SÉANCE DU 15 JANVIER 1998
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Lefebvre et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article unique, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 224-4 du code rural est ainsi rédigé :
« Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière
sélective, la chasse, la capture, la prise de certains oiseaux de passage en
quantité raisonnable, le ministre de la chasse, après avis des instances
nationales de la chasse et des représentants d'associations nationales de
chasseurs traditionnels de migrateurs, autorise, dans les conditions qu'il
détermine, l'utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages
traditionnels, dérogatoires, à ceux autorisés par l'alinéa précédent à
condition que la ou les dérogations ne nuisent pas à la survie de la population
et du cheptel concerné. »
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
L'amendement que nous proposons vise essentiellement deux objectifs.
Il s'agit, tout d'abord, de trouver un équilibre entre la préservation de la
pratique de la chasse traditionnelle, d'une part, et la nécessaire protection
des espèces d'oiseaux migrateurs, d'autre part.
Notre opinion est que le respect des usages coutumiers de la chasse ne
constitue en rien une menace pour la reproduction des espèces de migrateurs.
Au contraire, la chasse traditionnelle, dès lors qu'elle est rationnelle et
raisonnable, garantit la survie des populations de migrateurs. C'est donc aux
conditions de sa pérennité qu'il faut réfléchir et non à sa remise en cause. Le
rôle du législateur est de donner à la chasse traditionnelle les moyens
d'exister dans un cadre juridique clair, simple et transparent.
Ensuite, il convient d'associer les instances nationales de la chasse ainsi
que les associations de chasseurs aux décisions du ministre chargé de la
chasse. Les chasseurs doivent participer à l'élaboration des règles de chasse.
Il ne s'agit pas de leur dire, comme j'ai cru l'entendre dans les propos de Mme
la ministre : « Si vous êtes sages et gentils, tout ira mieux ».
Je le répète, une règle est d'autant mieux appliquée qu'elle est légitime,
comprise et acceptée de tous.
En adoptant nos propositions, nous contribuerons à responsabiliser les
chasseurs et à démocratiser le processus décisionnel.
J'ajouterai enfin que les prérogatives du ministre chargé de la chasse en
matière d'utilisation des techniques de chasse traditionnelle ne sont en aucune
façon remises en cause par cet amendement, qui répond, me semble-t-il, au
souhait que Mme la ministre, malgré toutes ses réserves, a exprimé tout à
l'heure dans son intervention.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne Heinis,
rapporteur. Cet amendement reprend une partie du dispositif de la
proposition de loi n° 135 déposée par nos collègues communistes et que la
commission n'a pas cru devoir adopter en décembre dernier, non pas pour des
raisons de principe, mais parce que nous estimions qu'il fallait la portée de
la présente proposition de loi à des objectifs extrêmement précis.
Je souscris tout à fait aux propos que notre collègue vient de tenir, comme à
ceux qu'a émis M. Jean-Louis Carrère.
Cela étant, la commission a estimé que le traitement de la chasse
traditionnelle, qu'il sera particulièrement important d'étudier ultérieurement,
relevait plus d'une loi générale sur la chasse, dont l'examen, je l'espère,
sera inscrit le plus rapidement possible à notre ordre du jour, que d'une loi
limitée à la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux
oiseaux migrateurs et au gibier d'eau. La commission des affaires économiques
s'était fixé pour but de franchir une étape et de permettre, par la
transposition de la directive, l'ouverture de négociations avec la Commission
européenne.
M. Roland du Luart.
Tout à fait !
Mme Anne Heinis,
rapporteur. Nos collègues ne doivent donc pas prendre ombrage du fait que
les problèmes qui les préoccupent à juste titre ne sont pas traités
aujourd'hui. Si nous ne procédions pas par étape, nous n'aurions que bien peu
de chances d'éviter les contentieux et de rouvrir avec la Commission européenne
les négociations que nous semblent nécessaires.
Je regrette beaucoup que nos collègues ne jugent pas opportun de voter le
texte que je défends ce soir. Quoi qu'il en soit, je serai présente lors de la
discussion du texte portant sur l'organisation de la chasse. A ce moment-là,
les problèmes qu'ils ont soulevés et qui revêtent une grande importance sur le
plan culturel pourront être traités.
