M. le président. Je suis saisi, par Mmes Luc et Demessine, M. Fischer, les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 15, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération en deuxième lecture sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal (n° 228, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Demessine, auteur de la motion.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, sous couvert de renforcer la lutte contre le travail illégal, contribue à perpétuer l'amalgame entre travail illégal et immigration.
En effet, si le Gouvernement présente parallèlement le présent projet de loi et un texte sur l'immigration, le fameux projet de loi Debré, c'est bien pour prouver sa brutale détermination dans la chasse aux étrangers entrés clandestinement en France ou se trouvant, par la grâce des lois Pasqua, placés en situation irrégulière.
Procès d'intention, allez-vous me répondre. Vous n'auriez, avec le présent projet de loi, d'autre but que de mieux protéger les salariés face au travail illégal, véritable fléau social et économique.
M. Emmanuel Hamel. Vous comprenez très bien !
Mme Michelle Demessine. Je serais prête à soutenir ce texte s'il s'agissait vraiment de cela.
M. Emmanuel Hamel. Mais c'est cela !
Mme Michelle Demessine. Je ne peux en effet accepter cette nouvelle forme d'esclavage, qui place les salariés victimes de ces pratiques dans une situation d'extrême précarité, qui les prive de toute protection sociale, de toutes les garanties offertes par le code du travail.
M. Emmanuel Hamel. Nous non plus, nous ne l'acceptons pas !
Mme Michelle Demessine. Tout à l'heure, mon ami Guy Fischer a démontré que le texte qui nous est présenté n'est qu'un texte « alibi », en trompe-l'oeil, qui ne permettra pas de s'en prendre aux donneurs d'ordre, aux gros bonnets du travail illégal.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il l'a dit, mais il ne l'a pas démontré !
Mme Michelle Demessine. Comme il l'a expliqué dans son intervention, la majorité, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, s'est ingéniée à retirer du projet de loi toutes les mesures s'en prenant directement aux donneurs d'ordre et aux employeurs peu scrupuleux coupables de dissimulation de travail.
D'un texte déjà très timide, vous avez exclu les quelques mesures efficaces votées en première lecture par les députés.
Ainsi, vous avez repoussé les dispositions renversant la charge de la preuve qui obligeaient l'entreprise à prouver sa bonne foi en cas de recours au travail clandestin par un de ses sous-traitants.
Vous n'avez pas voulu que l'administration puisse suspendre le versement des aides à l'emploi en cas de verbalisation pour travail illégal.
De même, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat en première lecture, la majorité a rejeté la plupart des propositions faites par les parlementaires communistes pour mener une lutte efficace contre le travail illégal et pénaliser réellement les donneurs d'ordre ; je pense en particulier ici à la proposition tendant à élargir aux documents comptables la liste des documents mis à la disposition des agents luttant contre le travail illégal.
Nous sommes également bien loin d'une démarche de lutte en amont et des déclarations de Mme le ministre délégué selon lesquelles « la prévention doit être une priorité absolue ».
Mais de quelle prévention pourrait-il s'agir quand c'est justement votre politique libérale - celle qui vise, au nom de Maastricht et de la guerre économique, à réduire toujours plus les salaires et la protection sociale, à multiplier les dérogations au code du travail et à développer le temps partiel imposé - qui crée les conditions mêmes du développement du travail illégal ?
Cinq millions de personnes exclues de l'emploi, selon les chiffres donnés par les chercheurs de l'ex-CERC, ...
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Qui n'engagent qu'eux-mêmes !
Mme Michelle Demessine. ... et un million d'allocataires du RMI : ce sont autant de personnes prêtes à travailler dans les pires conditions pour survivre.
Comme le disait mon ami Maxime Gremetz à l'Assemblée nationale, « le travail illégal pousse jusqu'au bout la logique de la précarité, de la flexibilité, de la déréglementation, en privant les salariés des droits les plus élémentaires ».
En tant que sénateur du Nord, un département particulièrement touché par la montée du chômage et de la misère, je suis témoin de la mise en oeuvre de ce mécanisme. Ainsi, on voit les grandes entreprises de vente par correspondance de ma région, sous prétexte de bénéficier des coûts les plus bas, acheter ou faire fabriquer n'importe quel produit à n'importe quel prix et dans n'importe quel pays.
