POURVOIS DEVANT LA COUR DE CASSATION

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 11, 1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation. [Rapport n° 160 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je connais vos préoccupations à l'égard des difficultés que rencontre la Cour de cassation dans son fonctionnement quotidien et je sais tout l'intérêt que vous portez aux remèdes qui doivent être recherchés pour remédier à une situation désormais inquiétante.
A vrai dire, un consensus s'est dégagé ces dernières années pour établir le diagnostic du mal qui frappe la Cour judiciaire suprême.
L'encombrement chronique dont elle souffre a été souvent décrit. Je rappelle que le nombre des pourvois a fortement progressé de 1975 à 1995, passant de 7 633 à 20 169, soit une croissance de 165 %.
Comme l'a d'ailleurs fort justement rappelé le premier président M. Pierre Truche vendredi dernier, à l'occasion de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, les causes de cet engorgement sont multiples. Il a bien montré, en particulier, l'absence de relation entre le nombre important de pourvois et, si j'ose dire, l'efficacité du travail de la Cour de cassation et du contrôle qu'elle exerce sur les décisions des cours d'appel.
Certaines causes de cet engorgement tiennent au fonctionnement général de l'institution judiciaire. Elles ont été dernièrement expertisées par la mission d'information de la commission des lois du Sénat, chargée d'évaluer les moyens de la justice. Permettez-moi, à cet égard, de souligner le remarquable travail effectué par son président, M. Pierre Fauchon, et par son rapporteur, M. Charles Jolibois, qui est également rapporteur - ce n'est une coïncidence - de la présente proposition de loi, et dont l'intérêt pour la justice ne se dément pas.
Vous savez que, pour ma part, j'ai confié, voilà dix-huit mois, au président Coulon une mission de réflexion et de propositions sur la procédure civile.
Le rapport qui vient de m'être remis constitue la première étape d'une ambitieuse réforme, que je veux pragmatique et rapide. Les propositions concrètes et réalistes du président Coulon nous permettront d'adopter rapidement un certain nombre de mesures importantes.
Mais la situation si particulière de la Cour de cassation au sein de l'institution judiciaire appelle, à n'en pas douter, une réflexion propre et des réponses spécifiques.
Cette réflexion, qui a été engagée par mon prédécesseur, voilà près de trois ans, avait donné lieu à un débat très riche devant votre Haute Assemblée.
Mais, vous vous en souvenez, à défaut d'un consensus sur des solutions de nature à remédier aux dysfonctionnements de la Cour de cassation, la réforme alors envisagée n'avait pu aboutir.
A l'époque, certains parlementaires avaient redouté une mutation de notre Cour de cassation en une cour suprême de type anglo-saxon uniquement chargée de juger des affaires exemplaires, et donc difficilement accessible à tous les justiciables.
Depuis lors, chacun s'est convaincu qu'une réforme s'imposait dans le respect de notre conception classique du rôle de la Cour de cassation. Je voudrais dire tout simplement le mérite, de ce point de vue, des actuels dirigeants de la Cour de cassation, le premier président, le procureur général, les présidents de chambre, et de tous ceux qui se sont efforcés de réaliser la synthèse des positions, notamment certains responsables de la Chancellerie et, en particulier, de la direction des affaires civiles, ainsi que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Pierre Mazeaud, lequel est l'auteur de la proposition de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Ce texte se fonde sur une idée judicieuse qui s'est dégagée lors des travaux de l'Assemblée national et selon laquelle si tous les pourvois méritent une égale attention, ils n'appellent pas tous un mode de traitement identique.
Il s'agit, en pratique, d'étendre les attributions de l'ancienne formation restreinte au sein de chacune des chambres de la Cour de cassation pour permettre un traitement rapide des affaires simples et favoriser l'approfondissement des dossiers les plus complexes.
Désormais, cette formation restreinte composée de trois conseillers connaîtra l'ensemble des affaires distribuées après dépôt des mémoires, sous réserve du pouvoir du premier président ou des présidents de chambre de renvoyer directement la cause à l'audience de la chambre.
Le principe du contradictoire, auquel vous avez toujours manifesté votre attachement, est ainsi pleinement respecté.
Cette formation examinera les moyens des parties pour déterminer si la solution du pourvoi s'impose d'évidence.
Dans ce cas, elle statuera elle-même, quel que soit le sens de la décision, cassation ou rejet.
Au contraire, lorsque la solution du pourvoi lui paraîtra plus complexe, elle renverra l'affaire à l'audience de la chambre.
La commission des lois du Sénat a reconnu la pertinence de ce traitement différencié des pourvois selon leur degré de complexité. Elle propose toutefois, au terme d'un examen technique tout particulièrement approfondi, des amendements qui précisent opportunément le sens et la portée du texte.
