M. le président. « Art. 8. _ En cas de rupture du contrat de travail, l'adhérent à un plan d'épargne retraite peut demander le maintien intégral des droits acquis au titre de ce plan. Il peut également demander le transfert intégral sans pénalité, dans des conditions fixées par décret, des droits attachés à ce plan sur un autre plan d'épargne retraite ou contrat d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle. »
Je suis saisi de trois amendement, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 26, MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi l'article 8 :
« Lorsque l'adhérent à un plan d'épargne retraite change d'employeur, et à la condition qu'il puisse bénéficier d'un plan d'épargne retraite en vigueur chez son nouvel employeur, toutes les provisions correspondant aux engagements pris au titre du précédent plan peuvent, à sa demande, être transférées au fonds d'épargne retraite chargé de la mise en oeuvre du plan en vigueur chez son nouvel employeur. Dans tous les cas, les actifs transférés sont, au moins, égaux à la valeur de réalisation des placements correspondant aux engagements.
« L'adhérent doit notifier par lettre recommandée au fonds d'épargne retraite qu'il quitte son intention d'user de la faculté de transfert prévue au premier alinéa du présent article dans un délai de deux mois à compter de la rupture de son contrat de travail.
« L'adhérent qui n'use pas de la faculté de transfert prévue au premier alinéa du présent article ou qui laisse expirer le délai prévu au deuxième alinéa conserve le bénéfice intégral des droits constitués en son nom auprès du fonds d'épargne retraite. Il conserve les mêmes règles de participation aux bénéfices ou aux excédents que celles qui sont applicables aux autres adhérents du plan qu'il a quitté.
« Les statuts du fonds d'épargne retraite fixent le délai maximum du transfert sans que celui-ci puisse excéder quatre mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée mentionnée au deuxième alinéa du présent article, ainsi que les modalités dudit transfert.
« Lors de la rupture du contrat de travail, l'employeur remet à l'adhérent une note explicative élaborée par le fonds d'épargne retraite, qui présente de manière claire et précise les modalités du transfert ; le défaut de remise de cette note entraîne de plein droit la prorogation du délai prévu au deuxième alinéa du présent article jusqu'au soixantième jour suivant la date de remise effective de cette note.
« Le salarié qui, dans un délai de deux ans au plus après avoir quitté l'entreprise, n'a pas eu la possibilité de s'affilier à un autre plan d'épargne retraite peut faire usage de la faculté de transfert, dans les conditions et délais prévus aux deuxième et quatrième alinéas du présent article, vers la Caisse des dépôts et consignations. La note mentionnée au cinquième alinéa comporte obligatoirement une mention relative à l'exercice de cette faculté. »
Par amendement n° 5, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter l'article 8 par un alinéa ainsi rédigé :
« En l'absence de rupture du contrat de travail, l'adhérent peut demander, tous les dix ans, le transfert intégral, sans pénalité, des droits acquis en vertu de ce plan sur un autre plan d'épargne retraite. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 25, présenté par MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés, et visant, dans le texte proposé par cet amendement, à remplacer les mots : « , tous les dix ans, » par les mots : « , tous les ans, ».
Par amendement n° 53, M. Loridant, Mme Beaudeau, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 8 par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également demander le reversement des droits attachés à ce plan. »
La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Marc Massion. Nous présentons de nouveau en deuxième lecture cet amendement, que nous avions déjà défendu en première lecture.
L'article 8 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, et que vous vous êtes bien gardé de modifier, est pour le moins surprenant : lorsque l'adhérent voit son contrat de travail rompu, ses droits ne sont pas maintenus automatiquement ; pour qu'ils le soient, il faut que l'adhérent le demande à l'assureur. Nous avons ici une nouvelle illustration de l'improvisation dans laquelle ce texte est élaboré.
Mais le problème majeur n'est pas là.
Vous avez résolument opté, dans cette affaire comme dans d'autres, pour le libre jeu du marché ; adhésions facultatives ou individuelles, forte concurrence entre les assureurs, forte concurrence aussi entre les gestionnaires des actifs financiers, faculté de changer d'organisme. La contrepartie de cette logique, ce doit être un texte rigoureux, fixant très clairement les règles du jeu et assurant ainsi une protection minimale des droits des assurés.
