RÉFORME DU SERVICE NATIONAL

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 205, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme du service national. [Rapport n° 231 (1996-1997).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d'abord remercier M. le ministre d'avoir mis la réforme du service national que nous allons adopter en perspective avec la réforme, plus ample, de notre défense nationale.
Je salue ensuite la qualité des travaux de notre collègue Serge Vinçon. Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, il a donné un nouvel éclairage sur le projet de loi et annoncé quelques améliorations, auxquelles je souscrirai.
Les armées se professionnalisent ; le service national va être supprimé. J'avoue avoir eu d'abord quelque hésitation. Mais ne regardons pas le passé, essayons plutôt de préparer l'avenir.
Cette vaste et profonde réforme de la défense nationale, vous l'avez conduite, monsieur le ministre, avec la constance et le sérieux du laboureur mais avec aussi l'allant du montagnard. (M. le ministre sourit.)
Je vous remercie en particulier d'avoir donné à la gendarmerie une place à part dans cette réforme, en temps de paix comme en temps de crise, et quelle que soit soit la gravité de celle-ci.
La gendarmerie, force de sécurité intérieure polyvalente, doit pouvoir s'appuyer sur une réserve entraînée, présélectionnée et disponible. Essentielle pour la sécurité individuelle et collective, la gendarmerie doit être dotée de tous les moyens en personnels nécessaires pour faire face à l'ensemble de ses missions et pour assurer la montée en puissance de son dispositif permanent de défense en temps de paix et, à plus forte raison, en temps de crise.
A mes yeux, deux questions se posent. D'abord, comment la gendarmerie recrutera-t-elle demain ses volontaires et gendarmes auxiliaires sous contrat en temps de paix ? Ensuite, la gendarmerie pourra-t-elle continuer à assurer, après la réforme du service national, ses missions en temps de crise, en tout temps, en tout lieu, en toute circonstance et, souvent, tout de suite, sans faire appel aux réservistes, et de quels réservistes s'agira-t-il puisque la source de recrutement sera en partie tarie et que, de ce fait, les réservistes seront de plus en plus rares ?
En ce qui concerne la première question - les volontaires et les gendarmes auxiliaires sous contrat de la gendarmerie -, la loi de programmation militaire a fait de l'augmentation du nombre des volontaires la seule ressource supplémentaire accordée à la gendarmerie pour faire face à l'accroissement de ses missions. En dépit d'une forte déflation du nombre de sous-officiers de gendarmerie, la cohérence de ce format reposait sur une structure d'effectifs comprenant 16 232 volontaires engagés pour vingt-quatre mois et rémunérés à hauteur de 70 000 francs par an.
Or la définition du volontariat retenue dans le projet de loi portant réforme du service national prévoit, notamment, un régime de rémunération peu attractif et en retrait par rapport aux montants arrêtés en loi de programmation. De plus, le volontaire ne peut se substituer à un professionnel et les conditions d'un recrutement de personnels de qualité et en nombre suffisant ne me paraissent pas garanties.
Alors que chacun s'accorde à reconnaître que les gendarmes auxiliaires constituent actuellement une ressource d'excellente qualité apportant un concours extrêmement précieux dans l'exécution quotidienne d'un très grand nombre de missions de sécurité publique, il y a tout lieu de redouter que les futurs volontaires n'offrent ni les mêmes garanties, ni les mêmes possibilités.
Les personnels d'active s'en inquiètent, monsieur le ministre. Par exemple, les commandants de brigade ou les chefs des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, les PSIG, doivent être sûrs des personnels hors statut de la gendarmerie, mais étroitement associés à ses missions souvent complexes et délicates qui parfois requièrent, nous le savons bien, l'usage de la force ouverte.
La direction générale de la gendarmerie nationale étudie donc, sous le plafond des 16 200 volontaires prévus par la loi de programmation militaire, la possibilité de faire cohabiter des volontaires au sens strict avec une nouvelle catégorie de militaires sous contrat, qui pourraient représenter, à terme, environ les deux tiers de l'effectif.
L'amalgame de ces militaires sous contrat, assimilables à des semi-professionnels, suppose toutefois que leur soit attribuée une rémunération qui devrait se situer entre 5 000 et 6 000 francs mensuels ; les dotations budgétaires inscrites dans la loi de programmation autorisent cette mesure.
La durée des contrats proposés à ces personnels serait de deux ans, renouvelable une fois. Un tel recrutement pourrait s'opérer sous réserve d'une adaptation mineure des textes en vigueur. Une instruction minimale de trois mois leur serait dispensée et, sous réserve de l'accord de la Chancellerie, la qualité d'agent de police judiciaire adjoint pourrait leur être octroyée.
Au même titre que les autres candidats, un pourcentage non négligeable de ces militaires sous contrat pourrait être ultérieurement retenu pour effectuer une carrière de sous-officier de gendarmerie.
C'est maintenant, monsieur le ministre - alors que le projet de loi portant réforme du service national est en discussion au Parlement et alors qu'en collaboration avec Bercy vous préparez le projet de budget pour 1998, avec les difficultés que l'on sait -, que la décision de recruter des gendarmes auxiliaires sous contrat et de les rémunérer suffisamment doit être confirmée.
Quant à ma seconde question - les réservistes de la gendarmerie - je sais que nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion du projet de loi sur le statut des réservistes qui devrait nous être soumis dans quelques mois ; mais je crois qu'il est d'ores et déjà nécessaire de l'aborder.
La gendarmerie pourra-t-elle continuer à afficher ses ambitions et à assurer ses missions dès le temps de paix et, à plus forte raison, en temps de crise, en tous temps, tous lieux, toutes circonstances et, parfois tout de suite, sans faire appel aux réservistes ? me demandais-je tout à l'heure.
La réponse est non.
Je l'affirmais déjà dans un rapport intitulé, Les réserves, un deuxième souffle pour les armées, remis au Premier ministre en mars 1994. C'est encore plus vrai depuis la réforme des armées.
Les réservistes sont en effet appelés à faire partie, à part entière, du dispositif permanent du service public de sécurité que veut mettre en place la direction générale de l'arme dans le cadre du plan d'action « Gendarmerie 2002 ». Ce plan vise à mettre les activités de l'arme en harmonie avec la loi d'orientation relative à la sécurité et avec la circulaire gouvernementale de juillet 1995 sur la réforme de l'Etat, et ce afin de mieux tenir compte des réalités des temps présents, donc de s'adapter à l'évolution de notre société.
Le changement en cours est radical. Il ne s'agit plus d'une question de degré, il s'agit d'un changement dans la nature même, la conception et l'emploi des réservistes dans la gendarmerie nationale.
Rappelons que, en application de la réforme des armées et de la loi de programmation, le plan d'action « Gendarmerie 2002 » prévoit la création d'une nouvelle réserve de gendarmerie de 50 000 hommes, plus simple d'emploi et mieux adaptée aux besoins opérationnels permanents.
Ainsi, les réservistes seront employés, pour certaines missions spécifiques de la gendarmerie, en qualité de professionnels à temps partiel, mais ils seront une composante à part entière de la gendarmerie nationale et seront associés, dès le temps de paix, à certaines missions de l'arme.
Les réserves de la gendarmerie deviennent l'indispensable souplesse, la seule peut-être, allais-je dire, pour que la gendarmerie puisse réagir efficacement à une situation de crise localisée, en tous temps, en toutes circonstances et souvent, j'y insiste, tout de suite.
Ma seconde question est donc la suivante : comment s'articulent, dans le cadre de la réforme des armées, la loi de programmation militaire, le plan d'action « Gendarmerie 2002 », les missions assignées en temps de crise, à la gendarmerie qui devra - dois-je le rappeler ? - faire un appel massif aux réservistes, et la réforme du service national, qui va tarir considérablement la source de recrutement des réserves ?
Telles sont les deux questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre. Je vous remercie de bien vouloir répondre à l'élu local que je suis, au réserviste que j'essaie de rester et aux militaires de l'arme, qui se posent beaucoup de questions et qui sont parfois très inquiets. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas pour habitude de participer aux débats concernant les affaires militaires, peut-être parce que je suis intimement convaincu que le si vis pacem, para bellum est un sophisme qui a conduit à des hécatombes dans le monde entier et parce que l'armée, ciment de la nation, a parfois été utilisée par le pouvoir pour mater des révoltes de Français.
Aussi, lorsque je suis intervenu dans des débats de ce type, mes propos ont toujours eu pour souci de faciliter l'étude, la compréhension de ceux qui souhaitaient vivre en accord avec leur conscience, être des citoyens actifs dans des associations elles-mêmes citoyennes et participer ainsi à la vie civique du pays. Je veux parler ici, en particulier, des objecteurs de conscience. Je relève au passage qu'il serait particulièrement souhaitable que ceux-ci soient reconnus comme tels jusqu'en 2003 et que les associations qui les emploient n'aient pas à supporter la charge des indemnités d'hébergement et de nourriture.
Dans notre pays, les objecteurs de conscience ont toujours été brimés, en particulier par l'armée. Pendant longtemps, on a même interdit aux maires de faire savoir que l'on pouvait demander à bénéficier du statut d'objecteur de conscience ; on a toujours trouvé des moyens pour rendre difficile l'inscription en temps voulu des candidats à ce statut et on a sanctionné ceux qui parvenaient malgré tout à l'obtenir, notamment par la double durée du service.
Il est vrai qu'ils jouissaient alors de la liberté d'expression et de la possibilité de lire la presse, ce qui n'était pas le cas des jeunes incorporés dans l'armée, laquelle avait tendance à faire en sorte que le soldat apprenne à obéir sans discuter.
Aussi, je m'interroge, monsieur le ministre, moi qui ne crois pas être un défenseur sclérosé du statu quo , sur le rendez-vous citoyen. En effet, je crains que, dans le climat que je viens d'évoquer, le rendez-vous citoyen ne constitue une sorte de leurre, comme si on allait aujourd'hui considérer ceux qui sont en âge d'être appelés au service militaire comme des citoyens, ce que l'armée a en définitive toujours refusé de faire. En effet, par son comportement, elle a toujours cherché à éviter que l'individu apprenne à discuter, à choisir et à contester. Aujourd'hui, lui conférer cette responsabilité me paraît d'emblée contradictoire.
Par ailleurs, Condorcet en son temps et Jean Guéhenno plus récemment ont montré combien il était lent et délicat de former des citoyens, c'est-à-dire des individus difficiles à gouverner. Jean Guéhenno avait même porté un jugement sévère à l'égard de tous les gouvernements en disant qu'il ne connaissait pas un gouvernement, aussi socialiste ait-il été, qui ait pris des dispositions pour que les citoyens soient difficiles à gouverner.
Le rendez-vous citoyen, tel qu'il est prévu, c'est-à-dire sur quelques jours, ne permettra pas de rattraper ce qui n'aura pas été fait auparavant. Il ne permettra pas davantage de former l'individu, étant donné la contradiction initiale que j'ai évoquée voilà un instant. Compte tenu des origines et des cultures différentes de ceux qui se rencontreront durant cinq jours, le dispositif ne pourra pas être efficace.
Il est un autre point sur lequel je m'interroge. Le bouquet de programmes caractérisant ces cinq jours - s'il est numérique, peut-être pourra-t-on aller plus vite ! - est tel qu'il n'est pas raisonnable de croire que l'on pourra faire une évaluation, dispenser une information et procéder à une orientation. Si le parcours n'a pas déjà été engagé, ce ne sont pas cinq jours qui permettront des transformations.