Alors que la proposition adoptée par l'Assemblée nationale tendait à s'appliquer tant aux chambres civiles qu'à la chambre criminelle, la commission des lois du Sénat propose d'en revenir pour cette dernière au droit actuel et de réserver le nouveau dispositif aux chambres civiles.
Devant la chambre criminelle, le principe resterait que le pourvoi est examiné par au moins cinq conseillers, et, par exception, si l'affaire est particulièrement simple, par une formation restreinte de trois conseillers.
Cette proposition me paraît devoir être approuvée pour plusieurs raisons, qui sont d'ailleurs excellemment rappelées par M. Jolibois dans son rapport. Je n'y reviendrai donc pas en détail.
Pour ces différentes raisons, j'émettrai un avis favorable sur les amendements n°s 2 et 4 présentés par la commission.
Par ailleurs, la commission propose de modifier l'alinéa 2 de l'article 1er pour lever toute ambiguïté sur la compétence de la formation chargée de l'examen des pourvois.
En effet, elle a relevé que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale et reprise de l'article L. 131-6 actuel du code de l'organisation judiciaire pouvait désormais apparaître maladroite.
La commission estime que les termes « lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer » laissent croire que la Cour de cassation peut être amenée à statuer sur le fondement d'une simple apparence.
Ainsi que l'a souligné M. le rapporteur, la formulation de l'article L. 131-6 actuel fonde une simple mesure d'administration judiciaire d'orientation d'un dossier. Cette rédaction peut sembler inadaptée, dès lors qu'il s'agit de redéfinir un pouvoir juridictionnel.
C'est pourquoi il me paraît possible de retenir la rédaction proposée par la commission des lois du Sénat et de dire que la formation statuera lorsque la solution du pourvoi s'impose.
Enfin, la commission des lois propose d'adopter un article additionnel tendant à réduire le quorum de l'assemblée plénière en ramenant de deux à un le nombre de conseillers de chaque chambre.
J'approuve cet amendement, qui, tout en allégeant le fonctionnement de la Cour de cassation, ne portera pas pour autant atteinte à la nécessaire solennité de cette formation qui, d'une part, restera la formation la plus large de la Cour de cassation, avec dix-neuf membres, et, d'autre part, associera les plus hauts magistrats de la Cour.
En conclusion, comme chacun peut le constater, la réforme de la Cour de cassation rencontre désormais un réel consensus et je m'en félicite.
Si l'économie du texte adopté par l'Assemblée nationale mérite largement d'être approuvée, je tiens à saluer les avancées réalisées par la commission des lois du Sénat sous l'impulsion de son rapporteur, à qui j'exprime tous mes remerciements pour la qualité de son travail d'analyse.
Cela étant dit, je ne m'exprimerai pas longuement lors de la discussion des articles, puisque le Gouvernement accepte les amendements présentés par la commission. Ainsi, notre débat sera plus simple et plus clair. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans après l'adoption par le Sénat d'un projet de loi portant réforme de l'organisation de la Cour de cassation et qui n'avait pas été adopté par l'Assemblée nationale, le Sénat est à nouveau saisi d'un texte - il s'agit, en l'occurrence, non pas d'un projet de loi, mais d'une proposition de loi - qui a le même objet, à savoir remédier à l'encombrement de la juridiction suprême de l'ordre judiciaire.
Le système adopté par l'Assemblée nationale et que nous examinons aujourd'hui diffère à la fois de la proposition de loi initiale et du projet de loi initial de 1994. En effet, il ne s'agit plus de créer une formation d'admission dans chaque chambre de la Cour de cassation, chargée de rejeter les pourvois manifestement irrecevables. Aux termes de ce nouveau texte, les affaires viendraient toutes devant une formation de trois magistrats chargée de statuer immédiatement, c'est-à-dire de rejeter le pourvoi ou de casser la décision soumise.
D'une certaine manière, le nouveau texte est plus simple, et son application devrait être plus efficace, puisque, en cas d'admission des dossiers, il évite l'examen de ces derniers par deux instances au sein de la Cour : une fois admis, les dossiers devaient en effet être réexaminés pour, éventuellement, casser la décision.
Nous avions souligné dans notre précédent rapport l'urgence d'une solution qui, en chiffres actualisés, se résume au constat suivant : en dépit de l'augmentation substantielle, en treize ans, des affaires jugées, la Cour de cassation jugeait par an 15 813 arrêts en 1982 et 27 843 en 1995. Malgré cet effort et le nombre des arrêts rendus, le stock des affaires restant à juger par la Cour de cassation avait plus que doublé : de 17 856 en 1982, il était passé à 36 208 en 1995.
Malgré une légère éclaircie en 1995, les chiffres des trois premiers trimestres de l'année 1996 sont caractérisés par une reprise de l'augmentation du stock des affaires à juger.
Dans mon rapport de 1994, j'avais expliqué cette situation par le caractère de plus en plus contentieux de notre société, par l'importance quantitative des recours dispensés du ministère d'avocat et par l'importance croissante des décisions rendues en premier et dernier ressorts, sans possibilité d'appel. Dans ce dernier cas, les plaideurs ont tendance à assimiler la Cour de cassation à un second degré de juridiction.
