M. le président. Par amendement n° 55 rectifié bis , M. Cluzel propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par les mots suivants : ", de la société visée à l'article 45, pour les programmes mentionnés au 2° de cet article".
« II. - Après la première phrase du deuxième alinéa du même article, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "pour les archives audiovisuelles correspondant aux programmes mentionnés au 2° de l'article 45, ce délai est porté à cinq ans."
« III. - Dans le troisième alinéa du même article, après les mots : "sociétés nationales de programme", sont insérés les mots : "et la société visée à l'article 45, pour les programmes mentionnés au 2° de cet article".
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. Cet amendement vise les obligations d'archivage des productions audiovisuelles imposées au secteur public de l'audiovisuel depuis la création de l'Institut national de l'audiovisuel en 1974.
Je rappellerai qu'il s'agit là encore de continuité sénatoriale puisque l'institut a été créé par le Sénat sur l'initiative de notre collègue André Diligent, rapporteur de la loi du 7 août 1974.
Cependant, ces obligations d'archivage se sont trouvées réduites depuis la privatisation de TF 1 et les nouvelles chaînes créées, Arte et La Cinquième, n'ont toutefois pas été soumises à cette obligation.
Dans un souci de rationalisation du secteur public qui trouve notamment son expression dans le projet de loi, avec la fusion de La Cinquième et de la SEPT-Arte, et afin d'éviter que la nouvelle société ne se dote d'un système d'archivage particulier qui ferait double emploi avec celui de l'INA, je propose par cet amendement d'étendre à la nouvelle société l'obligation de dépôt des archives.
Une telle obligation est indispensable pour permettre d'alimenter les nouvelles chaînes en programmes audiovisuels. C'est un autre intérêt de cet amendement, et cela renforcerait l'effort de rationalisation et d'économie du secteur public. Toutefois, il faudra prendre en compte la spécificité de la chaîne franco-allemande Arte.
Il me semble, en conclusion, que l'adoption de cet amendement devrait entraîner deux négociations : l'une avec Arte, et plus particulièrement avec nos partenaires allemands, pour déterminer la place exacte de l'institut associé à cette gestion, et l'autre avec La Cinquième, pour préciser dans quelles conditions le stock actuel d'archives peut être dévolu à l'Institut, étant bien entendu précisé que cette dernière partie de mon explication devra être actualisée lorsque la loi aura été votée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission avait émis quelques réserves sur la précédente version de cet amendement, mais cette dernière mouture paraît lever en partie nos craintes relatives aux incidences budgétaires du transfert à l'INA des archives de La Cinquième.
Nous nous interrogions également sur les possibles inconvénients de l'archivage à l'INA pour les utilisations dérivées des programmes de la télévision éducative.
La commission n'a en fait pas pu examiner la version définitive de l'amendement, aussi s'en remettra-t-elle à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Comme l'a souligné M. Cluzel, les nouvelles chaînes publiques, Arte, créée en 1987, et La Cinquième, créée en 1995, n'ont pas été soumises aux obligations d'archivage audiovisuel par l'INA ou de cession des droits de ces programmes à l'INA.
Pour la SEPT - Arte, cette exception s'explique par le fait que cette société est non pas un diffuseur mais une société d'édition de programmes. Le diffuseur est, en effet, Arte, société franco-allemande, et l'on ne peut imposer d'obligation de ce type à Arte en raison justement de son caractère franco-allemand.
Concernant La Cinquième, l'exception de non-archivage et de non-cession des droits à l'INA s'expliquait par les missions tout à fait spécifiques de cette société, notamment sa mission de diffusion de ses programmes sur d'autres supports comme la banque nationale de programmes qui est actuellement mise en place.
Toutefois, monsieur le président, dans un souci de rationalisation du secteur public, il me semble possible d'accepter le principe de l'archivage et de dévolution des droits à l'INA, mais seulement pour la partie « diffuseur », monsieur le rappporteur, c'est-à-dire les programmes relevant des missions de La Cinquième actuelle. Sous cette réserve, j'émets un avis favorable.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je m'en suis d'ores et déjà remis à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié bis, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
Par amendement n° 60, M. Cluzel propose, d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après le cinquième alinéa de l'article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les rémunérations dues aux artistes-interprètes à raison de l'exploitation desdites archives, un accord collectif conclu conformément aux dispositions du titre III du livre Ier du code du travail, entre l'institut et les syndicats représentatifs des artistes-interprètes, peut déroger aux dispositions de l'article L. 762-2 du code du travail ainsi qu'à celles des articles L. 212-6 et L. 217-7 du code de la propriété intellectuelle. Cet accord détermine des modalités de calcul desdites rémunérations adaptées à la nature d'archives des fonds considérés et peut conférer à ces rémunérations les qualifications juridiques, salaires ou bénéfices non commerciaux, en prenant en compte les situations dans lesquelles peuvent se trouver les ayants-droit, au regard notamment de l'exercice des activités visées à l'article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle.
