M. le président. Par amendement n° 7, MM. Seillier et Louis Boyer proposent, dans le deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 794-2 du code de la santé publique, de remplacer les mots : « elle peut rendre publiques ses recommandations » par les mots : « elle rend publics ses avis et recommandations, dans le respect du secret industriel. »
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Cet amendement a pour objet de rendre systématique la publicité des recommandations et des avis de l'agence, et de rappeler que cette publicité doit se soumettre aux règles du respect du secret industriel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 55, le Gouvernement propose, dans le troisième alinéa (2°) du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 794-2 du code de la santé publique, de supprimer les mots : « mentionnés à l'article L. 794-1 »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. La disposition en cause exclurait, entre autres, les ministères de l'environnement, de l'industrie, de la recherche, qui, chacun en ce qui le concerne, ne pourraient ainsi recourir à l'expertise de l'Agence. Il est souhaitable de laisser ouverte la liste des ministères pouvant être concernés par le champ couvert par l'Agence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet. rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
En effet, comment imaginer que les trois seuls ministres exerçant en l'espèce la tutelle gardent pour eux-mêmes des informations susceptibles d'être utiles à certains de leurs collègues du Gouvernement ?
La finalité de cet amendement ne nous apparaît pas clairement et c'est pourquoi nous en proposons le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 55.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le secrétaire d'Etat, n'y aurait-il pas une intention plus perverse ? (Exclamations amusées sur de nombreuses travées,)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Voyons, voyons !
M. Charles Descours. Bien sûr que non, monsieur le secrétaire d'Etat. Voyez comme nous sommes mal intentionnés, ce soir ! (Sourires.)
Chacun l'a bien compris, l'Agence doit être indépendante. Il faut donc réaffirmer qu'elle n'est pas un outil à la disposition des différents ministres. L'Agence a l'indépendance scientifique et technique qui convient à un organisme de ce type.
Veuillez m'excuser de la brutalité du terme, mais ce n'est pas un organisme à la botte des ministres, quels qu'ils soient !
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 16, M. Cabanel propose, après le cinquième alinéa (4°) du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 794-2 du code de la santé publique, d'insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« ...° Est assistée pour le contrôle de la qualité des eaux minérales par les services de l'Etat compétents. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Aubert Garcia. Puis-je le reprendre, monsieur le président ?
M. le président. C'est malheureusement impossible, mon cher collègue.
Par amendement n° 40, rectifié bis , MM. Vasselle et Descours proposent, après le cinquième alinéa (4°) du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 794-2 du code de la santé publique, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Exerce les compétences du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, dont les moyens, droits et obligation correspondants lui sont transférés : »
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Nous abordons là l'examen d'un amendement dont on a déjà beaucoup parlé dans la discussion générale.
Je veux insister sur le fait que l'Agence de sécurité sanitaire des aliments doit avoir un certain pouvoir. Pour autant, nous l'avons dit et redit, elle ne doit pas se faire contre ou moyennant sa destruction.
Telles que prévues dans notre amendement, les missions de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, définies à l'article L. 794-1, englobent en effet celles du CNEVA. Les missions du CNEVA, définies par le décret du 29 avril 1988 modifié par le décret du 13 octobre 1994, consistent en un soutien scientifique et technique pour l'élaboration, l'application et l'évaluation des mesures prises dans les domaines de la sécurité de l'alimentation humaine et des conséquences sur l'hygiène publique de la santé animale. Bien entendu, les missions de l'agence sont beaucoup plus larges que celles du CNEVA. Cependant, il ne serait pas raisonnable qu'au sein de l'Etat deux établissements publics fassent à peu près le même travail. Rassembler en un seul pôle les compétences du CNEVA et de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments est donc une solution opportune pour améliorer l'efficacité de l'administration.
En rectifiant l'amendement, c'est-à-dire en précisant que lui sont transférés les moyens, droits et obligations correspondants, nous avons bien montré que nous ne voulions pas empiéter sur des activités du CNEVA qui se situeraient au-delà des missions que nous confions à l'agence.
