M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, j'ai l'honneur d'appartenir au groupe de l'Union centriste, qui est très attaché à la construction européenne ainsi qu'à la mise en place de la monnaie unique, et ce aux échéances prévues.
Le discours de politique générale que vous avez prononcé jeudi dernier réaffirme cet objectif, ce dont nous réjouissons.
Des décisions importantes et urgentes doivent être prises pour réussir ce passage à l'euro. Or, certaines d'entre elles semblent différées jusqu'à la publication des résultats de l'audit, lesquels ne seront connus que le 21 juillet prochain.
Cependant, monsieur le Premier ministre, nous disposons déjà du rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de 1996 et des situations mensuelles établies par les services du ministère de l'économie et des finances.
Ces documents nous livrent déjà des informations qui pourraient vous permettre de nous éclairer, avant la clôture de notre session, sur deux points.
Le premier concerne - et je n'avais pas lu Le Monde avant de rédiger ma question - le calendrier de mise sur le marché des actions de France Télécom,...
M. Philippe Marini. Nécessité fait loi !
M. Alain Lambert. ... calendrier qui est nécessaire pour assurer le développement de l'entreprise et faire face aux besoins de financement de l'Etat en vue de la recapitalisation de certaines entreprises publiques : 25 milliards de francs avait été, à ce titre, inscrits au budget pour 1997.
Sur ce point, monsieur le Premier ministre, si vous avez l'intention de mettre sur le marché des actions de France Télécom, dites-le, faites-le, c'est l'intérêt de l'entreprise et de la France.
Ensuite - c'est le second point - je souhaiterais connaître les solutions que vous envisagez de retenir pour procéder aux ajustements rendus nécessaires par les glissements intervenus au cours du premier semestre de 1997 et par ceux qui se produiraient au second semestre si nous ne procédions pas, précisément, à ces ajustements, et pour financer les dépenses nouvelles - elles ont été estimées à 10 milliards de francs - annoncées jeudi dernier.
En conclusion, quels que soient les résultats de l'audit, pouvez-vous dès aujourd'hui nous dire si vous avez choisi le cap des 3 % ou si, dès à présent, vous vous situez plutôt en tendance ?
Par ailleurs, quel calendrier pensez-vous pouvoir respecter pour réduire les 75 milliards de francs de déficit primaire, c'est-à-dire de déficit hors dette, afin de stabiliser précisément notre dette et d'éviter de faire supporter aux générations futures les dépenses que nous n'avons pas pu maîtriser ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur général, je suis heureux d'entendre ce satisfecit donné au Gouvernement quant à ses intentions européennes. En effet, M. le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a rappelé que l'objectif du Gouvernement était de mettre la France en situation de construire avec ses partenaires la monnaie unique à la date prévue.
M. James Bordas. Très bien !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour autant, notre situation n'est pas facile, vous le savez. Aussi ai-je été surpris de vous entendre évoquer les situations hebdomadaires du Trésor. En effet, si celles-ci étaient susceptibles de donner régulièrement la mesure exacte de notre situation budgétaire, on ne pourrait que s'étonner de ce que, au cours des mois de février, mars et avril, pour ne pas parler de la campagne électorale, la majorité sortante n'ait pas cru devoir, devant les Français, donner la situation que, selon vous, elle devait connaître.
En réalité, ces documents sont loin d'être parfaits et c'est à bon droit que M. le Premier ministre a souhaité qu'une évaluation des finances publiques soit conduite très rapidement - il ne s'agit pas de traîner - par deux personnalités tout à fait incontestables de la Cour des comptes qui, le 21 juillet, nous rendront une estimation. Ce ne sera qu'une estimation, car dire aujourd'hui ce que sera le déficit à la fin de l'année, toutes choses étant égales par ailleurs, est évidemment aléatoire. Cela dépend d'hypothèses sur la croissance, vous le savez mieux que quiconque. Mais cela donnera tout de même une estimation de la situation.
Comme M. le Premier ministre l'a rappelé lors de sa déclaration de politique générale, la situation est sans doute sérieuse - chacun le pense - aussi bien du côté des dépenses de l'Etat que du côté des dépenses sociales où, là aussi, en dépit des troubles qui ont pu occasionner la mise en place d'un plan de stabilisation, nous voyons que le plan conduit plutôt à un déficit maintenu qu'à autre chose.
Comment ferons-nous ?
D'abord, vous avez posé une question très précise concernant les mesures qui ont d'ores et déjà été annoncées : leur financement.
Vous les avez estimées à une dizaine de milliards de francs. C'est ce que dit la presse. Si cette estimation vous suffit, très bien. Si vous en préférez une plus précise, j'aurai l'honneur d'être devant votre commission des finances dans quelques jours et je vous la fournirai.
Mais restons sur ces chiffres pour l'instant. Ils seront, puisque, comme vient de le rappeler M. Lionel Jospin, aucun collectif budgétaire n'a été décidé pour le mois de juillet, financés par des décrets d'avance. Il s'agit de procédures très classiques qui, comme vous le savez, s'équilibrent. Par conséquent, la dizaine de milliards de francs, ou la quinzaine de milliards de francs - peu importe, nous reverrons ces chiffres la semaine prochaine - aura pour contrepartie une dizaine ou une quinzaine de milliards de francs de dépenses qui ne seront pas engagées et qui seront réaffectées. C'est là un redéploiement qui me paraît nécessaire.
Avec ces dépenses nouvelles, il n'y aura donc en aucune manière aggravation du déficit public, quel que soit celui que révélera l'évaluation en juillet.
Restera l'appréciation à porter sur le niveau du déficit mis en évidence par cette évaluation, les conséquences éventuelles à en tirer pour nous mettre en situation de respecter les engagements européens qui ont été rappelés.
N'ayez aucun doute, monsieur le rapporteur général : si nous souhaitons tous ensemble que la France puisse participer à ce grand mouvement, à ce projet d'une génération qui est celui de continuer à construire l'Europe, nous souhaitons tout autant que le programme du Gouvernement soit mis en oeuvre. Le travail que le Gouvernement aura à faire - et les conseils qui viendront de la Haute Assemblée seront, de ce point de vue, les bienvenus - sera tout à la fois de mettre en oeuvre son programme et de réaliser une partie spécifique de ce programme, qui est d'être capable d'entrer dans la monnaie unique.
M. Philippe Marini. Il faudra choisir !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il faudra choisir, dites-vous. Je n'ai malheureusement pas le temps d'en discuter longuement avec vous. Cependant, ce tout ou rien dans lequel vous vous êtes complu dans le passé, et qui a conduit plutôt à rien qu'à tout, n'est pas la politique que nous entendons suivre. Nous aurons, je le pense, de nombreuses heures pour vous le montrer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.) M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)