SÉANCE DU 20 JANVIER 1998
M. le président.
La parole est à M. Braye, auteur de la question n° 119, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Dominique Braye.
Madame le ministre, le 10 avril 1997, le comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire réuni à Auch annonçait
plusieurs mesures de délocalisation d'administrations ou d'établissements
publics au profit de sites en reconversion industrielle et de sites
d'intervention prioritaire de la politique de la ville.
Parmi ces sites, la ville de Mantes-la-Jolie était désignée pour accueillir le
siège national de la SONACOTRA, établissement public industriel et commercial,
actuellement situé à Paris.
Mantes-la-Jolie, ainsi que l'ensemble de l'agglomération mantaise, tout le
monde le sait, est dans une situation économique et sociale extrêmement
difficile, qui va en se dégradant malgré les efforts incessants des élus
locaux, et renforcés depuis trois ans par ceux de l'Etat, de la région et du
département des Yvelines dans le cadre de nombreuses actions, notamment un
grand projet urbain. Nous devons d'ailleurs signer demain matin un contrat
d'aménagement régional et un contrat de développement urbain avec M. Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Mais force est de constater que, malgré leur ampleur, ces efforts convergents
restent, hélas ! encore insuffisants.
En effet, 800 emplois industriels ont été supprimés dans l'agglomération
mantaise ces deux dernières années et plusieurs entreprises importantes sont
actuellement en grande difficulté, comme New Sulzer Diesel, à Mantes-la-Ville,
qui perdra 230 emplois en 1998, menaçant 750 emplois indirects chez ses
sous-traitants, ou comme le Pari mutuel urbain, qui perdra 60 emplois sans
parler de l'abandon par France Télécom du réseau câblé de Mantes, le seul de
notre pays dont la disparition est programmée sans la moindre concertation avec
les élus locaux !
L'exercice budgétaire 1998 de la commune de Mantes-la-Jolie aurait été marqué
par la perte annuelle de 9 millions de francs de ressources fiscales et de
dotations si deux amendements, l'un proposé par M. Gilles Carrez sur le Fonds
national de la taxe professionnelle, le FNTP, et l'autre par M. Didier Migaud,
concernant le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle,
n'avaient pas été adoptés par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances
pour 1998.
Ces dispositions budgétaires permettront de pallier en partie la baisse
sensible des ressources fiscales de Mantes-la-Jolie, qui perdra quand même
annuellement plus de 1 800 000 francs.
L'équilibre du budget de Mantes-la-Jolie, même s'il est partiellement préservé
pour l'année 1998 grâce aux mesures parlementaires que j'évoquais précédemment,
reste donc très menacé pour les années suivantes, en raison de perspectives
économiques locales inquiétantes et en l'absence de nouvelles ressources
fiscales pérennes.
Par ailleurs, la ville de Mantes-la-Jolie est confrontée à d'importants
problèmes sociaux liés à la présence sur son territoire d'un très important
quartier difficile, connu de tous, le Val-Fourré : classé en zone franche
urbaine, celui-ci représente 25 000 habitants sur une population communale
totale de 45 000 habitants et constitue la plus grande ZUP de France.
Pour toutes ces raisons, il était apparu indispensable de faire bénéficier
Mantes-la-Jolie des retombées économiques positives de la politique de
délocalisation, et donc d'y maintenir le transfert du siège de la SONACOTRA.
Cette délocalisation permettrait en effet l'arrivée dans la commune de près de
deux cent cinquante emplois, sans compter les emplois induits, les conséquences
positives pour le commerce local et, bien sûr, générerait une taxe
professionnelle annuelle de l'ordre de 5 millions de francs, véritable ballon
d'oxygène, indispensable à l'avenir de cette ville-centre.
Il convient de préciser que l'ensemble des maires des huit communes du
district urbain de Mantes, que j'ai l'honneur de présider, quelle que soit leur
appartenance politique, y compris Mme Peulvast-Bergeal, député-maire socialiste
de Mantes-la-Ville, et leurs conseillers municipaux ont tous voté, à
l'unanimité, une motion demandant que ce transfert du siège de la SONACOTRA à
Mantes-la-Jolie soit maintenu.
Il a semblé indispensable à tous les élus locaux de rappeler ce que M. le
Premier ministre a affirmé lui-même récemment, à savoir que les engagements
pris par le précédent gouvernement doivent être honorés, en vertu du principe
républicain de continuité.
J'ajouterai, madame le ministre, que la décision de délocaliser le siège de la
SONACOTRA à Mantes-la-Jolie s'inscrit dans le cadre très spécifique de la
politique d'aménagement du territoire que vous défendez, à savoir le
rééquilibrage de la région d'Ile-de-France. En effet, au sein d'un département
comme celui des Yvelines, coexistent des territoires aisés et d'autres très
défavorisés. C'est ce que la politique d'aménagement du territoire a le devoir
de corriger.
Cette délocalisation symbolisait par ailleurs la victoire du pouvoir politique
sur la technocratie et l'administration centrale, lesquelles oeuvraient pour
que cette délocalisation se fasse en Seine-Saint-Denis, pour s'y retrouver
ainsi « en famille », aux côtés des autres administrations relevant de la
politique de la ville.
En conséquence, madame le ministre, afin que la survie économique d'une
commune et de tout un bassin d'emploi soit prise en compte, afin que la parole
de l'Etat soit tenue et afin d'affirmer que la décision du politique prime
celle de l'administration, je vous demande instamment de maintenir cette
délocalisation du siège de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie et de bien vouloir me
préciser la date à laquelle celle-ci sera effectivement mise en oeuvre.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur
le sénateur, vous m'interrogez sur le projet de délocalisation du siège de la
Société nationale de construction de logements pour les travailleurs, la
SONACOTRA, à Mantes-la-Jolie.
