SÉANCE DU 28 JANVIER 1998
M. le président.
« Art. 2
bis. _ Après l'article 9 de la même ordonnance, il est inséré
un article 9-1 ainsi rédigé :
«
Art. 9-1. _ Les ressortissants des Etats membres de la Communauté
européenne ou de l'Espace économique européen exerçant en France une activité
économique salariée ou indépendante, ainsi que les membres de leur famille, qui
souhaitent établir en France leur résidence habituelle reçoivent, sous réserve
de menace à l'ordre public, une carte de séjour.
« La validité de la carte de séjour est de dix ans pour la première délivrance
; à compter du premier renouvellement et sous réserve de réciprocité, elle est
permanente.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article. »
Par amendement n° 3, M. Masson, au nom de la commission des lois, propose,
dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour insérer un
article 9-1 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, de remplacer les mots
: « les membres de leur famille, » par les mots : « leur conjoint, leurs
enfants mineurs et leurs ascendants à charge ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur. L'article 2
bis a été introduit par l'Assemblée
nationale. L'objectivité sénatoriale m'amène à dire que la commission des lois
a considéré cette initiative des députés comme positive. Cette disposition a
pour objet d'exonérer les ressortissants des Etats membres de la Communauté
européenne d'un dispositif qui est assez lourd et qui mobilise une partie du
personnel des préfectures, comme j'en ai eu la confirmation lors des auditions
des préfets auxquelles je me suis livré pour préparer ce rapport.
Par conséquent, la commission demande au Sénat d'approuver l'article 2
bis
tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. Elle a toutefois déposé
deux amendements, que je souhaiterais, si vous m'y autorisez, monsieur le
président, présenter en même temps.
M. le président.
J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 4, présenté par M.
Masson, au nom de la commission des lois, et tendant à rédiger ainsi le
deuxième alinéa du texte proposé par l'article 2
bis pour insérer un
article 9-1 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« La validité de cette carte est de dix ans. Elle est renouvelée de plein
droit pour la même durée. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur. L'amendement n° 3 a pour objet de remplacer l'expression : «
les membres de leur famille », qui est un peu trop large, par les mots : « leur
conjoint, leurs enfants mineurs et leurs ascendants à charge ».
L'amendement n° 4, quant à lui, tend à trouver une formulation plus claire que
celle qui a été adoptée par l'Assemblée nationale.
Le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article n° 9-1 de l'ordonnance
du 2 novembre 1945 est ainsi rédigé : « La validité de la carte de séjour est
de dix ans, pour la première délivrance ; à compter du premier renouvellement
et sous réserve de réciprocité, elle est permanente. »
Vérification faite, il n'existe pas de réciprocité. Il ne peut donc pas y
avoir de permanence. De ce fait, rien n'est prévu après la période de dix ans,
ce qui n'est juridiquement pas très sain. Nous proposons par conséquent de
pallier ce vide.
Tel est l'objet des amendements n°s 3 et 4.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3 et 4 ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur. S'agissant de l'amendement n° 3, je ferai
observer à M. le rapporteur que sa proposition n'est pas compatible avec les
textes européens parce qu'elle exclut les descendants ayant entre dix-huit et
vingt et un ans. Les textes européens précisent que la famille du travailleur
est composée de son conjoint et de leurs descendants de moins de vingt et un
ans, des ascendants de ce travailleur et de son conjoint qui sont à sa charge.
Par conséquent, la formulation de l'amendement n° 3 ne serait pas exactement
compatible avec les textes européens. Mais, au demeurant, ils se recouvrent
largement.
L'amendement n° 4 vise à ne renouveler la carte de séjour que pour une durée
de dix ans. Or certains pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas
offrent déjà aux communautaires établis sur leur territoire la possibilité de
bénéficier, sous certaines conditions, d'un dispositif dont la validité est
permanente. Il n'est donc pas inattendu de proposer qu'en France une carte de
même nature soit prévue.
En revanche, les communautaires non actifs qui bénéficient d'un droit au
séjour dans la mesure où ils justifient de ressources suffisantes pour
eux-mêmes et les membres de leur famille et d'une couverture sociale afin de ne
pas relever, pendant leur séjour, de la protection sociale du pays d'accueil ne
peuvent se prévaloir du principe de l'égalité de traitement, notamment en
matière d'avantages sociaux et fiscaux.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement.
M. Paul Masson,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur. Pour faire droit aux observations de M. le ministre, je
souhaite rectifier l'amendement n° 3. Je propose donc de remplacer les mots : «
les membres de leur famille » par les mots : « leur conjoint, leurs enfants
âgés de moins de vingt et un ans et leurs ascendants à charge, ». Je crois
ainsi être tout à fait dans la ligne de la directive européenne.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Masson, au
nom de la commission des lois, et tendant, dans le premier alinéa du texte
proposé par l'article 2
bis pour insérer un article 9-1 dans
l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et
de séjour des étrangers en France, à remplacer les mots : « les membres de leur
famille, » par les mots : « leur conjoint, leurs enfants âgés de moins de vingt
et un ans et leurs ascendants à charge, ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 rectifié ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Si le groupe du RPR est tout à fait favorable à la mesure de simplification
des formalités imposées aux ressortissants communautaires exerçant en France
une activité économique, il voit mal pourquoi le renouvellement d'un titre de
séjour serait permanent.
Cette mesure se heurte à un vide juridique puisque ce renouvellement permanent
s'opérerait sous réserve de réciprocité, comme le rappelait M. le rapporteur.
Or aucun Etat de l'Union européenne n'accorde de titre de séjour permanent.
Nous croyons que, dans ces domaines qui touchent directement les hommes, les
mesures prises par les différents pays de la Communauté européenne doivent être
le plus homogène possible. M. le ministre nous rappelait d'ailleurs hier, en
faisant allusion notamment au Danemark et à la Grande-Bretagne, les effets
négatifs que ne manquerait pas d'entraîner un manque d'homogénéité en la
matière.
De plus, notre législation a toujours fixé une durée de validité limitée pour
les titres de séjour qu'elle octroie. Aussi, la délivrance d'un titre permanent
n'apparaît ni possible juridiquement ni opportun.
Notre groupe votera donc l'amendement présenté par notre commission des lois,
qui tend au renouvellement de plein droit de la carte pour une durée de
validité de dix ans.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2
bis modifié.
(L'article 2
bis
est adopté.)
Article 3