M. le président. « Art. 17. _ I. _ Supprimé.
« II. _ Le I de l'article 125-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Après le premier alinéa, il est inséré neuf alinéas ainsi rédigés :
« Les produits attachés aux bons ou contrats d'une durée égale ou supérieure à six ans pour les bons ou contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et à huit ans pour les bons ou contrats souscrits à compter du 1er janvier 1990, acquis au 31 décembre 1997 ou constatés à cette même date pour les bons ou contrats en unités de compte visés au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, sont exonérés d'impôt sur le revenu quelle que soit la date des versements auxquels ces produits se rattachent. Il en est de même des produits de ces bons ou contrats afférents à des primes versées antérieurement au 26 septembre 1997, acquis ou constatés, à compter du 1er janvier 1998.
« Sont également exonérés d'impôt sur le revenu les produits des contrats mentionnés à l'alinéa précédent souscrits antérieurement au 26 septembre 1997, lorsque ces produits, acquis ou constatés à compter du 1er janvier 1998, sont afférents :
« _ aux primes versées sur les contrats à primes périodiques et n'excédant pas celles prévues initialement au contrat ;
« _ aux versements programmés effectués du 26 septembre 1997 au 31 décembre 1997 ; les versements programmés s'entendent de ceux effectués en exécution d'un engagement antérieur au 26 septembre 1997 prévoyant la périodicité et le montant du versement ;
« _ aux autres versements effectués du 26 septembre 1997 au 31 décembre 1997, sous réserve que le total de ces versements n'excède pas 200 000 F par souscripteur.
« Sont exonérés d'impôt sur le revenu les produits attachés aux bons ou contrats en unités de compte visés au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, d'une durée égale ou supérieure à huit ans et dont l'actif de référence est constitué de manière continue pour 50 % au moins de :
« a. Parts de fonds communs de placement à risques, de fonds communs de placement dans l'innovation, actions de sociétés de capital-risque ou de sociétés financières d'innovation ;
« b. Titres admis aux négociations sur le nouveau marché ;
« c. Actions émises par des sociétés qui sont, sans avoir exercé d'option pour un autre régime d'imposition, passibles de l'impôt sur les sociétés de plein droit ou sur option, qui exercent une activité autre que celles mentionnées au deuxième alinéa du 2° de l'article 44 sexies et dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ;
« 2° Il est ajouté un dernier alinéa ainsi rédigé :
« Il est opéré, pour l'ensemble des bons ou contrats d'une durée égale ou supérieure à six ans pour les bons ou contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et à huit ans pour les bons ou contrats souscrits à compter du 1er janvier 1990 détenus par un même contribuable, un abattement annuel, de 30 000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et de 60 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune, sur la somme des produits imposables. »
« II bis. _ Le deuxième alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts est supprimé.
« II ter. _ Le premier alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts est complété par un d ainsi rédigé :
« d. A 7,5 % lorsque cette durée a été égale ou supérieure à six ans pour les bons ou contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et à huit ans pour les contrats souscrits à compter du 1er janvier 1990. »
« III. _ Au pénultième alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts, les mots : "Ces durées s'entendent" sont remplacés par les mots : "La durée des contrats s'entend" ».
« IV. _ Au dernier alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts, le mot : « Toutefois, » est supprimé. Cet alinéa devient le onzième alinéa du I du même article.
« V. _ Au deuxième alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et au quatrième alinéa du I de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, après les mots : "abattements mentionnés" sont insérés les mots : "au II de l'article 125-0 A et" ».
« VI. _ Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'article 17 est consacré au traitement de l'épargne dans notre pays.
Notre préoccupation est de voir que nous nous engageons dans une logique qui est inverse de celle qu'il faudrait retenir, c'est-à-dire que nous finirons par mieux traiter l'épargne courte que l'épargne longue. Or nous sommes, je crois, sur toutes les travées, convaincus des vertus de l'épargne longue et de la nécessité de la soutenir.
