M. le président. « Art. 4. _ I. _ Les ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, à l'exclusion de ceux affectés à la distribution publique, sont réputés constituer la propriété d'Electricité de France depuis que la concession de ce réseau lui a été accordée.
« II. _ Pour l'application des dispositions du I, au 1er janvier 1997, la contre-valeur des biens en nature mis en concession du réseau d'alimentation générale figurant au passif du bilan d'Electricité de France est inscrite, nette des écarts de réévaluation correspondants, au poste « dotations en capital. »
Par amendement n° 11, M. Lambert, au nom de la commission, propose :
I. - Dans le paragraphe I de cet article, de supprimer les mots : « , à l'exclusion de ceux affectés à la distribution publique, » ;
II. - De compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - A compter du 1er janvier 1997, tout ouvrage du réseau d'alimentation générale en énergie électrique amené à être reclassé pour relever ensuite du régime de la distribution publique sera remis gratuitement par Electricité de France à l'autorité concédante concernée. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Cet amendement d'ordre rédactionnel concerne une disposition qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale.
Il tend à préciser de façon formelle que les collectivités territoriales demeurent propriétaires des ouvrages du réseau de distribution de l'électricité.
Tel qu'il était rédigé, l'amendement de l'Assemblée nationale laissait accroire que les ouvrages du réseau de distribution pouvaient être inclus dans le réseau d'alimentation générale, le RAG, alors que chaque type d'ouvrage est en réalité repertorié de manière exclusive.
Mais si la frontière entre les ouvrages du RAG et les ouvrages du réseau de distribution est étanche, elle n'est pas définitive. Il peut arriver, du fait notamment de l'urbanisation ou de l'intercommunalisation, que des ouvrages du RAG soient reclassés à l'avenir dans le réseau de distribution publique. Cet amendement pose donc le principe d'un transfert à titre gratuit au bénéfice des collectivités locales.
Je profite de cet amendement pour rappeler les dispositions de l'article 16 de la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz du 8 avril 1946 : le capital d'EDF « appartient à la nation » et « il est inaliénable ». « En cas de pertes d'exploitation, il doit être reconstitué sur les résultats des exercices ultérieurs. » Ainsi, le transfert de la propriété des ouvrages du RAG de l'Etat à EDF n'aliène en rien la nation, puisqu'elle demeure le propriétaire in fine de ces biens par la voie de l'Etat qui est l'unique actionnaire d'EDF.
Par ailleurs, notre collègue M. Yann Gaillard, qui pourrait opportunément éclairer le Sénat de ses connaissances sur le sujet, aurait souhaité obtenir des précisions sur le futur statut des lignes à haute tension qui sont en même temps des lignes de distribution, ce qui doit être parfois le cas à Paris.
De plus, la commission des finances, à l'unanimité, sur la demande de nos collègues MM. Yann Gaillard et Michel Moreigne, a souhaité que soit établi de manière contradictoire un état des lieux des lignes EDF avant l'entrée en vigueur de l'article que nous allons voter.
En effet, il nous a semblé que des erreurs de classement ont pu être commises et qu'il convenait donc, à cette occasion, de les réparer. Le président de la commission et plusieurs collègues ont également souhaité que soit lancé un débat de fond sur les pylônes et lignes à haute tension qui ne sont pas soumis au même régime fiscal que la basse et moyenne tension.
Sur ces trois points, c'est-à-dire le statut des lignes à haute tension de distribution, l'état de la répartition des lignes entre transport et distribution ainsi que le régime fiscal des pylônes à haute tension, la commission souhaite obtenir des renseignements très précis du Gouvernement.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement étant dû à la qualité du travail parlementaire en général, le Gouvernement ne peut qu'y être favorable.
Cet amendement lève toute ambiguïté qui aurait pu exister sur la frontière entre le réseau d'alimentation générale et la distribution publique. Il précise bien que s'il y a « respiration », comme on dit, c'est-à-dire changement de frontière au sein du réseau de transport d'électricité, il n'en résultera aucun coût pour les collectivités locales. Tout cela est extrêmement positif, car c'est cartésien.