A cet égard, je rejoins le Conseil économique et social, qui a parlé de flou. Il est vrai que ce flou trouble beaucoup notre assemblée, non seulement des membres du groupe socialiste, mais aussi des membres de votre majorité ; j'ai entendu hier des interventions très sévères sur ce sujet.
Il s'agit d'apprendre les droits et devoirs. Lesquels ? A qui faudra-t-il faire appel - à la ligue des droits de l'homme ? - pour parvenir à expliquer ce que sont les droits universels et l'intégrité de la personne, le refus de détruire la personnalité ? Cette mission incombera-t-elle à des juristes ? A des militaires ? Et, dans ce dernier cas, à quels gradés cette mission sera-t-elle confiée ? A l'adjudant-chef, qui saura transformer sa propre formation pour s'ouvrir à la discussion ?
Vous envisagez aussi de renforcer l'esprit de défense. De quelle défense s'agit-il ? La défense militaire ? La défense passive ? Qu'apprendra-t-on en cinq jours pour renforcer cette défense ?
En définitive, au-delà des discours, de toutes les perspectives de cohésion, de solidarité, d'animation de quartiers, vous envisagez peut-être essentiellement de faire déboucher le processus sur le volontariat.
Avec le volontariat, comme son nom le souligne déjà, ne pourront faire quelque chose que ceux qui auront la volonté de le faire. On est ici dans une parfaite situation d'inégalité. Elle résulte de la quantité. En effet, alors que la France compte 350 000 appelés par an ou jeunes en âge de l'être, vous avez prévu un nombre relativement limité de volontaires. L'inégalité existe aussi dans les choix offerts par le volontariat.
Au cours d'une mission, j'ai eu l'occasion de rencontrer des jeunes qui ont eu la chance d'effectuer leur service militaire à l'étranger, dans des ambassades. Il s'agissait, pour eux, d'une situation de rêve. Il s'agissait, pour moi qui étais en mission, d'une situation utile car j'ai alors rencontré des appelés qui sortaient, par exemple, de Normale sup'. J'ai quelquefois proposé que tel ou tel jeune puisse effectuer son service dans ces conditions, mais, compte tenu de son modeste bagage intellectuel, il n'a pas été retenu. Il s'agit, là encore, d'un facteur très important d'inégalité, qui ne répond pas au principe d'universalité des chances afin que chacun puisse obtenir un poste dans les différents domaines que vous avez envisagés.
Telles sont, monsieur le ministre, les remarques que je souhaitais formuler, après que mes camarades ont pu développer - il leur appartenait de le faire - nos positions de fond sur l'ensemble de votre projet de loi.
Le rendez-vous citoyen étant en contradiction avec la réalité des cultures qu'y vont s'y exprimer, nous ne pouvons que refuser ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes, M. Bécart applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu'elle concerne en premier lieu la jeunesse de notre pays, la réforme du service national constitue assurément un enjeu qui engage notre société tout entière, et des choix qui seront effectués aujourd'hui dépendra pour partie l'avenir de notre pays.
En effet, si la protection de notre territoire ne se pose plus dans les mêmes termes qu'auparavant, la résurgence de certains nationalismes et la persistance de nombreuses tensions dans certaines régions du monde nous incitent à maintenir une capacité militaire préparée à toute éventualité.
C'est pourquoi, afin de mieux répondre à la nouvelle donne géopolitique, notre outil de défense doit être rénové et, à l'intérieur de celui-ci, le pôle humain doit être adapté.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, je souscris entièrement à la nécessité d'une réforme du service national. Le service militaire universel, qui a rempli son rôle tant bien que mal, avec les inégalités qu'on lui connaît, a « fait son temps », si je puis m'exprimer ainsi. Il doit aujourd'hui laisser place à une nouvelle structure.
Dans ce contexte, la forme et la durée actuelles du service national sont inadaptées. Il en résulte d'ailleurs qu'une fraction importante du contingent est affectée à des tâches subalternes. Nombre de jeunes ont alors un sentiment bien légitime d'inutilité et de perte de temps qui peut contribuer au relâchement du lien entre le citoyen et la nation, alors même que ce dernier est, outre l'aspect militaire, la composante essentielle du service national.
Cependant, une plus grande professionnalisation des armées, gage d'efficacité et, à terme, source d'économies budgétaires, n'impose pas la fin du service national en tant que service rendu à la nation. Pour ma part, je reste attaché à la conscription, notamment parce qu'elle est inséparable de l'histoire de la République. Elle a une valeur symbolique très forte et elle constitue, dans une vie, à la fois l'expérience d'un formidable brassage social, un creuset d'intégration et un acte de civisme.
Le texte qui nous est soumis va-t-il dans ce sens ?
D'après les propos que vous avez tenus à l'Assemblée nationale sur ce sujet, monsieur le ministre, la conscription est maintenue et seul l'appel sous les drapeaux est suspendu. Enoncé comme tel, ce principe recueille, certes, mon adhésion, même s'il appelle néanmoins une première remarque.
Le nouveau service national fondé, d'une part, sur le recensement et le rendez-vous citoyen, tous deux obligatoires, et, d'autre part, sur le volontariat prépare-t-il suffisamment les jeunes à un éventuel appel sous les drapeaux ?
La réduction au minimum de l'instruction militaire pendant le rendez-vous citoyen pourrait être lourde de conséquences. En cas de guerre sur des terrains extérieurs, l'armée professionnelle est prête à jouer son rôle. Mais si survient une crise intérieure, consécutive, par exemple, à des attentats, il faut que la nation dispose d'un réservoir de jeunes formés à des missions de défense. Souhaitons au moins qu'un nombre significatif de jeunes s'engagent, dans le cadre du volontariat, vers le domaine « défense, sécurité et prévention ».
La transmission de valeurs aussi essentielles que le sens de l'honneur et de la discipline, le respect des droits de l'homme ou encore la protection des plus faibles peut-elle se faire en si peu de temps ? Dans le cadre d'un service rénové, il me semble que les jeunes étaient tout à fait disposés à accepter une obligation d'une durée plus longue. Si les jeunes voient clairement l'utilité de leur service et s'ils trouvent une formule qui leur convient, ils sont prêts, je crois, à y consacrer du temps. En témoigne le succès de l'objection de conscience. Alors que cette forme de service est d'une durée de vingt mois, le nombre de demandes déposées entre 1987 et 1995 a été multiplié par sept et elle concerne aujourd'hui plus de 10 000 personnes.
Ensuite, bien que l'on essaie de nous expliquer le contraire, le rendez-vous citoyen me semble s'apparenter tout de même à une prolongation des célèbres trois jours. En plus des dépistages sanitaires traditionnels et de l'évaluation scolaire, les jeunes devraient recevoir une instruction civique. Comment, dans un lieu où vont affluer des centaines de jeunes aux parcours et aux profils sociaux très différents, pourra-t-on, en si peu de temps, déterminer l'orientation qui leur convient ? Les « médiateurs-citoyens » seront-ils en nombre suffisant ?
Durant leur scolarité, de nombreux jeunes éprouvent déjà de grandes difficultés à s'orienter professionnellement. Ils sont parfois confrontés à des remises en cause et à des retours en arrière.
En cinq jours, combien de jeunes seront-ils déjà convaincus de vouloir ou non exercer un service volontaire ? Auront-ils tous la même capacité à digérer les informations leur permettant de choisir entre tel et tel volontariat ?
Par ailleurs, on reproche souvent à l'actuel service national, particulièrement dans ses formes civiles, de contrevenir au principe d'égalité. Est-on certain que le volontariat du nouveau service national ne reproduira pas cette perversion ? Les jeunes les plus favorisés, les mieux informés et les plus qualifiés trouveront plus facilement et systématiquement à travers le nouveau service national la formule qui ornera le mieux leur curriculum vitae .
Le volontariat doit demeurer avant tout, et d'une façon générale, un acte de générosité et d'engagement envers la nation. Pour les jeunes en difficulté, il doit également constituer, comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, une véritable démarche d'insertion. Pour les autres, il ne doit certainement pas être un bonus qui les surclasserait dans la course à l'emploi.
S'agissant toujours du problème des inégalités, la disposition qui stipule que les volontaires percevront une indemnité mensuelle strictement identique « quels que soient le domaine et la durée du volontariat » est une avancée intéressante. Je crains toutefois que les modifications adoptées par l'Assemblée nationale sur ce point ne recréent une source d'inégalités entre les différentes formes de service civil. Les avantages matériels doivent, à mon avis, être liés aux stricts besoins de la fonction concernée afin de ne pas créer, d'un côté, des volontariats attractifs, et, de l'autre, des parents pauvres du service national.
Avant de conclure, je souhaiterais vous faire part de ce qui, à mes yeux, aurait constitué une réforme du service national adaptée aux besoins de restructuration sociale ainsi qu'aux besoins potentiels de sécurité.
De courte durée, c'est-à-dire de trois à six mois, le service civique obligatoire aurait pu être exécuté au sein des administrations étatiques ou locales, du tissu associatif et de tout organisme ayant des missions liées à l'action sociale, l'éducation ou la culture. Les générations futures ne connaîtront probablement plus la guerre sur le territoire telle que l'ont vécue nos aînés. C'est pourquoi, face aux phénomènes d'exclusion qui se généralisent, le service civique obligatoire aurait permis aux jeunes d'exercer leur solidarité et leur citoyenneté, et de participer ainsi au « sauvetage » de leur pays.
Un service volontaire avec une forme militaire et une forme civile pouvait compléter le dispositif obligatoire. On aurait pu ouvrir aux deux sexes un service militaire sous contrat. Engagés pour une durée de dix-huit mois à deux ans, ils auraient eu ensuite la possibilité de renouveler leur contrat pour trois à cinq années supplémentaires. En dehors des écoles d'officiers et de sous-officiers, cette filière permettrait de constituer une voie de recrutement ordinaire de l'armée de métier.
Quant au service civil volontaire, d'une durée de dix mois, il pourrait couvrir les besoins classiques dans les domaines de la sécurité civile - police, gendarmerie et sapeurs-pompiers - de la protection de l'environnement, ainsi que les besoins en matière d'aide au développement et d'action humanitaire. Telle est, brièvement tracée, l'orientation qui recueillerait mon adhésion et celle de mes collègues radicaux-socialistes.
Mais, monsieur le ministre, puisqu'il en est autrement, je terminerai cette intervention en exprimant le voeu que, quelles que soient les options retenues à l'issue du débat relatif à la réforme du service national, les principes d'efficacité, d'égalité et d'engagement au service de la nation dominent. Seule une professionnalisation rigoureuse de notre armée, adaptée à la nouvelle situation politique mondiale, garantira efficacement l'avenir de la France.
A côté de la professionnalisation, le service national doit être réformé dans l'optique d'un éventuel retour sous les drapeaux et dans le respect de la notion d'égalité. Si les compétences et les facultés de chacun conditionnent la nature des affectations, un effort doit être entrepris afin que cessent les passe-droits multiples et les situations que je qualifierai de confortables. Chaque jeune doit pouvoir retirer de son service national un bénéfice et l'exécuter avec un sentiment d'utilité pour la nation.
