M. le président. « Art. 8. - L'article 22-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 22-1. - L'enfant mineur, légitime, naturel, ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française devient Français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce.
« Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret de naturalisation ou dans la déclaration. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 10, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Dans l'article 22-1 du code civil, les mots : "ou naturel " sont remplacés par les mots : ", naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière". »
Par amendement n° 121, MM. Duffour, Pagès, Derian, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc,MM. Minetti, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergèsproposent :
« I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour l'article 22-1 du code civil, de supprimer les mots : "s'il a la même résidence habituelle que ce parent ".
« II. - Le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 8 pour l'article 22-1 du code civil est supprimé. »
Par amendement n° 64, M. Hyest propose, après les mots : « que ce parent » de supprimer la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour l'article 22-1 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Christian Bonnet, rapporteur. L'article 8 vise à étendre l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité française prévu par l'article 22-1 du code civil à l'enfant mineur ayant fait l'objet d'une adoption plénière dont l'un des parents acquiert la nationalité française à condition qu'il ait la même résidence habituelle que ce parent.
L'Assemblée nationale a ajouté à cet article un amendement qui tend à préciser que l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité bénéficie à l'enfant mineur qui, dit-elle, réside alternativement avec le parent qui acquiert la nationalité française dans le cas de séparation ou de divorce.
Cependant, M. le professeur Lagarde, devant la commission des lois, a estimé que la notion de garde alternée n'était pas reconnue dans le code civil et qu'il serait sans doute hasardeux de la consacrer au détour d'un texte sur la nationalité.
En revanche, la commission ne voit pas d'objection à étendre l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité aux enfants mineurs ayant fait l'objet d'une adoption plénière. Elle vous propose donc d'adopter un amendement tendant à ce seul objet.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 121.
M. Robert Pagès. L'article 8 du projet de loi est relatif à l'acquisition de la nationalité française par l'enfant mineur dont l'un des parents acquiert cette nationalité.
Avant 1993, c'était l'article 84 du code de la nationalité qui précisait clairement, sans condition ni restriction, que « l'enfant mineur de dix-huit ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des parents acquiert la nationalité française, devient Français de plein droit ».
En 1993, la droite a restreint cette acquisition de plein droit en y ajoutant deux conditions, à savoir, premièrement, « sous réserve que son nom soit mentionné dans le décret de naturalisation ou dans la déclaration de nationalité » et, deuxièmement, si l'enfant « a la même résidence habituelle que les parents ».
A l'époque, par la voix de M. Félix Leyzour, nous avions demandé la suppression de ces ajouts afin de maintenir en l'état l'article 84.
Avec la rédaction issue de la loi de 1993, nous sommes passés d'un système d'automaticité à un système soumis à conditions.
Ainsi, avant, il y avait présomption de nationalité française pour ces enfants mineurs et on est passé d'une simple présomption à une règle de fond qui conditionne la mise en oeuvre de l'effet collectif.
Que se passe-t-il en pratique ?
De nombreux parents, mal informés, oublient simplement de mentionner le nom de leur enfant dans les documents officiels.
Les conséquences sont graves pour les enfants, car du fait de cette ignorance ou de cette erreur, dans une même famille, des enfants deviennent français et d'autres non.
Le mineur resté étranger continue à être soumis à l'obligation de visa et de détention de « document de séjour » pour ses voyages à l'étranger, à la différence de ses frères et soeurs.
Cette situation n'est pas logique.
Je regrette que le présent projet de loi ne modifie pas en profondeur l'article 22-1 du code civil afin de revenir à la rédaction qui prévalait avant 1993, système qui avait bien fonctionné.
J'ajoute que l'avis rendu par la commission nationale consultative des droits de l'homme va dans ce sens puisqu'elle demande, dans sa proposition n° 3 « que la réserve prévue à l'article 22-1 soit supprimée ».
Nous proposons donc, par notre amendement, de nettoyer quelque peu la loi de 1993 afin de retenir que « l'enfant mineur, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit ».
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Jean-Jacques Hyest. En fait, bien que le texte du Gouvernement soit différent de la rédaction de 1993, il intègre pratiquement l'adoption plénière ; c'est ce que propose également la commission.
Ce qui m'avait inquiété, moi aussi, à la suite des observations du professeur Lagarde, c'est la notion de résidence alternative, et donc de garde alternative. Cette notion n'est pas retenue par le code civil. La section III du chapitre III du titre VI intitulée « Du divorce » dispose que le juge peut confier l'autorité parentale à un seul parent. D'ailleurs, la jurisprudence précise - c'est un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation - que le juge ne peut confier la garde des enfants communs alternativement au père et à la mère et ajoute - c'est une décision de la cour d'appel de Lyon de 1993 - qu'il ne peut non plus admettre la résidence alternée des enfants. Telles sont les raisons pour lesquelles il est préférable de renoncer dans le code civil à de telles innovations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 121 et 64 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 121, la commission a émis un avis nettement défavorable. En effet, il vise à supprimer la condition de résidence habituelle avec le parent, ce qui permettrait à des enfants nés à l'étranger et vivant à l'étranger d'acquérir la nationalité française en même temps que l'un de leurs parents vivant en France.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Quant à l'amendement n° 64, il est satisfait par l'amendement de la commission.
M. le président. Monsieur Hyest, l'amendement n° 64 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 64 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 10 et 121 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. D'abord, il est incontestable qu'il faut une assimilation entre adoption plénière et enfant légitime.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi assure cette assimilation. Toutefois, ce que propose la commission, sous couvert de cette assimilation, qui est donc déjà inscrite dans le texte, c'est en réalité de revenir au dispositif de la loi de 1993, ce que je ne peux accepter. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 10.
S'agissant de l'amendement n° 121, le Gouvernement n'y est pas favorable non plus. En effet, il vise à supprimer la condition de résidence habituelle, dès lors que l'on prévoit l'acquisition de la nationalité française par l'un des parents et que cette acquisition a un effet collectif sur les enfants mineurs. Il tend aussi à supprimer l'exigence de la mention du nom des enfants mineurs dans le décret de naturalisation ou dans la déclaration leur permettant de bénéficier de l'effet collectif.
Je ne suis, bien sûr, pas insensible aux préoccupations des auteurs de l'amendement, mais je crois que ces suppressions présenteraient plus d'inconvénients que d'avantages. C'est la raison pour laquelle je n'y suis pas favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé et l'amendement n° 121 n'a plus d'objet.

Article 9