SÉANCE DU 20 JANVIER 1998
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Bellanger pour explication de vote.
M. Jacques Bellanger.
Incontestablement, le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale
a été sensiblement modifié par le Sénat.
J'ai dit tout à l'heure quelle importance nous attachions à l'immobilisation
des véhicules. Etant donné que ce dispositif n'est plus prévu, deux attitudes
sont possibles et nous hésitons.
Soit nous votons pour ce projet de loi, en espérant que la commission mixte
paritaire modifiera un certain nombre de points, soit nous marquons tout de
même notre mécontentement, non pas envers le Gouvernement, qui n'est pas pour
rien dans cette affaire puisqu'il avait d'autres propositions, mais envers les
orientations de notre assemblée et nous prenons date en nous abstenant.
Je ne sais pas ce qu'il va advenir de ce texte en commission mixte paritaire ;
je ne sais même pas si celle-ci pourra aboutir et si le débat ne sera pas
tranché définitivement par l'Assemblée nationale ; c'est, à mon avis, ce qui
risque de se passer.
Pour ma part, je veux prendre date. Si jamais ce texte était adopté en l'état,
comme je vous l'ai dit tout à l'heure, de nouveaux conflits éclateraient, car
rien ne serait résolu sur le fond.
Et je ne voudrais dès lors pas entendre dire par une partie des membres des
assemblées que l'économie nationale serait en danger. La raison de ce désordre
serait en effet que le Sénat aurait refusé un certain nombre de mesures
peut-être pas faciles à soutenir, peut-être pas toujours populaires, mais
indispensables.
Le groupe socialiste va donc s'abstenir pour bien affirmer que ce texte, s'il
était adopté en l'état, créérait de nouveaux conflits. Après tout, que les deux
chambres du Parlement prennent leurs responsabilités !
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous avons examiné aujourd'hui s'inspire très largement du dispositif
relatif à l'enseignement, à la formation et à la sécurité dans les transports,
présenté par Bernard Pons le 11 mars 1997.
Il reprend, en effet, nombre des propositions du projet de loi initial,
notamment celles qui concernaient l'obligation de formation professionnelle des
conducteurs, la création d'une sanction d'immobilisation administrative du
véhicule ou encore le renforcement des pouvoirs des contrôleurs des transports
terrestres.
Toutes ces dispositions, qui tendent assurément à mieux réguler l'exercice de
la profession, dépassent ainsi les clivages politiques. C'est la raison pour
laquelle le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte.
Cependant, permettez-moi, monsieur le ministre, d'exprimer deux réserves.
La première a trait à la forme. Alors que le conflit du mois de novembre
dernier avait été annoncé depuis le mois de septembre 1997, je ne comprends pas
très bien, à part peut-être pour des raisons de pure stratégie politique,
pourquoi le Gouvernement a attendu autant de temps pour présenter ce texte
devant le Parlement.
(M. le ministre proteste.)
Ma seconde réserve a trait au fond, comme l'ont souligné nos rapporteurs,
Jean-François Le Grand et Lucien Lanier, auxquels je tiens à rendre hommage
pour la qualité de leurs travaux effectués au nom respectivement de la
commission des affaires économiques et du Plan et de la commission des lois, le
transport routier est un domaine particulièrement sensible qui nécessite une
action publique forte.
Cette action publique doit impérativement s'attaquer au problème de fond de ce
secteur qui est - j'ose le dire - le problème de l'inadéquation entre l'offre
et la demande. La régulation économique de l'offre est par conséquent la voie
nécessaire à explorer pour rétablir la rentabilité du transport routier, toute
fixation antérieure des tarifs ou toute tentative de répartition autoritaire du
trafic étant assurément vouées à l'échec.
Ainsi, un relèvement de la capacité financière au plan national et une
harmonisation vers le haut au plan européen sont deux mesures impératives face
à la libéralisation du transport routier au sein de l'Union européenne.
Ce projet de loi est nécessaire à court terme, mais il doit être rapidement
complété par de telles propositions pour assurer à long terme l'avenir de ce
secteur.
La procédure d'urgence demandée pour ce texte par le Gouvernement n'aura pas
permis d'aborder le véritable enjeu de ce secteur, notre groupe le regrette
fortement.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où
nous allons adopter ce projet de loi, je voudrais rappeler que nous avons pour
objectif d'accompagner et de faciliter la modernisation de cette activité
économique qui, en termes d'investissements et d'emplois, joue un rôle
considérable dans notre pays.
Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté les
amendements qui ont été proposés, ce qui permet une lecture plus précise d'un
certain nombre d'articles du projet de loi, et j'indique d'ores et déjà que le
groupe de l'Union centriste votera le texte tel qu'il a été amendé ce soir.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Nous aussi, nous sommes très indécis sur la décision finale à prendre.
Nous pensons que ce texte a d'abord le mérite d'exister, qu'il est nécessaire,
qu'il représente un certain nombre d'avancées que nous jugeons positives pour
la branche du transport routier tout entière. Nous mettons ces acquis au compte
de la profession, en particulier des salariés, mais aussi de M. le ministre.
Mais nous regrettons beaucoup qu'un certain nombre de dispositions que nous
jugions intéressantes n'aient pas été retenues, ou même qu'elles aient été
supprimées. A mon sens, cela n'a cependant pas dénaturé l'esprit du projet de
loi qui nous était soumis.
Après avoir entendu M. le ministre, nous mettons beaucoup d'espoir dans la
concertation qui va se poursuivre. Les différentes composantes de la profession
pourront se prononcer, voire améliorer le texte que nous aurons élaboré.
