M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 33, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal, après les mots : "l'image", sont insérés les mots : "ou la représentation" et, après les mots : "cette image", sont insérés les mots : "ou cette représentation". »
« II. - Dans le deuxième alinéa du même article, après le mot : "image", sont insérés les mots : "ou représentation". »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. About.
L'amendement n° 80 vise à insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux premiers alinéas de l'article 227-23 du code pénal sont ainsi rédigés :
« Le fait d'utiliser un mineur, avec ou sans contrainte, dans le but de fixer, d'enregistrer ou de diffuser son image ou sa représentation, lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ou tend, par, présentation, à inciter des personnes à commettre les délits prévus aux articles 227-25 à 227-27, est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende.
« Le fait d'aider directement ou indirectement à l'utilisation d'un mineur dans le but visé au premier alinéa, ou de diffuser une telle image, par quelque moyen que ce soit, est puni des mêmes peines. »
L'amendement n° 81 tend à insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de détenir l'image d'un mineur de quinze ans présentant un caractère pornographique, quel qu'en soit le support, est puni des mêmes peines. »
Par amendement n° 99, MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Foy, Habert, Maman et Moinard proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur, lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ou tend, par sa présentation, à inciter des personnes à commettre les délits prévus aux articles 227-25 à 227-27, est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende. »
Par amendement n° 103, MM. Pagès, Derian, Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal, les mots : "d'un an" sont remplacés par les mots : "de trois ans".
« II. - Dans le troisième alinéa du même article, les mots : "trois ans" sont remplacés par les mots : "cinq ans". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 33.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à réprimer la diffusion de représentations de mineurs à caractère pornographique. Nous visons, notamment - et c'est important - les images virtuelles, en complétant l'article 227-23 du code pénal.
Je rappelle que, à l'article 9, l'Assemblée nationale a déjà prévu, à titre de circonstance aggravante, la sanction de la diffusion d'une représentation pornographique du mineur lorsqu'elle est opérée par l'intermédiaire d'un réseau de télécommunications.
Il convient donc d'ajouter l'incrimination de la diffusion d'une représentation pornographique de mineur d'une manière générale, et non dans cette seule circonstance aggravante.
M. le président. La parole est à M. About, pour présenter les amendements n°s 80 et 81.
M. Nicolas About. L'amendement n° 80 modifie la rédaction de l'article 227-23 du code pénal, relatif au délit de diffusion d'images pornographiques mettant en scène des mineurs, afin de faire porter la faute sur l'utilisation même de l'enfant à des fins pornographiques et non pas sur le seul acte de diffusion de l'image.
Il s'agit de préciser que le délit réside d'abord dans le traumatisme causé à l'enfant, puis dans l'exploitation, éventuellement commerciale, qui est faite de son image.
Cette disposition a pour objectif de faire porter la faute non seulement sur celui ou ceux qui ont réalisé les images, mais aussi sur celui ou ceux qui ont participé indirectement à sa réalisation par le transport de l'enfant, la mise à dispostion d'un local, la location de matériel, etc.
Par ailleurs, cet amendement vise à étendre le délit de diffusion d'images pornographiques aux images virtuelles et à celles qui, sans être pornographiques, tendent, par leur présentation, à inciter des personnes à commettre le délit d'atteinte sexuelle sur un mineur sans violence.
L'amendement n° 81 a la même inspiration. En effet, le code pénal réprime la réalisation d'images pornographiques mettant en scène des mineurs, lorsqu'elles ont vocation à être diffusées ou publiées. Or, bien souvent, les pédophiles commettent leurs forfaits dans des cercles restreints, voire pour leur « consommation » privée. Les images ne sont pas diffusées, elles demeurent sous le manteau, mais les mineurs qui ont servi à assouvir les fantasmes des pédophiles sont traumatisés à vie.