Il faut rappeler en outre que, malgré le doublement du nombre des pourvois en treize ans, les effectifs des magistrats ont légèrement diminué, comme vous pourrez le constater à la page 7 du rapport de la commission des lois.
Depuis plusieurs années, des réformes sont intervenues pour essayer d'enrayer cette augmentation des stocks et de trouver une solution, sans jamais proposer de revenir à l'ancienne chambre des requêtes, qui alourdirait la procédure.
A cet égard, la loi du 6 août 1981 se trouve, au fond, à l'origine de la réforme qui vous est soumise aujourd'hui, mes chers collègues. Cette loi avait en effet créé les formations restreintes de trois magistrats et dérogé à la règle minimale des cinq magistrats nécessaires pour rendre un arrêt.
Le renvoi à la formation restreinte était décidé par le Premier président de la Cour de cassation ou le président de la chambre concernée.
Cette première importante réforme n'avait pas suffi à endiguer le flot des pourvois et, surtout, à limiter les retards accumulés chaque année.
Le système qui vous est maintenant proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, va renverser, en quelque sorte, une partie de la proposition de loi de 1981 : la règle ordinaire deviendrait, si vous acceptez ce nouveau système, le jugement par une formation restreinte de trois magistrats, qui pourront décider eux-mêmes du renvoi à la chambre, composée de cinq membres ou plus.
Enfin, le Premier président de la Cour de cassation ou le président de la chambre concernée peuvent, par une sorte de droit d'évocation, décider le renvoi à la chambre sans passer par la formation restreinte ; la demande de renvoi à la chambre peut être faite d'office ou être formulée soit par le procureur général, soit par l'une des parties.
Enfin et surtout, la formation restreinte peut non seulement rejeter le pourvoi, mais aussi prononcer la cassation, ce qui évite un réexamen, après l'admission du dossier, par la formation qui, elle, jugerait en cas d'admission.
Je signale au passage que, lors de mes auditions, je me suis aperçu que ce système serait beaucoup plus rapide que celui qui est en vigueur au Conseil d'Etat, système dans lequel la formation d'admission ne peut pas juger ; cela explique que, lorsque le dossier est admis au Conseil d'Etat, une nouvelle et très longue procédure est nécessaire avant le jugement.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Raoul Béteille, qui est un peu, à la vérité, l'inventeur du système actuel, a, à mon avis, parfaitement présenté l'économie de ce dispositif : « Ce que je vous propose, c'est non pas de créer une nouvelle formation chargée de filtrer les recours ensuite jugés en formation restreinte ou ordinaire, mais de poser en principe dans la loi l'examen de toutes les affaires distribuées à une chambre par une formation restreinte de trois magistrats, qui existe déjà, le renvoi à la chambre composée au moins de cinq magistrats étant désormais l'exception. »
La commission des lois a approuvé cette réforme. Elle a fait remarquer que cette dernière allait pleinement dans le sens recommandé par l'excellent rapport de notre collègue M. Fauchon, présenté au nom de la mission « justice » créée par la commission des lois.
Elle a toutefois fait trois propositions d'amendements, outre des amendements de coordination, et une suggestion, qui résultent de toutes les consultations et auditions auxquelles elle a procédé à l'occasion non seulement de ce rapport, mais aussi de celui que j'avais eu l'honneur de rédiger en 1994. J'aimerais vous exposer maintenant l'objet de ces trois amendements, mes chers collègues.
Premièrement, la commission des lois a souhaité la prise en compte de la spécificité de la chambre criminelle. Pour cette dernière, il semble préférable à la commission que la formation restreinte ne soit saisie que de manière exceptionnelle, et non pas de manière ordinaire. C'est pourquoi l'amendement a pour objet de maintenir, pour cette chambre, le système exceptionnel de la formation restreinte.
Deuxièmement, la commission des lois a estimé qu'il fallait dire que la formation restreinte statuerait lorsque la solution s'imposera, et non pas « lorsqu'elle paraît s'imposer ».
En effet, les mots « paraît s'imposer » ne pouvaient s'appliquer qu'au cas où le président, qui ne jugeait pas mais décidait de renvoyer à la formation restreinte, prenait une simple décision d'administration de la justice. C'est pourquoi la formule « paraît s'imposer », qui était appropriée dans le système prévu par le texte de 1981, ne l'est plus dans le nouveau système.
Troisièmement, la commission des lois propose un allégement de l'assemblée plénière, en ramenant le nombre de magistrats qui la composent de 25 à 19.
J'ai été heureux d'apprendre, monsieur le garde des sceaux, que vous approuviez ces trois amendements.
Outre ces trois amendements, la commission des lois m'a chargé d'exprimer un voeu, qui pouvait difficilement faire l'objet d'un amendement puisque son objet est de nature réglementaire.