Nous plaçons également des espoirs dans la sagesse de la commission mixte
paritaire qui va se réunir et qui pourra apporter quelques rectifications.
Compte tenu de toutes ces considérations et parce que nous ne sommes pas des
partisans du tout ou rien, nous voterons ce texte même si, je le répète, nous
éprouvons des regrets.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. En cette fin de discussion, je ne reviendrai pas sur
l'essentiel, qui a été dit soit au cours de la discussion générale, soit à
l'occasion de la discussion des articles. Je me bornerai à dire, après avoir
rencontré l'ensemble des professionnels du transport routier, que j'ai la
conviction que le texte que nous venons d'améliorer et que nous allons
probablement adopter ne peut que répondre complètement à leurs aspirations.
Je m'étonne quelque peu du pessimisme de M. Bellanger, de même que des
incertitudes et des précautions oratoires prises par notre collègue, M.
Lefebvre, car, sur le fond, très sincèrement - il ne s'agit pas là d'une
formule de style - je crois que nous avons répondu à une attente avec
sagesse.
Chaque fois que possible - c'est l'exhortation que j'adressais en fin
d'après-midi du haut de la tribune - nous avons privilégié le contrat à la
contrainte. Il est en effet préférable d'encourager la vertu, même si, par
ailleurs, il faut savoir sanctionner le vice. Selon moi, la première méthode
est meilleure que la seconde. Faire de la sanction pour la sanction sans
encourager de meilleurs comportements serait par trop réducteur et ne
correspondrait pas à l'éthique du Sénat.
En cette fin de discussion, je tiens à remercier chaleureusement la majorité
sénatoriale, mais aussi l'ensemble du Sénat, car, à l'exception de quelques
observations prudentes, je constate qu'il y a consensus.
Le Sénat, une fois de plus, s'honore en travaillant de cette manière, en
contribuant à résoudre un certain nombre de difficultés particulières à un
secteur économique important.
J'associe à ces remerciements nos collaborateurs de la commission des affaires
économiques et du Plan et de la commission des lois, qui ont largement
contribué sinon à atteindre la perfection, qui n'est pas de ce monde, du moins
à améliorer très sensiblement les propositions que nous avions faites.
Je remercie
in fine tous les responsables des transports routiers,
quelles que soient leurs fonctions et la nature de leur engagement, qui se sont
montrés extrêmement responsables et qui ont très fortement contribué à ce que
nous comprenions mieux leurs difficultés. J'ose espérer que le Sénat aura été à
la hauteur.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je voudrais vous
remercier, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, du
travail qui a été accompli. Je l'ai dit tout à l'heure, la discussion de ce
soir nous aura permis véritablement de progresser dans la solution des
problèmes qui se posent sérieusement dans cette profession.
Toutefois, je ne peux pas laisser passer un argument qui a été avancé à
plusieurs reprises au cours de la soirée.
J'ai utilisé le terme de modestie par rapport à l'action du Gouvernement et à
la mienne pour trouver des solutions. Ayant utilisé ce terme, vous comprendrez
qu'il me soit difficile d'entendre dire que le Gouvernement serait responsable,
en quelque sorte, du conflit qui aurait été annoncé depuis septembre.
D'aucuns ayant la polémique facile vous répondraient qu'il était en fait
annoncé depuis que les engagements pris sous le Gouvernement précédent n'ont
pas été respectés. Or, l'une des raisons des difficultés que rencontre cette
profession, y compris dans les rapports entre salariés et employeurs, est
souvent l'absence de confiance, qui tend à être une caractéristique de cette
profession. A cet égard, il est nécessaire de faire bouger les choses.
Comme je n'ai pas l'esprit polémique, je n'insiste pas.
Ce projet de loi réglera-t-il tous les problèmes ? Sûrement pas ! D'ailleurs,
M. Bellanger l'a dit en parlant au nom de son groupe. C'est d'ailleurs
pourquoi, à côté de ce projet de loi examiné au Parlement, en urgence, douze
autres dispositions sont en chantier.
Je puis vous assurer que je n'aurai de cesse que les propositions qui ont été
faites devant le pays, devant les salariés, devant les professionnels routiers
entrent dans les faits. Il y aura des batailles serrées comme pour
l'harmonisation européenne. Il ne sera pas aussi simple que cela d'obtenir une
harmonisation sociale par le haut, laquelle serait indispensable pour lutter
contre le
dumping social et économique. Toutefois, nous constatons
d'ores et déjà des premiers éléments d'avancée, et nous n'aurons de cesse, je
le répète, de mener cette action.
Par conséquent, des décisions sont prises ; d'autres le seront ultérieurement.
Je souhaite que s'instaure un esprit toujours empreint de dialogue avec
l'ensemble des parties intéressées, y compris les chargeurs.
Non, cette loi ne réglera pas tous les problèmes, mais elle peut contribuer à
cette démarche d'assainissement de la profession, à cette démarche qui vise à
la fois à renforcer la formation, la qualification, le contrôle et,
malheureusement, quand c'est nécessaire, la sanction, mais avec comme objectif
central de développer l'activité de ce secteur, de favoriser l'emploi et le
progrès social et d'assurer la sécurité sur les routes.
Je souhaite que cette loi soit enrichie au cours de la commission mixte
paritaire ou au cours d'une lecture ultérieure.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie de tout le travail qui a été accompli ce
soir au Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Léon Fatous.
Le groupe socialiste s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
10