Un certain nombre de missions du CNEVA sont désormais dévolues à l'agence et le CNEVA ne peut donc pas continuer à fonctionner dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ; en revanche, nous ne demandons que soient transférées à l'Agence que les activités correspondant à celles de l'Agence, sans vouloir supprimer les autres activités qui pourraient être menées par ce centre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Il est difficile de décider aussi rapidement, comme cela, du sort de six cents personnes !
Plusieurs sénateurs. Sept cents !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. A fortiori !
Par conséquent, en attendant d'y avoir réfléchi plus avant et d'avoir, en particulier apprécié les conséquences d'une telle extension de compétences, le Gouvernement s'oppose à cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Dans mon intervention liminaire, cet après-midi, j'ai rappelé le débat qui avait eu lieu entre le précédent gouvernement et nous-mêmes, mais aussi entre l'actuel Gouvernement et nous-mêmes sur le point de savoir s'il fallait une seule agence pour contrôler tous les produits, qu'ils soient de santé ou alimentaires, ou deux agences.
Nous avons estimé, dans un souci de prudence, parce qu'il ne nous semblait pas possible de bouleverser le paysage administratif français, qui est certainement ce qui est le moins mobile dans notre société, qu'on ne pouvait pas brutalement tout regrouper dans une seule agence.
Dans la proposition de loi, qui a été longuement élaborée, étudiée, confrontée à tous les exemples étrangers, puisque nous sommes allés sur place pour voir comment cela se passait, nous avons donc finalement retenu la solution des deux agences.
Mais je constate, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une douzaine d'amendements du Gouvernement ont pour seul objet de déshabiller cette deuxième agence, à en faire une sorte de collège d'experts. Or, des collèges d'experts, nous en avons déjà cinquante en France, qui font leurs expertises, qui donnent leur sentiment.
En conséquence, je l'ai dit cet après-midi, nous sommes très attachés à l'existence de deux agences, ayant chacune leurs pouvoirs et leurs compétences.
Et comme il existe un établissement public, le CNEVA, nous estimons qu'il est plus simple de fusionner l'Agence de sécurité sanitaire des aliments et le CNEVA, tout en laissant de côté, bien sûr, la partie de cet organisme qui s'occupe de recherche, quoique des esprits curieux pourraient se demander pourquoi il y a à la fois la partie recherche du CNEVA et l'INRA ! Mais cela fait partie des mystères administratifs dont on nous explique qu'ils sont insondables ! Il s'agit pourtant du développement de la recherche française et de l'ensemble des moyens que la société consacre à faire progresser l'invention et la créativité.
Dans ces conditions, le texte qui est proposé est important. On donne un contenu, une chair à cette agence.
Monsieur le secrétaire d'Etat, d'abord, je ne pense pas que l'on licenciera ou que l'on mettra au chômage les 700 personnes du CNEVA. Par ailleurs, quand on a vu à quel point le problème de la vache folle a secoué notre pays, on ne s'arrête pas à de telles considérations administratives !
Nous avons mis au point un projet long, sérieux, qui crée deux agences. Je vous en supplie, ne supprimez pas, par le biais de la douzaine d'amendements du Gouvernement qui doivent encore être examinés, tous les pouvoirs de cette seconde agence pour en faire un collège d'experts. De tels collèges, nous en avons déjà trop dans notre pays ; ce que nous voulons, ce sont des organismes opérationnels qui protègent effectivement la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Nous vous en supplions, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. On comprendra que le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan que je suis ne soit pas du tout d'accord avec la commission des affaires sociales.
Je veux attirer l'attention de notre Haute Assemblée sur le fait que l'amendement n° 40 rectifié bis, s'il était adopté, priverait de facto notre amendement n° 2 de toute portée.
