SÉANCE DU 13 JANVIER 1998
M. le président.
La parole est à M. Marini, auteur de la question n° 44, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Philippe Marini.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur un sujet voisin de celui
qui a été opportunément soulevé, voilà un instant, par notre collègue M.
Charles Revet.
En effet, je souhaitais vous interroger sur certaines conditions particulières
que doivent remplir les personnes malvoyantes pour bénéficier soit de
l'allocation compensatrice pour tierce personne, soit de la prestation
spécifique dépendance.
J'ai été, au sein de la commission des affaires sociales du Sénat, l'un de
ceux qui, à l'époque, autour de M. le président Fourcade et de M. Jean
Chérioux, ont oeuvré pour que l'on mette en place une prestation spécifique
dépendance. Cependant, je ne prétends pas que ce texte résolve tous les
problèmes, et sans doute existe-t-il des situations de transition qu'il
faudrait mieux prendre en compte, afin que nos concitoyens s'y retrouvent dans
ce qui constitue, il faut bien en convenir, un maquis de textes et de
réglementations.
En ce qui concerne plus particulièrement les handicapés visuels, il me semble
important que vous précisiez, monsieur le secrétaire d'Etat, quel régime
spécifique peut leur être réservé, notamment si ces personnes étaient jusque-là
bénéficiaires, avant l'âge de soixante ans, de l'allocation compensatrice pour
tierce personne, l'ACTP.
En outre, il serait important pour les associations qui regroupent les
déficients visuels que vous puissiez nous dire quel est le régime applicable en
matière d'effectivité de l'aide ménagère ou, plus exactement, de contrôle de
l'effectivité de la rémunération versée à un tiers.
On me fait valoir, en effet, que, pour nombre de déficients visuels ou de
personnes ayant totalement perdu la vue, il est fréquent qu'une partie de la
somme versée au titre de l'ACTP soit consacrée à des petites aides de la vie
quotidienne, s'agissant de lecture, de déplacements ou d'autres prestations du
même type, qui peuvent nécessiter le recours, non pas à une seule personne,
mais à un certain nombre de services souvent assurés dans le cadre des
relations de voisinage ou des relations familiales.
C'est pourquoi les associations regroupant les personnes intéressées
souhaitent que l'administration fasse preuve d'une certaine souplesse dans le
contrôle de l'effectivité de l'allocation compensatrice pour tierce
personne.
Je serais donc heureux, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez
apporter, dans la situation législative et réglementaire complexe que nous
connaissons, les éléments d'information et les précisions qu'attendent ces
personnes, qui sont des accidentés de la vie lourdement touchés par le handicap
et qui ont assurément besoin d'être rassurées.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison
de rappeler dans quelles circonstances - il s'agit de la loi du 24 janvier 1997
- la prestation spécifique dépendance a été instituée. Vous avez eu raison de
rappeler qu'elle n'était pas parfaite car lorsque des décrets d'application
vous ont été soumis les corrections, sans doute nécessaires, n'ont pas été
apportées ; peut-être était-ce dans le feu de l'action et en raison de la
difficulté du débat législatif ?
Je sais les difficultés particulières que les personnes souffrant de
déficience visuelle ou de cécité rencontrent. Cependant, je ne suis pas certain
que le besoin d'aide d'une personne handicapée âgée puisse être déterminé en se
référant exclusivement au type de handicap qui l'affecte. Nous connaissons tous
des personnes atteintes de cécité tôt dans la vie dont la perte d'autonomie est
beaucoup moins importante que celle de personnes qui sont atteintes d'autres
types de handicap.
En revanche, les personnes qui sont atteintes de cécité après l'âge de
soixante ans éprouvent plus de difficultés à compenser ce handicap, en toute
hypothèse, de façon très partielle, par une certaine adaptation à
l'accomplissement des actes essentiels de l'existence, et leur besoin
d'assistance d'une tierce personne en est donc accru.
Tel est le sens, vous pourrez sans doute me le confirmer, monsieur le
sénateur, des dispositions qui ont été retenues pour la prestation spécifique
dépendance et que je voudrais rappeler.
La loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 instituant la PSD, la prestation spécifique
dépendance, distingue le cas des personnes ayant bénéficié de l'ACTP,
l'allocation compensatrice pour tierce personne, avant l'âge de soixante ans de
celui des personnes qui ont obtenu cette prestation après cet âge.
Les premières peuvent choisir lorsqu'elles atteignent cet âge, et à chaque
renouvellement de l'attribution de cette allocation, le maintien de celle-ci ou
le bénéfice de la prestation spécifique dépendance. Cela vaut notamment pour
les personnes atteintes de cécité, auxquelles l'ACTP est attribuée
systématiquement au taux maximal de 80 % de la majoration pour aide constante
d'une tierce personne, ainsi que cela est mentionné à l'article L. 355-1 du
code de la sécurité sociale. Les droits de ces personnes-là sont donc en tout
état de cause préservés.
