M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Elle porte sur les trente-cinq heures dans la fonction publique.
Monsieur le ministre, vous n'étiez apparemment pas convié à la cérémonie du 10 octobre, et vos troupes non plus. Vous n'étiez donc pas concerné, du moins le pensions-nous, par l'annonce surprise de la soirée relative aux trente-cinq heures. Cependant, quatre jours plus tard, lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, vous avez annoncé aux syndicats de fonctionnaires, qui vous présentaient des demandes reconventionnelles, le lancement d'une mission sur les temps de travail dans la fonction publique.
Certes, il ne sera pas facile d'approcher la vérité dans le maquis des procédures pratiques plus ou moins occultes et des tolérances plus ou moins lâches. Fonctionnaire d'origine, et connaissant le dévouement de la grande majorité des agents de l'Etat et des collectivités locales, je n'aurai pas le mauvais esprit de dire comme tel ou tel : trente-cinq heures, ce serait déjà un progrès par rapport à leurs temps de travail effectif ! (Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que les durées de travail sont des plus variées, d'un ministère à l'autre, voire à l'intérieur d'un même ministère d'un corps à l'autre, et je ne pense pas seulement aux enseignants.
D'où ma première question : pouvez-vous nous promettre que, si un abaissement de la durée du travail est consenti aux moins favorisés, ceux qui jouissent déjà de temps réduit ne pourront pas, sous prétexte de conserver leur avantage différentiel, obtenir de nouvelles « avancées », pour reprendre la phraséologie syndicale ?
Dans le secteur privé, on peut se flatter, à la rigueur, de l'espoir - certains diront de l'illusion - qu'une part de la réduction de la durée du travail pourra être autofinancée ; il n'en va pas de même dans le secteur public, au sens large et encore moins dans la fonction publique d'Etat ou territoriale. Ici, le seul financeur, c'est le contribuable !
D'où ma seconde question : pouvez-vous nous promettre, monsieur le ministre, que d'éventuels abaissements de la durée du travail ne seront pas le prétexte à des augmentations d'effectifs, ces effectifs que le gouvernement précédent avait commencé courageusement à réduire, et dont de bons esprits dans la fonction publique elle-même, même si vous récusez leurs travaux, reconnaissent qu'ils sont les plus lourds d'Europe ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, nous sommes au moins d'accord sur un point : le temps de travail dans la fonction publique ne peut être abordée par la transposition pure et simple du régime applicable au secteur privé. En effet, les trois facteurs d'ajustement qui lui sont propres, la négociation salariale, diversifiée, ramifiée par entreprise, les gains de productivité et les aides de l'Etat ne peuvent être appliqués de la même manière à la fonction publique. Certes, des gains de productivité peuvent améliorer le service public, mais ils ne génèrent pas de recettes supplémentaires ; l'Etat ne peut pas s'entraider en se versant à lui-même des subventions ; enfin, la structure indiciaire des rémunérations limite, bien sûr, la diversification des rémunérations des fonctionnaires, cela sur un fond, que vous avez évoqué et que je reprends, sans la nuance péjorative que vous y avez apportée, d'un foisonnement de situations.
Nous savons bien que les trois quarts des fonctionnaires de l'Etat, les professeurs, les militaires, les policiers ne travaillent pas selon un régime de cinq fois x heures par semaine. Tous les responsables de collectivités locales qui siègent au Sénat savent bien que leurs collectivités connaissent des situations très diverses. C'est dire que, si la question du temps de travail doit être abordée dans la fonction publique, elle ne saurait l'être sans qu'au préalable un état complet des lieux ait été effectué.
C'est ce que le Gouvernement, dans son approche pragmatique, se propose de faire. C'est ce que j'ai dit aux organisations syndicales que je vais recevoir dans les prochains jours afin de renouer un dialogue social dont, le moins que l'on puisse dire, est que le précédent gouvernement n'avait pas fait sa priorité. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Vous avez évoqué in fine un certain rapport d'un inspecteur des finances. Je répéterai devant le Sénat ce que j'ai dit hier à l'Assemblée nationale : ce rapport n'engage que son auteur, et le Gouvernement ne fait pas siennes les interrogations qui y sont contenues et qui sont fondées, au demeurant, sur des comparaisons très contestables.
Le précédent gouvernement s'était peut-être lancé dans une politique de réduction systématique des effectifs de la fonction publique, présentée comme un fardeau pour la nation. Le gouvernement actuel, par la voix du Premier ministre, a déclaré que cette politique, recherchée comme une fin en elle-même, n'était pas la sienne. Cette orientation s'est traduite, dès le projet de budget pour 1998, par une stabilisation des effectifs, voire par une légère augmentation de ces derniers.
Je tenais à le dire ici : la fonction publique n'est pas un fardeau pour la nation ; elle est au coeur du pacte républicain ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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