Cette politique conduit, pour une part, à des délocalisations vers les pays de main-d'oeuvre à bas coût, mais tout ne peut être délocalisé et notamment pas la production des petites séries de confection devant être disponibles dans de très courts délais, qualifiée, en termes économiques, de production « juste à temps ». Cependant, pour cette dernière aussi bien que pour la production délocalisée à l'étranger, on exige une main-d'oeuvre au coût minimum.
Cette statégie économique des donneurs d'ordre a favorisé l'implantation des ateliers clandestins à Roubaix. Ce n'est d'ailleurs certainement pas un hasard si cette même ville regroupe les sièges sociaux des grands distributeurs.
Dans le secteur du textile et de l'habillement, auquel je suis particulièrement attentive puisqu'il représente 50 % des emplois industriels dans la zone de Roubaix-Tourcoing, l'ampleur du travail illégal est évaluée par le ministère à 100 000 salariés pour toute la France. Parallèlement, dans le Nord-Pas-de-Calais le nombre des salariés employés dans ce secteur est passé de 220 000 à 40 000 en quinze ans.
Si la plupart des emplois supprimés dans ma région l'ont été du fait de leur délocalisation à l'étranger, plusieurs milliers sans doute l'ont été au profit d'emplois non déclarés, assortis de conditions de travail souvent pires que celles qui avaient cours au XIXe siècle et de salaires de misère.
Plus grave encore - si c'est possible - les ateliers clandestins qui fournissent la distribution sont souvent contrôlés par des personnes liées à des organisations criminelles de type mafieux.
M. Louis Souvet, rapporteur. Eh bien alors, c'est pour cela qu'il faut les faire disparaître !
Mme Michelle Demessine. Je rappelle ces faits, car je ne veux pas que l'on se trompe de coupable. Qui profite des travailleurs illégaux, qui les exploite sinon une partie du patronat ? Ce sont leurs patrons, ces négriers des temps modernes, que nous voulons voir pourchassés et pas celles et ceux, Français ou immigrés, qui sont contraints de tout accepter pour survivre.
Le travail clandestin peut être enrayé : des lois existent à cet effet. Mais encore faudrait-il que le Gouvernement veuille les appliquer, sanctionne les patrons responsables et ne réduise pas le nombre et le rôle des inspecteurs du travail sur le terrain.
Ce n'est pas cette voie que prennent le Gouvernement et sa majorité : confronté à l'approfondissement de la crise, à l'augmentation du chômage, du désespoir et du sentiment de révolte chez nombre de nos concitoyens, le Gouvernement préfère prendre des boucs émissaires, les immigrés clandestins, désignés comme responsables de tous les maux de notre pays.
C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre la mesure intolérable, que le présent projet de loi inscrit dans le code du travail et la loi Debré dans le code pénal, qui autorise la police et la gendarmerie, au nom de la lutte contre le travail illégal, à pénétrer à l'intérieur des entreprises...
M. Alain Gournac. Mais c'est très bien !
Mme Michelle Demessine. ... afin de contrôler les identités alors qu'aucun délit n'a été commis. Il est permis de penser que l'irruption des forces de l'ordre dans les entreprises servira à renforcer la traque aux immigrés irréguliers !
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Michelle Demessine. C'est dans ce cadre encore qu'il faut comprendre qu'avant même la promulgation de la loi soient mises en oeuvre des décisions modifiant l'organisation et tendant à mettre sous la coupe du ministère de l'intérieur les administrations et services publics, en particulier l'inspection du travail, « pour faire échec à l'immigration clandestine et à l'emploi des étrangers dépourvus de titre de travail ». C'est le cas en particulier avec le décret du 6 août 1996 portant création de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre.
Comme le disait mon ami Guy Fischer le 14 janvier dernier : « Les immigrés irréguliers sont certes en infraction avec les lois sur l'entrée et le séjour, mais ils ne sont en aucun cas auteurs du délit de travail illégal dont ils sont victimes au même titre que les autres salariés. »
Vous reconnaissez d'ailleurs que, selon les chiffres de 1994, l'emploi d'étrangers sans titre de travail ne représente que 6 % des verbalisations établies pour travail dissimulé.
