M. le président. La parole est à M. Braye, auteur de la question n° 119, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Dominique Braye. Madame le ministre, le 10 avril 1997, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire réuni à Auch annonçait plusieurs mesures de délocalisation d'administrations ou d'établissements publics au profit de sites en reconversion industrielle et de sites d'intervention prioritaire de la politique de la ville.
Parmi ces sites, la ville de Mantes-la-Jolie était désignée pour accueillir le siège national de la SONACOTRA, établissement public industriel et commercial, actuellement situé à Paris.
Mantes-la-Jolie, ainsi que l'ensemble de l'agglomération mantaise, tout le monde le sait, est dans une situation économique et sociale extrêmement difficile, qui va en se dégradant malgré les efforts incessants des élus locaux, et renforcés depuis trois ans par ceux de l'Etat, de la région et du département des Yvelines dans le cadre de nombreuses actions, notamment un grand projet urbain. Nous devons d'ailleurs signer demain matin un contrat d'aménagement régional et un contrat de développement urbain avec M. Besson, secrétaire d'Etat au logement.
Mais force est de constater que, malgré leur ampleur, ces efforts convergents restent, hélas ! encore insuffisants.
En effet, 800 emplois industriels ont été supprimés dans l'agglomération mantaise ces deux dernières années et plusieurs entreprises importantes sont actuellement en grande difficulté, comme New Sulzer Diesel, à Mantes-la-Ville, qui perdra 230 emplois en 1998, menaçant 750 emplois indirects chez ses sous-traitants, ou comme le Pari mutuel urbain, qui perdra 60 emplois sans parler de l'abandon par France Télécom du réseau câblé de Mantes, le seul de notre pays dont la disparition est programmée sans la moindre concertation avec les élus locaux !
L'exercice budgétaire 1998 de la commune de Mantes-la-Jolie aurait été marqué par la perte annuelle de 9 millions de francs de ressources fiscales et de dotations si deux amendements, l'un proposé par M. Gilles Carrez sur le Fonds national de la taxe professionnelle, le FNTP, et l'autre par M. Didier Migaud, concernant le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, n'avaient pas été adoptés par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances pour 1998.
Ces dispositions budgétaires permettront de pallier en partie la baisse sensible des ressources fiscales de Mantes-la-Jolie, qui perdra quand même annuellement plus de 1 800 000 francs.
L'équilibre du budget de Mantes-la-Jolie, même s'il est partiellement préservé pour l'année 1998 grâce aux mesures parlementaires que j'évoquais précédemment, reste donc très menacé pour les années suivantes, en raison de perspectives économiques locales inquiétantes et en l'absence de nouvelles ressources fiscales pérennes.
Par ailleurs, la ville de Mantes-la-Jolie est confrontée à d'importants problèmes sociaux liés à la présence sur son territoire d'un très important quartier difficile, connu de tous, le Val-Fourré : classé en zone franche urbaine, celui-ci représente 25 000 habitants sur une population communale totale de 45 000 habitants et constitue la plus grande ZUP de France.
Pour toutes ces raisons, il était apparu indispensable de faire bénéficier Mantes-la-Jolie des retombées économiques positives de la politique de délocalisation, et donc d'y maintenir le transfert du siège de la SONACOTRA.
Cette délocalisation permettrait en effet l'arrivée dans la commune de près de deux cent cinquante emplois, sans compter les emplois induits, les conséquences positives pour le commerce local et, bien sûr, générerait une taxe professionnelle annuelle de l'ordre de 5 millions de francs, véritable ballon d'oxygène, indispensable à l'avenir de cette ville-centre.
Il convient de préciser que l'ensemble des maires des huit communes du district urbain de Mantes, que j'ai l'honneur de présider, quelle que soit leur appartenance politique, y compris Mme Peulvast-Bergeal, député-maire socialiste de Mantes-la-Ville, et leurs conseillers municipaux ont tous voté, à l'unanimité, une motion demandant que ce transfert du siège de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie soit maintenu.
Il a semblé indispensable à tous les élus locaux de rappeler ce que M. le Premier ministre a affirmé lui-même récemment, à savoir que les engagements pris par le précédent gouvernement doivent être honorés, en vertu du principe républicain de continuité.
J'ajouterai, madame le ministre, que la décision de délocaliser le siège de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie s'inscrit dans le cadre très spécifique de la politique d'aménagement du territoire que vous défendez, à savoir le rééquilibrage de la région d'Ile-de-France. En effet, au sein d'un département comme celui des Yvelines, coexistent des territoires aisés et d'autres très défavorisés. C'est ce que la politique d'aménagement du territoire a le devoir de corriger.
Cette délocalisation symbolisait par ailleurs la victoire du pouvoir politique sur la technocratie et l'administration centrale, lesquelles oeuvraient pour que cette délocalisation se fasse en Seine-Saint-Denis, pour s'y retrouver ainsi « en famille », aux côtés des autres administrations relevant de la politique de la ville.
En conséquence, madame le ministre, afin que la survie économique d'une commune et de tout un bassin d'emploi soit prise en compte, afin que la parole de l'Etat soit tenue et afin d'affirmer que la décision du politique prime celle de l'administration, je vous demande instamment de maintenir cette délocalisation du siège de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie et de bien vouloir me préciser la date à laquelle celle-ci sera effectivement mise en oeuvre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le projet de délocalisation du siège de la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs, la SONACOTRA, à Mantes-la-Jolie.