Cet amendement vise donc à instituer une sanction pénale pour les personnes qui se rendraient coupables du délit de détention, à titre privé, d'images à caractère pédophile, sans avoir nécessairement l'intention de les diffuser.
Je sais que Mme le ministre nous a déjà dit que, par exemple, dans l'affaire « Toro Bravo », cet élément avait été pris en compte. Mais je rappelle que les sanctions ont alors été extrêmement légères : de simples peines assorties du sursis pour avoir traumatisé des enfants à vie et, de plus, des peines amnistiables ! Voilà les seules rigueurs de la loi à l'égard de deux qui maltraitent nos enfants ?
Je pense qu'il faut, dans ce domaine aussi, donner un signal très fort et affirmer que l'utilisation des enfants pour fabriquer des images à caractère pédophile doit être sévèrement condamnée, même si c'est à titre privé.
M. le président. La parole est à M. Habert, pour défendre l'amendement n° 99.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement ressemble beaucoup à l'amendement n° 33 de la commission, qui vient de nous être présenté. Cependant, il en diffère sur un point important, car il vise le cas où la représentation d'actes pornographiques incite les personnes à commettre des délits prévus par la loi.
Notre société est une société d'images et il existe un lien évident entre, d'une part, le développement des moyens de communication et l'essor des nouvelles techniques comme Internet, le Minitel ou la télématique et, d'autre part, l'augmentation du nombre d'infractions sexuelles.
C'est pour lutter contre cette tendance que cet amendement, qui renforce celui de la commission, a été déposé par M. Darniche est cosigné par un grand nombre de sénateurs, toutes tendances confondues.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 103.
Mme Nicole Borvo. Lors de la séance du 22 mai 1991, alors que vous examiniez ici même - je n'étais pas encore sénateur - le livre II du code pénal, Robert Pagès avait défendu, au nom de notre groupe, un amendement qui, amélioré au fil des navettes, devait devenir l'article 227-23 du nouveau code pénal.
Il déclarait alors - c'était en 1991 : « Nous souhaitons donner aux magistrats les moyens légaux de lutter contre les très puissants et influents réseaux pédophiles.
« Ces réseaux se structurent et se développent à partir du trafic de revues et de vidéo-cassettes mettant en scène des mineurs, filles et garçons. »
Nous proposions, à l'époque, que, au-delà de l'image pornographique elle-même, toute utilisation d'image d'un mineur de nature à porter atteinte à sa dignité ou à l'intimité de sa vie privée, ou incitative à la débauche ou à la pornographie soit sanctionnée.
Aujourd'hui encore, hélas ! il apparaît nécessaire d'élargir les incriminations à des revues ou films aux connotations dites « artistiques » qui ne trompent personne.
Le Gouvernement pourrait, selon nous, poursuivre la réflexion sur cette question.
L'article 227-33 vise, je le rappelle, le fait de diffuser, fixer, enregistrer ou transmettre l'image d'un mineur, lorsque cette image présente un caractère pornographique. En tout état de cause, nous estimons nécessaire de renforcer la sanction en établissant une peine de trois ans d'emprisonnement, au lieu d'un an actuellement, pour les mineurs de plus de quinze ans et de cinq ans d'emprisonnement, au lieu de trois ans actuellement, pour les mineurs de moins de quinze ans.
Il serait, selon nous, paradoxal qu'il résulte de ce projet, qui prévoit un renforcement justifié de la lutte contre la délinquance sexuelle à l'égard des mineurs, que des individus qui sont à la source de réseaux de cassettes pédophiles soient épargnés par le renforcement des sanctions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 80, 81, 99 et 103 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 80 est très intéressant dans la mesure où l'idée qui le sous-tend est également à l'origine d'autres amendements.
Il a un double objet. D'abord, il tend à sanctionner la diffusion de l'image virtuelle d'un mineur lorsque cette image a un caractère pornographique. Je me plais à souligner que cet objet est satisfait par l'amendement de la commission.