Le dispositif qui nous est proposé à l'article 17 inverse la hiérarchie normale de la fiscalité de l'épargne. Il prive les épargnants d'un moyen efficace de se constituer un complément d'épargne en vue de leur retraite. Il fait courir un risque important pour le financement du déficit budgétaire ; c'est en tout cas notre crainte. Il peut pousser, je le dis par hypothèse, à la délocalisation de certains épargnants français, en particulier ceux qui sont les mieux conseillés. Il semble que des documents publicitaires de compagnies européennes fassent déjà l'éloge du secret bancaire dont les épargnants pourraient jouir en dehors de la France.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d'Etat, il nous arrive éventuellement de distribuer des mauvais points à d'autres gouvernements que le vôtre ; nous constatons que, pour la troisième année consécutive, le paysage fiscal de l'assurance-vie va se trouver à nouveau bouleversé si ce dispositif est adopté sans qu'il soit tenu compte du rôle majeur que cette assurance-vie joue dans le financement de l'économie.
Enfin, en raison de cette instabilité de la fiscalité, il est impossible pour les épargnants de fonder un calcul économique rationnel.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission des finances a souhaité vous rendre attentifs à cet article, qu'elle vous proposera de supprimer par voie d'amendement.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Cet article vise à mieux rééquilibrer le traitement fiscal qui s'applique aux produits de l'épargne, en l'occurrence l'assurance-vie, par rapport aux revenus du travail.
Nous approuvons cette mesure, et ce d'autant qu'elle ménage un abattement à la base permettant d'exonérer les petits épargnants. De surcroît, le nouveau taux de prélèvement libératoire est, somme toute, égal à la moitié de celui qui est en vigueur pour les produits dont la durée des contrats se situe entre quatre et huit ans. Par ailleurs, le Gouvernement a pris des mesures permettant d'assouplir les modalités d'entrée dans le dispositif.
Néanmoins, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur trois points.
Premièrement, en accord avec les organismes professionnels, vous avez obtenu que soit instituée une gestion séparée des contrats, de manière que soit bien dissociés les versements antérieurs au 1er janvier 1998 et ceux qui seront postérieurs à cette date.
Ne risque-t-on pas d'alourdir les coûts de gestion, que les sociétés d'assurances ne manqueraient pas de répercuter sur les souscripteurs !
Deuxièmement, ce nouveau dispositif de prélèvement encourage les contrats constitués en titres non cotés et, plus généralement, ceux que l'on peut considérer comme offrant un risque. On peut comprendre, économiquement parlant, les raisons d'un tel choix. Mais ne pensez-vous pas que c'est là encourager les investisseurs qui, au total, ont les moyens d'assumer un tel risque et courir le danger de mettre en porte à faux les petits épargnants qui préféreront opter pour une gestion plus sage de leurs capitaux ?
Troisièmement, vous introduisez - ce n'est pas nouveau - une distorsion de traitement au profit des contrats à prime périodique par rapport aux contrats programmés, alors que ces contrats périodiques, au demeurant peu nombreux, sont les plus mauvais : ils sont beaucoup moins transparents que les contrats programmés et induisent des frais de gestion plus importants. Ces nouveaux contrats, lorsqu'ils ont été souscrits antérieurement au 26 septembre, ne subiront pas, à l'avenir, de taxation. Nous n'en percevons pas bien la raison.
J'aimerais donc avoir quelques éclaircissements sur ces trois points, monsieur le secrétaire d'Etat.
Enfin - nous avons déposé un amendement dans ce sens - il nous semble nécessaire de revoir l'avantage extraordinaire dont bénéficie l'assurance-vie, je veux parler de l'exonération des droits de succession.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-19 est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-165 est déposé par M. Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° I-192 est présenté par MM. Badré, de Villepin et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous trois tendent à supprimer l'article 17.