Il faudrait exiger - cela me paraît possible - non pas le ministère obligatoire de l'avocat en matière civile, mais l'examen du pourvoi, préalablement à son dépôt, par un avocat à la Cour de cassation.
Seules la France et l'Irlande, au sein de l'Union européenne, ont une législation permettant la présentation du pourvoi à la cour suprême sans avocat.
Cette réforme de nature réglementaire est souhaitée non seulement par les magistrats du bureau de la Cour de cassation, mais également par une grande organisation syndicale qui, dans une lettre officielle, considère que le demandeur devrait avoir un avocat à la Cour de cassation, sous réserve d'une réforme du droit à l'aide juridictionnelle.
La commission des lois espère que le texte de l'Assemblée nationale, modifié par les trois amendements proposés, ainsi que l'accueil favorable que vous réserverez, comme nous le souhaitons, monsieur le garde des sceaux, au voeu que nous vous adressons seraient de nature à améliorer la situation d'encombrement, hélas ! constatée, et ce assez rapidement.
Ainsi serait sauvegardée pour notre pays l'indispensable et précieuse nature de notre juridiction suprême, dont la jurisprudence est non seulement unificatrice mais aussi créatrice de droits. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà deux ans, le Parlement examinait un projet de loi portant réforme de l'organisation de la Cour de cassation présenté par le garde des sceaux de l'époque, M. Méhaignerie.
Le texte, qui visait à remédier au problème chronique de l'encombrement de la juridiction suprême de l'ordre judiciaire, avait alors soulevé un tollé quasi unanime de la part des professionnels concernés.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'en étaient fait l'écho et avaient défendu, à cette occasion, une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, qui fut bien évidemment rejetée.
Quand ce projet de loi vint à l'Assemblée nationale pour y être débattu, les députés, avec en tête M. Mazeaud, ont rejeté les principaux articles du texte, contraignant ainsi le garde des sceaux à retirer celui-ci en séance.
Pour notre part, nous avions émis de nombreuses réserves, que je me permets d'évoquer ici brièvement.
Le projet de loi initial de 1994 visait à créer dans chaque chambre une commission d'admission de trois magistrats chargée de rejeter sans motivation les pourvois paraissant irrecevables et ne reposant sur aucun moyen sérieux.
Si ce système, qui visait à instituer un double examen pour une même affaire, avait été retenu, il aurait eu notamment pour conséquence d'allonger la durée de la procédure et d'aboutir à des « cassations lentes » et des « rejets rapides ».
Par ailleurs, les magistrats affectés dans les commissions d'admission auraient été pris sur l'effectif des chambres, ce qui, en termes de moyens, n'aurait pas été sans conséquences sur le fonctionnement de ces services.
De plus, la réforme inachevée de 1994, avec le filtrage des pourvois, avait l'inconvénient de figer la jurisprudence, étant entendu que les moyens novateurs, contraires à la jurisprudence, auraient été écartés au motif qu'ils n'étaient pas « sérieux ».
En fait, cette réforme se serait à terme révélée inutile, car, d'une part, le gain de temps pour traiter les affaires n'aurait certainement pas été effectif et, d'autre part, l'existence au sein de la Cour de cassation des « formations restreintes » pour les affaires dites « simples » devait suffire.
Les dispositions du texte de 1994 étaient dangereuses car, outre le fait qu'elles créaient un second degré d'admission, elles auraient nécessairement empiété sur les droits fondamentaux des justiciables. Je veux parler ici de l'atteinte au principe de l'égalité des citoyens devant la justice, de la remise en cause du droit d'agir en justice, du respect des droits de la défense, du droit à un procès équitable, du droit au recours en cassation et, enfin, du principe fondamental de voir sa cause soumise au moins à une voie de recours.
A vrai dire, notre position de principe de l'époque reste valable pour la nouvelle version signée, cette fois-ci, de M. Mazeaud.
Cependant, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 3 octobre 1996 se distingue du texte adopté par le Sénat en 1994, et donc du texte initial de la proposition de loi de M. Mazeaud.
En effet, il s'agit non plus de créer une formation d'admission de trois magistrats chargée, au sein de chaque chambre civile, comme cela vient d'être dit, de rejeter les pourvois manifestement irrecevables ou dépourvus de moyens sérieux de cassation, mais de renvoyer les affaires à une formation de trois magistrats chargée, au sein de chaque chambre, de statuer immédiatement, en rejetant mais aussi en cassant les pourvois dont la solution lui paraît s'imposer.
Avec cette proposition de loi, la formation ordinaire est celle de trois membres, et l'exception, la formation élargie à cinq membres. Toutes les affaires seront donc examinées par la formation de trois membres, et non plus seulement celles qui sont transmises par le Premier président ou par le président de chambre.
