M. le président. Par amendement n° 17, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 256-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 256-1. - Dans les communes visées à l'article L. 256, chaque fois qu'une liste comporte la candidature d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, les dispositions de l'article L.O. 265-1 sont applicables. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit de la disposition selon laquelle, lorsqu'ils figurent sur des listes dans des communes au-delà de 3 500 habitants - où les listes sont obligatoires -, les candidats européens doivent indiquer leur nationalité.
Nous approuvons cette disposition.
Je dois dire au passage qu'il nous a été fait observer que ce serait une discrimination. Nous répondrons que non. En effet, quand on voit une liste électorale, on suppose que tout le monde est français. Si quelqu'un n'est pas français, il faut donc l'indiquer : c'est le minimum d'information que l'on doit aux électeurs. Cette mesure nous paraît donc bonne.
Nous pensons cependant qu'il faut l'étendre aux communes de 2 500 habitants et au-delà, dans lesquelles il y a aussi présentation de listes, parce que cela n'a pas été prévu et qu'il est bon que, sur ces listes-là comme sur celles des communes de plus de 3 500 habitants, on indique la nationalité d'un candidat qui ne serait pas français afin qu'il ne soit pas présumé français par les électeurs, lesquels ne sont pas obligés de savoir de quelle nationalité est le candidat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
En effet, dans les communes de plus de 3 500 habitants, en raison du mode de scrutin, qui est applicable pour la désignation des conseillers municipaux, les listes de candidats sont astreintes au dépôt d'une déclaration de candidature à la préfecture ou à la sous-préfecture.
En revanche, dans les communes qui ont moins de 3 500 habitants, il n'existe pas de dépôt de candidature puisque ces communes relèvent du chapitre II - dispositions spéciales aux communes de moins de 3 500 habitants - du titre IV du livre Ier du code électoral. Vouloir leur appliquer l'article L.O. 265-1 nouveau est donc peu cohérent, puisque aucune autorité n'est compétente pour recevoir une déclaration de candidature et les pièces qui doivent l'accompagner, parmi lesquelles celles qui sont mentionnées par votre amendement. Ce serait donc une formalité impossible.
Au surplus, on notera que les documents relatifs au dépôt des cadidatures dans les communes de plus de 3 500 habitants ne sont pas publics. Ils ont uniquement pour objet de permettre à l'administration de s'assurer de la régularité de chaque candidature figurant sur les listes de candidats et - comme il a été dit à M. Cabanel - ce serait évidemment très discriminatoire. Pas plus que pour les élections européennes, il n'est exigé que les bulletins de vote mentionnent la nationalité des candidats dans les communes de plus de 3 500 habitants, pas plus pour les élections municipales et dans ces types de communes, on ne peut manifester de telles exigences.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 5.
Par amendement n° 25 rectifié, MM. Richert, Grignon, Hoeffel et Ostermann proposent d'insérer, toujours après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L.O. 265-1 du code électoral, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.O. ... - Dans l'hypothèse où la composition de la liste est mixte, elle doit être proportionnellement représentative aux nombres de votants inscrits sur les listes électorales ordinaires et complémentaires.
« Dans les communes où le nombre d'inscrits sur la liste électorale complémentaire est égal ou supérieur à 30 % du nombre total de votants inscrits, la représentativité des ressortissants de l'Union européenne sur une liste ne peut excéder 30 % des sièges à pourvoir. Cette représentativité doit également être respectée, après élection, pour le nombre de sièges pourvus. »
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Tout à l'heure, M. le ministre disait que, somme toute, l'influence du vote des étrangers de l'Union européenne résidant en France aux élections municipales ne serait pas très importante puisque leur nombre était relativement limité eu égard à l'ensemble des étrangers qui résident dans notre pays.
Cela est certainement vrai dans les grandes agglomérations. Toutefois, certaines régions de France - je pense en particulier à l'Alsace - connaissent des situations un peu particulières.
