M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Fischer pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je serai bref car les deux lectures qui se sont déroulées au sein de la Haute Assemblée et les travaux de la commission mixte paritaire nous ont permis de développer amplement nos arguments.
De la lutte contre le travail illégal affichée par le Gouvernement comme une priorité nationale, des quelques « audaces », pour citer un journal du soir, adoptées au cours des deux premières lectures, il ne reste pratiquement rien. Ce texte est nettement insuffisant pour atteindre les objectifs qu'on prétendait viser.
La majorité et le Gouvernement se sont ingéniés, au fil des débats, à en ôter les quelques dispositions qui auraient pu permettre de lutter plus efficacement contre les employeurs ayant recours au travail dissimulé et contre le système de plus en plus complexe qui unit sous-traitants et donneurs d'ordre.
Ainsi, qu'est devenue l'amende administrative, donc automatique, infligée en cas de non-respect de la déclaration préalable à l'embauche, qui avait été votée en première lecture à l'Assemblée nationale ? Elle a été supprimée ! La commission mixte paritaire y est revenue, mais sans rien retenir de notre proposition, qui était pourtant de portée limitée.
Qu'est-il advenu du renversement de la preuve par la suppression du caractère intentionnel de la non-déclaration des salariés ? Il a aussi été supprimé !
Quant à notre proposition d'élargir aux documents comptables la liste des documents mis à la disposition des agents luttant contre le travail illégal, elle a été rejetée !
En revanche, peut-être pour la première fois, le rôle et les compétences des inspecteurs du travail sont, d'une certaine manière, remis en cause.
Au bout du compte, nous nous retrouvons avec un texte qui ne permettra pas de lutter contre les puissantes filières du travail illégal, mais qui sera plus dur pour les plus faibles, les petits fraudeurs - qui n'en sont pas moins inexcusables - et les salariés, qui en sont pourtant les premières victimes.
Cette logique, nous ne pouvons l'accepter. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen rejette les conclusions de cette commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Madame le ministre, vous avez admirablement résumé - et l'admiration est un sentiment qu'on ne peut qu'éprouver lorsqu'on vous écoute - la portée de ce texte : renforcement et plus grande efficacité de la lutte contre le travail illégal, amélioration des conditions de constat des infractions, sanctions rendues plus dissuasives, à quoi s'ajoute la mise en place d'un dispositif réellement opérationnel sur le terrain.
C'est donc incontestablement un texte de progrès qu'il nous est demandé de voter. Le Sénat peut en être fier et il veillera à ce qu'il soit appliqué de la manière la plus scrupuleuse parce qu'il est inadmissible que se développe ou simplement perdure en France le travail clandestin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous nous sommes déjà abondamment exprimés sur ce projet de loi. Je ne reviendrai donc pas en détail sur les motifs qui fondent notre opposition à ce texte.
Nous tenions beaucoup à ce que les salariés, qui sont les premières victimes du travail illégal, n'apparaissent pas comme les premiers coupables, parce que cela ne correspond pas à la réalité, celle de l'exploitation de personnes en situation de dépendance.
Or rien n'est fait ici pour renforcer la répression exercée à l'encontre des vrais responsables, c'est-à-dire les donneurs d'ordre, qui sont souvent à la tête de véritables filières et qui demeurent à l'abri derrière des sociétés écrans ou une cascade de sous-traitants. Aucun de nos amendements allant dans ce sens n'a été retenu.
Pis, la majorité du Sénat a cru bon de réintroduire dans le code du travail le mot «sciemment », qu'avait opportunément supprimé l'Assemblée nationale en première lecture. Il en résulte que, comme d'habitude, les donneurs d'ordre pourront facilement s'exonérer de leurs responsabilités en plaidant la bonne foi surprise.
Par ailleurs, ce projet de loi marque une évolution de la conception même de la répression du travail illégal. Nous constatons, en effet, que le rôle des inspecteurs du travail - et il ne s'agit nullement, contrairement à ce qui nous a été reproché au cours des débats, de protéger de quelconques corporatismes - ne sort pas renforcé de cette affaire puisqu'ils sont maintenant cités simplement parmi d'autres agents de contrôle.
Outre la stagnation, à un niveau très insuffisant, des moyens mis à leur disposition, leurs prérogatives, parmi lesquelles la libre appréciation de transmettre ou non les informations recueillies, se trouvent ainsi diminuées.
Enfin, nous sommes opposés à l'inégalité de traitement entre les personnes de droit public et les personnes de droit privé qui a été introduite - c'est en quelque sorte la cerise sur le gâteau ! - à l'article 10 ter . Quels que soient les prétextes avancés, cela n'est pas moralement acceptable et risque de nuire encore un peu plus à l'image des élus dans l'esprit de la population.
Telles sont donc, brièvement résumées, les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera contre ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)

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