Dans tous les pays économiquement développés qui ont des fonds de pension, la législation et la réglementation fixent très précisément les règles relatives à la portabilité des droits. Pourquoi ? Parce que, lorsque l'assuré ne cotise plus ou qu'il souhaite transférer les actifs représentatifs de ses droits, la tentation risque d'être grande, pour l'organisme assureur, soit de lui attribuer moins de participations aux bénéfices, soit de ne transférer qu'une partie des actifs qui sont la contrepartie des droits qu'il a acquis.
En première lecture, le ministre a jugé notre amendement compliqué et inutile. Il a évidemment invoqué la liberté des parties contractantes, c'est-à-dire la seule liberté, de l'assureur. Eh bien, cette liberté je ne la reconnais pas à l'assureur lorsqu'elle doit s'exercer systématiquement à l'encontre des assurés.
Si le Sénat n'adopte pas l'amendement que nous proposons, cela signifiera que, après l'Assemblée nationale, il a décidé de ne plus exercer les attributions qui sont les siennes. Tout transfert doit être neutre pour l'assuré. Il appartient au législateur de dire le droit en la matière et de protéger l'assuré contre les abus que le professionnel peut être tenté de commettre à son encontre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 5 vise à rétablir, en la modérant, une disposition que nous avions votée en première lecture.
Dans le souci d'assurer la concurrence et, par conséquent, de garantir au souscripteur les meilleures conditions possibles quant au choix entre les différents régimes d'épargne retraite, nous souhaitions que l'adhérent puisse périodiquement, même en l'absence de rupture du contrat de travail, demander le transfert intégral et sans pénalité de ses droits sur un autre plan d'épargne retraite.
En première lecture, nous avions envisagé une périodicité quinquennale.
Il nous apparaît aujourd'hui que cinq années constituent, en la matière, une période trop courte : une telle périodicité pourrait déstabiliser certaines politiques de gestion et, finalement, aller à l'encontre de certains de nos objectifs.
C'est pourquoi nous proposons de rétablir la possibilité pour l'adhérent de demander le transfert de ses droits sur un autre plan, mais cela tous les dix ans et non plus tous les cinq ans.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre le sous-amendement n° 25.
M. Marc Massion. Il nous semble nécessaire que les adhérents puissent facilement changer de plan s'ils le désirent.
L'adhésion du salarié à un plan d'épargne retraite sera, nous dites-vous, annuelle avec tacite reconduction. Dans ces conditions, ou bien le choix du plan résulte d'une décision de l'entreprise et les salariés ne pourront alors s'affilier qu'au plan souscrit, ou bien les salariés auront le libre choix du plan et de l'assureur.
Vous avez assez logiquement opté, dans le premier cas, pour un réexamen de la situation tous les cinq ans ; mais, dans le second cas, le salarié doit être libre de demander le transfert des droits lorsqu'il le souhaite. Pourquoi, en effet, lui imposer de ne pouvoir changer d'assureur que tous les dix ans ? Ce délai est beaucoup trop long !
Prenons l'exemple d'un assureur qui propose des contrats en unités de compte, c'est-à-dire sans garantie, et dont la gestion financière est très médiocre : le salarié n'a aucun intérêt à rester lié à cet assureur, et il doit donc pouvoir, sans délai d'aucune sorte, adhérer à un autre organisme.
Le même raisonnement s'applique a fortiori dans le cas d'un salarié qui aura adhéré individuellement à un plan d'épargne retraite, hypothèse que vous n'avez manifestement pas envisagée.
Je crois qu'il faut être prudent car, dans mon exemple, l'impossibilité dans laquelle se trouvera l'assuré de changer en temps opportun d'assureur découlera de cette disposition législative que vous voulez faire adopter par le Sénat. C'est donc la responsabilité de l'Etat qui sera ainsi engagée.