La directive précisant d'ailleurs que l'on peut et même que l'on doit prendre
en compte l'aspect culturel de certaines pratiques de chasse, nous pourrons les
aborder alors de façon plus positive, et cela dans la concertation.
M. Philippe François.
Très bien !
Mme Anne Heinis,
rapporteur. J'en reviens à l'amendement n° 2, qui vise à conforter la
pratique des chasses traditionnelles en France.
Comme je l'ai expliqué, il ne semble pas que les modifications que ses auteurs
proposent constituent véritablement des améliorations, d'autant que le texte
issu de la loi du 30 décembre 1988 a permis, dans le domaine qui nous occupe
aujourd'hui, de préserver dans des conditions convenables certains modes de
chasse traditionnels tels que le gluau en Provence, la tenderie aux grives dans
les Ardennes ou encore la chasse au filet pour les tourterelles.
Il est intéressant de noter que, dans deux arrêts du 16 novembre 1992, le
Conseil d'Etat a jugé que cet article L. 224-4 du code rural ne méconnaissait
pas l'article 9 de la directive sur les oiseaux sauvages, qui, sous certaines
conditions, autorise les chasses traditionnelles.
Je signale en outre que les défenseurs des chasses traditionnelles sont
représentés au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage par
l'intermédiaire des présidents des fédérations de chasse des départements où se
pratiquent ces modes de chasse. Il n'y a donc pas lieu de prévoir dans un texte
législatif la représentation de telle association plutôt que de telle autre.
Si les fédérations estiment que leur représentation est insuffisante, elles
pourront saisir l'occasion de l'examen du futur texte sur la chasse pour
demander que cette question soit examinée en concertation avec elles ; elles
pourront peut-être alors faire des propositions.
Bref, il ne nous a pas semblé justifié de modifier la rédaction actuelle de
l'article L. 224-4 du code rural, et je serais particulièrement heureuse que
mes collègues acceptent de retirer leur amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comme je
l'ai indiqué précédemment, et bien que je sois critique et même hostile à son
principe, je dois dire que la conformité du texte de l'article L. 224-4 du code
rural, qui encadre l'exercice des chasses traditionnelles, avec les
dispositions de la directive « oiseaux » a été confirmée par la Cour de justice
des Communautés européennes.
Il me semble inopportun de modifier une rédaction consensuelle et de prendre
le risque de remettre en cause l'exercice de ces chasses, notamment en
substituant la notion de « quantité raisonnable » à celle de « petite quantité
», qu'on retrouve à la fois dans la loi et dans la directive.
Il ne me semble donc ni justifié ni souhaitable de réformer un dispositif qui
a fait l'objet d'une très large consultation au moment de son élaboration il y
a dix ans.
Monsieur Lefebvre, je vous suggère donc, moi aussi, de retirer l'amendement n°
2.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
De toute évidence, ce qu'a dit Mme le ministre est la logique même et j'espère
que notre collègue retirera son amendement.
En tout état de cause, la majorité de cette assemblée votera contre cet
amendement, comme nous le recommandent le commission et Mme le ministre, que
nous remercions d'avoir adopter cette position.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Lefebvre et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article unique, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 224-6 du code rural est ainsi rédigé :
«
Art. L. 224-6. - La mise en vente, l'achat, le transport ou le
colportage du gibier sédentaire pendant le temps où la chasse n'est pas permise
dans le département sont réglementés par l'autorité administrative. Il en sera
de même pendant le temps où la chasse y est permise. Sur tout le territoire
français, il est interdit en toutes saisons, en tout temps, de vendre,
d'acheter, d'importer ou d'exporter tout oiseau migrateur, vivant ou mort,
classé gibier. »
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
C'est encore dans le souci de moraliser la chasse que nous avons déposé cet
amendement.
Alors que, dans ma région, les chasseurs de canards sont menacés d'être
traînés en justice, des canards colverts sont régulièrement abattus en
Hollande.
De même, les tourterelles et les ortolans, qui sont protégés en Aquitaine,
sont abattus au Maroc ou au Sénégal.
Cependant, dans un élan de générosité et parce que je ne veux pas être accusé
d'être un « anti-salmis de palombe », j'ai décidé de retirer cet amendement.
M. Philippe François.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 3 est retiré.
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