Enfin, pour que les jeunes orientés vers un service civil n'oublient pas le lourd tribut payé par leurs aînés soldats, les questions de défense doivent faire l'objet d'un enseignement renforcé dans les écoles. La sécurité du pays passe avant tout par un aspect militaire qu'il convient de ne pas négliger tant que, hélas ! la paix ne sera pas fermement garantie. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. « Notre jeunesse, garçons et filles, souvent privée de références, pourrait trouver dans l'accomplissement de tâches utiles et généreuses un élan et une cohésion qui lui rendraient le sens d'un destin commun. Un service national rénové, si les Français le souhaitent, pourrait s'articuler autour de trois pôles : la prévention et la sécurité, la solidarité et l'humanitaire.
« Mais si, à l'inverse, on choisissait de tourner la page et de mettre un terme à la conscription, il y aurait place pour un volontariat, qui permettrait aux jeunes les plus motivés de consacrer quelques mois de leur vie à la communauté nationale et d'en récolter le fruit au moment où ils entrent dans la vie active. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en ces termes que, s'adressant aux cadres de l'Ecole militaire, le 23 février 1996, le Président de la République engageait le débat sur la restructuration des forces armées et la refonte du service national.
Mais je voudrais, avant toute chose, rendre ici hommage au remarquable travail accompli par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous l'autorité de son président, Xavier de Villepin, et dont témoigne l'excellent rapport intitulé l'avenir du service national. Son auteur, notre collègue Serge Vinçon, a ainsi apporté une contribution de premier plan à ce débat essentiel sur l'avenir de notre défense et le rôle dévolu aux citoyens.
Ne perdons pas de vue que l'acte de défense est intimement lié à la vie politique et sociale de notre pays. Il alimente une grande partie de son histoire et de ses traditions. Cet acte de défense, dont beaucoup d'acteurs sont encore parmi nous, fait appel à des qualités de courage et à des sacrifices que nous devons garder en mémoire.
C'est donc à la loi qu'il appartient de fixer les conditions dans lesquelles les citoyens sont appelés à participer à la défense du pays.
Et c'est tout le sens du projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre.
Ce texte s'inscrit dans une démarche d'ensemble cohérente : après la loi de programmation militaire 1997-2002, qui a fait le choix clair et courageux de la professionnalisation de nos armées, et avant le projet de loi portant réforme des réserves. Avec ces trois textes,l'édifice sera achevé sous réserve, bien entendu, de quelques modifications ultérieures que suscitera la pratique et que la voie réglementaire pourra satisfaire.
Conséquence logique du choix d'une armée professionnelle, la conscription doit être abandonnée.
Néanmoins, je ne peux que réaffirmer, comme je l'indiquais déjà le 26 mars dernier à cette tribune, mon attachement au maintien d'un lien très étroit entre l'armée et la nation.
Dans cet esprit, je me félicite de l'heureuse initiative des députés d'inscrire dans la loi la réversibilité de la suppression de la conscription, qui vise à permettre de recourir de nouveau à ce mode de recrutement si, d'aventure, une menace l'exigeait.
De même, monsieur le ministre, je suis favorable au caractère résolument innovant du futur service national que vous nous proposez et qui comporte deux volets : l'un obligatoire et l'autre facultatif.
Le volet obligatoire, c'est ce rendez-vous citoyen d'une durée de cinq jours pour les jeunes gens dans l'année de leurs dix-huit ou dix-neuf ans.
Précédé d'un recensement obligatoire dès l'âge de seize ans, lequel constitue une étape personnelle d'accession à la citoyenneté, le rendez-vous citoyen sera universel et concernera les jeunes filles à partir de 2003.
Bien entendu, monsieur le rapporteur, on peut discuter de la durée de ce rendez-vous, à savoir quatre jours, cinq jours, voire plus.
Mais, plus que la durée, il importe à mon avis de se préoccuper du contenu du rendez-vous citoyen. D'ailleurs, la commission a très opportunément rappelé que le rendez-vous citoyen n'a pas vocation à réparer les défaillances de notre société en matière d'éducation et d'instruction. Au-delà du bilan de santé, d'orientations scolaire et professionnel, il doit surtout confirmer les acquis d'un enseignement d'histoire et d'instruction civique dispensé pendant la scolarité et encourager les vocations militaires en renforçant l'esprit de défense.
Oui, vraiment, je considère que l'obligation de défense doit subsister. On peut certes l'exprimer diversement afin d'atténuer quelque paradoxe. Ainsi, je suivrai volontiers M. le rapporteur lorsqu'il proposera au Sénat de rédiger ainsi l'article L. 111-1 A du code du service national : « Le service national contribue à former l'esprit de défense des citoyens, qui concourent à la défense du pays. » Je partage également les remarques de M. Vinçon concernant la création législative du « médiateur-citoyen », ainsi que les prolongements du rendez-vous citoyen qu'il envisage de proposer aux jeunes en difficulté.
Le second volet de ce service national rénové est, quant à lui, facultatif puisqu'il concerne les différentes formes de volontariat.
Il est facultatif, mais primordial, et de son succès dépendra la réussite de la réforme d'ensemble.
Lors de notre débat d'orientation sur la politique de défense, j'avais indiqué que, si l'institution de l'armée professionnelle me paraissait inéluctable, je croyais indispensable de laisser subsister un service national volontaire, pour les jeunes gens et les jeunes filles qui choisiraient de servir, que ce soit dans l'armée, la gendarmerie ou la police, concluant que ce service devait être volontaire et non contraint.
En effet, la professionnalisation de nos forces consiste à poursuivre l'évolution en cours. Nos unités seront exclusivement composées d'engagés et d'appelés volontaires effectuant un service dont la durée reste à définir. Il s'agira donc d'une armée professionnelle à recrutement mixte, où les uns exerceront un choix de carrière et où les autres seront des jeunes, en situation d'être appelés, qui se seront déclarés volontaires pour effectuer un tel service.
Même si 47 % des jeunes gens interrogés à l'occasion du sondage réalisé en novembre dernier, à la demande du ministère de la défense, se déclarent favorables à l'accomplissement d'un volontariat, 40 % mettent en avant, s'agissant du nouveau service national, le souci prioritaire « d'obtenir des facilités pour trouver un emploi à la fin du service », contre seulement 7 % celui d'être « utile à la société ».
Forts de ces indications, il nous faut être particulièrement attentifs à l'attractivité des différentes formes proposées, en ce qui concerne tant leur contenu que les conditions exigées des postulants. Aucune voie ne doit être négligée, y compris celle du fractionnement, l'ultime limite étant bien sûr la prohibition de toute substitution à un emploi permanent.
Enfin, je partage la philosophie de M. le rapporteur, qui, à plusieurs reprises, a parlé d'expérimentation et d'évaluation de ce nouveau dispositif. A n'en pas douter, il faudra plusieurs années avant de trouver le bon équilibre et le bon rythme.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Bernard Plasait. Le Parlement vous y aidera, monsieur le ministre, puisque, sur le fondement de l'article 2 du chapitre III, il disposera des informations nécessaires.
Grâce à ce texte lucide et courageux, nous allons disposer des moyens de donner un nouveau contenu, en réponse aux exigences des temps nouveaux, à l'union étroite, plus nécessaire que jamais, entre la nation et son armée.
C'est pourquoi, avec le groupe des Républicains et Indépendants, comme l'indiquait hier avec beaucoup de talent M. Trucy,...
M. Henri de Raincourt. Certes !
M. Bernard Plasait. ... je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà tout juste un an, le 22 février 1996, le président Jacques Chirac, respectant un engagement pris pendant la campagne présidentielle, annonçait dans une allocution télévisée qu'on peut qualifier d'historique la grande réforme de notre défense, une réforme telle que le général de Gaulle l'avait projetée de façon prémonitoire.
En prenant la décision de la professionnalisation des armées, le Président de la République lançait en conséquence un grand débat de société sur la réforme du service national. Ce projet de loi en est l'aboutissement.
A ce propos, le Sénat peut s'honorer d'avoir grandement contribué à la définition du nouveau service national, grâce au débat organisé au printemps dernier au sein de la Haute Assemblée, concrétisé par le rapport rendu à l'époque par notre collègue M. Vinçon, au nom de la commission des affaires étrangères.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Jean-Patrick Courtois. Je profite donc de cette occasion pour souligner l'importance du travail réalisé par cette commission depuis un an et pour en remercier son président et son rapporteur.
M. Henri de Raincourt. C'est justifié !
M. Jean-Patrick Courtois. Le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à notre examen contient donc une réforme fondamentale pour notre défense et pour notre société. Il s'agit notamment de renforcer le lien armée-nation, que la pratique récente avait quelque peu détérioré, comme le rappelait le président Chirac en février 1996 : « Le service militaire, qui constitua longtemps la forme unique du service national, a joué un rôle important dans l'histoire de la nation... Mais, depuis quelques années, l'évolution du monde et la réduction des effectifs militaires ont progressivement dénaturé le sens et les conditions d'exécution du service national. Ses principes fondateurs, l'universalité et l'égalité, sont chaque jour moins respectés. »
En effet, la situation actuelle se caractérise par trois inconvénients majeurs.
Le premier inconvénient est son inadaptation à l'évolution des menaces. La perspective d'une invasion du territoire s'est estompée. La France a moins besoin d'une armée de masse que d'une capacité de projection à l'extérieur de nos frontières, dans des conflits limités dans le temps et périphériques. Or il est juridiquement et psychologiquement difficile d'envoyer des appelés dans ce type de guerre.
Toutefois, le passage à l'armée de métier ne règle pas la question de l'avenir du service national. En effet, il existe dans notre législation diverses modalités civiles d'accomplissement du service national, même si le service militaire concerne la majorité des appelés.
Le deuxième inconvénient est son caractère inégalitaire. A l'heure actuelle, près d'un jeune sur deux d'une classe d'âge ne fait pas son service. La fonction intégratrice et républicaine du service national est donc dévoyée. En outre, la diversification des formes du service et la multiplication des dérogations n'ont rien fait pour arranger les choses. Où est l'exigence de citoyenneté que le service national implique ?
Le troisième inconvénient est la difficile gestion du service national par les armées. La réduction du format de nos forces consécutive à la fin de l'affrontement Est-Ouest, les facilités de report introduites par les gouvernements socialistes et la réduction à dix mois du service national ont rendu extraordinairement délicate la rotation des classes d'âge. Plus d'un million de jeunes sont aujourd'hui en situation de report d'incorporation ! L'armée française n'est plus en mesure d'employer que la moitié d'une classe d'âge.
Il fallait donc réformer le service national en répondant à ce double niveau de préoccupation : tirer les conséquences de la professionnalisation des armées et satisfaire des objectifs de civisme et de cohésion sociale.
Le service national, ce sera désormais, pour tous, sans distinction de sexe ou de situation sociale, le recensement et le rendez-vous citoyen. Ce sera, ensuite, pour ceux qui le souhaitent, le volontariat.
La partie obligatoire remplira plusieurs fonctions. Tout d'abord, une fonction civique. Les jeunes Français prendront pleinement conscience, de façon concrète, de leur appartenance à la nation, de leurs droits mais aussi des devoirs qu'ils ont envers elle.
L'obligation de recensement à l'âge de seize ans sera le premier pas vers la concrétisation de la citoyenneté. Bien sûr, pour être symboliquement efficace dans l'esprit des jeunes, cet acte de recensement devra s'insérer dans la continuité d'une instruction civique délivrée non seulement par l'école, mais aussi par la famille.
Viendra ensuite l'âge de la majorité, et tous les droits et devoirs civiques qui en découlent. Le rendez-vous citoyen prendra très naturellement place dans ce parcours de la citoyenneté, avec l'exercice du droit de vote notamment.