M. Alain Gournac. Ce sont 6 % de trop !
Mme Michelle Demessine. En autorisant l'intervention des forces de police dans l'entreprise, vous contribuez à légitimer l'amalgame entre « travail au noir » et immigration clandestine. Vous encouragez la xénophobie, les comportements racistes que, par ailleurs, vous affirmez combattre.
M. Emmanuel Hamel. Mais pas du tout !
Mme Michelle Demessine. Cette mesure est d'autant plus grave qu'elle s'ajoute aux dispositions contenues dans le projet de loi sur l'immigration.
Je pense tout particulièrement aux mesures concernant le certificat d'hébergement, qui ont fait l'objet de ce formidable mouvement de protestation...
M. Alain Gournac. Et du soutien des Français !
Mme Michelle Demessine. ... - j'allais dire de résistance - de toute une partie de notre peuple.
M. Alain Gournac. Mais 67 % des Français sont pour !
Mme Michelle Demessine. Ce projet de loi, même après les aménagements adoptés par les députés, tend à considérer tout les étrangers comme des clandestins en puissance et porte gravement atteinte aux libertés publiques et individuelles.
M. Alain Gournac. Ce n'est pas vrai !
Mme Michelle Demessine. Au-delà de ce problème, le projet de loi Debré comprend bien d'autres dispositions dangereuses, par exemple la fouille des véhicules, le durcissement des règles de la rétention administrative ou les restrictions à l'attribution de la carte de séjour.
N'est-ce pas mettre le doigt dans un engrenage qui risque de conduire, si l'on n'y prend garde, à la mise en place d'un Etat de plus en plus policier, de plus en plus répressif ?
Pour notre part, nous refusons cette dangereuse dérive. Nous n'acceptons pas que les immigrés soient désignés comme les boucs émissaires de la politique antisociale mise en oeuvre par le patronat et le Gouvernement, et qui n'est faite que de plans sociaux, de fermetures d'entreprises, de délocalisations à l'étranger, de pillages de fonds publics, de bas salaires, de licenciements, de chômage.
M. Guy Fischer. Eh oui ! Prenez Renault, par exemple !
Mme Michelle Demessine. C'est pourquoi nous nous opposons à un projet de loi contre le travail illégal qui tend à créer l'amalgame entre travail dissimulé et immigration clandestine ...
M. Emmanuel Hamel. « Désamalgamez », madame !
Mme Michelle Demessine. ... et qui ne se dote pas de moyens efficaces pour lutter contre le travail illégal.
M. Emmanuel Hamel. Mais si !
Mme Michelle Demessine. J'ai montré, comme mon ami Guy Fisher, que d'autres mesures et une autre politique étaient nécesssaires en la matière.
M. Alain Gournac. Les socialistes ne l'ont pas fait en quatorze ans de pouvoir !
Mme Michelle Demessine. Voilà les raisons qui me conduisent, mes chers collègues, à vous demander de voter la motion tendant à opposer la question préalable déposée par le groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Emmanuel Hamel. Vous traduirez notre sentiment, monsieur le rapporteur !
M. Louis Souvet, rapporteur. Mes chers collègues, le point clef de l'argumentation des membres du groupe communiste républicain et citoyen contre le projet de loi est le reproche fait à ce dernier d'opérer l'amalgame entre l'immigration clandestine et le travail illégal. Combien de fois le mot « amalgame » n'est-il pas revenu dans les propos de nos collègues Guy Fischer et Michelle Demessine !
Il me semble au contraire que tout a été fait pour éviter l'amalgame, qu'il s'agisse de l'adoption du terme « dissimulé » au lieu de celui de « clandestin » ou de la suppression des dispositions concernant l'éloignement d'un étranger sans titre de travail employé de façon dissimulée.
Quant à votre analyse selon laquelle, madame Demessine, le texte ne donnerait pas les moyens au Gouvernement de lutter efficacement contre le travail illégal, elle ne me paraît pas très objective, car, et vous le savez bien, le débat a eu au contraire pour effet la multiplication de ces moyens : sanction plus dure du défaut de déclaration préalable à l'embauche, attribution aux personnes publiques d'un moyen très efficace de prévention grâce à la possibilité de dénoncer le contrat aux frais de l'employeur indélicat, ou encore développement de la circulation des informations entre les différents corps de contrôle.
