M. le président. M. Alain Gérard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur l'adaptation de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail au secteur de la pêche.
En effet, on constate un déficit de recrutement des jeunes trop peu attirés par le métier de marin. Si cette difficulté à recruter devait perdurer, dans quelques années ce sont bon nombre de bateaux qui seront dans l'obligation d'arrêter leur exploitation par manque d'effectifs.
Quelles sont les raisons d'une telle désaffection ?
Alors que, dans toute l'industrie, l'amélioration de la productivité a eu des répercussions positives sur les employés par la diminution de la charge de travail, dans le secteur de la pêche il y a eu amélioration très importante de la productivité afin de donner des salaires convenables en compensation de la pénibilité et des risques de l'activité, au détriment des conditions sociales et de l'embauche.
Les jeunes refusent aujourd'hui d'entrer dans ce système. La réduction de jours de mer pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance.
C'est pourquoi il lui demande si une réflexion pouvait s'engager, en concertation avec les organisations professionnelles, afin de mettre en place un dispositif contractuel qui s'inspirerait de la loi Robien et qui s'appliquerait, avec ses spécificités, au secteur de la pêche. (N° 514.)
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Madame le secrétaire d'Etat, par ma question, je souhaitais appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur l'adaptation au secteur de la pêche de la loi du 11 juin 1996 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.
En effet, on constate un déficit de recrutement des jeunes, trop peu attirés par le métier de marin. Si cette difficulté à recruter devait perdurer, dans quelques années ce sont bon nombre de bateaux qui seront dans l'obligation d'arrêter leur exploitation par manque d'effectifs.
Quelles sont les raisons d'une telle désaffection ?
Alors que, dans toute l'industrie, l'amélioration de la productivité a eu des répercussions positives sur les employés par la diminution de la charge de travail, dans le secteur de la pêche cette amélioration très importante de la productivité a permis de donner des salaires convenables en compensation de la pénibilité et des risques de l'activité, mais s'est faite au détriment des conditions sociales de l'embauche.
Les jeunes refusent aujourd'hui d'entrer dans ce système. La réduction du nombre de jours de mer pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance.
C'est pourquoi je demande au ministre de l'agriculture et de la pêche si une réflexion ne pourrait pas s'engager en concertation avec les organisations professionnelles afin de mettre en place un dispositif contractuel qui s'inspirerait de la loi Robien et qui s'appliquerait avec ses spécificités au secteur de la pêche.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation m'a chargée de répondre à sa place à la question que vous posez. Je le fais d'autant plus volontiers que, comme vous le savez, la réglementation du travail à la pêche relève, dans l'organisation administrative, du ministère des transports.
Peut-on réellement parler, comme vous le faites, d'une désaffection des jeunes pour le métier de marin-pêcheur, ce qui serait évidemment tout à fait triste ? Je n'en suis pas si sûre. Certes, la crise de la pêche des années 1993-1994 a véhiculé une image quelque peu misérabiliste de ce métier, image qui comporte des réalités, mais aussi un certain nombre d'excès. Cette image est, me semble-t-il, en train de s'améliorer dans la mesure où les salaires sont, dans leur ensemble, devenus tout à fait corrects. D'ailleurs, la plus grande attractivité de ce métier s'est ressentie lors de la dernière rentrée scolaire des écoles maritimes et aquacoles à travers l'augmentation des effectifs.
Il n'en reste pas moins qu'il est important que soit menée une réflexion sur l'emploi à la pêche, et vous avez tout à fait raison de le souligner, monsieur le sénateur.
En adoptant la loi d'orientation sur la pêche, le Sénat a pu constater l'importance donnée au volet social ; les diverses mesures prises à cet égard sont, à l'évidence, de nature à moderniser l'exercice du métier, donc à attirer des jeunes.