La partie obligatoire du service national remplira aussi une fonction d'information, information de la jeunesse et informations sur la jeunesse de notre pays.
Informations sur la jeunesse, avec le recensement, qui donnera une connaissance globale de la ressource en cas de nécessité de levée en masse, et avec le rendez-vous citoyen, qui contiendra une partie destinée à effectuer une évaluation des jeunes sur les plans médical, scolaire et socioprofessionnel.
Cette évaluation sera indispensable à la nation. Elle sera également très utile aux jeunes eux-mêmes, dans la perspective d'une nouvelle orientation ou d'une aide médicale.
Information des jeunes sur eux-mêmes et sur la nation, par une présentation des institutions françaises et européennes, lors du rendez-vous citoyen, ce qui permettra aux jeunes de mieux comprendre leur rôle de citoyen.
Enfin, la partie obligatoire du service national aura pour rôle de renforcer l'esprit de défense et le lien armée-nation.
Cet objectif me paraît fondamental pour sensibiliser les jeunes aux enjeux de la défense française et leur faire comprendre que leur pays peut avoir besoin d'eux pour le défendre, et parce que « la défense nationale, c'est d'abord un état d'esprit dans la nation », comme le déclarait le général de Gaulle en 1949.
M. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Au-delà de cette sensibilisation, le rendez-vous citoyen devra permettre de susciter des vocations non seulement de volontaires, mais aussi de militaires professionnels et de réservistes.
Voilà quelles seront, à mon sens, les principales fonctions du volet obligatoire du service national.
Je suis tout particulièrement attentif à la mise en place du rendez-vous citoyen, car, comme vous le savez, la première expérimentation aura lieu dès le vote de la loi dans le centre du service national de Mâcon, dans mon département. Cette expérimentation permettra d'évaluer l'organisation du stage, les modules d'information et d'orientation, les règles de vie collective ainsi que la coordination de l'intervention des différents acteurs.
Après la partie obligatoire du service national, le volontariat sera le prolongement facultatif de l'engagement citoyen des jeunes Français.
Le projet de loi définit trois grands types de volontariat : le volontariat « défense, sécurité et prévention », le volontariat « cohésion sociale et solidarité », et le volontariat « coopération internationale et aide humanitaire ».
En ce qui concerne le contenu de ces volontariats, il faudra, comme l'a souligné M. le rapporteur, recentrer chacun d'eux sur ses missions essentielles, sachant que la ressource volontaire ne sera pas, bien sûr, aussi importante que celle des appelés, afin de ne pas retomber dans les errements du passé, lorsque des objecteurs de conscience accomplissaient leur service dans des associations d'aquariophilie ou de photographie !
Plus sérieusement, notre examen de cette partie du texte devrait permettre de renforcer le caractère incitatif du volontariat pour le jeune, car il s'agira non seulement d'un engagement citoyen, mais d'une opportunité d'expérience professionnelle dans des secteurs très divers.
Avant de clore mon intervention, je souhaiterais aborder la question de la période transitoire pendant laquelle les obligations actuelles du service national demeurent, ce qui est tout à fait normal car on ne peut mettre en place du jour au lendemain une réforme d'une telle envergure. Mais le projet de loi introduit certains aménagements afin de faciliter cette transition : harmonisation de la durée du service militaire, extension du report supplémentaire d'incorporation jusqu'à vingt-six ans, assouplissement du régime des dispenses.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a ajouté que, jusqu'en 2002, le code du travail prévoirait la suspension du contrat de travail du jeune pendant la durée du service militaire.
Cet ensemble de dispositifs devrait faciliter le transition vers le volontariat pour les jeunes gens nés avant le 1er janvier 1979.
Le Parlement a grandement contribué, depuis un an, à l'élaboration de cette réforme du service national. Il y participe, bien sûr, au travers de l'examen de ce projet de loi, et il continuera à être associé étroitement à la mise en place de la réforme, par le biais du Haut Conseil du service national, au sein duquel siégeront des parlementaires.
Cette participation du Parlement à la réforme du service national me paraît d'autant plus importante qu'il s'agit d'une réforme de société, et de l'une des premières étapes de la réforme de l'Etat engagée par le Président de la République et le Gouvernement. En effet, la mise en place du nouveau service national entraînera une transformation des modes d'intervention de l'Etat vis-à-vis des citoyens, en l'occurrence vis-à-vis des jeunes citoyens.
En cela, cette réforme devrait servir d'exemple pour d'autres domaines où l'intervention de l'Etat doit être repensée et transformée, afin de rendre l'action de celui-ci plus transparente et plus proche des Français. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon. ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord vous adresser mes remerciements les plus profonds : vous avez abordé ce débat avec, pour certains, passion, pour d'autres, raison, enfin, pour d'autres encore, intérêt pour la communauté nationale. Il était bon que M. de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, et M. Vinçon, son rapporteur, mènent cette démarche qui, comme chacun a pu le constater, est fort importante pour la nation.
Je voudrais remercier les orateurs des groupes de la majorité du soutien qu'ils apportent au Gouvernement, mais prendre note aussi des préoccupations qui ont été émises ici et là sur toutes vos travées, que ce soit sur celles de l'opposition ou celles de la majorité. J'essaierai, autant que faire se peut, de répondre aux interrogations qui ont été soulevées et d'apaiser un certain nombre des inquiétudes qui ont pu être exprimées.
Permettez-moi trois observations d'ordre général.
Tout d'abord, je constate avec une satisfaction certaine le consensus qui existe maintenant autour de l'armée.
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je fais partie de cette génération qui, voilà environ trente ans, constatait, sur les bancs des universités ou dans les grandes écoles, qu'un certain sentiment antimilitariste était exploité par certains mouvements, pacifistes notamment, qui contestaient la nécessité pour notre pays d'avoir une armée et une défense. Aujourd'hui, tout cela a disparu, et je m'en félicite.
Il est bien évident qu'en relisant l'histoire de France - ou de toute nation ! - on s'aperçoit que l'origine même de l'idée de nation provient de ce moment où des femmes et des hommes se sont groupés pour maîtriser leur destin et se défendre contre les menaces. Eh bien ! il est parfois nécessaire et essentiel de revenir à l'origine même de notre communauté nationale, de retrouver nos racines. A cet égard, le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale et qui se tient aujourd'hui au Sénat est un débat que je qualifierai de fondateur, mieux même, de refondateur d'une certaine conception de la nation.
Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, il me paraît essentiel, aujourd'hui, pour éviter le risque des nationalismes dangereux, d'accorder un respect tout particulier à la nation.
Par ailleurs, au-delà du consensus qui existe autour de l'armée, nous constatons une tendance à idéaliser le passé.
Je voudrais m'adresser ici à un certain nombre d'entre vous qui ont présenté le service militaire, tel qu'on l'a connu ou tel qu'on le connaît encore, comme un lieu idyllique et sans problème : si, aujourd'hui, nous avons ce débat, si le Président de la République, le 22 février 1996, a décidé, en tant que chef des armées, qu'il fallait réformer, c'est bien parce qu'un certain nombre de problèmes se posaient !
Il ne sert à rien de parer le passé de toutes les vertus. Il est préférable, je pense, de dresser un constat tout à fait objectif et réaliste pour ensuite apporter les réponses qui s'imposent. Mais prenons acte ensemble du fait qu'aujourd'hui il existe un consensus sur la défense nationale, sur l'esprit de défense et sur l'armée. C'est déjà une bonne base de départ pour nos débats.
Ma deuxième observation concerne la liste des menaces. Sur toutes les travées, des voix se sont élevées pour m'interpeller : « Monsieur le ministre, vous ne pouvez nous proposer de réforme que si nous sommes d'abord d'accord sur l'évolution de la nature des menaces. » Je reviens donc sur la nature des menaces, puisque MM. de Villepin et Vinçon comme MM. Mélenchon et Clouet, et bien d'autres encore, ont abordé la question.
Oui ! les menaces sont différentes de ce qu'elles étaient dans le passé. Et il me paraîtrait souhaitable, sinon même nécessaire, que chacun, mappemonde en main, cherche à localiser, ici les risques de déstabilisation, là les conflits ouverts, plus loin les conflits larvés, ailleurs les menaces sur les droits de l'homme, sur l'intégrité des personnes comme sur leur dignité... Et chacun pourrait ainsi constater que les menaces d'aujourd'hui diffèrent largement des menaces que nous avons connues depuis un certain nombre de décennies.
Si, en 1940 ou même après, la menace était là, à la frontière, et si donc il nous était indispensable de disposer d'une armée de conscription, de levée en masse, pour y faire face, aujourd'hui, en raison non seulement des évolutions techniques mais aussi de la fin de la guerre froide, à partir du moment où l'empire soviétique s'est effondré, de nouvelles menaces sont apparues ici et là. Et je parle ici non seulement de menaces extérieures, qui exigeront de la France une capacité de projection extérieure - ce fut d'ailleurs l'une des raisons de la loi de programmation militaire que vous avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs - mais aussi de menaces à l'intérieur même de notre pays.
Je le répète : constatant le développement des trafics en tout genre - trafic de drogue, trafic d'argent sale et même trafic de matières fissiles - constatant l'existence de vagues de terrorisme, dont les causes sont diverses et qui s'expriment tant dans les nations émergeantes que dans les vieux pays, constatant encore les menaces d'un nouveau type qui plongent leurs racines dans l'intégrisme, l'intolérance ou le fondamentalisme, les gouvernements, chacun en conviendra, doivent mettre en oeuvre des procédures, des moyens de mobilisation précisément pour pouvoir faire face à ces menaces.
J'ai entendu dire au cours du débat que la menace était « multiforme » ; c'est, je crois, M. Mélenchon qui a utilisé le mot. Oui ! la menace est multiforme ; elle est à la fois extérieure et intérieure. Elle est le fait de nations qui, parfois, expriment leur volonté de puissance et leur volonté d'agression. Elle est le fait de nations qui ont le terrorisme pour technique et que l'on appelle, d'ailleurs, les nations terroristes. Elle peut également être le fait de groupes de pression tels que la mafia ou encore de groupes politico-religieux qui utilisent les passions humaines au service de la déstabilisation.
Or, à cette menace multiforme, on ne peut opposer une réponse uniforme. C'est ce qui rend nécessaire aujourd'hui une réflexion sur la défense. C'est ce qui a justifié la réforme engagée par le Président de la République. C'est ce qui a justifié la loi de programmation militaire que vous avez votée ; c'est ce qui justifie aujourd'hui que nous souhaitions voir notre armée, nos armées, évoluer.
L'armée de conscription a rempli des missions essentielles, capitales, dans notre histoire. Personne n'a oublié 1870, 1905, 1914, 1940, 1945. Personne n'oublie non plus que des armées de volontaires ont porté les trois couleurs et que des armées de conscription se sont battues pour les trois couleurs. Les unes comme les autres ont permis à la France de vivre et de porter haut ses valeurs.
Cependant l'armée, qu'elle soit professionnelle ou de conscription, ne peut plus seule assumer aujourd'hui la défense de la nation contre une menace multiforme.
Je le dis de manière très claire à ceux qui ont exposé ici des analyses brillantes mais souvent confuses, notamment M. Mélenchon : il ne s'agit pas de militariser la société ou de démilitariser l'armée ; il s'agit de mobiliser l'ensemble des citoyens autour d'un esprit de défense, d'un esprit de citoyenneté, d'une volonté de faire rayonner les valeurs propres de la nation, d'assurer la cohésion du corps social.
