M. le président. « Art. 18. _ I. _ A l'article 2-3 du code de procédure pénale, il est ajouté, après les mots : "de défendre ou d'assister l'enfance martyrisée", les mots : "ou les mineurs victimes d'atteintes sexuelles".
« II. _ Il est inséré, après l'article 2-15 du code de procédure pénale, un article 2-16 ainsi rédigé :
« Art. 2-16 . _ Les associations familiales telles que définies par l'article 1er du code de la famille et de l'aide sociale régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer, devant toutes les juridictions, les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant atteinte à la dignité de la personne ou mettant en péril les mineurs.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, celui du titulaire de l'exercice de l'autorité parentale ou du représentant légal lorsque ceux-ci ne sont pas impliqués dans les faits incriminés. Cette condition n'est pas applicable lorsque la ou les victimes ne sont pas désignées. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 35, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose :
« I. - De supprimer le paragraphe II de cet article.
« II. - En conséquence, au début de cet article, de supprimer la référence : "I. -". »
Par amendement n° 88 rectifié, MM. Gournac et Gélard proposent de rédiger comme suit le texte présenté par le paragraphe II de l'article 18 pour l'article 2-16 à insérer dans le code de procédure pénale :
« Art. 2-16. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts d'assister et de défendre l'enfant victime de toutes formes de mise en péril, de violences physiques, morales, sexuelles, peut exercer les droits reconnus à la partie civile lorsqu'une personne, mineure au moment des faits, est ou a été l'objet d'atteintes ou de tentatives d'atteintes à la personne humaine, telles que visées au titre II du livre deuxième du nouveau code pénal. »
Par amendement n° 92, Mme Dusseau propose de compléter, in fine , cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 2-16 du code de procédure pénale, un article ainsi rédigé :
« Art... - Les associations de défense des droits de l'homme régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer, devant toutes les juridictions, les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant atteinte à la dignité de la personne humaine lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif, militaire, professionnel ou associatif. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la disposition relative au droit, pour les associations familiales, de se constituer partie civile pour des faits portant atteinte à la dignité de la personne.
Bien sûr, la commission n'ignore rien du rôle extrêmement important que jouent les associations familiales, auxquelles elle rend hommage. Cependant, nous avons, dans ce texte, reconnu le droit de constitution de partie civile pour les associations spécialisées. Il ne faudrait pas que, dans de telles affaires, on assiste à une multiplication des parties civiles et aux débordements qui pourraient en découler.
C'est la raison pour laquelle la commission propose la suppression du paragraphe II de l'article 18.
M. le président. La parole est à M. Gélard, pour défendre l'amendement n° 88 rectifié.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à permettre aux associations déclarées depuis au moins cinq ans de se constituer partie civile pour aider les victimes d'agressions sexuelles, en conformité avec l'article 2-2 du code de procédure pénale.
L'article 2-2 du code de procédure pénale a été modifié pour permettre aux associations déclarées depuis au moins cinq ans ayant pour objet statutaire « la lutte contre le proxénétisme » et la « défense des droits de la femme » de se constituer partie civile pour aider les victimes d'agressions sexuelles.
Dans le même temps, l'article 2-3 du code de procédure pénale a permis aux associations déclarées depuis au moins cinq ans ayant pour objet « de défendre ou d'assister l'enfance martyrisée » de se constituer partie civile pour des délits ou crimes limitativement énumérés.
Avec cet amendement, il s'agit d'en finir avec une pratique de certains magistrats tendant à rejeter les constitutions de partie civile d'associations répondant aux conditions de l'article 2-3 du code de procédure pénale au motif qu'elles devraient avoir recueilli l'accord de la victime prévu à l'article 2-2 dudit code. Cela revient à neutraliser l'esprit de la loi, qui était bien de distinguer selon l'objet de l'association.
Par ailleurs, il conviendrait d'élargir le champ d'application de l'article 2-3 du code de procédure pénale, afin de permettre de défendre l'enfant victime dès lors qu'il est atteint dans son intégrité physique ou morale et quelle que soit la forme de cette atteinte.
De ce point de vue, l'article 2-16 du code de procédure pénale, introduit par l'Assemblée nationale, ne semble pas offrir les avancées nécessaires. En effet, s'il prend en compte l'ensemble des faits portant atteinte à la dignité de la personne ou mettant en péril des mineurs, il prévoit que l'association doit demander l'autorisation de ce mineur pour se porter partie civile.