Je ne m'attarde cependant pas sur ce point - il faudrait énumérer chaque article - me contentant de constater qu'en refusant le projet de loi vous favorisez le travail illégal puisque vous privez le Gouvernement des nouveaux instruments de lutte qu'il propose.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Emmanuel Hamel. Bien sûr que si !
M. Louis Souvet, rapporteur. Vous déclarez que 6 % seulement des verbalisations pour travail dissimulé touchent des étrangers en situation illégale. Puisqu'il s'agit d'ateliers clandestins, si les mots ont un sens, les vrais chiffres ne sont pas connus ! Cela ne prouve pas qu'il n'existe pas davantage d'ateliers clandestins, et vous le savez bien !
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a formulé un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Monsieur le président, si vous le permettez, je donnerai d'abord l'avis du Gouvernement sur la motion puis j'assortirai cet avis de quelques observations sur les différentes interventions qui ont eu lieu. (M. le président fait un signe d'assentiment.)
Sur la motion tendant à opposer la question préalable, M. le rapporteur a d'ores et déjà relevé un élément d'importance : nous entendons beaucoup parler d'amalgame, mais il conviendrait que chacun dans cette Haute Assemblée sache ce que les mots veulent dire.
Notre souci a bien été, dans le cadre de ce projet de loi dont l'objectif fondamental est de lutter contre le travail illégal, d'éliminer, dans les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif comme dans le vocabulaire choisi, tout risque d'amalgame.
Je souhaite également rappeler qu'entre le travail illégal et l'immigration clandestine aucun lien ne peut être établi aujourd'hui.
M. Guy Fischer. Ce n'est pas ce que disent vos militants sur les marchés !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Nous poursuivons en effet toute forme de travail illégal, imputable à toute personne se trouvant sur le territoire français.
La démarche proposée par le Gouvernement en accord avec le Parlement est de définir une méthode qui permette de lutter efficacement contre le travail illégal.
Nous constatons aujourd'hui que le travail dissimulé effectué par une main-d'oeuvre étrangère résidant clandestinement sur le territoire français représente 6 % des procès-verbaux et 10 % de la main-d'oeuvre étrangère salariée.
Nous souhaitons nous donner les moyens de voir ces chiffres diminuer, même si à eux seuls ils démontrent que les méthodes déjà employées aujourd'hui donnent des résultats puisque la plus grande partie du travail illégal est le fait de personnes en situation régulière sur notre territoire.
M. Guy Fischer. Dont acte !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Une fois de plus, notre priorité est d'apporter la bonne réponse, c'est-à-dire la réponse efficace, au problème du travail illégal, sous toutes ses formes.
Cela signifie - je réponds là aussi bien aux auteurs de la motion qu'à plusieurs des intervenants dans la discussion générale - que nous voulons d'abord préserver les droits des personnes que la pression économique amène à travailler dans un contexte d'illégalité.
Il s'agit ensuite de réprimer, de sanctionner d'une manière efficace ceux qui profitent de la situation.
Notre démarche, mon collègue Jacques Barrot et moi-même l'avons rappelé à plusieurs reprises, consiste tout d'abord à informer la collectivité nationale de ce que représente le travail illégal par la mise en place d'une action de prévention.
Qu'est-ce qu'une action de prévention ?
M. Fischer faisait tout à l'heure une sorte d'amalgame - mais peut-être me suis-je mal exprimée lors de mes précédentes interventions - à propos des bas salaires. Il est évident que nous souhaitons que chacun puisse travailler en France dans des conditions honorables et respectables. Dans le même temps, il faut tenir compte du fait que le coût du travail peu qualifié est trop élevé pour les employeurs. Nous avons donc procédé à des allégements de charges sur les bas salaires, ce qui n'a pas de répercussion sur le salaire perçu. C'est un exemple de prévention.
La prévention consiste aussi à favoriser de manière délibérée la simplification des formalités administratives que doivent accomplir les employeurs.
Toutes ces mesures ne suffisent évidemment pas et il faut s'engager plus avant dans cette direction, notamment en informant davantage nos compatriotes.