L'histoire a montré ce que valait une armée de conscription sans esprit de défense !
Je me permets de rappeler qu'en 1940 les Français ont assisté, tristes, à une défaite dont l'un des acteurs - je dis bien : « l'un des acteurs » - a été l'armée de conscription et qu'ils gardent en mémoire la Libération, dont l'un des acteurs essentiels a été une armée de volontaires.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Charles Millon, ministre de la défense. N'oublions donc pas que la défaite des esprits peut conduire inéluctablement à la défaite sur le terrain et que, en matière de défense, l'esprit de défense est un préalable nécessaire et indispensable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants.)
C'est bien cet esprit de défense qui a animé le Gouvernement dans la rédaction de ce projet de loi. C'est bien à cet esprit de défense que faisaient référence les conclusions des travaux de la commission présidée par M. Xavier de Villepin consacrés à l'avenir du service national.
Sur la réforme de la défense et des armées, quatre sujets principaux ont été abordés : la défense du territoire, les réserves, le lien armée-nation - si utile, si nécessaire, si indispensable à la République - et les conséquences de la professionnalisation dans nos relations non seulement avec nos voisins européens mais aussi avec les pays qui entretiennent avec la France des relations de défense.
En ce qui concerne, tout d'abord, la défense opérationnelle du territoire, j'ai entendu - je le dis tel que je le pense - des contrevérités.
Quand j'entends MM. Mélenchon et Delanoë affirmer que « la protection du territoire ne sera plus assurée que par 100 000 gendarmes », je ne peux qu'en conclure que soit ils n'ont pas lu la loi de programmation militaire - ce qui serait préoccupant - soit ils ne m'ont pas écouté.
Mais peut-être me suis-je mal exprimé ! Il me faut donc reprendre mon exposé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la défense opérationnelle du territoire sera assurée par les trois armées et par la gendarmerie.
M. Hubert Haenel, Bien sûr !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... et au-delà, par tous les citoyens français - j'y reviendrai tout à l'heure en abordant la question des réserves.
Les menaces sont, d'une part, extérieures, raison pour laquelle sont prévues des forces de projection extérieure et des capacités, opérationnelles de défense de notre territoire et , d'autre part, intérieures, raison pour laquelle le Livre blanc, que vous avez tous approuvé, organise une projection intérieure.
Cette projection intérieure, destinée à assurer, en partie, la défense opérationnelle du territoire, s'inscrit dans un plan plus général de défense opérationnelle du territoire qui sera assumé par la gendarmerie et par l'armée de terre, et, pour ce qui est de la sécurité des côtes etde l'espace aérien, respectivement par la marine et par l'armée de l'air.
Alors, je vous en supplie : s'il est des sujets qui supportent l'inexactitude ou l'imprécision, tel n'est pas le cas de celui qui nous occupe !
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Mesdames, messieurs les sénateurs, même si nos débats sont parfois un peu compliqués, sachez que des Françaises et des Français nous écoutent, dont certains ont été victimes d'attentats terroristes, d'autres nourrissent des inquiétudes nées soit de leur information, soit de leurs lectures, soit de leurs voyages. Je voudrais les rassurer : oui ! la défense opérationnelle du territoire est une préoccupation constante du Gouvernement et elle est et sera assurée par toutes les armées, gendarmerie comprise ! C'est ce que peuvent constater actuellement tous les élus français, MM. Mélenchon et Delanoë Compris. Le plan Vigipirate, que les Français connaissent bien, permet à notre pays...
M. Bertrand Delanoë. Avec des appelés !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... d'assurer la sécurité d'un certain nombre de lieux, de villes et de quartiers, et permet ainsi à notre pays d'éloigner la menace terroriste.
M. Bertrand Delanoë. Oui, avec des appelés !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je tiens à préciser que l'exécution du plan Vigipirate est assurée non seulement par la gendarmerie, mais également par des régiments professionnels et des régiments d'appelés.
M. Bertrand Delanoë. Voilà !
M. Charles Millon, ministre de la défense. J'indique à ceux qui sont inquiets que si l'on poursuit, comme on a déjà commencé à le faire, la mise en place d'une armée professionnelle, ce n'est certes pas pour diminuer l'efficacité opérationnelle de nos armées, mais c'est, au contraire, pour l'accroître. A ceux qui ont fait part de leurs inquiétudes concernant la mise en oeuvre, demain, d'un plan Vigipirate, je dis, je répète et je confirme que tous les moyens pourront être mobilisés, afin de le mettre en oeuvre au stade 1, 2 ou 3, ou même à un stade extrême, si nous devions faire face à une situation extrême. Pour faire face à des situations extraordinaires, nous pourrons compter non seulement sur l'armée professionnelle et la gendarmerie, mais également sur les réserves.
J'ai insisté sur ce premier point parce qu'il est très important pour nos concitoyens et méritait donc d'être développé.
J'en viens aux réserves.
Les réserves sont un élément important de l'armée professionnelle, de cette réforme, qui a été initiée par le Président de la République le 22 février 1996 et qui a fait l'objet d'un débat d'orientation ici, au Sénat.
Je l'ai dit dès le départ, l'armée de demain s'appuiera sur des professionnels, sur des volontaires, sur des civils professionnels et enfin sur des réservistes. Comme c'est inscrit dans la loi de programmation, les réserves constituent, je le répète, je le proclame, un élément à part entière de l'armée professionnelle.
La première réserve comprendra 100 000 hommes - 50 000 pour les armées, 50 000 pour la gendarmerie. Cette réserve-là sera composée de militaires qui auront effectué une carrière courte dans les armées, qui auront donc la formation voulue et qui, durant les deux ou trois années qui suivront leur engagement dans l'armée, seront immédiatement mobilisables pour assurer la défense du pays.
Cette réserve sera composée de volontaires qui auront effectué le volontariat sécurité-défense et qui, après leur volontariat, seront mobilisables pour assurer la sécurité du pays.
Cette réserve sera constituée encore de celles et ceux qui, parce qu'ils ont envie d'exprimer leur adhésion à la nation de cette manière, auront suivi des préparations militaires et qui, sans avoir effectué de volontariat, seront versés dans la réserve.
Elle sera composée aussi d'un certain nombre de techniciens, d'informaticiens, de logisticiens, de médecins et de membres de professions paramédicales, qui pourront être mobilisés pour faire face à un danger.
Cette première réserve sera donc de 100 000 hommes.
La deuxième réserve, elle, sera composée de femmes et d'hommes qui pourront être mobilisés, dans un second temps, pour faire face à des événements d'une gravité extrême. Selon les évaluations actuelles, cette deuxième réserve sera composée de près de 200 000 hommes, elle viendra compléter la première.
La France disposera ainsi d'une réserve de 300 000 hommes et femmes, entraînés, qui auront acquis une expérience et une place dans le système de défense.
Certains prétendent qu'aujourd'hui les réserves sont de 500 000 hommes. Formellement, c'est exact ; mais pratiquement, réellement, elles sont de 50 000 hommes.
M. Hubert Haenel et Maurice Lombard. C'est exact !
M. Charles Millon, ministre de la défense. En revanche, demain, nous disposerons d'une armée professionnelle composée de 350 000 professionnels et de 300 000 réservistes ; ainsi, 650 000 hommes pourront être mobilisés pour répondre aux situations extrêmes.
Aujourd'hui, avec l'armée de conscription, nous disposons de 550 000 hommes et de 50 000 réservistes, soit de 600 000 hommes mobilisables. Demain, donc, avec l'armée professionnelle, la capacité de mobilisation sera supérieure.
Je le dis très clairement : oui, la réforme présentée par le Président de la République, que j'ai l'honneur de défendre aujourd'hui et que j'aurai l'honneur de compléter avec le projet de loi sur les réserves, est une réforme cohérente, tant au plan de l'armée professionnelle, que des volontariats et des réserves.
Certains m'ont fait part de leurs inquiétudes sur le lien entre l'armée et la nation. A cette occasion, j'ai entendu des phrases qui m'ont choqué. Ainsi, certains ont semblé mettre en doute l'esprit républicain des officiers français.
En cet instant, je voudrais donc rendre hommage à l'armée française, aux officiers, aux sous-officiers, aux hommes de troupe, qui n'ont jamais failli dans la défense de la République, de la démocratie, de la nation, de notre pays, de notre patrie. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Si certains ont envie de s'amuser à ces petits jeux qui consistent à opposer tel corps à tel autre qu'ils sachent qu'ils ont tort ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) C'est ainsi que l'on sape discrètement une défense ou un esprit de défense !
J'affirme donc très clairement que notre projet de réforme a pour objet de renforcer le lien entre l'armée et la nation. Peut-être jugez-vous la chose paradoxale, mais je vais vous le démontrer.
Tout d'abord, ce lien entre l'armée et la nation sera renforcé du fait que des milliers de jeunes Français vont effectuer de courtes carrières dans l'armée. Ils seront donc amenés, dès l'âge de trente-deux, trente-cinq ou trente-huit ans, à retourner dans la vie civile, constituant ainsi les meilleurs ponts entre l'armée et la société civile. D'ailleurs, en votant les mesures sur la professionnalisation, vous avez opté pour le droit à la reconversion. Dès lors que le ministère de la défense et l'armée reconnaissent ce droit à la reconversion, ils assument l'existence d'un lien entre l'armée et la nation, d'un lien qui est entretenu par les carrières courtes.
Les volontaires eux aussi seront des acteurs de la mise en place de ce lien entre l'armée et la nation.
Enfin, du fait de la professionnalisation, des familles vivront dans vos cités. Aujourd'hui, les appelés passent, ils restent dix mois dans telle cité, dans telle ville degarnison. Demain, des familles vivront dans nos villes. Les épouses, les époux auront leur métier à eux. Les enfants fréquenteront les écoles. Les familles participeront à la vie associative.
Dans ces conditions, le mixage entre la société civile et l'armée sera tel que l'armée sera totalement intégrée dans la nation.
Je me permets de le souligner, car certains pays ont organisé leur armée professionnelle de manière totalement différente, avec des quartiers ou des camps militaires dans lesquels les militaires vivent en cercle fermé. Ce n'est pas la tradition française, et il n'est pas question pour nous d'aller dans ce sens-là.
Nous voulons renforcer le lien entre l'armée et la nation. Nous le ferons grâce aux professionnels, aux volontaires, du fait du mode de vie des militaires et de leurs familles.
Nous renforcerons également ce lien par le rendez-vous citoyen que, j'espère, vous allez voter. Celui-ci permettra en effet à l'armée et à la nation de se rencontrer à un moment fort de la vie de la jeunesse.
Je traiterai maintenant d'un thème abordé par M. Balarello : les conséquences de la fin de la conscription sur nos relations avec nos voisins européens.
Dans ce domaine aussi, je voudrais rassurer un certain nombre de sénateurs qui se demandent comment on peut construire une défense européenne alors que certains pays ont une armée de conscription et d'autres une armée professionnelle.
Tout d'abord, il ne sert à rien d'attribuer la responsabilité de cette disparité à la France.
Actuellement, la Grande-Bretagne, la Belgique et les Pays-Bas ont une armée de professionnels. L'Espagne s'est engagée dans la professionnalisation de son armée, plus vite que nous, si je puis dire, nous nous engageons dans la même voie, mais à notre rythme, de manière pragmatique, avec réalisme, car nous voulons réussir.