Quant à la mise en place d'un dispositif s'inspirant de la loi Robien, elle fait l'objet, vous le savez, monsieur le sénateur, d'une étude détaillée du comité local des pêches du Guilvinec. Cette proposition est actuellement étudiée par la direction des gens de mer, en liaison avec le ministère du travail. La réflexion que vous souhaitez est donc engagée.
Par ailleurs, le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation est favorable au principe d'un dispositif s'inspirant de la loi Robien, mais celui-ci devra tenir compte des spécificités de la pêche.
Tout d'abord, se pose la question du temps de travail, qui est très difficile à calculer dans le secteur de la pêche. Il faudrait envisager une réduction de la durée du travail qui soit compatible avec les règles traditionnelles de décompte des activités.
L'exonération des charges sociales à laquelle la loi ouvre droit pose également un problème. Vous savez que les charges sociales à la pêche ont déjà fait l'objet d'exonérations importantes, notamment à la suite de la crise de 1994. Une nouvelle exonération devrait donc s'inscrire dans ce contexte particulier.
Enfin, la rémunération à la part est un puissant élément de motivation des pêcheurs. Tous y sont très attachés et l'embauche de membres d'équipages supplémentaires pourrait se traduire par des parts moindres pour chacun.
Il y a donc un certain nombre d'obstacles à surmonter, mais ils doivent pouvoir être aplanis avec le concours des professionnels. Lors du comité de suivi de la pêche, M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation s'est déclaré prêt à examiner les adaptations envisageables au dispositif de la loi Robien et je ne doute pas qu'il restera en contact avec vous, monsieur le sénateur, pour progresser dans cette voie.
M. Alain Gérard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse que vous avez bien voulu m'apporter, mais je me permets d'insister sur l'urgence qui s'attache à la résolution des problèmes que j'ai évoqués.
Lorsqu'on étudie l'origine sociogéographique des élèves des lycées maritimes, on constate que la grande majorité d'entre eux vient de milieux extérieurs à la pêche et, souvent, de zones situées assez loin des ports. Cela signifie que les fils de pêcheur ne veulent plus faire le métier de leur père. On est en droit de s'interroger sur les causes d'une telle désaffection.
Dans le rapport que vous avez cité, madame le secrétaire d'Etat, on peut déjà trouver des éléments de réponse, à commencer par les contraintes qu'implique l'exercice de cette profession, notamment l'éloignement du cadre familial, l'épouse devant assurer seule la bonne marche de la famille et les enfants se voyant souvent privés de la présence de leur père. Mais d'autres facteurs sont en cause.
Si, dans l'industrie, l'amélioration de la productivité s'est accompagnée d'une diminution de la charge de travail pour les salariés, il n'en est pas de même pour les pêcheurs. Pour maintenir un salaire convenable et éviter que ne s'accroisse le nombre d'hommes bénéficiant du partage, les pêcheurs payés à la part ont vu leur charge de travail s'alourdir en même temps qu'augmentait la productivité.
Aujourd'hui, les jeunes refusent d'entrer dans ce système, qui privilégie les gains de productivité par rapport à une vie sociale et familiale acceptable.
La réduction des jours de mer pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance. C'est pourquoi la mise en place d'un dispositif contractuel qui s'inspirerait de la loi Robien pourrait, selon moi, s'appliquer, en tenant compte, bien entendu, des spécificités du métier de la pêche.
Pour les navires hauturiers et artisanaux, par exemple, l'objectif serait augmenter les équipages des navires sans accroître le nombre d'hommes présents à bord par la généralisation de la rotation au sein de l'équipage, avec deux ou trois hommes à terre en permanence.
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, j'avais déjà évoqué l'idée d'un aménagement du temps de travail adapté au secteur de la pêche. Vous avez confirmé, madame le secrétaire d'Etat, les réponses qu'avait alors apportées M. le ministre de l'agriculture, qui s'était engagé à susciter une discussion sur ce point ; je ne puis que m'en réjouir.

PRÉVENTION DU SATURNISME À PARIS