Toutefois, le Premier président ou le président de la chambre concernée, ou leurs délégués, d'office ou à la demande du procureur général, ou de l'une des parties, peuvent renvoyer directement l'affaire à l'audience de la chambre par décision non motivée.
Certes, la réforme engagée traduit la volonté de remédier à l'engorgement toujours croissant de la juridiction : le nombre de pourvois a augmenté de 165 % de 1975 à 1995.
Cela étant, le nombre de décisions des tribunaux et des cours d'appel s'élève constamment, et, corrélativement, la proportion des pourvois qui en résultent demeure constante ou inférieure : sur vingt ans, de 1974 à 1994, les recours en cassation croissent proportionnellement moins que les appels et les premières instances. C'est ce qui ressort du rapport de M. Fauchon qui a été cité plusieurs fois.
De plus, les statistiques révèlent une diminution de la proportion des pourvois que l'on peut qualifier de téméraires et une augmentation constante de pourvois issus de jugements et d'arrêts entachés d'erreurs de procédure, voire de droit.
La résolution des problèmes de surcharge de travail de la Cour de cassation résultant de l'augmentation des contentieux, en particulier au civil, implique de donner les moyens budgétaires suffisants pour que la justice de notre pays puisse assumer sa mission dans des conditions satisfaisantes.
Or c'est une diminution des effectifs de magistrats que l'on constate depuis 1991.
En réalité, le texte qui nous est proposé confirme une situation existante, celle du recours très important à la formation restreinte créée par les lois du 3 janvier 1975 et du 6 août 1981, qui fonctionne depuis plusieurs mois maintenant en vitesse de croisière, puisque près des deux tiers des affaires y sont jugées ainsi.
Dès lors, nous sommes en droit de nous interroger sur l'intérêt qu'il y a à légiférer en la matière et de nous demander s'il ne s'agit pas simplement d'un coup d'épée dans l'eau.
Je rappelle que de nombreuses réformes concernant la Cour de cassation sont intervenues et que force est de constater qu'elles n'ont pas eu les effets escomptés.
Le système qui nous est présenté est, dans les faits, inopérant et sans grand intérêt, puisqu'il consacre la pratique actuelle sans rien apporter de plus au fonctionnement de la Cour de cassation.
Aussi dois-je avouer ne pas comprendre pourquoi le Sénat tient séance sur un texte qui ne change rien à la situation actuelle. La session unique, notamment la journée d'initiative parlementaire, pourraient être mieux employées !
Par ailleurs, la rédaction même des articles de la proposition de loi se révèle trop vague.
Par exemple, l'article 1er prévoit que « les affaires sont examinées par une formation de trois magistrats ». Quels sont-ils ? Les conseillers référendaires sont-ils concernés ?
Quant à l'article 2, vise-t-il une véritable audience publique, au cours de laquelle les avocats s'expriment oralement et où le ministère public fait valoir ses observations ?
D'une façon plus générale, d'autres questions demeurent quant au respect du débat contradictoire et des droits de la défense.
Peut-on accepter une généralisation du recours à la formation restreinte, alors que nous estimons, pour notre part, qu'il est au contraire nécessaire d'adapter les moyens à la justice et non pas d'adapter la justice aux moyens ?
Ces observations et interrogations conduiront mon groupe à s'abstenir sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est toujours une excellente occasion lorsque le moment vient, comme aujourd'hui, de rendre témoignage à la Cour de cassation. Non seulement pour la qualité de ses travaux lorsqu'elle assume sa fonction régulatrice de notre droit, non seulement pour les progrès toujours intéressants, parfois même audacieux, qu'elle imprime à notre jurisprudence, mais aussi, ce qui est plus mal connu, pour l'éclat avec lequel elle soutient la réputation de notre justice en dehors de nos frontières : la Cour de cassation, à cet égard, représente, bien au-delà de l'Hexagone et au-delà même de l'Union européenne, une sorte de modèle juridictionnel ; j'ai eu l'occasion de le mesurer bien souvent à l'Est de l'Europe. C'est dire à quel point nous devons à ses magistrats reconnaissance et combien nous devons être attachés à lui conserver les moyens de son fonctionnement.
Je le dis d'emblée, le groupe socialiste votera le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, cela va de soi. Nous savons qu'il a été élaboré en étroite concertation avec les magistrats, notamment avec les présidents de chambre de la Cour de cassation, et nous savons que ces derniers souhaitent que le projet soit voté en l'état. Nous n'aurions aucune raison, par conséquent, de nous y dérober.
J'ajoute qu'il est en quelque sorte naturel, s'agissant des règles de fonctionnement interne de notre juridiction suprême, que l'on s'en remette d'abord à l'initiative de ceux qui portent la lourde responsabilité de son fonctionnement.
Cela étant, nous voterons ce texte sans aucune réserve, même s'il demeure, de notre part et sans doute de la part de quelques-uns d'entre nous, un certain scepticisme sur les fruits d'une réforme dont nous prenons la mesure, au regard du passé récent, avec une certaine mélancolie.