En effet, depuis quelques années, en Allemagne, l'immobilier est nettement plus cher qu'en France : il y est deux fois, presque trois fois plus cher. Mais, dans le même temps, en raison de la proximité immédiate de ces deux pays - il suffit de passer le Rhin -, parce que l'immobilier est rare en Allemagne et parce que les moyens financiers dont disposent les ressortissants allemands sont nettement plus importants que ceux dont bénéficient les Français, dans certaines communes riveraines du Rhin, toutes les nouvelles résidences sont construites par des Allemands. Il n'y a plus aucune transaction immobilière qui ne soit le fait d'un Allemand. Les Français ne sont plus concurrentiels.
Monsieur le ministre, cela ne joue pas à la marge ; il ne s'agit pas que d'un quelconque pourcentage. Aujourd'hui, dans certaines communes, les résidents allemands représentent environ 30 %, voire plus, de la population. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé cet amendement aux termes duquel, dans ces communes où le pourcentage de résidents allemands dépasserait un certain seuil, que j'ai fixé à 30 %, on garantirait une présence minimum de Français dans les conseils municipaux de façon que ceux-ci ne soient pas totalement dépourvus de représentants nationaux pour gérer les affaires de la commune.
Certes, on va m'opposer - et la commission ne manquera pas de le faire - l'argument selon lequel la directive ne prévoit pas cette dérogation et qu'aujourd'hui n'est prévue qu'une dérogation sur le plan national. En effet, il est prévu dans cette directive que, lorsque la proportion de citoyens de l'Union qui résident dans un pays sans en avoir la nationalité dépasse un quota de 20 %, des mesures sont prises pour réserver une représentation minimum aux ressortissants du pays.
Certes, cela arrange bien le Luxembourg, qui est pour ainsi dire une ville-pays, mais on ne pensait pas que le problème pourrait se poser aussi rapidement pour un certain nombre de communes riveraines, peut-être un peu en marge. Il ne faudrait pas donner à ces communes le sentiment que l'on ne prend pas en compte la volonté de démontrer leur appartenance nationale manifestée par les personnes qui y habitent.
L'amendement que je défends est soutenu par l'ensemble des parlementaires alsaciens, MM. Grignon, Hoeffel et Ostermann, qui l'ont cosigné, mais aussi MM. Eckenspieller et Lorrain.
Je souhaite que cette spécificité de notre région soit prise en compte, d'autant que l'Alsace, vous le savez, n'a pas rechigné pour apporter largement sa contribution à la ratification du traité de Maastricht. Nous sommes des Européens convaincus. Nous sommes plus que d'autres attachés à la construction européenne, mais nous souhaitons aussi, dans les affaires de nos communes, pouvoir continuer à dire notre mot.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne peut malheureusement pas vous suivre, monsieur Richert.
Vous avez fait allusion aux traditions de l'Alsace, à la place de cette province dans notre histoire, à ce qu'elle a été, à ce qu'elle est et à ce qu'elle continuera d'être, au rôle, certainement éminent, qu'elle jouera dans la construction européenne. Je suis un peu Alsacien de coeur.
M. Philippe Richert. Largement !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il nous arrive d'ailleurs de débattre des traditions et du folklore alsaciens, sur lesquels j'en sais aussi long que vous, mon cher collègue, et même certaines fois...
Malheureusement, quelle que soit notre sympathie pour cette province qui nous est très chère, nous ne pouvons pas entrer dans la voie tracée par cet amendement pour deux raisons.
Tout d'abord, ce serait créer une dérogation qui n'existe pas dans la directive. Ensuite, cette mesure n'est pas nécessaire. Cette seconde raison serait d'ailleurs suffisante à elle seule et c'est peut-être la meilleure. Mais je vais malgré tout expliciter la première.
Le chapitre III de la directive prévoit des dispositions dérogatoires et transitoires. Son article 12 dispose que, « si dans un Etat membre, à la date du 1er janvier 1996, la proportion de citoyens de l'Union qui y résident - dans l'Etat et non pas dans la commune - sans en avoir la nationalité et qui ont atteint l'âge de vote dépasse 20 % de l'ensemble des citoyens de l'Union en âge de voter et qui y résident, cet Etat membre peut par dérogation à la présente directive... ». Suit une série de dispositions particulières.
