M. le président. « Art. 15. _ Au deuxième alinéa de l'article 28 de la même ordonnance, les mots : "de nécessité urgente" sont remplacés par les mots : "d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique". »
Par amendement n° 17, M. Masson, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Il s'agit de la procédure d'assignation à résidence, qui est en quelque sorte le complément de la mesure d'éloignement.
Nous avons en mémoire l'exemple d'individus qui étaient soupçonnés d'appartenir à des réseaux terroristes en France et qui ont été assignés à résidence parce qu'on ne savait pas très bien où les renvoyer et pour lesquels il a fallu se livrer à quelques enquêtes et à quelques démarches afin de leur assurer un accueil sans aller contre leurs droits.
Le Gouvernement propose de compliquer cette procédure. En effet, aux termes du texte actuel, on pouvait procéder à une assignation à résidence à l'encontre de l'étranger qui faisait l'objet d'une proposition d'expulsion en cas de nécessité urgente. La notion de « nécessité urgente » pouvait parfaitement être appréciée par un tribunal et dans le cadre d'un recours, bien entendu.
Or le Gouvernement propose de remplacer les mots : « de nécessité urgente » par les mots : « d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ». Autrement dit, les deux conditions doivent être remplies.
L'administration, avant de procéder à l'assignation à résidence, doit constater qu'il y a à la fois urgence absolue et nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat. L'urgence absolue ne suffit pas : il faut aussi la nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat...
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Ou la sécurité publique !
M. Paul Masson, rapporteur. ... ou la sécurité publique, et il est heureux, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas utilisé, là aussi, la conjonction de coordination « et » c'eût été kafkaïen !
En fait de simplification, on est amplement servi ! En l'occurrence, votre philosophie souriante me paraît un peu prise en défaut. Je ne sais pas quel est le rédacteur qui a trouvé le moyen d'ajouter des subtilités aux subtilités de telle sorte qu'en cas de procédure une plaidoirie bien articulée pourra démontrer au juge que, peut-être, il y a urgence absolue mais que la nécessité impérieuse n'est pas évidente.
Bref, mes chers collègues, je vous engage à suivre la commission des lois et à supprimer l'article 15.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Contrairement à ce que semble croire M. Masson, je ne me suis pas dit : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ; non. Je me suis simplement fondé sur la jurisprudence.
Vous me demandez, monsieur le rapporteur, quel est l'esprit aigu qui a abouti à cette formulation : nous avons tout simplement repris les termes qui avaient fait l'objet d'une jurisprudence.
Alors que la notion de nécessité urgente n'est pas reprise par la jurisprudence, le concept de condition d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sécurité de l'Etat ou la sécurité publique se retrouve à l'article 26 de l'ordonnance de 1945, qui a donné lieu, lui, à une jurisprudence abondante.
Le recours à ce critère est donc, paradoxalement et contrairement aux apparences, une source de simplification. Cette harmonisation des rédactions est de nature à offrir plus de cohérence aux articles de l'ordonnance. (M. Dreyfus-Schmidt fait un signe dubitatif.)
Cela peut paraître bizarre - je vois un éminent juriste hocher la tête - mais c'est ainsi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 26 de l'ordonnance de 1945 distingue en effet les deux notions pour disposer que l'expulsion peut être prononcée dans ces deux cas. Peut-être faudrait-il donc modifier cet article pour n'en faire qu'un seul alinéa.
M. Charles Pasqua. Ce sera pour la prochaine fois !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 est supprimé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas en supprimant l'article que l'on réglera le problème.

Article 16