi économiquement extravagante. Les enfants « ont droit » à la maladie parce qu'ils sont pris en charge à 100 %, mais ils n'ont pas droit à la santé puisque le problème se pose en amont.
Je crois que ce qui a été décidé, après maintes difficultés, concernant la cartographie de l'amiante doit être décidé pour le plomb si l'on veut véritablement se donner les moyens d'éradiquer cette maladie aux conséquences irréversibles, et parfois fatales.
Il y a lieu de mettre en oeuvre des pénalités fiscales importantes pour les propriétaires bailleurs de mauvaise foi qui se refusent à mettre leurs logements en conformité avec les normes d'hygiène. Il importe de mettre en place un dispositif d'incitation fiscale pour les propriétaires confrontés au problème du saturnisme.

CRITÈRES D'AFFECTATION DES POLICIERS À PARIS