Dès lors que la directive a envisagé le dépassement d'un certain quota national pour autoriser des mesures particulières alors qu'elle n'a pas envisagé le dépassement d'un quota communal, si nous, nous prévoyons ce dépassement d'un quota communal, nous allons créer une mesure discriminatoire non conforme à la directive. Je ne crois pas que, juridiquement, nous puissions le faire.
Par ailleurs, j'estime que cette mesure n'est pas nécessaire.
Nous rejoignons ici un problème sur lequel j'ai moi-même « buté » dans mon travail préparatoire de rapporteur : quid des conseils municipaux dans lesquels il y aurait tant d'éléments étrangers que leur fonctionnement serait dénaturé ? On se situe, bien entendu, dans l'hypothèse où ils ne seraient pas acceptés, parce que nous sommes en démocratie et que, si des conseillers étrangers sont élus, il faut croire que les électeurs de la commune qui les connaissent bien n'y ont pas vu pas d'inconvénient. On pourrait se contenter de dire : respectons la démocratie !
Mais il arrive que la démocratie erre ou crée des situations difficiles à gérer. Dans le cas présent, il existe un dispositif classique qui s'applique à toutes les communes : la dissolution d'un conseil municipal peut avoir lieu par décret lorsqu'il n'est plus en état de fonctionner.
La jurisprudence interprète cette disposition en visant en particulier deux hypothèses : d'une part, l'existence d'une cause qui empêche d'une manière rédhibitoire l'élection de l'exécutif ; d'autre part, l'existence d'une cause qui empêche irrémédiablement le fonctionnement normal du conseil municipal.
Eliminons d'emblée l'hypothèse selon laquelle un conseil municipal ne compterait que des étrangers. En effet, ce conseil municipal serait ipso facto paralysé, car un étranger ne peut être maire ni adjoint au maire.
En revanche, s'il se trouve qu'une minorité ou un certain nombre de Français membres d'un conseil municipal estiment - il leur revient d'en juger - que la situation est insupportable, ils ont le choix entre différentes façons d'entraver le fonctionnement de leur conseil municipal. Ils peuvent tout simplement refuser d'accepter les fonctions de maire, ou alors, si le maire a déjà été élu, ils peuvent démissionner en masse. D'autres possibilités peuvent être imaginées, mais tout cela fait que le préfet saisi engage la procédure normale et que l'on aboutit à la prise en Conseil d'Etat d'un décret de dissolution du conseil municipal.
Par conséquent, le problème évoqué par M. Richert, qu'il se présente concrètement ou non, ne sera pas sans solution. Or, lorsqu'il existe déjà une solution à un certain type de problèmes, il est toujours dangereux d'essayer d'en trouver une autre, car, dès lors, on risque de créer des distorsions rédactionnelles ou de procédure.
A partir du moment où il existe une solution d'application générale répondant à votre inquiétude, monsieur Richert, je pense qu'il faut s'en contenter et ne pas prendre une disposition particulière qui serait par ailleurs, comme je le disais au début de mon propos, en contradiction avec la directive qu'il s'agit de transposer en droit interne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai écouté avec intérêt M. Richert, pour toutes les raisons qu'il devine.
En effet, en tant qu'habitant de Belfort, ville qui fait historiquement partie de l'Alsace, je suis de près les mouvements de l'identité alsacienne, dont je n'oublie pas qu'elle fut une identité républicaine en terre rhénane ; c'est là peut-être son plus beau titre de gloire et de rayonnement.
J'ai donc bien écouté votre propos, monsieur Richert, mais je crois, très franchement, que le proverbe « donner et retenir ne vaut » trouve en l'occurrence matière à s'appliquer, et ce en raison de l'existence de deux obstacles juridiques sur lesquels je voudrais attirer votre attention.
Tout d'abord, ni la directive ni le traité n'autorisent une formule telle que celle que vous préconisez. Les étrangers communautaires doivent jouir dans leur Etat de résidence des droits de vote et d'éligibilité dans les mêmes conditions que les électeurs de cet Etat.
