M. le président. « Art. 23. - Les engagements réglementés des fonds d'épargne retraite peuvent être représentés, à concurrence de 10 % et dans la limite de 1 % par émetteur, par des actions, parts ou droits émis par une société commerciale et non admis à la négociation sur un marché réglementé ainsi que par des parts de fonds communs de placement à risques du chapitre IV de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et de fonds communs de placement dans l'innovation institués par l'article 102 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996). »
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Marini, au nom de la commission.
L'amendement n° 10 tend, avant le texte de l'article 23, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les engagements réglementés des fonds d'épargne retraite ne peuvent excéder 5 % pour l'ensemble des valeurs émises et des prêts obtenus par une même société, ou par des sociétés contrôlées par cette société au sens de l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Aucune dérogation à cette règle n'est admise. »
L'amendement n° 11 a pour objet, au début de ce même article, de remplacer les mots : « 1 % par émetteur, » par les mots : « 0,5 % par émetteur, appréciée dans les mêmes conditions qu'à l'alinéa précédent, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit là d'une disposition tout à fait substantielle. J'y ai fait allusion lors de la discussion générale et, après avoir beaucoup insisté sur cet aspect des choses au cours de la première lecture, la commission propose au Sénat de revenir au vote qu'elle avait alors émis.
Il convient de rappeler que le code des assurances prévoit, notamment en matière d'assurance vie, que les placements ne peuvent excéder 5 % de l'actif pour l'ensemble des valeurs émises et des prêts obtenus par un même organisme.
Nous comprenons les raisons pour lesquelles nos collègues de l'Assemblée nationale ont voulu, à titre dérogatoire, permettre de porter ce quantum de 5 % à 10 %. Au demeurant, - c'est le sujet abordé par l'amendement n° 11 - ils ont transposé ce raisonnement au titre des sociétés non cotées en doublant, là aussi, les plafonds de droit commun prévus aujourd'hui par le code des assurances.
Je crois cependant devoir à nouveau brièvement attirer l'attention de nos collègues sur l'importance tout à fait cruciale vis-à-vis de l'épargne du vote qui va intervenir.
Nous l'avons dit à maintes reprises au cours de ce débat, l'objectif, avec les fonds d'épargne retraite, c'est, d'abord, de servir des rentes. Cet objectif se concilie fort bien avec des effets économiques qu'il nous importe d'optimiser au profit des fonds propres des entreprises, notamment de celles, petites et moyennes, qui ne sont pas encore cotées et qui ont un potentiel important de développement.
Mais nous devons, surtout dans la phase de démarrage et d'émergence de nouveaux systèmes, ces derniers dépendant beaucoup de la confiance, tout faire pour apporter le maximum de garanties, de sécurité et de protection aux souscripteurs.
Si nous allions dans le sens préconisé par nos collègues de l'Assemblée nationale, nous conduirions les épargnants, me semble-t-il, à prendre des risques tout à fait excessifs. Ainsi, quelle serait la viabilité d'un plan d'épargne retraite mis en service par la société Eurotunnel - je la cite en exemple parce qu'elle est médiatique et que l'on connaît sa situation - pour laquelle les dirigeants auraient très légitimement imposé, lors de la souscription du contrat, que les avoirs des adhérents soient investis à hauteur de 10 % dans cette même société ? Après tout, si la loi avait été votée dans les termes qui nous ont été transmis, cela aurait fort bien pu se concevoir !
Concernant les sociétés non cotées, les règles actuelles autorisent d'avoir au maximum dix lignes de 0,5 % dans un portefeuille. En conséquence, il faudrait huit défaillances sur dix pour absorber la marge de solvabilité du fonds, qui est fixée à 4 %. Dans le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, un fonds de pension pourrait comporter au maximum dix lignes de 1 % et, en conséquence, il suffirait de quatre défaillances sur dix pour absorber la marge de solvabilité.
On voit donc qu'en doublant simplement les ratios, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale conduit également à doubler les risques à un niveau qui n'est acceptable ni en ce qui concerne les sociétés cotées - amendement n° 10 de la commission des finances - ni en ce qui concerne les sociétés non cotées - amendement n° 11.
Je voudrais, sans m'étendre plus qu'il n'est besoin sur ce sujet, rappeler que le groupe de travail Paris-Europlace, que je citais tout à l'heure à propos de l'industrie de la gestion, avait lui-même partagé les préoccupations que j'exprime. Ainsi, selon lui : « Les fonds d'épargne retraite doivent être gérés en fonction de l'intérêt de leurs souscripteurs. L'adjonction d'un second objectif parallèle visant à ce que les fonds concourent au développement du marché des actions risque de conduire à une confusion des genres et à un risque sérieux de voir l'intérêt de l'épargnant menacé. »
Je crois qu'il est difficile d'être plus clair que les professionnels eux-mêmes. Dès lors, il nous appartient de trouver le juste compromis, de trouver l'équilibre entre les vertus sociales du système et ses vertus économiques.
En en restant aux règles de droit commun qui figurent actuellement dans le code des assurances - 5 % d'un côté, 1 % de l'autre - nous nous situons à un niveau raisonnable de compromis. En adoptant cette position, en votant comme en première lecture, le Sénat serait tout à fait dans son rôle de protecteur de l'épargne.
Sachez enfin, mes chers collègues, que, s'agissant de l'amendement n° 10 et des valeurs cotées, le dispositif que nous proposons, et qui figure déjà dans le code des assurances, correspond à la législation britannique laquelle, je le rappelle, a été votée en 1992, après l'affaire dite « Maxwell ». Les épargnants français méritent sans doute les mêmes précautions que les épargnants britanniques !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 10 et 11 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. C'est un débat que nous avons déjà eu longuement en première lecture. Sur ce sujet, tout le monde partage, me semble-t-il, les mêmes objectifs, notamment de prudence et de garantie à l'égard des adhérents et des souscripteurs, mais il peut y avoir des divergences sur les ratios à fixer. L'Assemblée nationale et le Sénat n'ont pas tout à fait le même point de vue à cet égard.
Je ne veux pas répéter les arguments que nous avons développés lors de la première lecture. Le mieux est que je m'en remette à la sagesse du Sénat. Je pense que le bon compromis sera trouvé lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 41, MM. Laffitte et Joly proposent, dans l'article 23, après les mots : « organismes de placement collectif en valeurs mobilières », de remplacer le mot : « et » par les mots : « pour 1997 et dans la limite de 2 % par émetteur, par des parts ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23 modifié.

(L'article 23 est adopté.)

Article additionnel après l'article 30