Notre excellent rapporteur, M. Jolibois, a bien voulu rappeler l'importance, dans l'évolution de la Cour de cassation, de la loi du 6 août 1981. Vous me permettrez, à cet égard, une confidence personnelle : j'étais très jeune dans la fonction de garde des sceaux - je ne l'exerçais que depuis six semaines - lorsque j'ai présenté ce projet de loi en conseil des ministres. J'y ai alors été accueilli plus que fraîchement : le Président de la République, notamment, m'a fait remarquer, dans un style élégant, qu'il s'étonnait quelque peu et que, dans le climat de l'été 1981, l'on attendait autre chose du nouveau garde des sceaux qu'un texte concernant la composition des formations de la Cour de cassation. L'urgence n'apparaissait pas extrême aux yeux de mes interlocuteurs, auxquels j'ai répondu que la Cour de cassation était... Bref, je ne vais pas reprendre l'antienne que j'ai développée voilà un instant devant vous.
Je constate que, depuis lors, le législateur - la commission des lois, le Sénat, l'Assemblée nationale, les gardes des sceaux successifs, M. Toubon étant le sixième depuis cette période - n'a pas ménagé sa peine. Cependant, quelles que soient les réformes intervenues, la plupart suggérées par la Cour de cassation, on constate - il suffit pour cela de lire l'excellent rapport de notre ami M. Fauchon - que la situation ne s'est pas éclaircie.
Je note ainsi avec quelque mélancolie, quinze ans plus tard, que les propos tenus à l'époque par le jeune ministre que j'étais sont toujours d'actualité : je disais alors que « notre plus haute juridiction connaît un encombrement alarmant ». M. le rapporteur n'a-t-il pas fait tout à l'heure le même constat ?
En 1810, le nombre de décisions rendues par la Cour de cassation s'élevait à environ 250 par an - ô temps heureux ! - mais il est passé à 2 000 en 1920 et à 10 000 en 1975. Il dépassait 15 000 en 1981 et, sauf erreur de ma part, nous en sommes à 27 843 en 1995.
M. Christian Bonnet. Avec le même nombre de magistrats !
M. Robert Badinter. Le nombre de pourvois, au cours de la même période, est passé de 16 000 à 26 000. Le moins que l'on puisse dire est que la Cour de cassation n'a pas ralenti son effort mais que le stock des affaires a continué de croître : le nombre d'affaires restant à juger est en effet passé de 17 856 en 1982 à 36 208 aujourd'hui.
C'est ce constat qui explique notre inévitable scepticisme. En vérité, la Cour de cassation fait tout ce qu'elle peut, et nous devons lui en rendre témoignage, mais chacun conçoit que la nécessaire réforme d'aujourd'hui ne résoudra pas la question. Elle facilitera le traitement des pourvois, elle permettra peut-être d'aller plus vite, sinon d'améliorer la situation, mais notre juridiction suprême demeurera confrontée à deux lois que tous ceux qui s'intéressent au fonctionnement de la société actuelle et de notre institution judiciaire connaissent bien : la première est la loi de l'inflation dans des sociétés hyper-réglementées et conflituelles - rien ne pouvant s'opposer à la diminution du nombre des conflits dans notre société, je suis convaincu qu'il ne cessera de croître - tandis que la seconde, qui est une caractéristique plus affirmée encore à notre époque qu'auparavant, est que les plaideurs vont jusqu'au terme, la plupart du temps, des voies de recours qui leur sont offertes, pour de multiples raisons.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Pourquoi s'en empêcheraient-ils ?
M. Robert Badinter. En présence de ces deux facteurs, la multiplication des conflits et l'ardeur des plaideurs à mener jusqu'à leur terme les recours possibles, il est évident que la réflexion doit s'exercer en profondeur et que les réformes doivent être menées en conséquence.
Des pistes ont été ouvertes et vous nous annoncez, monsieur le garde des sceaux, un rapport de M. Coulon, excellent magistrat. Nous l'attendons avec beaucoup d'intérêt et nous souhaitons que la commission des lois soit étroitement associée aux travaux qui en découlent, même s'il s'agit du domaine réglementaire.
Il demeure - je ne cesserai de le répéter au risque de paraître fastidieux - que la question se jouera en amont de l'institution judiciaire. Ou bien nous repenserons les modes de solution des conflits hors de l'institution judiciaire à l'intérieur de la société civile, ou bien continuera cette course perdue d'avance entre le nombre de litiges et les moyens dont nous disposerons.
Cela étant, il est évident que nous voterons aujourd'hui le projet de loi qui nous est présenté.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la modestie de ce texte n'incite certainement pas à des débats fiévreux, et l'ambiance de cette séance le montre bien : elle incite plutôt à quelques réflexions qui peuvent néanmoins être utiles.
Je me bornerai donc à formuler deux ou trois observations.
