M. le président. « Art. 2. - I. - Au premier alinéa de l'article 5 de la même loi, les mots : "ou de cette cour" sont insérés après les mots : "de ce tribunal". »
« II. - Au même article, le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Nul ne peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel s'il a exercé dans le ressort de ce tribunal ou de cette cour depuis moins de cinq ans la profession d'avocat. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 5, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, après le paragraphe I de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« I bis . - Le deuxième alinéa du même article est complété par les dispositions suivantes : "néanmoins, un représentant français au Parlement européen peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel à l'issue de son mandat ;". »
Par amendement n° 4 rectifié bis , M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le paragraphe I de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« I bis . - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« Néanmoins le représentant français au Parlement européen peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel à l'issue de son mandat, si ce n'est dans le ressort dans lequel il était domicilié tant dans l'année précédant son élection que pendant l'exercice de son mandat. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit, à travers cet amendement, de modifier l'article 5 de la loi du 6 janvier 1986, qui fixe les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, pour écarter le mandat européen du champ des incompatibilités postérieures à l'exercice d'un mandat électif.
Le ressort de ce mandat étant national, l'incompatibilité revient, en fait, à interdire toute nomination dans une juridiction administrative dans les trois années qui suivent la fin de l'exercice d'un mandat, ce qui paraît excessif au regard de son objet.
En outre, la disposition proposée permettrait de respecter le parallélisme entre le statut de la magistrature judiciaire et celui de la magistrature administrative.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 4 rectifié bis .
M. Guy Allouche. L'objet de cet amendement est aussi d'atténuer l'effet de l'incompatibilité nécessaire à la garantie de l'indépendance des magistrats administratifs en le limitant pour le député européen afin de tenir compte de son mode d'élection, qui l'empêcherait sinon d'être réintégré ou nommé pendant trois ans dans quelque tribunal administratif ou quelque cour administrative d'appel que ce soit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 4 rectifié bis ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Par cohérence avec la position exprimée dans l'amendement n° 5, je ne puis donner qu'un avis défavorable à l'amendement n° 4 rectifié bis .
Pourrait-on néanmoins, compte tenu du débat que nous avons eu sur ce sujet, éviter que ne soient nommés d'anciens parlementaires européens dans le secteur géographique dans lequel ils résident ? C'est une simple recommandation, mais, en la suivant, vous tiendrez compte de la volonté exprimée dans cet amendement, monsieur le ministre.
M. René-Georges Laurin, vice-président de la commission des lois. Une volonté unanime de la commission !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis favorable à l'amendement de la commission et défavorable à l'amendement défendu par le groupe socialiste.
L'amendement n° 5 a en effet l'avantage d'être simple et, si j'ose dire, de bon goût, car il aligne la situation des magistrats de l'ordre administratif sur celles des magistrats de l'ordre judiciaire et des chambres des comptes.
L'amendement n° 4 rectifié bis, lui, a pour effet de créer une ambiguïté, dans la mesure où les parlementaires européens ne sont pas les élus d'une circonscription.
J'ajoute, pour répondre à la demande de M. le rapporteur, que le conseil supérieur des tribunaux administratifs pourra en effet tenir le plus grand compte de son souhait. Il s'agit là d'une position de sagesse, laquelle ne peut cependant pas, par définition, être transcrite dans la loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. M. le rapporteur, tout en s'opposant à l'amendement déposé par le groupe socialiste, souhaite qu'on tienne compte à l'avenir de notre suggestion pour ce qui concerne les nominations afin d'éviter que l'incompatibilité ne produise l'effet que nous avons dénoncé.
Quant à vous, monsieur le garde des sceaux, vous reprochez à cet amendement de comporter une ambiguïté. En êtes-vous si certain ? En effet, si, dans quelques mois, le mode de scrutin pour les élections au Parlement européen changeait, qu'adviendrait-il ?
J'ai participé au groupe de travail, constitué de sénateurs, de députés à l'Assemblée nationale et de députés européens, organisé par le Mouvement européen pour étudier, précisément, une éventuelle modification de ce mode de scrutin. Je crois pouvoir ajouter que le gouvernement actuel a, en quelque sorte, donné son feu vert à cette réflexion.
Il n'est donc pas impossible que, dans les mois qui viennent, nous ayons à délibérer d'une éventuelle réforme du mode de scrutin, qui se déroulerait alors à l'échelon des régions.
Si tel était le cas, l'amendement n° 4 rectifié bis prendrait toute sa force. Or, comme l'Assemblée nationale retiendra sans doute la disposition proposée par notre rapporteur, il faudra donc que la Haute Assemblée réexamine ce texte pour le modifier en ce sens.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. A ce moment-là, la Haute Assemblée devra réexaminer les dispositions qui concernent tant les magistrats judiciaires que les magistrats administratifs, et ce toujours dans le souci de préserver la cohérence entre les deux ordres de juridiction !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce que dit M. Allouche est frappé au coin du bon sens. Mais, dès lors que la loi de 1977 dispose que le territoire de la République française constitue une circonscription unique pour les élections européennes, on ne peut pas, sauf à enfreindre ces dispositions, légiférer en nous référant à des circonscriptions différentes.
Si, un jour, cette situation devait changer, monsieur Allouche, le Sénat et l'Assemblée nationale en tireraient bien sûr les conséquences.
Aujourd'hui, je ne vois pas comment nous pourrions adopter un texte « en état de loi future », comme on dit d'un appartement qu'il est acheté « en état d'achèvement futur » !
M. René-Georges Laurin, vice-président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 4 rectifié bis n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3