Ensuite, il vise à réprimer la diffusion d'images qui, sans être pornographiques, tendent à inciter des personnes à commettre des atteintes sexuelles. Cela mérite qu'on s'y arrête quelques instants.
Je rappelle que, lors de la discussion sur le code pénal, nous avons eu un débat très intéressant à la fois en commission et en séance publique sur la notion d'instigateur. Cette notion, pour des raisons que je ne vais pas reprendre, a été écartée, son application devant se limiter à certains cas précis - elle figure, d'ailleurs, dans la loi sur la presse.
Voilà pourquoi la commission, bien qu'elle accepte une partie de l'amendement, a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 81 vise le fait de détenir l'image d'un mineur de quinze ans présentant un caractère pornographique, quel que soit le support. Sur ce point, il faut veiller à appliquer le code pénal à la fois dans ce qu'il a de répressif et dans ce qu'il peut avoir de protecteur pour les libertés.
En l'espèce, il suffit d'appliquer la législation sur le recel. Le recel, c'est le fait de détenir une chose en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit. Il faut éviter les situations où des gens pourraient se trouver détenteurs d'une chose sans le savoir ou par le fait d'un chantage, par exemple. Par ailleurs, la difficulté de la preuve est telle que l'amendement présente un certain danger.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 99, je reprendrai l'argument que j'ai évoqué précédemment, qui se fonde sur la notion d'instigation, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit avec l'incitation des personnes à commettre des actes répréhensibles. J'indique d'ailleurs, pour rassurer ceux qui ont déposé ces amendements, que, si l'on est en présence d'une incitation prouvée, la théorie de la complicité doit s'appliquer. La commission a donc émis un avis défavorable.
En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 103, qui prévoit une aggravation de la peine. Je remarque d'ailleurs que cela va dans le sens de l'avis qu'avait donné la commission lors de la discussion du code pénal, l'Assemblée nationale ayant estimé, à l'époque, que la commission était allée trop loin dans la répression. Il semble que les choses changent très rapidement ! Je crois même me souvenir que c'est à l'unanimité que la commission à émis un avis favorable sur l'amendement n° 103.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste a voté contre.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Dont acte !
Il n'en demeure pas moins que l'avis de la commisison est favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 33, 80, 81, 99 et 103 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur l'amendement n° 33, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il n'est pas favorable à l'amendement n° 80 parce que la modification proposée de l'article 227-23 du code pénal ne lui paraît pas nécessaire. En effet, les faits visés par la nouvelle rédaction proposée tombent déjà sous le coup de la loi. Les faits consistant en une aide, prévus par le second alinéa, sont déjà réprimés au titre de la complicité et la notion d'image virtuelle, visée par le premier alinéa, où il est question de la représentation de l'image d'un mineur, est déjà couverte par l'amendement de la commission des lois. Enfin, le fait d'utiliser un mineur pour réaliser des images pornographiques constitue déjà un délit aux termes de l'article 227-22 du code pénal.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 81 parce que la précision proposée lui paraît inutile. Les textes réprimant le recel s'appliquent, comme je l'ai indiqué, hier, dans la discussion générale.
S'agissant de l'amendement n° 99, j'admets que l'on puisse incriminer la diffusion d'images virtuelles, mais incriminer la diffusion d'une image de nature à inciter des personnes à commettre des infractions serait contrevenir au principe de précision qui doit caractériser la loi pénale. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Enfin, sur l'amendement n° 103, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. A ce stade du débat, je tiens à préciser que l'adoption de l'amendement n° 33 rendrait sans objet les amendements n°s 80 et 99 mais non pas les amendements n°s 81 et 103.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Nous approuvons tout à fait cet amendement, pour lequel le Gouvernement s'en est d'ailleurs remis à la sagesse du Sénat.
