M. le président. Avant que nous n'abordions la dernière question, je tiens à vous remercier, monsieur le Premier ministre, d'être resté parmi nous jusqu'à la fin de cette séance de questions d'actualité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Ces dernières années, ce n'était effectivement pas habituel !
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Monsieur le président, mesdames, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le 1er janvier 2000, la durée légale du travail sera abaissée, ainsi que votre gouvernement l'a souhaité, à 35 heures par semaine, dans le but de créer des emplois. (M. Mélenchon applaudit.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Louis Boyer. Or, chaque année, dans le secteur hospitalier public, les postes créés ainsi que certains postes existants ne sont pas pourvus et restent désespérément vacants.
A cela, il y a deux raisons. D'une part, il est de plus en plus difficile de trouver du personnel qualifié. D'autre part, le caractère global du budget engendre un effet pervers : les postes sont budgétés en fonction des besoins mais ne sont pas pourvus ; l'argent disponible est, par conséquent, utilisé à d'autres fins.
Ma question est donc double, monsieur le secrétaire d'Etat.
Quel est le nombre de postes budgétés mais vacants à ce jour dans le secteur hospitalier public ?
A quel rythme et dans quelles conditions pensez-vous porter remède à ces déficits, qui vont automatiquement être aggravés par le passage aux 35 heures. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui contenait elle-même certains éléments de réponse.
Il est bien évident que, dans la fonction hospitalière, coexistent des métiers bien distincts : ceux qui relèvent de l'activité médicale proprement dite, ceux qui ressortissent à l'activité paramédicale et diverses autres catégories professionnelles. Il faut donc examiner les diverses situations avec circonspection et, lorsque vous dites qu'un certain nombre de postes sont vacants, il convient d'établir les distinctions qui s'imposent.
Au cours des dernières années, des efforts ont été accomplis, qui nous ont coûté fort cher - 23 milliards de francs - pour améliorer les conditions de travail à l'hôpital, et cela pour toutes les catégories. Cet effort n'a pas été fait au détriment de l'emploi puisque de 1988 à 1995, nous sommes passés de 642 794 agents - il y a beaucoup de monde qui travaille à l'hôpital ! - à 676 965. Autrement dit, il n'y a pas eu de suppression nette de postes, au contraire.
Pourtant, dans un certain nombre de métiers très précis on constate des vacances de postes.
S'agissant des personnels paramédicaux, essentiellement les infirmières, les écoles forment suffisamment de personnes pour qu'il n'y ait pratiquement jamais d'attente lorsqu'un poste est offert.
Il n'en va pas de même pour les personnels médicaux, notamment dans certaines spécialités. Nous avons déjà évoqué ce problème, monsieur le sénateur, au sein de la commission des affaires sociales, et vous savez que les causes de cette situation sont multiples.
D'abord, les médecins hospitaliers bénéficient généralement de revenus moindres par rapport à leurs collègues du privé.
Ensuite, la situation des filières des études médicales est telle, depuis l'adoption en 1984 d'un internat qualifiant, que certaines spécialités manquent à l'hôpital public, alors qu'elles y sont absolument nécessaires. Cette situation est particulièrement aiguë dans les hôpitaux dits de proximité, qui soignent 70 % de la pathologie des hommes et des femmes de ce pays. Or les spécialistes ne prennent pas les postes offerts dans ces hôpitaux-là.
C'est ainsi que 5% des postes médicaux restent inoccupés.
Que faire ?
Mme Aubry et moi-même avons placé sous la direction de M. Guy Nicolas, vice-président du Haut Conseil de la santé publique, quatre groupes chargés d'étudier la situation des quatre disciplines où apparaissent les manques les plus criants : anesthésie, radiologie, psychiatrie et obstrétrique. Je ne sais malheureusement pas quelles modalités pourront être imaginées, car les solutions ne sont pas évidentes.
En tous cas, la question des filières devra être examinée afin que nous ne voyions plus des postes inoccupés dans des spécialités pour lesquelles il existe manifestement des besoins dans notre pays. Pour cela, et nous nous y employons avec M. Allègre, il faudra revoir très profondément les études médicales, en particulier cet internat qualifiant qui fait que la France est, avec l'Espagne, le seul pays d'Europe à connaître un double système de sélection, système qu'il ne me paraît pas envisageable de maintenir.
S'agissant enfin des 35 heures, le ministre de la fonction publique vous a déjà répondu. Il conviendra d'examiner avec les organisations syndicales de quelle manière nous pouvons aborder cette question à partir de l'état des lieux.
Je vous rappelle toutefois que, dans les hôpitaux, les 35 heures ont déjà été appliquées pour le travail de nuit. Sans vouloir en tirer des conclusions trop rapides au niveau national, je souligne tout de même que cela a permis la multiplication des postes : 5 300 postes ont ainsi été créés pour le travail de nuit. Ce chiffre mérite d'être médité, me semble-t-il, au moment où, parfois, on critique un peu légèrement la position du Gouvernement en la matière. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)