Je voudrais tout d'abord rappeler l'historique des travaux sur une nouvelle implantation de cet organisme.
Une expertise, relative à la faisabilité de la délocalisation du siège de la SONACOTRA, avait été demandée par le comité interministériel d'aménagement du territoire de Troyes du 20 septembre 1994.
Cette expertise, réalisée en 1995 par M. Jean-Paul Lacaze, ingénieur général des Ponts et Chaussées, concluait à la possibilité de réaliser un tel transfert dès lors qu'un certain nombre de précautions étaient prises, notamment la concertation poussée avec le personnel, un projet élaboré en interne, un délai de réalisation d'au moins quatre à cinq ans, la recherche d'un site en Ile-de-France.
La situation a ensuite peu évolué. Lors du CIADT d'Auch du 10 avril 1997, auquel vous avez fait allusion, une proposition d'affecter la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie a été inscrite dans un document préparatoire, mais elle n'a pas fait l'objet d'une décision de ce Comité. Aucun engagement n'a donc été pris.
Il ne s'agit donc pas là d'une exception. Sans vouloir polémiquer, je pourrais citer d'autres exemples d'annonces de délocalisation qui ont suscité d'énormes espoirs dans les territoires destinés à accueillir tel ou tel équipement. La déception n'en fut que plus grande lorsque les élus locaux et les partenaires territoriaux se rendirent compte que rien n'était conçu pour crédibiliser l'engagement médiatique d'un jour.
Tel avait été le cas pour le CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, pour lequel le CIADT du 15 décembre 1997 a confirmé l'engagement de délocalisation à Limoges. Cet engagement avait été pris plusieurs années auparavant, mais il n'avait connu aucun début de concrétisation.
Lors de ce CIADT de 1997, les grands principes d'une politique équilibrée d'implantation des emplois publics ont été précisés. Parmi ceux-ci figurent la concertation renforcée, l'accompagnement social juste, cohérent et lisible, et la constitution de pôles de compétences.
C'est en s'appuyant sur ces principes et sur le rapport de M. Jean-Paul Lacaze que ce CIADT a invité plusieurs organismes, dont la SONACOTRA, à soumettre à leurs instances dirigeantes un projet de réimplantation de leur siège à Saint-Denis pour conforter le pôle d'administration sociale qui y a été constitué.
Je comprends cependant tout à fait votre inquiétude. Vous attendez en effet que de nouveaux organismes s'implantent à Mantes-la-Jolie pour contribuer à diminuer les difficultés auxquelles cette ville est confrontée.
Je tiens en tout état de cause à vous faire part de ma disponibilité pour examiner avec vous les différentes possibilités.
A Mantes-la-Jolie comme à Saint-Denis, les taux de chômage sont très élevés et les difficultés sont très importantes. Le Gouvernement auquel j'appartiens y attache évidemment une attention toute particulière, et il est prioritaire pour mon ministère de faire en sorte que les équipements soient répartis de façon homogène, équitable à l'est comme à l'ouest de Paris, au nord comme au sud.
Notre travail consiste en l'occurrence à constituer des pôles d'excellence, des pôles de compétences qui soient cohérents, fonctionnels, économes des fonds publics.
Je suis sûre que vous partagez cette ambition avec moi et je vous confirme que je me tiens à votre disposition pour travailler avec vous aux solutions qui pourraient permettre de répondre aux difficultés spécifiques de votre ville.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Madame le ministre, il est inutile de vous faire part de notre déception à l'égard d'une décision que nous sentions venir depuis un certain temps : la délocalisation de la SONACOTRA se fera non pas à Mantes-la-Jolie mais à Saint-Denis.
Nous estimons quant à nous que la décision de délocalisation avait été prise par le CIADT de 1997 - je ne partage donc pas votre analyse - comme en témoignent les « bleus » des réunions de ces comités interministériels.
Je souligne l'inquiétude et la déception de tous les élus locaux de la région mantaise. Manifestement, malgré les efforts de l'Etat et de nos autres partenaires, le département et la région, pour l'instant, cette région, que tout le monde connaît pour ses problèmes économiques et sociaux, ne fait malheureusement qu'enregistrer des départs et aucune arrivée.
Le transfert de la SONACOTRA à Saint-Denis marque le non-respect du principe de continuité de la part d'un Gouvernement par rapport aux décisions prises par le gouvernement précédent.
Par ailleurs, ce transfert traduit - vous ne m'empêcherez pas de le dire - la victoire de la technocratie et de l'administration centrale sur le politique parce que la décision qui avait été prise à l'occasion du CIADT d'Auch était manifestement une volonté politique forte.
Peut-être cette décision allait-elle à l'encontre des désirs du personnel qui ne souhaitait pas s'expatrier ? Mais n'est-ce pas le propre de toute délocalisation !... Je regrette que le Gouvernement ait cédé à ces pressions qui n'ont rien à voir avec le respect des principes régissant l'aménagement du territoire.

AVENIR DE LA CAISSE NATIONALE DE RETRAITES
DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES (CNRACL)