Bien naturellement, certaines dispositions prévoient que des mesures dérogatoires peuvent être prises, à condition d'être appropriées, nécessaires et proportionnées à l'objectif. Or il n'est ni approprié, ni nécessaire, ni proportionné à l'objectif de limiter le nombre des candidats communautaires au mandat de conseiller municipal puisque, d'ores et déjà, on a précisé que le maire, de même d'ailleurs que l'adjoint, ne pouvait être un étranger communautaire.
Pour les élections municipales, il faut considérer le corps électoral comme un tout, même s'il est élargi à des ressortissants d'autres Etats. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : dans sa décision du 18 novembre 1982, il s'est opposé à la division par catégorie des électeurs et des éligibles en sanctionnant les dispositions d'une loi instaurant un quota en faveur des femmes, au nom précisément de l'unité du collège électoral.
Juridiquement, je crois donc que l'amendement n° 25 rectifié n'est recevable ni au regard du droit communautaire ni au regard de notre droit interne.
Je vois bien le problème que vous posez. Mais je pense qu'il faut se placer dans la perspective que j'indiquais tout à l'heure. L'Alsace ne manque pas d'atouts, elle sait séduire et elle saura retenir. Comme je le disais tout à l'heure, le vin est tiré, monsieur le sénateur, il faut le boire !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25 rectifié.
M. André Bohl. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bohl.
M. André Bohl. M. le ministre a rappelé qu'à côté de l'Alsace il y a Belfort, mais il y a aussi la Moselle, et, à côté de la Moselle, il y a la Meuse.
Le problème posé est un problème de structure communale.
Permettez-moi de citer un exemple. La Moselle compte 1 million d'habitants, le Land de Sarre compte également 1 million d'habitants. Ce Land comprend 52 communes, la Moselle 718.
La commune que j'ai l'honneur de représenter compte 15 000 habitants, et 7 800 électeurs. A la suite de l'adoption du dispositif proposé, s'y ajouteront 900 électeurs potentiels supplémentaires, des adultes de plus de dix-huit ans, qui pourront s'inscrire sur les listes électorales, ce qui représentera une incidence de 11 % ; ce n'est pas terrible !
En revanche, je pourrais donner l'exemple de villages qui comptent 85 électeurs. Il est possible d'imaginer qu'à la suite du vote de la loi il y ait une grande majorité d'électeurs étrangers dans ces villages. Que se passera-t-il dans ces cas particuliers ?
Je souhaiterais que le ministère de l'intérieur examine toutes ces situations car il ne faut tout de même pas oublier que nous sommes dans un domaine extrêmement sensible. D'ailleurs, le résultat des dernières élections devrait, me semble-t-il, inciter à quelques réflexions.
M. Philippe Richert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. J'ai bien entendu les deux arguments développés à la fois par M. le rapporteur et par M. le ministre, mais ni l'un ni l'autre ne m'ont tout à fait convaincu.
S'agissant du premier argument, à savoir que nous ne pouvons introduire de discrimination, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que le droit de vote et d'éligibilité devait être le même pour les étrangers communautaires que pour les ressortissants du pays, en l'occurrence les Français.
Mais en prévoyant que les étrangers ne pourront être ni maire ni adjoint, nous introduisons bien des différences ! Nous établissons déjà une discrimination et, lorsque nous expliquons aux Allemands qu'ils ne pourront être ni maires ni adjoints, ils nous reprochent d'être racistes puisque nous n'acceptons pas qu'ils assument les mêmes fonctions que nous !
Ainsi, on ne veut pas qu'il y ait de différence mais, dans la pratique, on en institue déjà !
J'en viens au second argument, selon lequel nous devons rester en conformité avec la directive. Certes, la directive ne prévoit pas de dispositif dérogatoire lorsque le nombre d'étrangers dans nos communes dépassent un certain seuil. Le cas est prévu sur le plan national mais pas à l'échelon des communes.
Mais, tout à l'heure, M. le rapporteur disait que, de temps en temps, nous, législateurs, devions être pragmatiques. Je reprends les propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le rapporteur, dans la discussion pointue que vous avez eue avec M. le ministre.