Par amendement n° I-126, MM. Roujas, Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le cinquième alinéa du texte présenté par le 1° du II de l'article 17 pour être inséré après le premier alinéa du I de l'article 125-O A du code général des impôts par les mots suivants : « à la condition expresse qu'il soit justifié de l'encaissement effectif des sommes versées avant les dates ci-dessus. »
Par amendement n° I-108, M. Loridant propose de rédiger comme suit le paragraphe II bis de l'article 17 :
« II bis. - Le cinquième alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Ces produits sont exonérés lorsque la durée du contrat est égale ou supérieure à douze ans. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-19.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Compte tenu des explications que j'ai données sur l'article, il me semble inutile de reprendre la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-165.
M. Philippe Marini. Je trouve moi aussi que la proposition contenue dans le projet de loi de finances va dans le mauvais sens.
En premier lieu, elle est discriminatoire, et c'est l'épargne longue contractuelle qui est touchée alors qu'elle devrait être au contraire encouragée.
En deuxième lieu, je ne souscris pas aux objectifs visés car l'assurance-vie est un moyen de préparer la période de la retraite. Or, en nuisant au mécanisme de capitalisation on ne sert pas cet objectif.
En troisième lieu, elle est surprenante dans la mesure où l'on connaît le rôle de l'assurance-vie pour permettre à l'Etat de financer une partie de sa dette.
Pour l'ensemble de ces raisons, que je ne développerai pas davantage, j'ai présenté avec mes collègues du groupe du RPR un amendement visant à la suppression de l'article.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-192.
M. Denis Badré. Permettez-moi d'ajouter quelques arguments à ceux qu'ont présentés M. le rapporteur général et M. Marini.
Si l'on tient compte des prélèvements sociaux, avec l'article 17 du projet de loi de finances, on assisterait au quintuplement du montant des prélèvements sociaux qui pèsent sur les revenus de l'assurance-vie puisque leur taux, qui est inférieur à 4 %, passerait à 17,5 %. Nous avons là un exemple tout à fait frappant de ces coups de tabac qui secouent régulièrement notre fiscalité.
De telles remises en cause, il faut le savoir, découragent nos épargnants et les poussent à chercher d'autres solutions. Dans le meilleur des cas, ils se tournent vers des produits liquides. Il ne faut pas s'étonner que certains d'entre eux, malheureusement de plus en plus nombreux, recherchent également à l'étranger un port à l'abri des tempêtes.
M. Philippe Marini à l'instant et M. le rapporteur général dans l'après-midi, anticipant sur l'examen de cet article, ont relevé le fait qu'il visait très directement les retraités, qui se trouvent dans l'oeil du cyclone alors qu'ils sont déjà un peu étourdis par bien d'autres mesures. Je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne idée.
Permettez-moi enfin de revenir sur le fameux rééquilibrage entre la taxation des revenus de l'épargne d'une part, celle des revenus du travail, d'autre part, sujet sur lequel je suis déjà intervenu lors de la discussion générale.
Je reprends là un point qu'évoquait voilà quelques instants M. Régnault et sur lequel le commissaire Monti était intervenu largement devant les membres de la commission des finances, voilà un ou deux mois.
Tous les pays d'Europe sont engagés dans cette voie mais, malheureusement, alors que nos partenaires s'efforcent de progresser vers ce rééquilibrage en allégeant la fiscalité qui pèse sur les revenus du travail, vous - cela doit être encore une expression de l'exception française - vous choisissez d'alourdir la fiscalité qui pèse sur l'épargne. Nous aurons donc une fiscalité pesant sur les revenus du travail plus lourde et une fiscalité pesant sur les revenus de l'épargne plus lourde. Dans ces conditions, il nous faudra être très forts pour rester compétitifs ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° I-126.
M. Marc Massion. Cet amendement vise à éviter que certaines souscriptions de contrats ne soient antidatées pour échapper au nouveau régime fiscal prévu par l'article 17.
Les mesures prises sur l'assurance-vie les années précédentes ont donné lieu à quelques fraudes par le biais de versements antidatés. Sans vouloir jeter le discrédit sur une profession qui fait très bien et honnêtement son travail, il s'agit d'éviter simplement que certains agents de compagnies d'assurances ne cèdent à la tentation.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-108.