Madame Demessine, en réponse à votre intervention, je dirai donc qu'il faut éviter de parler d'amalgame. Nous tentons ensemble de faire un travail sérieux en vue de réprimer et d'enrayer le phénomène du travail illégal. Il n'y a pas place pour des procès d'intention, ni d'un côté, ni de l'autre.
Il s'agit, je le répète une fois de plus, de préserver les personnes victimes de ces pratiques et d'éviter ces actes de concurrence déloyale qui fragilisent des entreprises. Il s'agit aussi de se doter de moyens d'investigation meilleurs et plus efficaces. Il s'agit encore de renforcer les sanction, les plus dissuasives, notamment les sanctions économiques. Il s'agit, enfin, comme je le disais à l'instant, d'informer et de faciliter toutes les formalités administratives nécessaires pour tous ceux qui souhaitent être en conformité avec la loi.
Madame Demessine, je considère, comme vous, que le travail clandestin, le travail illégal peut être enrayé. Il faut s'en donner les moyens. C'est l'objectif que nous cherchons à atteindre par le présent projet de loi, avec le concours du Sénat et de l'Assemblée nationale. En effet, n'oublions pas que nous sommes là pour faire oeuvre législative. Telle est la mission du Sénat et de l'Assemblée nationale. Là aussi, il est important de respecter les principes de notre droit.
En réponse à un certain nombre de commentaires qui ont été faits, je rappellerai qu'il existe des aspects fondamentaux, comme la notion d'intentionnalité en matière de délit. Il est important, lorsqu'on légifère, de bien respecter les principes du droit, ce qui relève du droit civil et ce qui ressort du droit pénal. S'il peut y avoir lieu à amalgame, il peut aussi y avoir lieu à confusion et nos méthodes de sanction et de prévention auraient alors incontestablement à en pâtir.
Voilà ce que je voulais répondre en ce qui concerne la motion tendant à opposer la question préalable et certaines observations qui ont été formulées lors de la discussion générale.
Monsieur Fischer, nous avons toujours les mêmes divergences d'approche sur le plan de la politique générale. Cependant - sur ce point, je rejoins M. le rapporteur - quelle que soit l'appréciation que vous pouvez porter sur ce texte, il a l'avantage de faire un pas de plus dans la voie de l'efficacité. Nous ferions mieux de réunir nos efforts plutôt que de nous opposer sur un projet de loi que sous-tend la volonté d'avancer dans la lutte contre le travail illégal.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Madame Dieulangard, nous avons aussi, de toute évidence, des approches divergentes. Ce projet de loi, avez-vous dit, ne répondra pas aux nouvelles formes de travail illégal. C'est exactement l'inverse que nous essayons de faire.
Vous avez évoqué la loi Madelin. Elle prévoit ces nouvelles formes de travail dans un cadre légal. Le présent projet de loi vise bien à nous donner les moyens de réprimer les détournements dont pourrait faire l'objet la loi Madelin.
J'insiste sur la nécessaire présence d'éléments intentionnels dans les délits. Il s'agit d'une base juridique indispensable à notre droit pénal, mais qui ne nuit pas à l'efficacité.
Je voudrais remercier M. Bimbenet de ses différentes observations. Il faut effectivement bien étudier toutes les conséquences de l'article 10 ter nouveau. L'amendement du Sénat relatif à la possibilité ouverte à la collectivité locale de résilier ou de ne pas résilier représente certainement un apport qui doit être pris en compte. Je rappellerai à M. Bimbenet qu'il existe des sanctions de droit commun qui peuvent être appliquées, notamment des sanctions d'ordre économique et des sanctions qui interdisent à la société qui s'est livrée au travail illégal de pouvoir soumissionner pendant un délai de cinq ans. Toutefois, j'ai pris bonne note de ses observations sur ce point et nous y reviendrons certainement tout à l'heure.
Je terminerai en remerciant le rapporteur, M. Souvet, et les membres de la commission du travail qu'ils ont accompli. Par ce travail de fond, ce travail sérieux et au-delà de toute polémique, ils ont cherché, dans des échanges constructifs et positifs, à faire en sorte que ce texte soit enrichi au profit de meilleures méthodes d'investigation et de sanctions plus adaptées aux enjeux qui sont les nôtres dans la lutte contre le travail illégal. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 15, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er A