Le régime juridique de la PSD ne s'applique obligatoirement et sans exclusive,
aux termes de la loi que vous avez votée, qu'aux secondes, c'est-à-dire aux
personnes âgées de plus de soixante ans n'ayant pas jusque-là bénéficié de
l'ACTP. Je reconnais que tout cela est d'une complexité pour le moins
rébarbative.
M. Charles Revet.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Le montant de la PSD attribuée - qui peut être
supérieur au montant maximal de l'ACTP - est déterminé principalement en
fonction du besoin d'aide de la personne, besoin évalué par une équipe
médico-sociale, compte tenu notamment de l'environnement de la personne et des
aides publiques ou à titre gracieux dont elle disposera, c'est-à-dire compte
tenu notamment de l'aide des bénévoles qui n'auront pas souhaité être salariés
au titre du plan d'aide. Aussi, la prestation accordée devrait théoriquement
être adaptée aux besoins d'aide réels de la personne.
Ainsi, le montant de la prestation accordée, qui tient compte du besoin de
surveillance et d'aide requis par l'état de dépendance de la personne,
permettra de financer les services qui sont liés à la spécificité de son
handicap tels qu'ils auront été définis par cette équipe médico-sociale pour le
plan d'aide.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la PSD peut servir à financer des
dépenses autres que les dépenses de personnel, pour 10 % au maximum du plafond
de cette prestation, soit, par exemple, 560 francs par mois dans un département
ayant fixé ce plafond au niveau de la MTP, la majoration pour tierce personne.
Ainsi peuvent être pris en charge les frais de téléphone ou de taxi que vous
évoquez. L'autre partie de la prestation doit être consacrée à la rémunération
de personnel. Mais la loi permet de rémunérer tous types de personnels et non
les seules aides ménagères, contrairement à ce que vous semblez indiquer dans
votre question. Je me permets d'insister sur le fait que la profession d'aide
ménagère inclut l'obligation de confidentialité et, d'une manière générale,
offre des garanties de professionnalisme qui paraissent indéniables.
Je vous rappellerai également que l'institution de la PSD vise, dans l'esprit
de ses promoteurs, à mettre fin à des pratiques, jugées trop fréquentes, de
thésaurisation de l'ACTP qui ne profitaient pas toujours à la personne la plus
concernée, c'est-à-dire l'allocataire.
Ce nouveau dispositif juridique qui est entré en vigueur au milieu de l'année
1997 fera l'objet, comme Mme Aubry l'a indiqué lors de l'installation du comité
national de la coordination gérontologique, le CNCG, d'une analyse très
approfondie de sa première année d'application. Au vu des dysfonctionnements
qui, selon moi, ne manqueront pas d'être relevés, le Gouvernement prendra par
voie réglementaire ou proposera au Parlement les modifications jugées
nécessaires.
J'ai d'ailleurs demandé aux départements, représentés au CNCG, de faire en
sorte que les anomalies qui seront constatées dans la fixation des montants de
la prestation spécifique dépendance en établissement par certains d'entre eux
soient corrigées d'ici au début du printemps.
Pardonnez-moi d'avoir été aussi long mais, en cette matière, nous avions
besoin de ces précisions, qui n'éclaircissent d'ailleurs pas complètement la
question.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces précisions. Si
l'éclaircissement n'est pas complet, néanmoins c'est un bon début ; c'est en
tout cas un exposé de méthode qui sera certainement utile pour les
concertations futures.
J'ai, en effet, compris que, au terme d'une année d'application de la loi sur
la PSD, vous alliez prendre l'initiative de rencontrer des acteurs de terrain,
les associations représentatives des différentes catégories d'utilisateurs tant
de l'ACTP, loi de 1975, que de la PSD, loi de 1997.
J'ai également cru comprendre que, à la suite de cet examen, vous alliez
tâcher d'identifier les aspects les plus délicats qui nécessiteraient des
évolutions réglementaires ou législatives. Cette clarification sera en tout
état de cause utile. Il me semble, en effet, que le Parlement, lorsqu'il a
souhaité l'instauration de la PSD, n'a pu régler du premier coup toutes les
difficultés susceptibles d'apparaître, en particulier dans les situations
transitoires existant entre le handicap et la vieillesse ou la grande
vieillesse : le handicap non lié à la vieillesse qui est aggravé par cette
dernière et le handicap qui n'apparaît que du fait du grand ou du très grand
âge.
Ce sont évidemment des sujets sociaux, thérapeutiques, voire moraux, qui sont
très délicats et extrêmement importants dans notre société.
J'attends donc avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, les résultats des
concertations auxquelles il sera procédé et les mesures nouvelles que vous
envisageriez de présenter dans l'esprit de ce que vous avez annoncé,
c'est-à-dire dans un esprit de clarification : d'un côté, le régime spécifique
du handicap, de l'autre, le régime d'aide à la personne nécessitée par l'état
de grande dépendance propre à la vieillesse ou à la grande vieillesse avec,
bien évidemment, des phases transitoires ou des situations qu'il faut gérer au
mieux et dans l'esprit le plus empirique.
AVENIR DE L'AGENCE FRANCE-PRESSE