M. Paul Loridant. Je tiens d'abord à préciser que je présente cet amendement à titre personnel et qu'il n'engage nullement le groupe auquel j'appartiens.
Je voudrais attirer l'attention à la fois de M. le secrétaire d'Etat et de la majorité sénatoriale sur l'impasse dans laquelle ils semblent s'être engagés.
Nous abordons un dossier difficile qui est celui de l'épargne longue, élément essentiel pour assurer le financement de l'économie et, finalement, la croissance et l'emploi.
Je ne remets nullement en cause par cet amendement le fait que l'assurance-vie soit désormais soumise au RDS et à la CSG, j'allais dire à la fiscalité générale.
Dans cet article 17, le Gouvernement propose d'instaurer un prélèvement au taux de 7,5 % pour les contrats d'assurance-vie détenus depuis huit ans.
Le sujet est d'importance. Pour ma part, je propose à la commission, à la majorité sénatoriale et au Gouvernement une procédure qui se situe à mi-chemin.
En effet, nous savons que la plupart des contrats d'assurance-vie ont été souscrits dans les années quatre-vingt-dix. Les sorties prévisibles devraient intervenir dans les prochains mois, au cours de l'année 1998-1999. Les montants en jeu sont d'importance, puisqu'ils atteindraient, à ma connaissance, 100 milliards de francs.
Par cet amendement, je propose une nouvelle hiérarchie de la fiscalité des revenus de l'épargne, étant entendu que l'épargne populaire est exonérée de toute fiscalité, que les produits d'épargne classiques ne bénéficient d'aucune exonération et sont donc soumis à la fiscalité, que les produits d'épargne du PEP, le plan d'épargne populaire, ou du PEA, le plan d'épargne en actions, sont soumis à une fiscalité après cinq ou huit ans, que les contrats d'assurance-vie, c'est-à-dire l'épargne très longue, sont exonérés de toute fiscalité, en dehors du RDS et de la CSG, au-delà de douze ans.
Il y aurait donc une hiérarchie dans la fiscalité de l'épargne qui permet, me semble-t-il, à la fois aux pouvoirs publics et à l'économie d'être financés tout en donnant la possibilité à ceux qui pratiquent l'épargne longue de pouvoir être correctement rémunérés et d'assumer leurs risques.
Et je ne parle pas de l'impôt sur les successions, alors que, à titre personnel, je suis favorable à ce que les contrats d'assurance-vie soient soumis aux droits des successions dès lors qu'ils dépassent le seuil de l'impôt sur la fortune.
Dans les autres domaines, la non-fiscalité après douze ans devrait permettre aux sociétés d'assurance ou aux banques, ou, plus généralement, à l'ensemble du système financier, d'adosser les engagements pris sur un certain nombre de placements, soit en obligations, soit, plus sûrement, en actions, contribuant ainsi au financement de notre économie et, de ce fait, à sa meilleure stabilisation.
Je me permets d'attirer l'attention du Gouvernement sur les risques véritables que font peser la compétitivité et la concurrence avec un certain nombre de pays à l'intérieur même de l'Union économique et monétaire.
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Paul Loridant. Si nous ne prenons pas de mesures, nous courons le risque d'assister à une délocalisation de l'épargne à long terme dans d'autres pays, ce qui serait tout de même regrettable !
Enfin, il me semble qu'il est du rôle du Parlement de demander au Gouvernement de veiller au financement à long terme de l'économie sans pénaliser les épargnants.
Telles sont les raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, qui m'ont conduit à proposer cet amendement qui, je me résume, consiste à exonérer de toute fiscalité les contrats de longue durée, c'est-à-dire au-delà de douze ans, à l'exception, bien sûr, de la CSG et du RDS.