La première, sur le mode un peu humoristique, pour regretter, après Mme Borvo, qu'il ait fallu tant de marches et de contremarches pour en arriver à enregistrer formellement une pratique constante depuis déjà bien des années de la Cour de cassation. Je n'en ferai pas davantage le commentaire, mais nous n'avons pas le sentiment, monsieur le garde des sceaux, il faut bien l'avouer, de nous situer ici dans la politique des grandes réformes.
J'espère, en tout cas, que nous n'amorçons pas le syndrome du « turbot de Domitien ». (Sourires.) Je fais ici allusion à cette épisode de l'Antiquité où l'empereur Domitien, qui a d'ailleurs laissé un détestable souvenir, consultait le Sénat sur des questions qui pourraient apparaître comme subalternes, notamment sur la meilleure façon d'apprêter le turbot.
Si je prends le risque d'évoquer le turbot sans craindre de faire offense à la Cour de cassation, c'est que je considère que la haute juridiction se situe à un degré d'excellence dans l'ordre des juridictions comparable à celui du turbot dans l'ordre des poissons. (Sourires.) Sinon, je ne me risquerais pas à de telles comparaisons, qui pourraient être mal comprises.
Ma deuxième réflexion tempère peut-être un peu la première. Il semble, en effet, que cette procédure en zig-zag, ou en forme de tango - on avance, on recule... - nous conduise tout de même, avec l'aide de M. Béteille et comme l'a rappelé notre excellent collègue M. Jolibois, à une solution qui est probablement, quelques années s'étant écoulées, la plus réaliste. Car il est bien vrai que les chambres d'admission, auxquelles nous avions pensé dans notre innocence et dans un premier temps, sont sujettes à critiques et à soupçons, à tort ou à raison, et que le principe général du traitement des recours civils par une formation réduite, sauf renvoi devant une formation plus complète si l'affaire paraît spécialement complexe, est au fond une solution plus saine et moins contestable.
Elle se situe d'ailleurs dans la ligne de ce que nous faisons par ailleurs : de même qu'au niveau de l'instance, et de plus en plus à la cour d'appel, les affaires sont étudiées par un juge unique - ce qui est d'ailleurs peut-être parfois peu heureux - on réduit le nombre des magistrats. Nous sommes bien dans ce processus : nous n'avons pas assez de magistrats, donc nous réduisons leur nombre à l'instance.
Je dois dire qu'il me paraît raisonnable de procéder ainsi car, à la différence de ce qui se passe pour d'autres juridictions, ce ne serait pas une bonne chose que de multiplier les magistrats et les chambres à la Cour de cassation. En effet, nous aurions alors un émiettement de la jurisprudence, alors que la vocation principale de la Cour de cassation est de concentrer celle-ci.
Nous nous situons ici dans une problématique qui est bien différente de celle des juridictions de première instance ou d'appel. Après M. le rapporteur et d'autres intervenants, je pense qu'il est réaliste et raisonnable d'approuver ce qui, encore une fois, correspond à la pratique actuelle.
Ma troisième réflexion portera sur ce qui a été le thème principal développé par mon prédécesseur à cette tribune, notre excellent collègue M. Badinter. Il s'agit de l'inflation du contentieux à laquelle nous assistons.
En procédant à une analyse plus fine, on s'aperçoit que cette inflation pose le problème de la fonction même de la Cour de cassation. Je me permets de rappeler que, pour ses concepteurs, la juridiction suprême avait pour rôle essentiel de dire le droit, d'en trancher les difficultés, d'unifier la jurisprudence et, éventuellement, d'apporter des solutions nouvelles à des problèmes dont le législateur ne s'était pas encore préoccupé.
On s'aperçoit toutefois que, parallèlement à cette mission proprement juridique, qui est ou, plutôt, qui était l'essentiel du rôle de la Cour de cassation, apparaît maintenant de plus en plus une mission en quelque sorte disciplinaire qui consiste tout simplement à corriger les jugements, les insuffisances ou les incohérences des motifs, le défaut de base légale, le défaut de réponse à des conclusions ou encore les dénaturations manifestes de documents.
Dans toutes ces hypothèses, on ne dit pas le droit, on ne censure pas le juriste, on censure le système judiciaire parce qu'il en a besoin et parce que, en réalité, disons-le, les arrêts semblent de plus en plus sujets à critiques dans leur technique même, par manque d'analyse juridique cohérente.
Cela montre que nous sommes en présence d'un problème de fond, qui caractérise l'évolution la plus récente de notre justice et qui est d'ailleurs le contrecoup de cette inflation au niveau de la première instance et de l'appel, et des mesures que nous prenons pour la traiter, à savoir la réduction du nombre de magistrats, de sorte que les arrêts sont de moins en moins conformes à l'idée qu'on peut s'en faire. Je n'en dirai pas plus !