En conséquence, nous retirons l'amendement n° 99, qui tendait à introduire la notion d'incitation, contre laquelle M. le rapporteur s'est prononcé en donnant des explications tout à fait claires et sur laquelle Mme le ministre a exprimé des réserves que nous comprenons parfaitement.
Nous nous rallions donc à l'amendement n° 33 de la commission des lois, que nous allons maintenant voter.
M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12, et l'amendement n° 80 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 81, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je crois me rappeler qu'en commission je n'ai pas pris part au vote ; en tout cas, je ne l'ai pas voté. J'aurais volontiers voté contre s'il n'y avait, dans ce texte, d'autres aggravations que nous avons adoptées sans nous en rendre compte.
Au début de cette séance, M. le rapporteur nous a expliqué qu'on venait de voter le code pénal et qu'il ne fallait pas encore y toucher. Ce à quoi j'ai répondu - vous vous en souvenez - que ce langage aurait plus d'autorité s'il ne nous en proposait lui-même des modifications à tout bout de champ.
L'amendement n° 103 a le mérite d'annoncer la couleur. C'est pourquoi je n'ai pas voté contre ; mais je n'ai pas voté pour non plus, car, si l'on peut toujours aggraver, j'aimerais que l'on justifie la demande d'aggravation.
Si l'on faisait valoir que la peine maximale est de trois ans et que les tribunaux condamnent tous les jours à trois ans, ou même qu'il s'est trouvé un seul tribunal, une fois, pour condamner à trois ans, on pourrait en tirer la conclusion que le maximum prévu n'est pas assez élevé et qu'il faut donc l'augmenter encore. Mais si, au contraire, il ressort de la jurisprudence que l'on est habituellement très en dessous du maximum, ce n'est pas la peine d'aggraver.
Or, en l'espèce, comme dans les autres cas d'ailleurs, on n'invoque pas l'état de la jurisprudence et on ne nous démontre donc pas qu'il convient d'aggraver la peine.
Bien évidemment, nous sommes contre ce délit, et nous pourrions donc dire qu'il faut augmenter la peine ! Un autre texte prévoit que, lorsque l'infraction est commise en bande organisée, il faut doubler la peine pour la porter de dix ans à vingt ans. Mais, là encore, a-t-on jamais vu le maximum atteint ? Je n'en sais rien, mais je ne le crois pas.
Nous pourrions donc dire - j'y reviens - que ce n'est pas assez et sous-amender cet amendement en demandant que l'on inscrive dix ans ! Pourquoi pas ? Qui dit mieux ?
M. Guy Allouche. Quinze !
M. le président. Vous connaissez trop le règlement, monsieur Dreyfus-Schmidt, pour ne pas savoir qu'il est très difficile de sous-amender un chiffre !
Veuillez poursuivre, je vous prie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce que je voulais dire, c'est que nous devons nous méfier des aggravations que l'on nous propose, simplement parce que nous sommes contre le fait dénoncé.
Bien sûr, nous sommes unanimes à nous élever contre tel ou tel délit, tel ou tel crime, que ce soit en matière sexuelle ou en tout autre domaine d'ailleurs. Nous sommes par définition contre les crimes, contre les délits, contre les contraventions ; mais ce n'est pas une raison pour que, chaque fois que l'on nous propose une aggravation, sans savoir ni comment ni pourquoi, nous l'acceptions.
A titre personnel, je ne voterai pas l'amendement n° 103.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je ne voterai pas l'amendement n° 103 alors que je serais tenté d'aggraver ces peines-là. Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas touché au fond.
Quand vous m'avez dit tout à l'heure, monsieur le président, que mon amendement n° 80 n'avait plus d'objet du fait de l'adoption de l'amendement n° 33, ce n'était pas exact. En effet, ce que je visais dans l'amendement n° 80, ce n'était pas forcément la fabrication d'images pornographiques dans le but de les diffuser. Or, toute l'astuce consiste à dire que ne seront pénalisables que ceux qui réalisent ce type d'images en vue de leur diffusion.