La commission des affaires sociales a ajouté au texte proposé pour l'article L. 794-2 du code de la santé publique un alinéa qui donne à la nouvelle Agence de sécurité sanitaire des aliments compétence pour délivrer les autorisations de mise sur le marché des services et médicaments vétérinaires, et intégrant, de ce fait, l'Agence du médicament vétérinaire dans la nouvelle structure.
La commission des affaires économiques et du Plan unanime, puisque tous les groupes étaient représentés, a considéré qu'une telle intégration ne constituait pas une solution pertinente.
C'est pourquoi elle a proposé, dans un amendement n° 22 qui sera examiné dans quelques instants, de supprimer le nouvel alinéa du texte proposé pour l'article L. 794-2 du code de la santé publique.
L'amendement en discussion va encore plus loin puisqu'il prévoit l'intégration dans la nouvelle Agence de sécurité sanitaire des aliments de tout le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, le CNEVA, dont l'Agence du médicament vétérinaire, qui délivre actuellement les autorisations de mise sur le marché en matière vétérinaire, n'est qu'un simple service.
Si l'amendement n° 40 rectifié bis était adopté, l'amendement de la commission des affaires économiques, je le répète, se trouverait en quelque sorte totalement privé de la portée que nous avions entendu lui donner ; ce serait une coquille vide.
Indépendamment de cet aspect, j'ajoute que l'adoption de cet amendement aboutirait à placer le CNEVA, qui serait absorbé par la nouvelle agence, sous la tripe tutelle des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation, alors qu'il est aujourd'hui sous la tutelle unique du ministère de l'agriculture, exception faite des missions dévolues à l'Agence nationale du médicament vétérinaire, pour lesquelles il y a une tutelle conjointe des ministères de l'agriculture et de la santé.
Or, la commission des affaires économiques a fait valoir, dans son rapport, l'intérêt qu'il y a à ne pas trop superposer ou multiplier les tutelles, afin de ne pas allonger les durées, en particulier, et afin d'éviter les lourdeurs administratives, qui s'avèrent souvent préjudiciables à une réelle efficacité des contrôles.
Je ne peux donc qu'être défavorable à l'amendement n° 40 rectifié bis.
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes écartelés !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40 rectifié bis.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais certes préféré que cette réforme, qui est importante, fût précédée d'une réflexion, voire d'une concertation avec les personnels concernés.
Il n'empêche, le présent amendement présente tout de même, à bien des égards, un certain intérêt.
En effet, il vise à donner à cette Agence de sécurité sanitaire des aliments, qu'amendement après amendement on cherche à dépouiller de son contenu, une véritable consistance, lui permettant ainsi de répondre aux missions qui lui ont été confiées.
Je m'étonne que notre collègue de la commission des affaires économiques qui vient de s'exprimer s'oppose à cet amendement. En effet, dans un amendement que nous examinerons dans un instant, amendement qui tomberait si l'amendement n° 40 rectifié bis était adopté, il souhaite réintégrer l'Agence du médicament vétérinaire dans le CNEVA.
A l'heure actuelle, l'Agence du médicament vétérinaire est intégrée au CNEVA, à tel point que c'est le directeur du CNEVA qui délivre les autorisations. Même si ce n'est pas inscrit dans les textes, c'est l'usage.
M. Dominique Braye. C'est même dans les textes !
M. François Autain. Raison de plus !
Ce qui nous est proposé, dans le présent amendement, c'est de prendre le tout et de l'intégrer dans l'agence. Il n'y a donc plus aucune difficulté. En effet, l'Agence du médicament vétérinaire se trouve au sein du CNEVA, dont je crois savoir qu'il va constituer le pôle essentiel de cette Agence de sécurité sanitaire des aliments.
Même si je concède que le processus est quelque peu rapide, je crois utile de rappeler que c'est un amendement qui a créé l'Agence du médicament et que c'en est un autre qui a instauré la IIIe République, si ma mémoire est bonne. Apparemment, donc, c'est souvent grâce à des amendements que nous faisons les grandes réformes !