La statistique qui m'impressionne le plus, c'est celle selon laquelle la Cour de cassation censure une décision de cour d'appel sur trois. C'est considérable ! Il n'est pas normal qu'une décision déférée sur trois soit censurée, la plupart du temps pour des raisons qui relèvent de cette discipline judiciaire dont je parlais à l'instant.
Cette réflexion sur les problèmes que connaît la Cour de cassation nous conduit ainsi à remonter, comme on nous y invitait tout à l'heure, aux difficultés de notre justice à traiter la masse du contentieux et, plus spécialement, ce fameux contentieux de masse, dont le traitement occupe tellement les magistrats qu'ils n'ont plus le temps de traiter de manière convenable ce que j'appellerai le contentieux classique.
Se pose ainsi de nouveau un problème que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises et sur lequel nous divergeons probablement un peu, celui de la nécessité de trouver un mode de traitement du contentieux de masse. Nous l'imaginons, en ce qui nous concerne, interne au système judiciaire ; cela ne paraît pas possible à notre collègue M. Badinter. On peut en débattre.
En tout cas, nous pensons l'un comme l'autre qu'il faut trouver un mode de traitement adapté de ce contentieux de masse, de manière à libérer les magistrats si bien formés que nous avons maintenant, qui sont très supérieurs aux magistrats d'il y a un demi-siècle. Ainsi, les magistrats pourront, dans l'ordre du contentieux classique, disposer du temps nécessaire pour rendre des décisions qui, du fait de leur qualité, notamment au niveau des cours d'appel, seront moins souvent susceptibles d'être déférées à la Cour de cassation.
Nous touchons là du doigt le problème essentiel. Nous en reparlerons, monsieur le garde des sceaux, en d'autres circonstances, dans le courant de l'année, lors de l'examen du texte que vous tirerez des propositions de M. Coulon, bien sûr, mais peut-être aussi lorsque seront rendues les conclusions de la mission que l'on est en train de mettre sur pied.
Puis-je, saisissant cette occasion, vous demander, monsieur le garde des sceaux, si, dans votre esprit, cette mission se limite aux questions de la préservation du secret, de la présomption d'innocence et du statut du parquet ou si, comme je l'avais compris dans les déclarations du chef de l'Etat, elle s'étend aussi aux problèmes, disons de la justice ordinaire, dont M. Jacques Chirac, dans son intervention, a tenu à parler, encore que la presse, qui, naturellement, s'y intéresse fort peu, ne l'y ait guère encouragé.
Nous, gens de province, ancrés dans le quotidien, nous nous y intéressons beaucoup, car c'est, à nos yeux, le principal problème de notre justice.
Si vous pouvez nous éclairer sur ce point, monsieur le garde des sceaux, je vous en saurai gré.
Dans l'immédiat, en votant un texte qui entérine les pratiques actuelles de la Cour de cassation et qui pour cette raison n'a aucune chance d'apporter des améliorations substantielles, nous entendons surtout témoigner à la juridiction suprême, à la suite de ce qui a été dit tout à l'heure, pour la qualité de son travail et pour son sens des responsabilités, notre estime et notre confiance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je souhaite répondre brièvement à deux questions qui viennent de m'être posées.
La première, soulevée à l'instant par M. Fauchon, porte sur l'étendue de la mission de la commission de réflexion sur la justice.
Monsieur Fauchon, M. le Président de la République aura l'occasion, lorsqu'il installera lui-même cette commission, qu'il a appelée de ses voeux le 12 décembre dernier, d'en fixer exactement la mission.
Ce que je peux d'ores et déjà dire, c'est que cette mission ne portera pas sur les questions de l'organisation, du fonctionnement et des moyens de la justice, questions pour lesquelles M. le Président de la République - il l'a également dit le 12 décembre - a donné priorité au Gouvernement, qui en traitera dans l'exercice normal de ses fonctions.
La seconde question, posée par MM. Jolibois et Badinter, concerne l'accès à la Cour de cassation, notamment l'obligation ou la dispense du ministère d'avocat.
A cet égard, je ferai deux observations.
D'abord, le rapport Coulon est, de manière générale, favorable au rétablissement du ministère d'avocat dans un certain nombre de cas où il a été à une époque supprimé et où, manifestement, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, si je puis dire.
Ensuite, pour ma part, je suis favorable au fait qu'on envisage le recours au ministère d'avocat devant la chambre sociale de la Cour de cassation, à condition, naturellement, que par ailleurs on prévoie un certain nombre de mesures pour que le bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation fonctionne conformément à cette nouvelle procédure.
C'est certainement l'une des dispositions que nous étudierons, dans les semaines qui viennent, de manière à alléger les procédures.
Je vais donc dans le sens de ce qui a été dit par la mission Jolibois-Fauchon il y a quelques semaines, et par M. Badinter lui-même au cours de la séance d'adoption du rapport de cette mission.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux intervenants, monsieur le président.
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Article additionnel avant l'article 1er