Telle était la différence majeure entre l'amendement n° 33 et l'amendement n° 80 ; celui qui utilise un enfant pour des images pornographiques, même si ce n'est pas à but de diffusion, doit être puni. C'est donc abusivement qu'il a été déclaré que l'amendement n° 80 n'avait plus d'objet.
S'agissant de l'amendement n° 103, il ne vise qu'à aggraver les peines applicables à ceux qui réalisent des photos pornographiques en vue de leur diffusion. On parle de photos ; je préfère parler de l'enfant et j'aimerais que l'on aggrave les peines frappant tous ceux qui cherchent à faire des photos à caractère pornographique avec des enfants, même si ce n'est pas pour les diffuser !
M. le président. Je ne peux pas vous laisser dire que c'est « abusivement » que l'amendement n° 80 a été déclaré n'avoir plus d'objet.
M. Nicolas About. Par erreur !
M. le président. Absolument pas ! Je suis navré d'être obligé de vous faire un cours de règlement : relisez la rédaction de l'amendement n° 33 et celle de l'amendement n° 80 ! A partir du moment où le Sénat décide d'adopter telle rédaction de tel alinéa du code pénal, vous ne pouvez plus, dans le vote suivant, réécrire le même alinéa. C'est bien pour cela que, avant de le mettre aux voix, j'ai attiré l'attention du Sénat sur les conséquences de l'adoption de l'amendement n° 33.
M. Nicolas About. Je retire ce que j'ai dit.
M. le président. Je vous en remercie.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
Par amendement n° 82, M. About propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 227-23 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« ... - Le fait d'inciter, soit par des discours, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image, soit par tout moyen de communication audiovisuelle, à la violence, au crime ou à toute pratique sexuelle commise sur des mineurs de quinze ans est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende. »
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Si le code pénal réprime sévèrement toute incitation de mineurs à la débauche, il ne comporte aucune sanction pour réprimer les incitations aux actes pédophiles. Or, s'il est criminel d'abuser sexuellement des mineurs, il est tout autant criminel d'inciter autrui à le faire.
La législation française condamne à un an d'emprisonnement et à 300 000 francs d'amende l'appel à la discrimination, à la violence ou à la haine raciale. S'inspirant de telles sanctions, cet amendement vise donc à instituer une sanction pénale tendant à réprimer toute incitation orale, écrite ou visuelle à commettre des crimes sexuels sur mineurs.
Madame le garde des sceaux, lors de la discussion générale, vous rappeliez l'existence du délit de provocation à l'agression sexuelle prévu à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1981. Mais, pour que cette provocation donne lieu à une sanction pénale, il faut qu'il y ait une relation directe entre la provocation et les crimes visés par le code pénal.
Dans le cas de messages à caractère pédophile, il est bien souvent impossible de prouver une telle relation. Pourtant, il suffit de se promener sur Internet pour constater l'inquiétante progression de ce type de messages criminogènes. L'intérêt d'assimiler l'incitation pédophile à la provocation raciale est de réprimer tous les messages, quel que soit leur support, qui feraient l'apologie des pratiques sexuelles commises avec des mineurs, sans qu'il y ait nécessairement provocation directe aux crimes sexuels.
J'ajoute que le délit dont vous parlez réprime la provocation aux agressions sexuelles en général, et non aux agressions commises sur des mineurs en particulier. Or l'incitation aux actes pédophiles constitue, à mon sens, une faute aggravée, puisqu'elle vise des personnes que l'âge rend plus vulnérables, à savoir les enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission, bien entendu, partage le sentiment de M. About : l'incitation est condamnable. Je vous renvoie toutefois à ce que j'ai dit tout à l'heure évoquant le grand débat qui a eu lieu voilà quatre ans sur la notion d'instigation.
M. Nicolas About. Il s'agissait de l'incitation à la haine raciale !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Quand la preuve des faits, tels que vous les avez définis, est établie,...