Tout en reconnaissant l'insuffisance de la concertation, il me semble que cet amendement donne des chances supplémentaires à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments sans léser a priori les intérêts des personnels et les missions du CNEVA, missions que mon collègue M. Descours a rappelées tout à l'heure.
En prenant connaissance du décret tendant à cibler les missions de ce centre, j'ai effectivement été étonné de constater que celles-ci n'avaient finalement pas été respectées. Ne jetons pas pour autant la pierre au CNEVA, et prenons conscience que, peut-être, il faudrait opérer un recentrage.
Je crois que l'amendement n° 40 rectifié bis prévoit bien qu'il s'agit de transférer uniquement certaines compétences. Il vise non pas à transférer toutes les compétences, mais simplement celles qui correspondent aux missions de l'Agence, les autres continuant à s'exercer sans aucune entrave.
Voilà les raisons pour lesquelles le groupe socialiste et moi-même sommes favorables à cet amendement.
Il est évident que, s'il était adopté, mon amendement visant à intégrer l'Agence du médicament vétérinaire dans l'Agence du médicament n'aurait plus d'objet.
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. J'avoue avoir été quelque peu étonné par la position de notre collègue M. Autain qui, comme la commission des affaires économiques, affirmait qu'il souhaitait que l'on ne coupât pas un bras au CNEVA et qui dit maintenant que la commission doit se réjouir qu'on lui coupe le buste avec les deux bras et la tête ! Ses explications me laissent sur ma faim.
Je voudrais tout de même souligner le caractère très important de l'amendement présenté par notre collègue M. Charles Descours, qui, s'il était adopté, pourrait avoir des conséquences très négatives sur l'ensemble de la filière agroalimentaire.
Avant de détailler les raisons de mon affirmation, je voudrais attirer votre attention sur le fond du problème, mes chers collègues.
La seule raison qui puisse justifier le transfert du CNEVA dans la future agence est que celle-ci ne peut en aucun cas se désintéresser des résidus des médicaments vétérinaires dans les produits destinés à l'alimentation humaine. Personne n'oserait aller contre un tel raisonnement.
Le problème qui se pose est donc celui des limites maximales de résidus, que l'on appelle les LMR, c'est-à-dire les traces résiduelles de médicaments vétérinaires que l'on trouve dans la viande animale. Or ce problème ne relève aujourd'hui nullement de la compétence du CNEVA, et ne pourra donc en aucun cas être de la compétence de la future agence, au cas où vous accepteriez l'amendement qui nous est proposé.
En effet, la détermination des niveaux maxima admis pour les autorisations de mise sur le marché résulte d'une procédure, centralisée à l'échelon européen, qui édicte les normes de ces LMR. Ces normes sont déterminées par le comité des médicaments vétérinaires de l'agence européenne de Londres et édictées par le comité de réglementation de Bruxelles.
Après vous avoir donné des éclaircissements sur le fond, je voudrais vous dire quelques mots sur le CNEVA. C'est un établissement public administratif à vocation scientifique et technique, qui conduit des travaux de recherche, de développement et d'expertise centrés autour de l'animal et de ses produits. Ces travaux sont mis en oeuvre dans trois domaines essentiels : la santé et le bien-être de l'animal pour 50 % de ses activités ; l'hygiène, la qualité et la sécurité des denrées d'origine animale pour 35 % ; les médicaments vétérinaires chimiques et biologiques pour 15 %.
Contrairement à ce que prétendait M. Descours, l'activité du CNEVA en relation avec les aliments destinés à la consommation humaine ne représente donc au maximum que 35 % de son activité totale. Effectivement, l'Agence aura des compétences plus importantes, mais le recouvrement de leurs compétences respectives ne peut être au maximum que de 35 % de celles du CNEVA.
En revanche, ce centre constitue la seule structure de conseil et d'appui scientifique et technique auprès du ministère de l'agriculture et des filières agroalimentaires pour la prévention et la maîtrise des risques majeurs en matière de santé animale, risques qui menacent en permanence l'élevage français comme le montrent en particulier l'explosion de la peste porcine en Europe depuis le début de l'année - je vous demande de vous tourner vers les Pays-Bas pour connaître la situation - et les épisodes récurrents de fièvre aphteuse depuis deux ans dans les Balkans, soit à la portée de l'Union européenne.