Je voudrais tout d'abord rappeler l'historique des travaux sur une nouvelle
implantation de cet organisme.
Une expertise, relative à la faisabilité de la délocalisation du siège de la
SONACOTRA, avait été demandée par le comité interministériel d'aménagement du
territoire de Troyes du 20 septembre 1994.
Cette expertise, réalisée en 1995 par M. Jean-Paul Lacaze, ingénieur général
des Ponts et Chaussées, concluait à la possibilité de réaliser un tel transfert
dès lors qu'un certain nombre de précautions étaient prises, notamment la
concertation poussée avec le personnel, un projet élaboré en interne, un délai
de réalisation d'au moins quatre à cinq ans, la recherche d'un site en
Ile-de-France.
La situation a ensuite peu évolué. Lors du CIADT d'Auch du 10 avril 1997,
auquel vous avez fait allusion, une proposition d'affecter la SONACOTRA à
Mantes-la-Jolie a été inscrite dans un document préparatoire, mais elle n'a pas
fait l'objet d'une décision de ce Comité. Aucun engagement n'a donc été
pris.
Il ne s'agit donc pas là d'une exception. Sans vouloir polémiquer, je pourrais
citer d'autres exemples d'annonces de délocalisation qui ont suscité d'énormes
espoirs dans les territoires destinés à accueillir tel ou tel équipement. La
déception n'en fut que plus grande lorsque les élus locaux et les partenaires
territoriaux se rendirent compte que rien n'était conçu pour crédibiliser
l'engagement médiatique d'un jour.
Tel avait été le cas pour le CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des
structures des exploitations agricoles, pour lequel le CIADT du 15 décembre
1997 a confirmé l'engagement de délocalisation à Limoges. Cet engagement avait
été pris plusieurs années auparavant, mais il n'avait connu aucun début de
concrétisation.
Lors de ce CIADT de 1997, les grands principes d'une politique équilibrée
d'implantation des emplois publics ont été précisés. Parmi ceux-ci figurent la
concertation renforcée, l'accompagnement social juste, cohérent et lisible, et
la constitution de pôles de compétences.
C'est en s'appuyant sur ces principes et sur le rapport de M. Jean-Paul Lacaze
que ce CIADT a invité plusieurs organismes, dont la SONACOTRA, à soumettre à
leurs instances dirigeantes un projet de réimplantation de leur siège à
Saint-Denis pour conforter le pôle d'administration sociale qui y a été
constitué.
Je comprends cependant tout à fait votre inquiétude. Vous attendez en effet
que de nouveaux organismes s'implantent à Mantes-la-Jolie pour contribuer à
diminuer les difficultés auxquelles cette ville est confrontée.
Je tiens en tout état de cause à vous faire part de ma disponibilité pour
examiner avec vous les différentes possibilités.
A Mantes-la-Jolie comme à Saint-Denis, les taux de chômage sont très élevés et
les difficultés sont très importantes. Le Gouvernement auquel j'appartiens y
attache évidemment une attention toute particulière, et il est prioritaire pour
mon ministère de faire en sorte que les équipements soient répartis de façon
homogène, équitable à l'est comme à l'ouest de Paris, au nord comme au sud.
Notre travail consiste en l'occurrence à constituer des pôles d'excellence,
des pôles de compétences qui soient cohérents, fonctionnels, économes des fonds
publics.
Je suis sûre que vous partagez cette ambition avec moi et je vous confirme que
je me tiens à votre disposition pour travailler avec vous aux solutions qui
pourraient permettre de répondre aux difficultés spécifiques de votre ville.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Madame le ministre, il est inutile de vous faire part de notre déception à
l'égard d'une décision que nous sentions venir depuis un certain temps : la
délocalisation de la SONACOTRA se fera non pas à Mantes-la-Jolie mais à
Saint-Denis.
Nous estimons quant à nous que la décision de délocalisation avait été prise
par le CIADT de 1997 - je ne partage donc pas votre analyse - comme en
témoignent les « bleus » des réunions de ces comités interministériels.
Je souligne l'inquiétude et la déception de tous les élus locaux de la région
mantaise. Manifestement, malgré les efforts de l'Etat et de nos autres
partenaires, le département et la région, pour l'instant, cette région, que
tout le monde connaît pour ses problèmes économiques et sociaux, ne fait
malheureusement qu'enregistrer des départs et aucune arrivée.
Le transfert de la SONACOTRA à Saint-Denis marque le non-respect du principe
de continuité de la part d'un Gouvernement par rapport aux décisions prises par
le gouvernement précédent.
Par ailleurs, ce transfert traduit - vous ne m'empêcherez pas de le dire - la
victoire de la technocratie et de l'administration centrale sur le politique
parce que la décision qui avait été prise à l'occasion du CIADT d'Auch était
manifestement une volonté politique forte.
Peut-être cette décision allait-elle à l'encontre des désirs du personnel qui
ne souhaitait pas s'expatrier ? Mais n'est-ce pas le propre de toute
délocalisation !... Je regrette que le Gouvernement ait cédé à ces pressions
qui n'ont rien à voir avec le respect des principes régissant l'aménagement du
territoire.
AVENIR DE LA CAISSE NATIONALE DE RETRAITES
DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES (CNRACL)