L'Italie et le Portugal sont en train de réfléchir à l'évolution de leurs armées pour passer de l'armée de conscription à l'armée professionnelle.
Et l'Allemagne ? me direz-vous. Dois-je rappeler à cette tribune que l'Allemagne a une tradition qui lui est propre ? Dans ce pays, sur cent jeunes qui doivent effectuer leur service militaire, cinquante-trois sont objecteurs de conscience, et il existe des unités professionnalisées. C'est d'un autre équilibre qu'il s'agit, à tel point que j'ai été amené à en discuter avec mon collègue allemand de la défense à l'occasion de la mise en place de la brigade franco-allemande et du corps européen. Cela n'a posé aucun problème et nous allons mettre en place une brigade franco-allemande et un corps européen qui correspondent à nos situations respectives mais qui auront la même efficacité opérationnelle qu'aujourd'hui.
Je souhaite rassurer plusieurs intervenants, notamment M. Balarello : bien évidemment, l'un de nos objectifs - le Président de la République l'a rappelé à plusieurs reprises - c'est la défense européenne. Si nous mettons en oeuvre aujourd'hui cette grande réforme de l'armée professionnelle, c'est parce que nous pensons que celle-ci peut, mieux qu'une autre, participer à la construction de cette défense européenne.
J'en reviens maintenant au projet de loi proprement dit. J'essaierai d'être plus bref. La passion me rend bavard (Mais non ! sur les travées du RPR), mais je tiens absolument à vous convaincre.
Je rappelle que le projet de loi repose sur trois pilliers : le recensement, le rendez-vous citoyen et le volontariat.
Le recensement, je crois que tout le monde l'a compris, n'est pas un rite administratif, c'est un événement dans la vie citoyenne : à l'âge de seize ans, toutes les jeunes Françaises et tous les jeunes Français devront aller s'inscrire à la mairie de leur domicile et ils se rendront compte, à ce moment-là, qu'ils font partie d'une communauté nationale.
Pourquoi l'âge de seize ans - et je m'adresse à M. de Gaulle - a-t-il été retenu ? Parce que c'est la fin de la scolarité obligatoire. Avant que le jeune aille s'inscrire à la mairie, les professeurs, les instituteurs, les enseignants lui auront expliquer ce qu'est le recensement. En se référant à l'histoire, ils montreront que toutes les nations, quand elles ont voulu se fonder, s'enraciner, ont procédé à des recensements, que le recensement est une procédure utilisée par les pouvoirs publics pour connaître la population et, pour le citoyen, un moyen de se reconnaître au sein de la nation.
Nous tenons tellement à cette procédure que la personne qui ne s'y soumettra pas sera sanctionnée, le jeune qui n'ira pas se faire recenser subira une sanction.
Ce recensement est une garantie pour ceux qui auraient encore des doutes sur l'armée professionnelle et qui penseraient que, peut-être, un jour, il faudra revenir à une armée de conscription. En effet, la conscription n'est pas supprimée ; c'est l'appel sous les drapeaux qui est suspendu !
Le recensement est un outil à double usage, si je puis m'exprimer ainsi : un usage citoyen, et un usage militaire, si cela se révélait nécessaire un jour. En effet, le recensement de tous les jeunes permettra de les mobiliser si cela est un jour utile.
Je le redis tout particulièrement à l'intention de l'amiral de Gaulle, de MM. Girod et Collin : Oui ! le recensement a un double objectif, un objectif citoyen et un objectif militaire.
Le deuxième pilier de ce projet de loi, c'est le rendez-vous citoyen, qui a soulevé bien des questions, d'abord quant à sa durée - comme ce sujet aura fait couler d'encre et user de salive ! - et ensuite sur son contenu.
J'évoquerai d'abord le contenu, puisque la durée est une conséquence du contenu.
Ce contenu, il est clair !
On m'a demandé, ici et là, de confier le bilan médical au système scolaire ou à la sécurité sociale, la lutte contre l'illettrisme à l'éducation nationale et l'information civique à des associations d'éducation populaire. Nous ne le ferons pas, pour une raison bien simple : nous voulons instaurer un moment fort dans la vie des citoyens, un moment de sensibilisation où, à partir de 2003, tous les jeunes, toutes les filles et tous les garçons, seront convoqués.
Alors, d'une manière intelligente, pertinente, enthousiasmante, je l'espère, on leur montrera ce qu'est une communauté nationale, une communauté de jeunes de milieux, d'origines de races différentes, il pourront dire : oui, la France c'est cela !
Il y aura un brassage et c'est sur quoi je compte. On m'a demandé, depuis les travées socialistes, ce qui m'a étonné : comment allez-vous faire ? Les jeunes seront issus de milieux différents, certains viendront des banlieues et d'autres des quartiers bourgeois, certains auront reçu une éducation extrême, d'autres seront illettrés ! Tout cela est exact, mais nous voulons ce brassage.
M. Hubert Haenel. Comme à l'école !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Nous ne nous berçons pas de mots ! Nous ne disons pas vouloir le brassage de notre société, pour reculer immédiatement, par peur, quand l'occasion d'y procéder nous est donnée !
Nous savons que le rendez-vous citoyen est difficile à mettre en oeuvre et qu'il exigera un encadrement tout à fait particulier. C'est la raison pour laquelle, il y aura, comme je l'ai dit en commission, un cadre pour quatre jeunes. Oui, un cadre pour quatre jeunes ! Tous ceux qui se sont occupés des mouvements de jeunesse connaissent en effet le rôle primordial de l'encadrement dans l'éducation.
Notre ambition, c'est de faire du rendez-vous citoyen un moment fort de la vie citoyenne. Il s'adressera à toutes les filles et à tous les garçons, il sera donc universel. Il ne souffrira ni exemption, ni réforme, ni report.
Ne me demandez pas de prolonger la durée de ce rendez-vous citoyen car cela soulèverait deux problèmes : comment étoffer son contenu et comment l'intégrer dans un cursus scolaire, universitaire ou professionnel.
Si sa durée est prolongée, vous demanderez tous des exemptions, des réformes, des reports, et nous retomberons dans les défauts du service national tel qu'il existe aujourd'hui.
M. Serge Vinçon, rapporteur. C'est évident !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Il n'est donc pas question, je le dis très clairement, de le prolonger pour le prolonger.
Vous m'objecterez que vous souhaitez enrichir son contenu.
Certes durant ces cinq jours, nous procéderons à un certain nombre d'initiations civiques, à des évaluations ; nous donnerons des informations et, pour le reste, j'espère que notre pays sera capable de faire émerger une vie citoyenne soit avant, soit après, car le rendez-vous citoyen ne peut tout !
C'est pourquoi j'ai souligné dans mon propos liminaire - et je réponds notamment à MM. Collin, Courtois et Legendre, qui m'ont interrogé à ce sujet - qu'il est évident que le rendez-vous citoyen s'inscrira dans un parcours civique. Mais il faudra au préalable une mobilisation du système éducatif.
J'ai pu constater, au travers de prises de position, de communiqués ou de critiques émises ici ou là, que certains s'interrogeaient sur la manière de garantir l'objectivité et la pluralité de ce dispositif. Qu'ils me permettent de leur dire que celles-ci seront d'autant mieux garanties qu'un grand nombre de cadres, venus de tous les milieux, y participeront. Je demanderai aux instituteurs, aux enseignants, aux professeurs, bref à tous ceux qui participent, même en tant que moniteurs, à l'éducation de nos enfants, de s'investir pour enseigner l'éducation civique aux jeunes.
Cette matière n'est pas simplement un cours donné devant un tableau noir avec l'aide d'un certain nombre de documents.
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Elle consiste aussi à expliquer, la veille du 11 novembre ou du 8 mai, ce que représentent ces deux dates. (Marques d'approbation sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Dominique Braye. Exactement !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Elle consiste à expliquer, la veille de la journée des déportés, ce qu'a été, en réalité, la nuit noire de notre siècle. C'est ainsi que l'on fait vivre une patrie, un pays ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Tel est le parcours d'initiation civique. Le système éducatif devra se mobiliser pour que le rendez-vous citoyen soit non pas un petit caillou blanc semé sur le chemin, mais bien le prolongement de tout un parcours.
Mais après ? m'a-t-on demandé. Eh oui, après ? Les associations, qu'il s'agisse des associations de cohésion sociale ou de coopération internationale, les organismes de sécurité civile, mais aussi l'armée et les pompiers, et toutes celles et tous ceux qui seront susceptibles d'accueillir les volontaires devront proposer des activités attractives.
« Les mots sont du vent, disait Bernanos, et le vent pousse le monde. » Je suis convaincu qu'un discours peut faire naître de véritables citoyens. Vous pouvez dénigrer une nation en employant l'ironie ou des mots dépréciatifs, mais vous pouvez aussi valoriser l'engagement citoyen en expliquant avec enthousiasme et passion l'histoire, le destin ou les valeurs de référence d'un pays.
J'espère que, durant ce rendez-vous citoyen, les femmes et les hommes qui sont engagés au Sahel, qui apportent leur aide aux populations en difficulté, qui luttent contre l'illettrisme dans les banlieues ou contre les feux de forêt, au sein des organismes de sécurité civile, viendront expliquer avec passion aux jeunes Français ce que signifie l'engagement civique.
Dès lors, le rendez-vous citoyen constituera un moment fort de la vie civique, et nous aurons réussi en ce domaine.
Nous allons même plus loin car, durant cette période-là, nous souhaitons donner une seconde chance à celles et à ceux qui auront été laissés au bord du chemin ou qui seront marginalisés.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Charles Millon, ministre de la défense. C'est la raison pour laquelle nous proposons que soit dressé un bilan médical, culturel et professionnel.
La plupart d'entre nous ont eu la chance de ne pas connaître ce type de situation ; mais dans une société où l'individualisme est prôné comme une vertu, où l'égoïsme est partout présent, où l'hydre du chômage sévit, des centaines de jeunes sont laissés pour compte, marginalisés. Si nous voulons vraiment rester une nation, c'est-à-dire une communauté aimée de ceux qui la composent, il faut être encore plus attentif envers les plus faibles, les plus marginalisés. Le bilan médical que nous proposons s'adresse, en fait, à celui qui n'effectue jamais de visite médicale, qui ne sait même pas ce qu'est la sécurité sociale, parce qu'il vit en marge de la société. Nous souhaitons, à un moment donné, l'obliger à rencontrer un médecin. Peut-être ce dernier constatera-t-il malheureusement l'existence d'un handicap ou d'une affection qui nécessite soit une hospitalisation, soit un suivi médical.
Peut-être constatera-t-on aussi, à l'occasion de ce rendez-vous citoyen, que tel ou tel jeune ne sait ni lire, ni écrire, ni compter, ni même s'exprimer. Certes, autrefois, des jeunes ne savaient ni lire ni compter, mais, aujourd'hui, les sociologues affirment même que certains ne savent plus s'exprimer. Or, vous le savez bien, quand on ne sait pas s'exprimer par la parole, on le fait par les gestes, et donc par la violence. Tous les sociologues qui travaillent en milieu urbain vous le diront, les flambées de violence qui éclatent aujourd'hui dans les quartiers difficiles ont de multiples raisons et sont parfois attisées par certains extrémistes ou certains fondamentalistes, mais à l'origine, elles sont dues aussi à une marginalisation extrême. Il faudra donc bien apporter une réponse en ce domaine.