Pour une fois, allez jusqu'au bout de votre démarche et soyez réellement libéraux : lorsque l'on accorde, comme vous, une confiance aveugle au marché, il faut être cohérent et ouvrir réellement aux assurés qui ont fait un choix individuel le droit légitime de revenir sur celui-ci en changeant d'assureur et en ayant la possibilité de transférer non pas les droits, comme vous l'avez écrit, mais les actifs représentatifs de ces droits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 25 ?
M. Paul Loridant. Pris au piège du libéralisme !
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit là d'un débat très intéressant, parce que M. Massion nous renvoie à la pratique américaine. Or, aux Etats-Unis, les fonds de pension sont gérés selon deux modes : certains sont constitués en trust et d'autres prennent la forme de contrats d'assurance.
La législation que nous sommes en train d'élaborer ne prévoit pas la formation de trusts, qui n'existent pas en droit français. Il faudra un jour voter une loi sur la fiducie si l'on souhaite instaurer un système à peu près équivalent, mais il sera nécessaire de réunir quelques conditions, me semble-t-il, pour progresser dans cette voie.
Les fonds de pension ne s'assimilent pas davantage à des contrats d'assurance, puisque nous définissons une nouvelle personne morale spécifique, qui est le fonds d'épargne retraite.
Aux Etats-Unis, lorsque le fonds est constitué sous forme de trust, le souscripteur ne peut pas librement en sortir selon une périodicité définie. En revanche, lorsqu'il s'agit d'un contrat d'assurance, le souscripteur peut, comme le propose M. Massion, demander le transfert de ses droits chaque année.
Si j'essaie d'en tirer une synthèse cohérente, j'aurai donc tendance à dire que, puisque la proposition de loi que nous examinons n'établit ni des trusts, ni des contrats d'assurance, mais instaure quelque chose d'intermédiaire, il n'est pas absurde de permettre le transfert des droits, sur l'initiative du souscripteur, non pas tous les ans, ce qui déstabiliserait la gestion et conduirait à adopter une optique monétaire et obligataire à trop court terme, mais après un délai raisonnable qui pourrait, d'après la discussion que nous avons eue en première lecture, être de dix ans.
Pour toutes ces raisons, et après avoir argumenté peut-être un peu longuement, mais je voulais montrer à M. Massion que ses amendements sont examinés comme ils le méritent, avec tout le sérieux nécessaire - je ne puis que formuler un avis défavorable sur le sous-amendement n° 25.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 25 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est identique celui de M. le rapporteur, pour les mêmes raisons.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 25.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. J'ai bien entendu les arguments de M. le ministre et de M. le rapporteur, mais qu'ils me permettent de m'étonner.
En effet, cette proposition de loi a été élaborée sous le signe de la liberté, et le vocabulaire employé le montre : les salariés « peuvent », « ils ne sont pas obligés », les employeurs « peuvent » également, etc.
Certes, on a bien vu, au cours de l'examen de ce texte, que cette liberté comportait quelques limites, puisque l'employeur aura finalement la possibilité d'imposer de façon unilatérale la création d'un plan d'épargne retraite. Mais surtout, si le bénéficiaire du fonds d'épargne retraite, c'est-à-dire le salarié, s'intéresse à la gestion du fonds, s'aperçoit que celle-ci est médiocre et souhaite changer d'organisme assureur, il ne pourra le faire - M. le rapporteur et M. le ministre nous l'ont dit - que tous les dix ans. Si l'on veut ramener ce délai à un an, il s'agirait alors, selon eux, d'une pratique américaine qui n'est pas la nôtre, qui relève d'une société ultra-libérale. M. le rapporteur et M. le ministre se veulent libéraux, mais de façon modérée !
Quoi qu'il en soit, ce libéralisme profite toujours à l'employeur. On me permettra donc de souligner les contradictions du Gouvernement et de sa majorité et d'annoncer que le groupe communiste républicain et citoyen votera le sous-amendement du groupe socialiste.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 25, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 53.
M. Paul Loridant. L'amendement n° 53 tend en fait à compléter les dispositions relatives au problème posé par la rupture du contrat de travail dans l'optique de l'exécution d'un plan d'épargne retraite.