Cette condition paraît particulièrement restrictive : certaines atteintes portent sur de très jeunes enfants, voire sur des nourrissons. Les situations d'atteinte aux mineurs sont très difficilement ressenties par l'entourage de la victime, et il n'est pas certain que celui-ci ait toujours le courage de s'engager dans un procès.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 92.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement tend à donner le droit de constitution de partie civile aux associations de défense des droits de l'homme régulièrement déclarées, en ce qui concerne les faits portant atteinte à la dignité de la personne humaine, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif, militaire, professionnel ou associatif.
Il s'agit de combler une carence de la loi dans la mesure où, trop souvent, les intéressés eux-mêmes et leurs parents sont enclins, pour différentes raisons bien compréhensibles, à renoncer à porter plainte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 88 rectifié et 92 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a déjà exprimé son sentiment en présentant l'amendement n° 35 : elle souhaite supprimer la possibilité pour de trop nombreuses associations de se constituer partie civile.
Le rôle bienfaisant de ces associations n'est pas nié, mais leur vocation à apporter secours et conseil ne suffit pas à justifier qu'elles soient parties civiles.
N'oublions pas que le parquet est là et qu'il représente l'intérêt général.
Déjà, les associations spécialisées dans la défense des mineurs ont le droit d'intervenir ; déjà, et par essence, la justice est lourde et l'on se plaint souvent de sa lenteur. On ne se rend pas assez compte des incidences d'une ouverture trop large aux associations de la possibilité de se constituer parties civiles.
Puisque le Sénat a adopté l'amendement n° 77 du Gouvernement visant à la suppression de l'article additionnel 18 A qui permettait aux associations de se constituer partie civile, à l'évidence, il ne devrait pas être favorable à une nouvelle extension de leur rôle, les autorisant d'ailleurs à se constituer partie civile sans l'autorisation de la personne titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal.
Cela va encore plus loin, compte tenu de la présence, en vertu d'une disposition de ce nouveau texte, d'un tuteur ad hoc , présence d'ailleurs élargie par la commission, vous le verrez tout à l'heure, puisqu'il interviendrait dès l'enquête.
La commission est donc défavorable aux amendements n°s 88 rectifié et 92.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Nous sommes confrontés à une multiplication des interventions des associations de toute nature, et pas seulement dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui.
Nous sommes soucieux d'accélérer le cours de la justice et nous allons nous efforcer d'y parvenir.
Or, nous savons bien que chaque intervention d'une association provoque un ralentissement du débat très souvent inutile puisque l'on se contente de répéter très exactement les mêmes choses.
Je crois qu'il s'agit là d'un problème d'ensemble : c'est tellement vrai que, dans le cadre de l'office d'évaluation de la législation, nous avons confié à un membre de l'Assemblée nationale le soin d'examiner ce sujet dans sa globalité pour essayer d'y voir un peu plus clair.
Je suis sûr que nous allons découvrir que de nombreuses associations ont le droit d'intervenir dans les domaines les plus multiples sans autre résultat que de ralentir le cours du procès de faire parler d'elles - ce qui est peut-être l'un de leurs objectifs principaux - et de poser le problème des dommages et intérêts.
Il faut savoir ce que l'on veut : s'il s'agit de réformer le cours de la justice, gardons-nous de prendre des mesures qui ont pour objet d'en ralentir le fonctionnement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis également persuadée de la très grande importance du rôle joué par les associations. Elles ont prouvé leur utilité, notamment en nous aidant à élaborer ce projet de loi. Toutefois, j'invite à la prudence : en leur ouvrant la possibilité de se constituer parties civiles, on risque d'aboutir à leur foisonnement à l'audience, ce qui ralentirait le cours de la justice.
Je partage donc l'analyse de M. le rapporteur et, si je suis favorable à l'amendement n° 35, je suis défavorable aux amendements n°s 88 rectifié et 92.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, accepté par le Gouvernenemt.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 88 rectifié et 92 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, ainsi modifié.

(L'article 18 est adopté.)


Article additionnel après l'article 18

M. le président. Par amendement n° 1, M. Jean-Paul Hugot propose d'insérer, après l'article 18, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, les mots : "par dix années révolues" sont remplacés par les mots : "par trente années révolues".
« Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : "qu'après dix années révolues" sont remplacés par les mots : "qu'après trente années révolues". »
L'amendement est-il soutenu ?...


Article 18
bis