« Les contrats généraux conclus par l'institut avec les organismes mentionnés au titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle, pour la gestion des droits des artistes-interpètes afférents à l'exploitation desdites archives, sont applicables dans les mêmes conditions aux titulaires de droits non associés qu'aux associés desdits organismes.
« II. - A défaut d'accord conclu à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, ou à l'expiration du précédent accord, les rémunérations dues aux artistes-interprètes sont déterminées et qualifiées conformément au sixième alinéa de l'article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par une commission.
« Cette commission est composée en nombre égal de représentants de l'institut et de représentants des syndicats représentatifs des artistes-interprètes à raison d'un représentant par syndicat, et présidée par un juge du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'institut a son siège social, désigné par le président dudit tribunal, à la demande de l'une des parties intéressées. La commission se détermine à la majorité des membres présents ou représentés. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante. La commission se prononce dans les trois mois suivant l'expiration des délais fixés ci-dessus pour la conclusion d'un accord. Sa décision a effet pour une durée de trois ans, sauf accord conclu avant ce terme.
« L'accord conclu dans le délai de six mois courant à compter de la publication de la présente loi ou, à défaut, la décision de la susdite commission à l'issue de ce délai, est substitué aux conventions et accords collectifs antérieurs applicables aux artistes-interprètes, quels qu'en soient les dénominations et les signataires, dans toutes leurs dispositions relatives à l'exploitation des émissions ou productions réalisées sous leur empire respectif et versées aux archives audiovisuelles de l'Institut national de l'audiovisuel. L'accord précité et les accords ultérieurs déterminent, en outre, les règles applicables à leur dénonciation, s'ils sont conclus pour une durée indéterminée, et à leur révision ou renouvellement. »
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. Avec cet amendement, nous abordons une affaire extrêmement sensible. Il faudrait que nous arrivions à concilier, tout au moins est-ce mon objectif, les intérêts de l'Institut avec ceux des ayants droit. Le problème n'est pas facile à résoudre, mais nous devons essayer.
L'objectif de l'amendement est d'adapter le droit d'auteur et les droits voisins au nouveau contexte d'exploitation des archives audiovisuelles. La révolution numérique induit un usage plus intensif des programmes audiovisuels déposés et gérés par l'Institut national de l'audiovisuel.
La valorisation des archives audiovisuelles de l'INA, outre les avantages économiques que peuvent en attendre les ayants droit et l'Institut, présente un intérêt culturel évident. Cette valorisation passe par la simplification du régime d'exploitation à travers notamment les contrats généraux que peut conclure l'Institut avec les sociétés de perception et de répartition des droits, auteurs et artistes-interprètes.
Dans ce but, il convient d'unifier les instruments conventionnels existants, d'élargir l'autorisation d'exploiter à tous les modes de diffusion, de simplifier les modalités de calcul des rémunérations, qui - M. le ministre l'a indiqué au début de ce débat - devront être assises sur les recettes d'exploitation et, enfin, de simplifier et d'accélérer les procédures de reversement des rémunérations.
Cet amendement vise à faciliter les négociations en cours en assouplissant le cadre légal actuel et en renvoyant à des accords collectifs pour préciser les modalités de rémunération des utilisations secondaires.
Il ne concerne que les droits des artistes-interprètes et comporte deux aspects.
D'une part, il s'agit de permettre de substituer aux nombreux accords collectifs qui se sont succédé, et qui continuent de régir l'exploitation des productions réalisées sous leur empire respectif, un texte unique couvrant tous les modes d'exploitation, en laissant les partenaires sociaux déterminer le mode de calcul des rémunérations et la qualification à leur donner en fonction des situations diverses des ayants droit. En l'absence d'accord, suivant la procédure supplétive habituelle dans le droit de la propriété littéraire et artistique, ces règles seront déterminées par une commission présidée par un magistrat.
D'autre part, cet amendement prévoit que les contrats généraux que pourra conclure l'INA avec les sociétés de perception et de répartition des droits, pour la gestion collective des droits des artistes-interprètes afférents à l'exploitation des archives, seront applicables dans les mêmes conditions aux non-associés qu'aux associés desdites sociétés.
Tout cela n'est pas simple, mais chacun aura compris que c'était très important.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Nous savons, mes chers collègues, que le règlement des droits d'exploitation des archives qu'ils détient pose à l'INA des problèmes qui font obstacle à l'utilisation optimale de ces ressources.