Il me semble qu'il y a là une voie qu'il faudrait favoriser et qui permettrait d'instituer une hiérarchie dans la fiscalité de l'épargne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-165, I-192, I-126 et I-108 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Bien entendu, la commission est favorable aux amendements n°s I-165 et I-192, qui sont identiques au sien.
S'agissant de l'amendement n° I-126, qui a été défendu tout à l'heure par notre ami Marc Massion, et qui montre bien que le dispositif du Gouvernement n'est pas parfait, je dois dire que la commission des finances aurait pu le prendre en considération si elle n'avait préféré supprimer l'article 17.
En ce qui concerne l'amendement n° I-108, avant de se prononcer, la commission des finances souhaiterait entendre le Gouvernement. Elle préfère, certes, son propre amendement, mais elle pense que les avertissements lancés par M. Loridant - qui n'est pas soupçonnable de partager les mêmes idées que votre serviteur - doivent être entendus.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-19, I-165, I-192, I-126 et I-108 ? M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je commencerai par dire qu'en matière d'assurance-vie il n'y a pas de tabou fiscal, puisque - vous devez vous en souvenir - en 1995, les avantages fiscaux dont bénéficiaient les versements effectués sur les contrats d'assurance-vie ont été supprimés.
En l'occurrence, le Gouvernement propose un dispositif qui touche les produits des contrats d'assurance-vie ; il ne touche pas aux droits de succession car cette question mérite d'être intégrée dans une réflexion plus large sur la fiscalité du patrimoine et la transmission des entreprises petites et moyennes.
Je crois très sincèrement que le dispositif proposé par le Gouvernement tend à rétablir l'équilibre entre la taxation des revenus du travail et celle des produits du capital. La taxation des revenus du travail, elle, va diminuer grâce au glissement des cotisations maladie vers la contribution sociale généralisée.
Le dispositif est modéré dans ses effets puisqu'il fixe un plafonnement d'exonération ; il institue un prélèvement libératoire de 7,5 %, soit la moitié du taux de droit commun, au terme de huit années et il fait un sort particulier aux contrats d'assurance-vie dont une fraction notable est investie en capital-risque. J'ajoute, pour rassurer M. Massion, que cela n'implique pas une prise de participation dans une entreprise nouvelle. Certains contrats d'assurance-vie seront assortis d'un avantge fiscal dont le but est de favoriser le capital-risque, ce qui je crois est une bonne idée.
Je pense donc très sincèrement que le dispositif du Gouvernement est prudent et équilibré. En conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de rejeter les amendements proposés par votre commission des finances, ainsi que par MM. Marini et Badré.
J'ajoute que le taux de 17,5 %, évoqué par M. Badré, n'est en rien excessif au regard de ce qui se pratique en Europe. Si nous avons ainsi un taux que je qualifierai de « normal », c'est précisément parce que nous avons retenu un taux de prélèvement libératoire égal à la moitié du taux de droit commun de 15 %.
Vous avez fait allusion, monsieur Badré, aux travaux d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne. Eh bien, je pense que, avec 17,5 %, la France ne sera pas éloignée de la moyenne.
Quant à M. Massion, il demande la preuve de l'encaissement. Cette précaution me paraît utile, et je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° I-126.
J'en viens enfin à l'amendement déposé à titre personnel par M. Loridant, qui propose que, au terme de douze ans de détention, les produits de ces contrats d'assurance-vie soient exonérés.
Je partage son souci de soutenir l'épargne longue dans notre pays, pour qu'elle s'investisse non seulement en obligations d'Etat mais aussi dans le développement économique de nos entreprises, confirmées ou naissantes.
De même, je partage sa préoccupation de ne pas voir se créer des risques trop importants d'évasion de l'épargne.
Eu égard à ces deux soucis, le Gouvernement a formulé des propositions qui me paraissent équilibrées. Il mène une concertation permanente avec les professionnels pour assurer le développement de l'épargne longue et prévenir les risques d'une certaine évasion de l'épargne.