Donc, si la directive ne prévoit pas expressément ce dispositif, je me demande s'il ne serait pas possible de l'envisager afin que, dans les communes concernées, une représentation de Français puisse être assurée dans les conseils municipaux en France.
Aujourd'hui, dans certaines communes d'Alsace, 30 à 40 % des habitants, sont allemands. Dès lors, demain, on risque de voir siéger des conseils municipaux où il n'y aura plus de Français. Cela pourrait faire resurgir, ici ou là, des sentiments difficilement maîtrisables ; j'aimerais que nous gardions aussi cet aspect des choses à l'esprit.
J'ai compris votre appel et je veux bien l'entrendre, mais il nous faut prendre en compte cette situation d'une façon ou d'une autre. Tel est le message que j'ai tenté de faire passer en déposant cet amendement.
Ainsi que mon ami M. Bohl l'a rappelé tout à l'heure, nous devons aussi, en légiférant, songer à ce que l'avenir peut nous réserver.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Robert Schuman, où es-tu ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur Richert, vous avez bien voulu rappeler que j'avais souhaité que l'on soit pragmatique. Mais j'évoquais alors des hypothèses où la solution juridique n'était pas claire. J'ai même parlé par deux fois de « débat juridique byzantin », où deux thèses juridiques peuvent être soutenues à l'infini. C'est face à de telles situations que le pragmatisme me semble requis.
Mais ici, notre première obligation est de respecter le cadre juridique qui s'impose à nous : la Constitution, le traité et la directive. Or la directive n'a pas ignoré ce problème des « quotas » : nous ne pouvons donc pas le traiter d'une manière différente et créer une exception qu'elle n'a pas prévue.
Autrement dit, il n'y a pas ici, sur le plan juridique, matière à débat confus ou byzantin : les choses sont parfaitement claires.
Cela étant, monsieur Richert, je suis sensible à ce que vous avez dit quant aux difficultés que peuvent susciter certaines situations.
Cependant, il est caricatural d'évoquer des conseils où il n'y aurait que des étrangers. A supposer que cela arrive, un tel conseil ne pourrait à l'évidence pas fonctionner puisque le maire et les adjoints doivent être français. Dans un tel cas, on irait tout droit à la dissolution !
Et même dans le cas d'une proportion sensible d'étrangers, il est probable que, dans les faits, tout se passera très bien : si ces étrangers sont là, c'est tout de même qu'ils auront été désignés par le suffrage universel ! Cela ne relèvera certainement pas d'une opération du Saint-Esprit ! S'ils sont élus, c'est probablement parce qu'ils participent à la vitalité de la commune, qu'ils y jouent un rôle important, que les électeurs approuvent.
En tout état de cause, les ressortissants français, comme je l'ai dit tout à l'heure, disposent de plusieurs armes, qu'il leur suffit d'employer : ils peuvent refuser le siège de maire ; s'ils l'ont accepté, ils peuvent démissionner. Par conséquent, pour créer une situation débouchant sur la dissolution du conseil, mille moyens leur sont offerts.
Il faut laisser jouer la souplesse qui caractérise ce mécanisme parce qu'elle comporte des effets de dissuasion. De ce fait, monsieur Richert, les étrangers dont vous parlez éviteront de se comporter avec l'arrogance que vous paraissez craindre, sachant que la menace de la dissolution existe.
En conclusion, il ne me semble pas nécessaire ni correct du point de vue de la directive d'ajouter un moyen à ceux dont les ressortissants français disposent déjà pour aboutir à la dissolution du conseil municipal.
M. le président. Monsieur Richert, l'amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Richert. Je le retire, monsieur le président. Je remercie M. le rapporteur des explications qu'il vient de me donner. J'ai été très sensible à la qualité d'écoute dont il a fait preuve, de même que M. le ministre.
Il ne s'agit en aucune façon de mettre en doute la volonté de participation de nos voisins et amis allemands, que je rencontre régulièrement. Il reste que, sur le terrain, l'augmentation très sensible de leur présence fait naître, de temps en temps, chez certains, un sentiment de « ne plus être chez soi ». On ne peut pas le négliger. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et du RDSE.)
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié est retiré.

Chapitre III