L'exemple de la rage est, lui aussi, emblématique puisque, pour la première fois depuis trente ans, la France n'a pas eu de cas de rage depuis dix mois sur son territoire national, après que le CNEVA eut mis au point, avec l'Entente interdépartementale de lutte contre la rage, des modalités de vaccination orale qui faisaient encore la une à la télévision, hier soir.
Il est vrai que cela n'a rien à voir avec l'aliment. Mais on peut aussi citer, comme M. le président de la commission des affaires sociales, le cas de la maladie dite de « la vache folle », maladie dont le nombre de cas a été très limité. Cet exemple prouve à quel point la complémentarité exemplaire entre les éleveurs, les vétérinaires praticiens - d'ailleurs dûment formés par les agents du CNEVA - les services vétérinaires et le CNEVA a permis de mettre au point l'un des réseaux les plus fiables au monde.
On pourrait également parler de bien d'autres maladies : celle des porcs, les maladies émergeantes, etc.
Le CNEVA constitue ainsi l'un des partenaires essentiels de l'agriculture française, en synergie constante avec les services vétérinaires du ministère de l'agriculture et les filières de production. Il est, à ce titre, l'un des établissements clefs de l'activité agrovétérinaire française.
Cet enracinement dans la production est l'une des conditions indispensables à son action non seulement en matière de santé animale, mais aussi en matière de sécurité des aliments d'origine animale destinés à l'homme.
Ce centre contribue ainsi à l'identification et à l'évaluation des risques nouveaux, émergents et réémergents liés à l'animal grâce à l'animation de réseaux d'épidémiosurveillance et à la mise en oeuvre, à partir de ses travaux de recherche et de développement, de l'expertise nécessaire aux décisions des pouvoirs publics.
Mes chers collègues, j'attire donc votre attention sur le fait que le CNEVA n'est efficace que parce qu'il est un et indivisible, il n'est efficace que parce qu'il existe une synergie entre ses différents services, synergie que vous mettriez à mal si vous divisiez le centre en conférant une partie de ses missions à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments.
Seuls sa structure et son statut actuel lui permettent d'exercer en toute indépendance...
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Emmanuel Hamel. C'est important, monsieur le président !
M. Dominique Braye. C'est important, effectivement !
Son incorporation dans une agence unique dévolue à la seule sécurité des aliments priverait le ministère de l'agriculture de l'expertise et de l'appui scientifique qui sont indispensables au bon déroulement de sa mission dans le domaine de la santé et de la protection animale, ainsi que dans ceux de la qualité et de la sécurité du médicament vétérinaire.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres que M. le président ne m'a pas laissé l'occasion de développer...
M. le président. Il s'agit non pas du président, mon cher collègue, mais du règlement !
M. Dominique Braye. C'est exact, monsieur le président.
Pour toutes ces raisons, donc, je vous demande, mes chers collègues, de rejeter cet amendement.
M. Marcel Deneux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne voudrais pas prolonger le débat car l'essentiel a déjà été dit. Je souhaite toutefois rappeler qu'il existe une réelle spécificité du médicament vétérinaire par rapport au médicament destiné à l'homme et que celle-ci doit être impérativement préservée dans la réforme.
En dehors de toute considération technique, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le texte dont nous discutons avait établi un équilibre. Mais, brusquement, nous atteignons les limites du raisonnable avec cet amendement n° 40 rectifié bis , qui, en fait, déséquilibre le texte par rapport à son état initial.
Avec cet amendement, nous ne respectons plus la sagesse des auteurs de la proposition de loi mais, bien sûr, ceux-ci sont heureux, aujourd'hui, de poursuivre dans la foulée des gens qui les mènent dans des directions qu'ils n'avaient pas choisies initialement.