En effet, il est malheureusement à prévoir que certains salariés, qui auront souscrit un plan d'épargne retraite, perdront leur emploi et connaîtront le chômage. Or parmi les raisons pouvant motiver un transfert des droits acquis au titre du plan avant l'âge légal de départ à la retraite et de liquidation de ceux-ci figurent le changement d'entreprise et la cessation temporaire d'activité.
Il s'agit donc pour nous, là encore, de rendre un peu plus « liquide » l'épargne accumulée, en ouvrant, au-delà des modalités éventuelles de transfert des droits acquis, une possibilité de liquidation de ceux-ci, afin de donner au salarié privé d'emploi - licencié, soyons clairs ! - la faculté de disposer de son capital pour faire face à la diminution de ses ressources.
Nous considérons que les risques sont réels pour les salariés, et le texte, tel qu'il est conçu aujourd'hui, ne leur permet pas, même s'ils sont privés d'emploi, de mobiliser leur épargne retraite avant l'âge de soixante ans. Nous proposons donc d'instituer une dérogation en faveur de ceux de nos concitoyens qui se trouveraient dans cette situation.
J'ajoute, monsieur Marini, que je crois savoir qu'aux Etats-Unis cette possibilité de sortie du dispositif en cas de privation d'emploi existe. Alors, soyez libéral !
Tel est le sens de cet amendement, que nous proposons de transformer éventuellement en sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 26 et 53 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Sur l'amendement n° 26 de M. Massion, l'avis de la commission est défavorable, car les dispositions proposées semblent relever, pour l'essentiel, du domaine réglementaire ou de la liberté contractuelle.
S'agissant de l'amendement n° 53, et malgré les « appels du pied » de M. Loridant au libéral que je suis en effet - je n'en disconviens pas, mais je reste réaliste - il m'apparaît techniquement difficile à comprendre : soit il tend à permettre le versement des droits acquis avant l'âge de la retraite, notamment en cas de chômage, et alors il s'agit non plus d'un système de rente, mais d'un instrument d'épargne ; soit il vise à permettre un reversement - ou plutôt, en fait, une réversion - en faveur d'une tierce personne, mais on ne comprend pas bien alors comment cette disposition pourrait s'insérer à cet endroit du texte, étant donné les votes qui sont intervenus en fin de matinée, lors de la discussion des premiers articles.
Le dispositif ne semble donc pas satisfaisant à la commission, ce qui l'a conduite à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 26, 5 et 53 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 26, et nous en revenons sur ce point à une discussion que nous avions déjà eue en première lecture.
Ces dispositions techniques nous paraissent relever soit du domaine réglementaire, dans la mesure où les principes ont été affirmés dans le texte, soit, comme l'a dit M. le rapporteur, de la liberté contractuelle qui prévaut entre les parties.
J'évoquerai ensuite l'amendement n° 53. Le Gouvernement y est également opposé, parce qu'il revient sur le principe selon lequel l'épargne retraite doit permettre de préparer la retraite, au cours des différentes phases de la vie active et, le cas échéant, chez plusieurs employeurs, par la constitution d'un complément de revenu versé sous la forme d'une rente. Cet amendement est donc en contradiction avec l'objet général du texte.
Enfin, une fois n'est pas coutume, le Gouvernement est réservé sur l'amendement n° 5 de la commission.
Il s'agit là ausssi d'un débat que nous avions eu lors de la première lecture. En effet, sur le plan financier, je dirai, pour ne retenir qu'un argument, que la disposition prévue par cet amendement, qui vise à assurer la possibilité d'un transfert individuel des droits acquis tous les dix ans, indépendamment de toute modification du contrat de travail, semble difficilement compatible avec la gestion à long terme des engagements pris en matière de retraite à l'égard des salariés. Une telle option aurait pour conséquence de renforcer une concurrence axée notamment sur les performances à court terme des plans, ce qui risquerait de pénaliser l'utilisation de ces fonds pour l'achat d'actions, alors même que cet investissement constitue la meilleure garantie de performances sur le long terme pour les salariés.
Par conséquent, le Gouvernement n'émet pas un avis favorable sur l'amendement n° 5.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9