Une fois ces jeunes repérés, me direz-vous, qu'allez-vous en faire ? Eh bien, nous leur proposerons d'intégrer des modules pour les aider à lutter contre leur handicap. Ce ne sera pas l'éducation nationale qui les prendra en charge, et c'est malheureux car tout un système existe mais, la plupart du temps, ces jeunes rejettent le système scolaire.
Nous avons donc demandé au groupe de lutte contre l'illettrisme, le GPLI, de mettre en place des modules afin de pouvoir donner à ces jeunes-là une seconde chance. En effet, chacun sait qu'une personne qui ne sait ni lire, ni écrire, ni compter, ni même s'exprimer ne peut plus s'intégrer dans la société.
Oui, il y aura un bilan médical, oui, il y aura un bilan personnel, sous l'angle culturel et éducatif, oui, il y aura un bilan professionnel...
M. Claude Estier. Tout cela en cinq jours !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Oui, tout cela en cinq jours, monsieur Estier ! Et je vous demanderai d'ailleurs de venir collaborer avec moi à la mise en place des rendez-vous citoyens...
M. Bertrand Delanoë. Chiche !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... car j'aurai besoin de tous les parlementaires qui voudront bien s'engager pour venir expliquer...
M. Claude Estier. Tope là !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Mais oui, monsieur Estier ! Je ne suis pas de ceux qui disent, avant même d'avoir commencé, que la tâche est impossible ! Cela me fait penser à ces montagnards qui, en regardant la cime de la montagne qu'ils s'apprêtent à escalader et avant même d'avoir essayé prétendent que c'est impossible, et retournent chez eux. Je préfère, en réalité, ceux qui essaient. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Une expérimentation sera menée au mois de juin, monsieur Estier, et je vous invite d'ores et déjà à la suivre avec moi.
M. Claude Estier. D'accord !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Une deuxième expérimentation sera menée à Compiègne-Cambrai et je vous convie également à m'assister. Une expérimentation sera également conduite à Nîmes-Tarascon, et je vous y invite aussi. Je vous le dis, monsieur Estier, vous viendrez avec un esprit constructif.
M. Josselin de Rohan. Premier de cordée !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je vais vous dire ce que je crois : ce dispositif aura de nombreux défauts ; il faudra le modifier sur plusieurs points. En effet, lorsqu'on veut innover - et j'avais cru comprendre que, sur les travées socialistes, monsieur Estier, vous étiez, sans aller jusqu'à la révolution, tout au moins pour la rénovation - ...
M. Jean-Claude de Carle. Eh non ! Ce sont des conservateurs !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... on est bien obligé d'adapter. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai d'avoir un esprit constructif et de me dire ce qui ne va pas pour que nous puissions rectifier le tir.
M. Claude Estier. Comptez sur nous !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Ainsi, monsieur Estier, vous aurez participé à un grand moment de la vie citoyenne et vous aurez enrayé le développement du phénomène de marginalisation.
M. Bertrand Delanoë. Un peu de modestie !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je tiens, à cet égard, à rendre hommage à M. Vigouroux, qui a su le mieux résumer cette démarche. Il l'a fait avec une certaine prudence, ce que je comprends ; je suis un passionné quand d'autres ont une attitude plus prudente. Quoi qu'il en soit, à travers ses propos, on sentait l'homme qui connaît bien les problèmes d'une grande cité. Il a expliqué qu'il était nécessaire, pour assurer une bonne intégration sociale et nationale, de trouver d'autres voies. Voilà tout simplement ce que je voulais dire sur le rendez-vous citoyen.
M. de Villepin m'a interrogé sur les conditions de participation au rendez-vous citoyen des jeunes Français résidant à l'étranger. Eh bien, je crois tellement dans les vertus du rendez-vous citoyen que je mettrai tout en oeuvre pour que ce dernier soit également accessible aux Français qui résident hors de France !
Bien entendu, des problèmes financiers se posent - certains Français résident parfois à des milliers de kilomètres de notre pays - mais aussi des problèmes d'organisation en dehors du territoire national. Toutefois, je suis convaincu qu'avec les représentants des Français de l'étranger nous trouverons des solutions et je prends l'engagement devant votre assemblée de tout mettre en oeuvre pour que ce rendez-vous citoyen soit une réussite. La France, comme en 1905 avec la conscription, fait oeuvre de précurseur.
L'administration britannique, tant civile que militaire, procède actuellement à des études afin de trouver des voies d'intégration et de citoyenneté. J'ai lu ces études. La Grande-Bretagne cherche à mettre en place des systèmes similaires à ceux que nous sommes en train de définir. Je souhaite que la France, qui est un pays d'exception - l'exception française existe - puisse ouvrir le chemin.
L'auteur anglais Théodore Zeldin déclarait, dans une interwiew à un grand quotidien du matin, que la France avait l'avantage d'avoir parfois des émotions, des impressions, des intuitions avant les autres. Peut-être est-ce le cas sur ce sujet-là. Essayons alors de les traduire. C'est l'un de nos objectifs.
Nous voulons le faire aussi en ce qui concerne le volontariat car, là encore, que n'ai-je entendu !
Il m'a semblé, à entendre certains discours, que certains d'entre vous regrettaient que le « volontariat » ne soit pas « obligatoire ». (Sourires.) C'est tout de même extraordinaire !
Ce volontariat, a-t-on dit, n'est pas égalitaire. Mais, bien évidemment, il ne l'est pas, puisqu'il est volontaire ! Il y aura donc ceux qui seront volontaires et ceux qui ne le seront pas. Dès lors, il n'y a pas égalité entre les premiers et les seconds.
Notre objectif est d'inciter un certain nombre de jeunes femmes et de jeunes hommes à donner du temps volontairement à la communauté nationale.
Péguy parlait des « hussards noirs » sous la IIIe République ; nous avons, quant à nous, l'ambition de lever des « volontaires de la République » qui viendront structurer celle-ci. En effet, si certains pays ont parfois des tentations qui nous inquiètent ou même nous indignent, c'est peut-être parce qu'il leur manque une armature, une « élite citoyenne ».
Certains m'objecteront que ces volontaires de la République n'adhéreront à ce système de volontariat que pour se protéger contre la tempête qui secoue l'économie et la société civile. Ils pourront ainsi passer quelques mois « au chaud » en bénéficiant d'une petite indemnité.
Mais la vie est ainsi faite ! C'est souvent parce que vous avez été « poussé » que vous allez pouvoir vous accomplir, parce qu'on vous en aura donné les moyens. Nous voulons offrir à tous les jeunes les moyens de s'assumer et de s'accomplir. Nous avons l'intime conviction que le volontariat doit être un droit : c'est la raison pour laquelle il est universel, car tous les jeunes Français qui voudront être volontaires le seront. Ainsi, des jeunes pourront assumer un engagement mais ils n'y seront pas obligés.
Aujourd'hui, certains jeunes vous expliquent qu'ils souffrent d'être obligés d'effectuer un service national dont ils ne perçoivent ni l'utilité ni l'influence sur leur vie. A cette obligation, nous préférons un volontariat assumé.
Reprenant l'expression du président de Villepin, je dirai que, pour nous, le volontariat est « un pari raisonné ». Ce pari repose sur des convictions fortes : à la fois, les jeunes ont de grandes capacités de civisme, mais aussi les organismes d'accueil, ces associations extraordinaires dont je ne citerai qu'une, parce que c'est elle qui m'a le plus marqué, ATD Quart-Monde, ont des capacités d'imagination, de générosité, d'attention aux autres tout à fait remarquables alors que bien des besoins collectifs restent actuellement sans réponse dans le cadre économique traditionnel.
S'il n'en était pas ainsi, on n'aurait pas assisté, depuis quinze ou vingt ans, à l'émergence des ONG sur le théâtre international, on n'aurait pas assisté à la montée de toutes ces associations dans les quartiers difficiles. C'est la raison pour laquelle, oui, nous souhaitons que ce volontariat réussisse !
J'ai rencontré de nombreux responsables d'associations et, après avoir écouté certains d'entre vous, j'aurais eu envie de les faire monter à cette tribune pour qu'ils vous disent ce dont ils ont besoin. Ils consacrent, pour certains d'entre eux, depuis déjà dix ans, quinze ans ou vingt ans, toute leur énergie, toute leur intelligence, toutes leurs compétences, toutes leurs connaissances, au service des autres et ils nous disent : « Oui, nous sommes prêts à recevoir des volontaires ».
Certes, il faudra adapter les modalités pratiques. Pour un certain nombre de ces associations, il conviendra de revoir le mode de subventionnement...
M. Claude Estier. Cela va encore augmenter les charges des collectivités locales !
M. Charles Millon, ministre de la défense. C'est vrai monsieur Estier, mais, personnellement, je ne m'arrête pas au pied de la montagne ! J'ai déjà contacté un certain nombre de collectivités territoriales qui sont prêtes à partager ce devoir national.
Lorsqu'on parle de la nation, on n'entend pas l'Etat seul. La nation, c'est l'Etat, bien sûr, mais ce sont également les associations, les entreprises et les collectivités territoriales, et je suis sûr qu'ici même bien des responsables de collectivité territoriale sont prêts à prendre en charge un certain nombre de volontariats.
Je suis sûr que bien des associations, multiples et variées, petites, grandes ou moyennes, sont prêtes, dans les domaines social, culturel, patrimonial ou dans le domaine de l'environnement et de la sécurité civile, à prendre leurs responsabilités. Mais je vous en prie, messieurs, ne cassez pas le moral de ces responsables en leur disant que cela va être difficile, voire impossible, et que le projet du pauvre Millon est complètement ubuesque !
M. Josselin de Rohan. Si cela marche, on ne verra qu'eux ! Ne vous en faites pas !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Au contraire, essayez de trouver des solutions, des solutions fiscales, techniques, financières... On vous en proposera tout à l'heure dans les amendements.
La définition des différents domaines du volontariat a été plusieurs fois évoquée. La loi n'a pas vocation à énumérer de façon exhaustive tous les volontariats. D'ailleurs, j'ai souvent entendu des parlementaires regretter que la loi s'intéresse trop aux détails.
Nous avons voulu faire une loi de référence. Demain, peu à peu, on l'adaptera et, lorsque cette adaptation relèvera du domaine législatif, on reviendra devant le Parlement pour compléter la loi qui vous est aujourd'hui soumise.
La loi doit fixer les contours des champs d'activité concernés. Mais il revient aux textes d'application de déterminer avec précision les activités qui relèvent du volontariat, à travers les modalités générales d'agrément des organismes d'accueil ou les modalités particulières propres à chaque domaine.
Une même appellation peut recouvrir des domaines d'activité divers.
Ainsi, l'environnement, qui a été évoqué par M. Hérisson, appartient au domaine « défense, sécurité et prévention » lorsque les activités concernées relèvent d'une logique de prévention des risques - prévention des pollutions des eaux souterraines, prévention des crues, surveillance des forêts contre l'incendie, etc. Mais il trouve sa place dans le volet « cohésion sociale et solidarité » quand il s'agit de l'entretien de l'espace rural ou urbain, de chantiers utiles à un développement local durable. Ces chantiers peuvent également contribuer à l'insertion sociale et professionnelle de certains jeunes.