Ce problème n'est d'ailleurs pas récent et il aurait peut-être fallu le traiter autrement que par voie de cavalier législatif, d'autant que cet amendement qui, lui aussi, vise à la simplification, pourrait bien poser encore plus de problèmes, du moins si son auteur ne nous donne pas les réponses aux questions que je voudrais poser.
Cet amendement prévoit en effet que la nature juridique - salaire ou redevances - et les modalités de calcul des rémunérations dues aux artistes-interprètes à l'occasion de l'exploitation du fonds de l'INA résulteront d'une convention collective passée entre l'INA et les syndicats, qui pourrait déroger à toutes les dispositions législatives ou conventionnelles applicables, et qui se substituera aux contrats conclus, à l'origine, entre les artistes et les producteurs des programmes.
On remettra donc à plat, et en dehors des règles établies par la loi de 1985, les conditions de rémunération des artistes-interprètes à l'occasion de l'exploitation secondaire de leur prestation.
Notons d'abord que les dispositions législatives définissant ce qui, dans cette rémunération, relève du salaire et ce qui relève de la redevance ne s'appliqueront pas : c'est la convention qui devra en trouver de nouvelles. Je ne pense pas que ce sera facile. Notons aussi qu'il n'y aura pas de présomption de cession des droits, car elle ne s'applique que dans les limites du contrat de production et au profit du producteur.
En deuxième lieu, l'INA rémunère actuellement les artistes-interprètes en tant que cessionnaire des droits : il s'acquitte des obligations contractées par les producteurs de programmes. Dans le schéma proposé, il signera lui-même la convention collective ; il devient, en somme, l'employeur des artistes-interprètes. A-ton bien analysé cette situation et les conséquences qu'elle peut avoir ?
En troisième lieu, l'amendement remet aussi en cause les principes de la gestion collective des droits telle que le droit français la définit : il prévoit une gestion collective étendue de droits exclusifs ; il pourrait conduire les sociétés de perception et de répartition des droits à percevoir et à répartir des rémunérations de caractère salarial, ce qui n'entre pas dans leur rôle.
Enfin, ce régime dérogatoire s'appliquerait à tout le fonds géré par l'INA, soit une part non négligeable du « stock » de programmes français.
On nous dit que c'est en raison de la « nature d'archives » de ce fonds. Mais qu'est-ce que la « nature d'archives » ? En quoi modifie-t-elle les formes d'exploitation des oeuvres ou des programmes « archivés » ? Ne peut-on, dès lors, craindre une remise en cause plus large de la loi de 1985 ?
Monsieur le ministre, je ne vous cache pas que tout cela nous laisse perplexes. Alors, je me tourne vers vous.
Est-ce sûr que cette solution était la seule possible et qu'elle sera efficace ? Est-on assuré, surtout, que l'on en a bien mesuré toutes les conséquences, que ce soit pour l'INA, pour les artistes ou pour les droits voisins du droit d'auteur ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. La valorisation des archives audiovisuelles de l'Institut national de l'audiovisuel, outre les avantages économiques que peuvent en attendre les ayants droit et l'Institut, présente un intérêt culturel évident et doit pouvoir s'effectuer au mieux des intérêts des artistes-interprètes.
Cette valorisation passe par la simplification du régime d'exploitation, notamment par les contrats généraux que peut conclure l'Institut avec les sociétés de perception et de répartition des droits - auteurs et artistes-interprètes -, ce dont je suis totalement conscient. D'ailleurs, la situation actuelle pénalise les développements commerciaux de l'INA.
Faciliter cette simplification, dans le cas des artistes-interprètes, qui pose des problèmes spécifiques au travers des contrats généraux que peut conclure l'INA avec les sociétés de perception et de répartition des droits me paraît très bon. Le principe de la gestion collective est efficace ; il importe de le favoriser.
En revanche, laisser aux partenaires sociaux le soin de décider de la qualification à donner aux rémunérations dues aux artistes-interprètes poserait des problèmes juridiques complexes qui excèdent d'ailleurs l'objet propre de l'amendement et méritent d'être traités au fond.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que soit étudiée plus avant cette délicate question, en concertation avec les représentants des artistes-interprètes dans les semaines à venir.
Monsieur le sénateur, je vous serais très reconnaissant, dans cette perspective, de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Cluzel, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?
M. Jean Cluzel. J'accepte, bien entendu, de retirer mon amendement puisque M. le ministre vient de nous dire qu'il prenait en compte mes explications et qu'il trouverait une solution.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.

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