J'en viens aux pylônes à haute tension. Ceux qui supportent des lignes de tension supérieure à 200 kilovolts sont aujourd'hui imposés forfaitairement à titre de compensation du préjudice esthétique et fonctionnel qu'ils occasionnent. Ceux qui sont en dessous de 200 kilovolts bénéficient d'un régime différent.
Vous avez parlé d'une sorte d'inventaire. Il est clair que celui-ci devra être dressé. Cependant, il n'est pas question de le faire avant l'adoption de ce projet de loi.
En résumé, le Gouvernement est, bien entendu, favorable à cet enrichissement parlementaire du texte qu'il a proposé.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. M. le rapporteur a exprimé très clairement notre inquiétude. Je comprends bien que ce recensement ne puisse pas être fait avant le vote de la loi. Toutefois, il devra être réalisé avant que les écritures comptables soient passées, notamment toutes celles qui ont trait à l'inscription de la contre-valeur du RAG au poste « dotations en capital » du bilan d'EDF, sinon il y aura des inexactitudes. Il s'agit tout de même d'une opération assez urgente.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 4.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'expérience politique me conduit à dire qu'un problème de forme cache souvent un problème de fond. S'agissant de l'article 4 du projet de loi, j'ai le sentiment que l'on nous demande de nous prononcer sur une question de fond. Les propos qui ont été tenus ne nous rassure absolument pas sur les conséquences de cet article.
Depuis que nous avons pris connaissance de ce projet de loi, nous avons cherché à connaître la finalité de cette volonté de restructuration du bilan d'EDF. Ce matin, j'ai formulé de nombreuses remarques au cours de mon intervention dans la discussion générale.
Dans un souci de clarté, je crois utile de poser cette question, surtout lorsque dans le numéro de septembre de « La vie électrique » - revue que nous recevons tous - on apprend que cette opération « donnera une grande crédibilité à EDF auprès des places financières » et lui donnera des atouts « pour faire face, dans les meilleures conditions, à l'élargissement de la concurrence ».
Cette volonté de « donner à EDF une structure de bilan comparable à celle de ses concurrents, notamment européens », comme l'a souligné le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Henri Emmanuelli, et le rapporteur de la commission des finances du Sénat, M. Lambert, est-elle à mettre en rapport avec la déréglementation dans le secteur de l'énergie que tente d'imposer le Conseil européen de l'énergie en s'appuyant sur le traité de Maastricht qui, dans son article 129 B, je vous le rappelle, pose le principe de la constitution de réseaux transeuropéens en matière de transport, de télécommunications et d'énergie, et cela dans le cadre « d'un système de marchés ouverts et concurrentiels ».
Si cet article 4, qui aura pour conséquence un démembrement du domaine public de l'Etat, s'intègre dans cette perspective, il est fort à craindre que l'on ne s'achemine, à brève échéance, vers une ouverture du capital d'Electricité de France et une filialisation accélérée de ses activités. A terme, c'est la séparation entre l'activité de gestionnaire de réseau et celle de production d'énergie, secteur ouvert à la concurrence, comme nous y invite d'ailleurs la directive européenne adoptée lors de la réunion du Conseil européen de l'énergie en 1996.
Le groupe communiste républicain et citoyen est opposé à une telle perspective pour Electricité de France. Aussi, nous combattrons toutes les tentatives de démantèlement. Telle est la raison pour laquelle notre groupe votera contre cet article.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, je tiens à vous rassurer : cette mesure, loin de handicaper Electricité de France, me paraît positive.
Electricité de France est l'une des plus grandes, sinon la plus grande compagnie européenne d'électricité. Personne ne conteste son monopole en France.
M. Christian Poncelet, président de la commission. En France, personne, mais au niveau européen, si !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le monopole du transport d'électricité est acquis au niveau européen !
Il s'agit désormais de permettre à Electricité de France de développer ses activités à l'extérieur du territoire français. C'est par une politique d'exportation tant du savoir-faire de ses ingénieurs, de ses techniciens, que d'électricité que l'on pourra non seulement conforter mais aussi développer l'emploi à Electricité de France.
Il n'y a donc pas de rapport entre cette mesure de transparence comptable qui vous est proposée et un quelconque projet de porter atteinte à la qualité et à la croissance d'une entreprise à laquelle tous les Français sont attachés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté).

Article additionnel après l'article 4