SÉANCE DU 28 JANVIER 1998
M. le président.
« Art. 15. _ Au deuxième alinéa de l'article 28 de la même ordonnance, les
mots : "de nécessité urgente" sont remplacés par les mots :
"d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou
la sécurité publique". »
Par amendement n° 17, M. Masson, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur. Il s'agit de la procédure d'assignation à résidence, qui est
en quelque sorte le complément de la mesure d'éloignement.
Nous avons en mémoire l'exemple d'individus qui étaient soupçonnés
d'appartenir à des réseaux terroristes en France et qui ont été assignés à
résidence parce qu'on ne savait pas très bien où les renvoyer et pour lesquels
il a fallu se livrer à quelques enquêtes et à quelques démarches afin de leur
assurer un accueil sans aller contre leurs droits.
Le Gouvernement propose de compliquer cette procédure. En effet, aux termes du
texte actuel, on pouvait procéder à une assignation à résidence à l'encontre de
l'étranger qui faisait l'objet d'une proposition d'expulsion en cas de
nécessité urgente. La notion de « nécessité urgente » pouvait parfaitement être
appréciée par un tribunal et dans le cadre d'un recours, bien entendu.
Or le Gouvernement propose de remplacer les mots : « de nécessité urgente »
par les mots : « d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de
l'Etat ou la sécurité publique ». Autrement dit, les deux conditions doivent
être remplies.
L'administration, avant de procéder à l'assignation à résidence, doit
constater qu'il y a à la fois urgence absolue et nécessité impérieuse pour la
sûreté de l'Etat. L'urgence absolue ne suffit pas : il faut aussi la nécessité
impérieuse pour la sûreté de l'Etat...
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur. Ou la sécurité publique !
M. Paul Masson,
rapporteur. ... ou la sécurité publique, et il est heureux, monsieur le
ministre, que vous n'ayez pas utilisé, là aussi, la conjonction de coordination
« et » c'eût été kafkaïen !
En fait de simplification, on est amplement servi ! En l'occurrence, votre
philosophie souriante me paraît un peu prise en défaut. Je ne sais pas quel est
le rédacteur qui a trouvé le moyen d'ajouter des subtilités aux subtilités de
telle sorte qu'en cas de procédure une plaidoirie bien articulée pourra
démontrer au juge que, peut-être, il y a urgence absolue mais que la nécessité
impérieuse n'est pas évidente.
Bref, mes chers collègues, je vous engage à suivre la commission des lois et à
supprimer l'article 15.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur. Contrairement à ce que semble croire M. Masson,
je ne me suis pas dit : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ;
non. Je me suis simplement fondé sur la jurisprudence.
Vous me demandez, monsieur le rapporteur, quel est l'esprit aigu qui a abouti
à cette formulation : nous avons tout simplement repris les termes qui avaient
fait l'objet d'une jurisprudence.
Alors que la notion de nécessité urgente n'est pas reprise par la
jurisprudence, le concept de condition d'urgence absolue et de nécessité
impérieuse pour la sécurité de l'Etat ou la sécurité publique se retrouve à
l'article 26 de l'ordonnance de 1945, qui a donné lieu, lui, à une
jurisprudence abondante.
Le recours à ce critère est donc, paradoxalement et contrairement aux
apparences, une source de simplification. Cette harmonisation des rédactions
est de nature à offrir plus de cohérence aux articles de l'ordonnance.
(M. Dreyfus-Schmidt fait un signe dubitatif.)
Cela peut paraître bizarre - je vois un éminent juriste hocher la tête -
mais c'est ainsi.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'article 26 de l'ordonnance de 1945 distingue en effet les deux notions pour
disposer que l'expulsion peut être prononcée dans ces deux cas. Peut-être
faudrait-il donc modifier cet article pour n'en faire qu'un seul alinéa.
M. Charles Pasqua.
Ce sera pour la prochaine fois !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 est supprimé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas en supprimant l'article que l'on réglera le problème.
Article 16