Ainsi, je tiens à attirer votre attention sur le fait que cet amendement jette d'une certaine façon le discrédit sur une profession. Il insinue, en effet, que la situation n'est pas si bonne parce que les vétérinaires n'ont fait que s'occuper de la santé dans le passé.
En fait, les vétérinaires français sont les meilleurs au monde, tout le monde le sait et lorsqu'on n'a pas fait « véto », on a fait médecine !... (Rires.)
Nos vétérinaires sont les meilleurs du monde, disais-je. Ils l'ont prouvé l'année dernière au cours de la crise de la « vache folle » qui a été mieux maîtrisée en France que dans n'importe quel autre pays de la Communauté.
Je ne voudrais pas que, en votant l'amendement, les vétérinaires estiment que nous leur lancons un défi. A moins qu'il ne s'agisse, sans le dire, de faire un hold-up sur l'équipe exceptionnelle du CNEVA, sur ses 700 employés. Il faut dire en effet que cette Agence est vide, sauf si le CNEVA la remplit. (Rires et applaudissements.)
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Je n'avais pas l'intention de reprendre la parole, mais je me dois de le faire après l'intervention de M. Deneux.
J'ai déposé cet amendement, avec M. Vasselle, parce que la commission des affaires sociales avait elle-même déposé des amendements.
Puisque cet amendement déclenche de telles réactions, je vous propose un marché, mes chers collègues : nous retirons cet amendement et les trois suivants et, si nous en sommes tous d'accord, nous nous en tenons au texte initial de la proposition de loi.
M. François Autain. Voilà !
M. Charles Descours. Si M. César retire son amendement, si le Gouvernement et M. Autain font de même, je retirerai moi aussi mon amendement. Reconnaissez en effet que ce n'est pas moi qui ait tiré le premier et que je me range ainsi aux explications des uns et des autres.
J'accepte de protéger la santé et le bien-être de l'animal. Mais, pour moi, le problème c'est la santé et le bien-être de l'homme.
MM. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission, et Claude Huriet, rapporteur. Très bien !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je n'ai pas le pouvoir, après un vote unanime de la commission des affaires économiques, de retirer l'amendement. Par conséquent, je le maintiens.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je n'ose pas demander à M. le rapporteur pour avis s'il aurait retiré cet amendement s'il en avait eu le pouvoir !...
Quoi qu'il en soit, cette discussion prend un tour passionnel qui, comme chaque fois que la passion s'en mêle, pousse certains d'entre nous à tenir des propos excessifs.
A aucun moment il n'a été dans l'intention de la commission des affaires sociales dans sa majorité, ni je pense dans l'esprit des auteurs de l'amendement, de porter un jugement défavorable sur une profession honorable...
M. Emmanuel Hamel. Très honorable !
M. Claude Huriet, rapporteur. ... qui vaut au moins la profession médicale - et c'est un médecin qui le dit ! (Sourires) - et qui donne à notre pays à travers ces hommes qui oeuvrent pour la santé publique, pour la santé des animaux et des humains, une réputation que notre collègue vient de souligner à juste titre.
Mais quel est le rapport entre ces remarques et la question de fond ? Il n'y en a aucun !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Absolument !
M. Claude Huriet, rapporteur. Cependant, en cet instant, je veux dire à M. Charles Descours combien j'ai apprécié sa réponse au procès d'intention qui a été adressé aux auteurs de l'amendement et, à travers eux, à la majorité de la commission des affaires sociales et à son rapporteur. Vous semblez dire en effet, mes chers collègues, que, contrairement à nos intentions premières, qui étaient pures, nous avons dressé une sorte de traquenard, que nous sommes allés plus loin que prévu dans une direction qui n'était pas la nôtre au départ.
En fait, comme M. Charles Descours vient de le rappeler, cet amendement de suppression, adopté par la commission des affaires économiques à l'unanimité, a rompu l'équilibre d'un texte qui nous paraissait tout à fait acceptable. Nous proposions en effet de confier à l'Agence de sécurité des produits alimentaires une mission dont chacun, de bonne foi, doit reconnaître qu'elle correspond à des attributions cohérentes en matière de sécurité sanitaire des produits utilisés par l'homme.