La crise asiatique actuelle montre d'ailleurs que les paradis à épargne que l'on vantait voilà deux ans se révèlent peut-être moins rémunérateurs que prévu. Même après adoption des mesures proposées par le Gouvernement, là où l'immense majorité de l'épargne française trouvera la meilleure combinaison de sécurité et de rendement, c'est encore auprès de nos banques et compagnies d'assurance.
Voilà pourquoi, monsieur Loridant, tout en partageant vos préoccupations, je vous suggère de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission sur l'amendement n° I-108 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances voulait donner une chance supplémentaire au Gouvernement de ne pas commettre d'erreur. Puisque le Gouvernement n'entend pas le message de détresse que M. Loridant lui a envoyé, la commission en reste à son amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-19, I-165 et I-192.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ces amendements tendant à la suppression de l'article, il me paraît prudent de prendre maintenant la parole pour dire à M. le secrétaire d'Etat que sa réponse ne m'a évidemment pas donné satisfaction.
En tout cas, ainsi que je l'avais indiqué en commission, il eût été plus sage de suivre la voie que je suggérais plutôt que de se prononcer pour la suppression pure et simple de l'article.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous avez vu le résultat de votre démarche !
M. Paul Loridant. Certes, monsieur le rapporteur général !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je persiste à dire que le financement long de l'économie est un problème majeur ; d'ailleurs, vous en convenez avec moi.
Nous sommes en outre confrontés à de réels problèmes de concurrence à l'intérieur même de l'Union européenne et il existe d'authentiques risques de délocalisation de cette épargne longue.
J'imagine que ce dossier délicat appellera des échanges entre vous-même et les professionnels de la banque et de l'assurance. J'espère que la navette permettra de pousser plus loin la réflexion, car il y a indiscutablement là une voie qui mérite d'être explorée.
Il ne faudrait pas que, dans les semaines ou les mois à venir, à l'occasion du dénouement des contrats d'assurance qui ont été souscrits il y a huit ou dix ans, nous nous trouvions face à un système de vases communicants entre divers circuits d'épargne qui mettrait à mal le financement de notre économie.
Pour l'heure, je ne peux que prendre acte, à regret, de l'avis défavorable du Gouvernement sur l'amendement que j'ai déposé et constater que la majorité sénatoriale s'apprête à voter la suppression de l'article 17. Nous sommes donc dans une situation de guerre de tranchées, mais je ne doute pas un seul instant que, dans quelques mois, sur ce sujet si important, le mouvement reprendra ses droits.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le Gouvernement a pris conscience de l'importance d'une orientation de l'épargne d'assurance-vie vers les sociétés innovantes, en particulier vers tout ce qui concerne le capital-risque ; je tiens à lui en donner acte.
Au demeurant, d'autres articles du projet de loi de finances montrent bien que cela fait partie des préoccupation du jour ; ces préoccupations ont d'ailleurs été publiquement exprimées par M. Dominique Strauss-Kahn et concrétisées, notamment, par la remise en chantier des dispositions relatives aux stock options.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous donne rendez-vous dans un an, mon cher collègue : vous verrez que cela ne changera pas grand-chose au résultat !
M. Pierre Laffitte. J'espère que nous pourrons aller plus loin !
En ce qui me concerne, je suis très sensible aux propos tenus par M. Loridant. Ce problème de l'épargne longue en France mérite d'être traité avec d'infinies précautions.
Je me permets de faire observer que l'un de mes anciens élèves, qui fut pendant longtemps « sherpa » d'un ancien Président de la République - vous le connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat - a récemment, dans le journal Le Monde, attiré l'attention sur la fuite des capitaux et sur celle des cerveaux. Il a bien montré que nous devions, en France, être très attentifs à ce que cette partie la plus dynamique de notre population soit choyée plutôt que matraquée.
Aussi bien, une réflexion approfondie sur ce sujet me paraît nécessaire. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de suppression déposé par la commission. Peut-être la navette nous permettra-t-elle d'avancer dans cette réflexion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-19, I-165 et I-192, repoussés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé et les amendements n°s I-126 et I-108 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 17