M. le président. « Art. 11 ter. - Les dirigeants d'un fonds d'épargne retraite sont tenus de faire prévaloir l'intérêt des adhérents aux plans d'épargne retraite dont ce fonds couvre les engagements.
« Lorsque la gestion des actifs des fonds d'épargne retraite a été déléguée à des prestataires de services d'investissement agréés pour fournir le service visé au d de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée, ces prestataires exercent librement, dans le seul intérêt du fonds d'épargne retraite, les droits de vote attachés aux titres, donnant directement ou indirectement accès au capital de sociétés, détenus par eux pour le compte du fonds. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 8 rectifié, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi cet article :
« I. - Les organismes visés à l'article précédent sont tenus d'exercer effectivement, dans le seul intérêt des adhérents du fonds d'épargne retraite, les droits de vote attachés aux titres, donnant directement ou indirectement accès au capital de sociétés, détenus par eux pour le compte du fonds.
« Le non-respect de l'obligation posée à l'alinéa précédent est sanctionnée par la Commission des opérations de bourse dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-833 du 28 juillet 1967 instituant une commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse.
« Un décret fixe les conditions d'application du présent paragraphe et, notamment, les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions du premier alinéa dans le cas où l'exercice effectif des droits de vote entraînerait des coûts disproportionnés.
« II. - Les actionnaires d'un fonds d'épargne retraite doivent s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment des adhérents du fonds.
« Les dirigeants d'un fonds d'épargne retraite doivent, dans l'exercice de leur activité, conserver leur autonomie de gestion afin de faire prévaloir, dans tous les cas, l'intérêt des adhérents des plans d'épargne retraite dont ce fonds couvre les engagements. »
Par amendement n° 29, MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le premier alinéa de l'article 11 ter , un alinéa rédigé comme suit :
« Les fonds d'épargne retraite relevant de la présente loi doivent obligatoirement appliquer à l'ensemble des plans qu'ils gèrent les principes de prudence et d'équité entre les générations d'assurés, notamment dans l'attribution des participations aux bénéfices ou aux excédents techniques et financiers. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement n° 8 rectifié est très significatif, car il concerne les obligations déontologiques des gérants de l'épargne retraite. Il tend à rétablir une disposition déjà adoptée par le Sénat lors de la première lecture, obligeant en particulier les gérants des fonds d'épargne retraite à exercer effectivement, dans le seul intérêt du fonds d'épargne retraite, les droits de vote attachés au titre.
Concrètement, nous voulons dire que les gérants des fonds d'épargne retraite ne doivent poursuivre qu'un seul intérêt, celui des souscripteurs, s'exprimer en assemblée générale des sociétés cotées dont les fonds détiennent des valeurs, expliciter les positions prises pour éviter toute espèce de contradiction ou conflit d'intérêt entre les actionnaires des fonds d'épargne retraite et les gérants qui agissent pour leur compte.
Ces actionnaires devant être, dans bien des cas, des compagnies d'assurances, des groupes d'investisseurs institutionnels, il ne faudrait pas que leurs intérêts propres viennent à prendre le pas sur les intérêts des souscripteurs.
Compte tenu du système de gestion déléguée dans lequel nous nous situons à nouveau, il est important que la « muraille de Chine » soit bien présente et que l'on s'assure de la transparence la plus grande de tout le dispositif. C'est donc bien dans cet esprit que ces dispositions sont proposées.
Nous reprenons par ailleurs, au paragraphe II, des dispositions figurant de façon analogue dans la loi de modernisation des activités financières.
Nous prévoyons ici, en particulier, que les actionnaires du fonds d'épargne retraite, donc, dans bien des cas, les assureurs, devront s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment de ceux des adhérents du fonds et que, à l'inverse, les dirigeants du fonds devront veiller à bien préserver leur autonomie de gestion pour être les garants des seuls intérêts des adhérents.
M. Michel Caldaguès. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. Au demeurant, ces dispositions, comme celles de la loi de modernisation des activités financières, devraient pouvoir faire l'objet d'actions civiles au cas où elles ne seraient pas respectées, compte tenu du fait que les contrevenants engageraient leur responsabilité, notamment civile.
Tel est l'esprit dans lequel cet amendement n° 8 rectifié vous est proposé, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 29.
M. Marc Massion. Certaines sociétés d'assurance françaises ont pris l'habitude, pour des raisons purement commerciales, de majorer artificiellement les résultats des contrats qu'elles commercialisent au détriment des contrats plus anciens. Afin d'interdire de telles pratiques, s'agissant d'engagements de longue durée, il est nécessaire de poser le double principe de prudence et d'équité entre les générations d'assurés. Il appartiendra ensuite aux assurés de comparer les résultats des différents plans qui seront proposés et, si nécessaire, de faire valoir leurs droits auprès des autorités compétentes.
Ce principe d'équité entre les générations d'assurés est affirmé dans le droit d'autres Etats de l'Union européenne, notamment pour les assureurs vie allemands.
Cet amendement, que nous avions déjà présenté en première lecture, avait alors suscité, me semble-t-il, quelque intérêt ; peut-être, avec le temps, suscitera-t-il plus que de l'intérêt !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 29 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La notion d'équité actuarielle, que nous pouvons comprendre dans son principe, n'est malheureusement pas définie en termes juridiques. Elle est, à mon sens, trop imprécise pour être appliquée telle quelle et pour figurer, comme le propose M. Massion, dans un texte de loi.
C'et pourquoi, tout en comprenant le souci de notre collègue, la commission ne peut émettre qu'un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 8 rectifié et 29 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement avait un certain nombre d'objections à l'encontre de l'amendement n° 8 rectifié ; mais, compte tenu du vote intervenu sur l'amendement précédent que, dans sa sagesse, le Sénat a adopté, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, je m'en remets finalement à la sagesse du Sénat.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 29, qui ne lui semble pas nécessaire : l'épargne retraite sera gérée par des fonds d'épargne retraite qui sont des structures dédiées. Tous les adhérents auront un horizon d'investissement similaire, la période de la retraite, et non cinq à huit ans pour certains et trente à quarante ans pour d'autres. Dans ces conditions, il n'y aura pas de conflit de générations dans la gestion de l'épargne retraite.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 ter est ainsi rédigé et l'amendement n° 29 n'a plus d'objet.

Article 14