Mais je dois ajouter une considération à ce facteur déclenchant : lorsque plusieurs d'entre vous ont fait valoir leur argumentation, soit à l'occasion de réunions de commissions, soit lors de rencontres amicales, celle-ci consistait pour l'essentiel à dire que le CNEVA et l'Agence du médicament vétérinaire ne faisaient qu'un et qu'intégrer l'Agence du médicament vétérinaire dans la future Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation, c'était ôter à l'Agence du médicament vétérinaire sinon sa raison d'être, du moins l'essentiel de sa substance.
Il ne s'agit pas du tout d'un « traquenard » de notre part et de la part des auteurs de cet amendement ; il s'agit pour eux de poursuivre dans la logique que vous aviez vous-même développée et qui nous amenés à dire : pourquoi ne pas faire du CNEVA une des composantes importantes de l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation ?
Voilà quel a été le procédé. N'y voyez donc ni un piège ni une sorte de jugement négatif à l'encontre de l'honorable profession de vétérinaire, largement représentée dans la Haute Assemblée ce soir.
Je voudrais terminer mon propos en vous donnant lecture, ou relecture, d'éléments qui n'auraient pas dû ou n'ont pas pu vous échapper et dont j'espère qu'ils pourront être déterminants pour ceux d'entre vous qui pourraient encore hésiter.
Voici donc le texte de l'article L. 794-1, qui définit les missions de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments.
« Elle évalue les risques sanitaires et nutritionnels pouvant provenir notamment des procédés de production, transformation, conservation, transport et distribution des produits alimentaires, ainsi que de l'utilisation des denrées destinées à l'alimentation animale, des produits phytosanitaires, des médicaments vétérinaires, y compris les préparations extemporanées et les aliments médicamenteux, des produits antiparasitaires à usage agricole et assimilés, des matières fertilisantes et supports de culture, ainsi que des conditionnements et matériaux destinés à se trouver en contact avec les produits susmentionnés. »
Je vais maintenant lire, ou relire, le texte que M. Charles Descours vient d'énoncer pour montrer, à travers le rapprochement des deux, qu'il y a une corrélation, à la virgule près, entre les attributions que nous voulons voir confiées à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments et les missions qu'à travers le décret le pouvoir réglementaire a dévolues au CNEVA.
« Le centre a pour mission d'apporter le soutien scientifique et technique nécessaire à l'élaboration, l'application, l'évaluation des mesures prises par le ministre chargé de l'agriculture ou d'autres ministres intéressés dans les domaines de la santé animale, du bien-être des animaux et de leurs conséquences sur l'hygiène publique, ainsi que de la sécurité de l'alimentation humaine liée à la consommation des denrées d'origine animale. »
Je termine là mon argumentation, mes chers collègues, car je suis sûr que le rapprochement de ces deux textes vous a montré que l'intégration comme une composante importante, mais pas exclusive, du CNEVA n'a absolument rien d'un coup d'Etat ou d'un hold-up, pour reprendre une expression quelque peu excessive employée par certains des intervenants.
J'ajoute, enfin, que si, pour des raisons que vous n'avez pas nettement clarifiées, vous souhaitiez maintenir à l'écart de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments ces deux structures dont nous reconnaissons la valeur, alors il faudrait expliquer autrement que par la défense de tel ou tel intérêt, si légitime soit-il, une disposition qui échapperait fondamentalement à la logique que, au nom de la commission des affaires sociales, j'ai défendue depuis le début de cet après-midi.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Après une première épreuve à main levée, déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement. - Marques d'étonnement et protestations sur certaines travées de l'Union centriste et du Rassemblement pour la République.)
M. Jean Chérioux. On ne conteste pas la présidence !
M. le président. Je confirme le décompte.

Article 2 (suite)