L'environnement peut s'inscrire aussi dans le domaine de la coopération internationale et de l'aide humanitaire, dans le cadre d'actions internationales en direction des pays en voie de développement ou des pays qui se heurtent à des difficultés majeures dans le domaine de la protection de leurs paysages et de leurs espaces.
Je tiens à préciser que le volontariat n'a pas pour objectif de compenser les pertes de ressources entraînées par la disparition du service national. Nous nous situons dans une autre logique.
Nous allons passer d'une armée de conscription à une armée professionnelle.
Nous aurions pu, je le répète, choisir la solution de facilité, c'est-à-dire supprimer le service national purement et simplement.
Si nous sommes attachés au service national, c'est parce que nous pensons qu'il s'inscrit dans une logique de citoyenneté.
Cela étant, le passage du système actuel à l'autre système ne sera pas brutal. L'évolution sera progressive pendant toute la durée de la loi de programmation, c'est-à-dire jusqu'en 2002, correspondant à la phase de mise en place de l'armée professionnelle. Ainsi, les jeunes gens nés avant le 31 décembre 1978 continueront d'effectuer leur service national. Ils continueront de répondre aux besoins d'effectifs militaires et civils du service national actuel ; je peux rassurer M. Trucy sur ce point. Leur nombre ira cependant en diminuant et cette ressource disparaîtra à terme.
Cette phase de transition permettra aux administrations qui recouraient à des appelés pour occuper des emplois permanents de s'adapter. Ainsi, les armées, la gendarmerie, la police ne vont plus faire appel à des appelés pour occuper certains emplois permanents. C'est sans doute ce qu'il faudra faire pour certains postes permanents occupés par des appelés dans des administrations à l'étranger.
M. Haenel a évoqué le volontariat dans la gendarmerie nationale. Il a soulevé un vrai problème.
En effet, les gendarmes sont, pour la plupart, agent de police judiciaire. Dès lors, si l'on confère les mêmes qualifications à des volontaires, il est difficile de prétendre qu'ils n'occupent pas des emplois permanents de la fonction publique.
Tenant compte de ces remarques, comme de celles qui m'ont été faites par d'autres orateurs, j'ai demandé qu'il soit procédé à une étude spécifique. J'ai autorisé le directeur général de la gendarmerie à examiner la possibilité d'intégrer, à côté de ces volontaires, des gendarmes auxiliaires sous contrat de courte durée. Je vous soumettrai une proposition dans les mois qui viennent.
L'étude que je viens d'évoquer devra tenir compte de la nécessité de respecter l'enveloppe globale des effectifs et des crédits qui sont inscrits dans la loi de program-mation.
Je dois reconnaître, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous avez fait preuve dans ce domaine d'esprit de précaution. En effet, les sommes inscrites pour la gendarmerie doivent me permettre de vous faire des propositions tout à fait intéressantes pour faire face à la situation actuelle.
MM. de Villepin et Vinçon ont souligné la nécessité de revenir sur les questions concernant les règles d'imposition de l'indemnité versée aux volontaires, ainsi que sur l'étendue et le coût de la protection sociale des volontaires. Lors du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, j'avais indiqué que je soumettrais au Parlement un projet de loi concernant le statut fiscal et social des volontaires et celui des organismes d'accueil.
Nous aurons l'occasion d'évoquer de manière plus détaillée ces questions lors de l'examen des articles. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement est favorable à la défiscalisation de l'indemnité reçue par les volontaires, à l'égalité de traitement des volontaires quant à la prise en compte de la durée du volontariat dans le calcul des droits à retraite et à l'intervention de l'Etat pour aider financièrement les associations qui accueilleront des volontaires en matière de cotisations sociales.
La question des coopérants en entreprise a été maintes fois évoquée. Permettez-moi d'y revenir quelques instants.
Il convient en effet de préciser que le volontariat de la coopération en entreprise ne sera pas la reprise stricte de l'actuel statut de coopérant du service national en entreprise, le CSNE.
Le Gouvernement a la volonté d'accorder une priorité aux petites et moyennes entreprises : ce sont elles qui ont le plus besoin de volontaires à l'étranger. Les grandes entreprises ont les facilités financières nécessaires leur permettant de recourir à des jeunes, alors que les PME éprouvent souvent des difficultés. Or, nous savons bien que, pour développer l'expatriation, accroître les exportations, il faudra se tourner vers les PME.
Le Gouvernement a la volonté d'ouvrir ce volontariat à d'autres jeunes qu'aux titulaires de diplômes de niveau bac + 5. Tout à l'heure, M. Sérusclat disait qu'il fallait être normalien pour pouvoir obtenir un poste à l'étranger. Oui, monsieur le sénateur, je suis totalement défavorable à ce que l'on transforme en chasse gardée pour les « bac + 5 » les postes de volontaires à l'étranger.
Nous mettrons tout en oeuvre pour que tous les jeunes Français puissent aller à l'étranger. Je précise que, aujourd'hui, un certain nombre d'entreprises, auxquelles je rends d'ailleurs hommage, ont lancé des programmes tout à fait intéressants pour les titulaires de CAP, rendant possible le départ pour l'étranger d'un certain nombre de jeunes qui, la plupart du temps, sont moins prisonniers d'habitudes et de conformismes que ceux qui ont fait des études longues. Souvent, après un séjour à l'étranger, il y créent leur entreprise et, par là, permettent à la France d'accroître son rayonnement.
Il ne s'agit donc en aucune manière, monsieur Clouet, de pérenniser les cas les plus critiquables du système actuellement en vigueur.
M. de Villepin a fait part de ses préoccupations concernant le statut des jeunes accueillis par des entreprises pour un volontariat à l'étranger. Il s'agit là d'un cas particulier, auquel le Gouvernement a été très attentif.
Dans certains pays, dans certaines situations, le fait que le volontaire ait un statut de droit public permet de surmonter des difficultés liées à la législation locale ou aux conditions particulières d'accomplissement du volontariat.
C'est pourquoi il est prévu qu'un organisme d'accueil de droit public réunissant le centre français du commerce extérieur, le CFCE, et l'agence pour la coopération technique, industrielle et économique, l'ACTIM, mette les volontaires à disposition des entreprises. Ce groupement d'intérêt public doit être créé avant l'été 1997.
M. Vinçon a relevé avec justesse les inconvénients d'une trop grande rigidité dans la fixation par la loi de la durée minimale des volontariats du domaine « défense », ainsi que les limites qu'imposerait l'interdiction du fractionnement.
Une durée minimale de douze mois rendrait le volontariat dans les forces armées moins attractif pour certains jeunes, par exemple pour ceux qui souhaiteraient inscrire ce volontariat entre deux années d'études universitaires. Une durée minimale de neuf mois serait plus cohérente avec la durée du service militaire obligatoire actuel, et rien ne s'oppose à une extension de cette durée pour ceux qui veulent aller plus loin. En tout cas, elle est bien mieux adaptée aux rythmes scolaires et éviterait un étalement sur deux années scolaires. De plus, elle serait, dans la plupart des cas, suffisante au regard des missions confiées. Pour les autres cas, il suffit que les textes réglementaires prévoient une durée plus longue.
Le fractionnement répond également à certaines situations ou certaines activités particulières.
En ce qui concerne les forces armées, il leur permettrait d'accueillir durant leurs congés des étudiants engagés dans un cursus de haut niveau ou des spécialistes disposant d'une qualification directement utilisable, selon des modalités compatibles avec leurs études ou leur formation professionnelle.
Par ailleurs, il existe des activités qui obéissent à un rythme saisonnier, comme la réponse aux besoins en matière de cohésion sociale et de solidarité, lors des congés scolaires, par exemple, alors que les parents ne peuvent s'occuper des enfants parce qu'ils travaillent tous les deux. Des besoins exceptionnels peuvent apparaître également dans le domaine de la protection de l'environnement : l'été, avec les feux de forêt ; l'hiver, avec les chutes de neige ou les crues exceptionnelles.
On sait aussi qu'en matière d'aide aux sans-abri les associations ont besoin d'un renfort important pendant la période hivernale. Il est donc nécessaire de prévoir un fractionnement pour permettre aux personnes qui prendraient en charge ces tâches de solidarité de pouvoir le faire de façon répétée, durant des périodes bien déterminées.
Bien entendu, la possibilité du fractionnement doit être strictement encadrée par les règlements. Il ne s'agit pas d'en faire un objet de négociation entre le volontaire et son organisme d'accueil.
J'en arrive à la période transitoire.
La période 1997-2002, couverte par la loi de programmation militaire, permettra la mise en place progressive de l'armée professionnelle, évitant tout passage brutal préjudiciable au maintien permanent des capacités militaires des forces armées.
Je précise à M. Sérusclat qu'il n'est pas question de toucher au statut des objecteurs de conscience d'ici à 2003. Mieux, le statut des objecteurs de conscience sera préservé puisque la conscription est maintenue. Le jour où, par malheur, l'appel sous les drapeaux sera rétabli, la législation sur l'objection de conscience s'appliquera puisqu'elle sera toujours en vigueur.
J'indique aussi à M. Yvon Collin qu'il ne saurait être question, au cours de cette période transitoire, de quelconques passe-droits. Bien sûr, un certain nombre d'exemptions et de cas de réformes sont prévus dans le projet de loi. Pour ce qui est d'autres situations particulièrement difficiles, une étude spécifique au cas par cas sera engagée par le ministère de la défense. Je demanderai donc à mes services de continuer à faire en sorte qu'il n'y ait pas d'inégalité de traitement mais que les situations tout à fait spécifiques soient néanmoins prises en compte.
J'aurai l'occasion, lors de la discussion des articles, de revenir sur un certain nombre des points que les différents orateurs ont abordés.
Je conclurai en m'adressant plus particulièrement à M. Paul Girod, que j'espère avoir convaincu.
Il conviendra que, lorsqu'on aborde une situation nouvelle, on éprouve toujours un certain malaise. Je recourrai une nouvelle fois à l'image du montagnard : lorsque vous faites pour la première fois une course en montagne, vous ressentez une appréhension tout à fait particulière. C'est une appréhension un peu du même ordre qu'on peut éprouver devant cette réforme. Nous quittons en effet une situation parfaitement connue, vécue par de nombreuses générations successives, des habitudes, un système poli par le temps, pour instituer un système entièrement nouveau, qui méritera d'être, lui aussi, progressivement poli.
Nous partageons tous le sentiment qu'une page se tourne et qu'un pas décisif doit être franchi. Notre appréhension atteste en fait la conscience que nous avons de la portée de notre décision.
Pour autant, peut-on laisser la nostalgie du passé prendre le pas sur le courage d'affronter le présent pour préparer l'avenir ?
Le Gouvernement et le Parlement n'ont-ils pas le devoir de définir des moyens nouveaux pour assurer, dans les années qui viennent, une meilleure défense à notre pays et une meilleure cohésion à notre communauté nationale ?
Ne faut-il pas, pour cela, oser imaginer, inventer, réformer, s'attaquer aux vrais problèmes, là où ils existent, plutôt que se complaire dans un système qui nous rassure, par simple goût des habitudes ?
Le malaise que vous évoquiez, monsieur Paul Girod, c'est peut-être tout simplement celui que suscite la nouveauté. En votant ce texte, le Sénat montrera qu'il sait vaincre la peur de la nouveauté et prendre le parti de l'enthousiasme et de la réforme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Avocat brillant d'un mauvais dossier !
M. le président. Merci, monsieur le ministre, d'avoir tenté de nous faire partager votre conviction.

Exception d'irrecevabilité