M. le président. « Art. 18 A. - Dans la deuxième phrase de l'article 2-2 du code de procédure pénale, après les mots : "si celle-ci est mineure" sont insérés les mots : "et n'est pas en état de le donner". »
Par amendement n° 77, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'article 18 A, qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, modifie l'article 2-2 du code de procédure pénale, relatif à la constitution de partie civile des associations de lutte contre les violences sexuelles familiales, afin de permettre à ces associations d'agir en justice avec l'accord de la victime mineure, si elle est en état de donner son consentement.
Actuellement, si la victime est mineure, ce consentement doit être celui de la personne titulaire de l'autorité parentale ou de son représentant légal.
Cette modification paraît toutefois injustifiée, car elle remet en cause les fondements mêmes du droit civil des mineurs, qui sont juridiquement « incapables », cette incapacité ayant été édictée dans leur propre intérêt, afin d'assurer leur protection. Cette incapacité concerne tous les actes juridiques pour lesquels ils doivent être représentés par leur représentant légal.
En outre, si cette modification était adoptée, il en résulterait que des mineurs pourraient faire l'objet de pressions de la part de certaines associations, désireuses d'obtenir leur accord pour intervenir dans une procédure déjà ouverte, ou même pour déclencher des poursuites, alors que cette intervention ou cette action ne serait pas nécessairement dans l'intérêt du mineur. On peut, par exemple, songer à un contentieux familial de divorce dans lequel l'un des époux se sert de l'enfant contre l'autre.
Par ailleurs, d'importantes difficultés juridiques pourront naître s'il est contesté que le mineur était ou non « en état » de donner son consentement.
La situation est totalement différente de celle qui est visée par l'article 19 du projet, qui prévoit, dans le nouvel article 706-53 du code de procédure pénale, l'accord du mineur pour que son audition fasse l'objet d'un enregistrement audiovisuel, car il ne s'agit pas là d'un problème de capacité juridique pour agir en justice.
Dans le cas de l'article 2-2 du code de procédure pénale, seule une personne juridiquement capable peut autoriser une association à se constituer partie civile par dérogation à l'article 2 du même code, qui exige un préjudice direct et personnel.
Si l'infraction a été commise par les parents du mineur, ou si ces derniers sont en conflit d'intérêts avec leur enfant, ou s'ils se désintéressent de lui, un administrateur ad hoc sera désigné par la justice : c'est à lui qu'il appartiendra de donner ce consentement.
C'est pourquoi le Gouvernement propose de supprimer l'article 18 A.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission émet un avis favorable dans la mesure où l'article 18 A permet aux associations d'agir en justice pour violences sur mineur sans l'accord du représentant légal.
Si ce texte était maintenu, il poserait de graves problèmes pratiques. Comme l'a très justement rappelé Mme le garde des sceaux, des situations particulièrement complexes peuvent se présenter. C'est pourquoi il vaut mieux exiger l'accord du représentant légal.
De plus, si l'infraction a été commise par les parents, ceux-ci sont automatiquement dessaisis au profit d'un administrateur ad hoc . Il n'y a donc plus de risque de conflit d'intérêts.
Dès lors, la suppression de l'article 18 A apparaît tout à fait souhaitable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?....
Je mets aux voix l'amendement n° 77, accepté par la commission.

(l'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 A est supprimé.


Article 18