M. Nicolas About. Regardez Internet !
M. Charles Jolibois, rapporteur. ... le délit de complicité s'applique.
En outre, aux termes de l'article 23 de la loi de 1881 sur la presse, sont considérés comme complices ceux qui incitent directement à commettre un crime ou un délit, à condition que la provocation ait été suivie des faits, voire d'une tentative de crime.
M. Nicolas About. A condition...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Ainsi, un certain nombre de situations sont déjà couvertes et il me paraît difficile d'aller plus loin en retenant la notion d'incitation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Les faits visés par l'amendement n° 82 sont déjà réprimés par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881.
J'ai toutefois bien compris que le problème posé par M. About concerne la précision et le lien entre l'incitation et l'acte. Nous nous situons là dans une perspective plus vaste, celle de l'adaptation de notre législation compte tenu de l'apparition de nouvelles technologies, parmi lesquelles Internet.
Sachez d'ailleurs que j'ai annoncé hier, dans la communication que j'ai faite au conseil des ministres, l'intention du Gouvernement de revoir l'ensemble de la législation précisément en raison de l'existence de ces nouvelles technologies. Il me paraît préférable d'examiner dans un projet de loi sur Internet quels sont les progrès à accomplir dans notre législation pour tenir compte des faits que vous dénoncez, dont je considère naturellement, comme vous-même, qu'ils sont extrêmement graves et auxquels nous devons tenter de mettre un terme.
Vous avez évoqué, monsieur About, dans votre amendement n° 80 la fixation d'images pornographiques de mineurs à des fins purement privées. Cette pratique tombe sous le coup de l'article 227-22 du code pénal qui réprime l'incitation à la corruption de mineurs.
En conclusion, le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 82.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 82.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je conçois qu'un texte sur les techniques modernes de communication soit en préparation. Il est clair cependant que les criminels n'ont jamais craint une répression pénale et tentent depuis longtemps d'utiliser largement les techniques existantes, et je ne pense pas seulement à Internet.
Je persiste à dire que l'article 24 de la loi du 9 juillet 1881 ne protège pas du tout ceux dont je parle. Comme l'ont indiqué à nouveau M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux, il faut aujourd'hui que la relation directe soit établie. Or, elle ne peut pas l'être puisque, par nature, il s'agit d'une incitation généralisée, impossible à rattacher à un crime commis.
Il y a là, comme dans le domaine de l'incitation à la haine raciale, un problème à caractère général qu'il nous faut dénoncer, sans quoi cela voudrait dire qu'on est mieux protégé quand on appartient à telle ou telle catégorie d'hommes que lorsqu'on est un enfant. Il faut protéger l'enfant contre les adultes de la même manière qu'il faut protéger les gens contre les abus dans le domaine de la haine raciale.
M. Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis gênée par le libellé : « Le fait d'inciter, soit par des discours, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images, etc., à la violence, au crime ou à toute pratique sexuelle commise sur des mineurs de quinze ans. »
Si je comprends l'objectif poursuivi et si je souscris à la présentation orale que vous faites, mon cher collègue, je suis très réservée et inquiète sur le libellé du texte.
Pour prendre un exemple simple, voulez-vous que l'on retire actuellement des librairies Lolita de Nabokov ? C'est ce à quoi l'on aboutira si on prend votre amendement à la lettre !
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Dans ce domaine évoqué par Mme Dusseau, que M. About prenne garde à la liste des grandes oeuvres littéraires qui tomberaient aisément sous le coup de la loi. Je pense en particulier...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Blé en herbe !
M. Robert Badinter. ... certes, ou à quelques oeuvres d'André Gide que je ne crois pas qu'on veuille retirer des librairies.
M. Nicolas About. Ou à un certain nombre de peintures, mais il appartiendra d'apprécier !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Nicolas About. J'aurai essayé ! Maintenant, les gosses se débrouilleront !


Article 13