M. le président. Par amendement n° I-34 rectifié, MM. Marini et Adnot proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du 3 de l'article 38 du code général des impôts est complété par la phrase suivante :
« Toutefois, les entreprises dont l'activité consiste essentiellement à transformer directement des matières premières acquises sur les marchés internationaux ou des matières premières acquises sur le marché national et dont les prix sont étroitement liés aux variations des cours internationaux peuvent, sur option valable cinq ans, évaluer les stocks des matières premières sus-mentionnées acquis à compter du 1er janvier 1998 selon la méthode dite « dernier entré-premier sorti ».
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Nous restons sur le même sujet.
Pour ma part, je considère que l'amendement n° I-33 rectifié de la commission des finances, qui vient d'être adopté, est une solution a minima, un pis-aller, en quelque sorte, pour les entreprises qui ont été évoquées au cours de la précédente discussion.
J'ai sous les yeux - mais je vous ferai grâce de leur lecture - des lettres tout à fait éloquentes qui émanent de différents secteurs d'activités. Elles évoquent des distorsions de concurrence ; certaines indiquent par exemple qu'il ne reste plus pour l'entreprise qu'une solution, celle de réduire drastiquement les investissements, d'autres précisent qu'il est insupportable de distribuer un quart de ses capitaux propres... Nous verrons bien !
Vous disiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, que la prescription d'un rapport n'a pas sa place dans un projet de loi de finances. Si vous consultez les lois de finances des années passées, vous constaterez que nous avons voté, les uns et les autres, de très nombreux articles tendant à solliciter le dépôt, de la part du Gouvernement, de rapports sur des questions précises et concrètes, afin d'éclairer les débats à venir.
J'en viens à l'amendement n° I-34.
Je rappelle que les industries transformatrices de matières achetées sur les marchés internationaux sont exposées aux fluctuations permanentes des cours, ce qui affecte le coût du renouvellement des stocks.
La législation fiscale, en France comme ailleurs, doit tenir compte de ce phénomène, faute de quoi le prélèvement d'impôts sur les ressources de l'entreprise peut faire obstacle au renouvellement du stock, et donc à la poursuite de l'exploitation. De nombreux pays industrialisés ont ainsi estimé que la règle « dernier entré, premier sorti » permettait de résoudre la difficulté en question.
Cette méthode, prévue, je le rappelle, par la quatrième directive comptable européenne, n'a pas encore été incorporée dans la législation fiscale française, qui ne prévoit que des méthodes de valorisation des stocks correspondant soit au prix d'acquisition historique, « premier entré, premier sorti », soit au prix moyen pondéré.
Il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on devrait réfléchir à cette question et amorcer une évolution, pour des raisons de compétitivité internationale...
M. Roland du Luart. Et d'harmonisation !
M. Philippe Marini. ... et d'harmonisation, en effet, évolution qui semble aller dans le sens de l'Europe et de meilleures conditions de compétition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'auteur de l'amendement saura, après la réponse que le Gouvernement lui donnera, faire le choix qui s'impose, mais la question qu'il pose est capitale.
Il ne s'agit pas d'imiter ce qui se fait dans les autres pays. La France a son génie propre. Il est grand et il peut même se mesurer, puisque notre pays est la quatrième puissance industrielle du monde.
En fait, il s'agit de ne pas pénaliser nos entreprises avec des dispositions fiscales du siècle dernier ! Voilà pourquoi l'appel que lance Philippe Marini est extrêmement important. Agissons rapidement ! Soyons mobiles ! Adaptons-nous ! Soyons stratèges ! Choisissons un régime fiscal permettant à nos entreprises de rester les meilleures dans le monde.
L'appel lancé par Philippe Marini est apparu à la commission des finances suffisamment digne d'intérêt pour que le Gouvernement donne assez d'espérances à notre collègue afin de lui permettre de prendre la bonne décision sur son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Marini attire de nouveau l'attention du Gouvernement sur le secteur de la première transformation des matières premières acquises sur les marchés internationaux. Il propose de modifier le système de comptabilisation des stocks en passant au système « du dernier entré, premier sorti », qui effectivement supprime, si je puis dire, le risque de fluctuation des cours, et donc la provision correspondante.
Je lui ferai deux remarques sur ce point.
Tout d'abord, en proposant un tel système, il appelle à une transformation de l'article 12 du code de commerce qui n'admet que la méthode du coût moyen pondéré, ou celle du « premier entré, premier sorti ». La proposition que fait M. Marini est donc d'une grande ampleur.
Ensuite, comme sa proposition porte sur un secteur parfaitement respectable de l'activité, mais un secteur particulier, certaines entreprises auraient le système du « premier entré, premier sorti » ; d'autres auraient le système du « dernier entré, premier sorti » ; enfin, les entreprises exerçant une pluriactivité auraient les deux systèmes à la fois, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas d'une grande simplicité !
S'agissant du secteur de la première transformation des métaux, où de très grandes entreprises peuvent être concernées, je dirai à M. Marini que mes services étudient avec les professionnels la question de savoir si la provision pour hausse de prix que pourront désormais constituer les entreprises concernées correspond, dans sa forme actuelle, aux besoins du secteur de la première transformation ou s'il faut l'adapter.
Nous cultivons le même souci de ne pas handicaper les très grandes entreprises du secteur de la première transformation des métaux. Pour répondre au très important problème ponctuel que vous avez signalé, monsieur Marini, nous allons certainement trouver des solutions adaptées sans qu'il soit nécessaire de bouleverser complètement le système comptable qui est le nôtre - M. le rapporteur général a eu raison de le souligner - ni, surtout, d'aller chercher systématiquement des références à l'étranger !
Je demande donc au Sénat de rejeter l'amendement n° I-34 rectifié de M. Marini.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-34 rectifié.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu vos propos : il y a effectivement une étude de fond à mener. Je vais, dans un instant, retirer cet amendement, car il est vrai aussi que cette étude ne concerne pas un seul secteur. Elle doit donc être conduite de manière approfondie.
Je voudrais quand même préciser que les règles comptables n'ont pas de vertu en soi. Elles sont faites pour que les entreprises puissent développer leurs activités, établir la transparence de leurs comptes et rendre compte à tous leurs ayants droit.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un projet de loi sur la normalisation comptable, adopté deux fois par le Sénat, est toujours en souffrance, et que nous attendons son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ! Beaucoup de professionnels s'étonnent du délai qui est mis à clore un dispositif qui est pourtant essentiel pour la crédibilité des entreprises françaises.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-34 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-28 ter rectifié est-il soutenu ?...

Article 6 bis