SÉANCE DU 29 JANVIER 1998
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
le projet de restructuration des caisses locales de la Banque de France,
annoncé avant Noël, a provoqué une forte émotion parmi les élus locaux
concernés, toutes sensibilités politiques confondues, voire, parfois, leur
indignation et leur colère.
A un moment où l'on veut mieux aménager le territoire, est-il en effet
concevable d'atténuer et, à terme, de supprimer l'activité de quatre-vingt-dix
succursales de cet organisme ?
Est-il admissible - je cite le gouverneur de la Banque de France - qu'« un
projet visant au regroupement des caisses » soit élaboré sans concertation avec
les élus locaux.
Est-il opportun qu'une telle mesure soit annoncée alors que le rôle des
succursales de la Banque de France sera primordial dans la mise en place de
l'euro ?
Une délégation de maires de toutes sensibilités a été reçue mardi par le
gouverneur de la Banque de France. Nous n'avons pas été rassurés. Même si, pour
l'instant, les succursales ne sont pas physiquement touchées, le plan est
maintenu sans trop d'explications, M. Trichet nous ayant simplement dit - c'est
une phrase extraordinaire dans la bouche du gouverneur d'une telle institution
républicaine ! - : « Laissez-nous gérer la Banque de France. Nous ne nous
mêlons pas de la gestion de vos communes ! ».
Je vous poserai donc deux questions, monsieur le ministre.
Allez-vous exercer au sein du conseil général de la Banque de France votre
droit de veto pour vous opposer à ce projet insensé ?
Allez-vous recevoir rapidement la délégation des maires, députés et sénateurs
qui frappe vainement à votre porte depuis le 20 janvier ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour deux minutes trente.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le
sénateur, vous vous souciez légitimement de l'aménagement du territoire et de
l'organisation interne de la Banque de France.
Lorsque le projet a été connu par le Gouvernement, j'ai fait savoir au
gouverneur de la Banque de France que la réforme qu'il envisageait ne pouvait
se poursuivre d'une quelconque manière sans qu'une négociation sociale
approfondie soit engagée avec les salariés. Celle-ci a commencé le 15 janvier,
et j'en attends les résultats avec sérénité.
Le Gouvernement a indiqué différentes choses au gouverneur de la Banque de
France : tout d'abord, l'emploi ne saurait être mis en cause, et le
Gouvernement n'acceptera aucun licenciement ; ensuite, l'aménagement du
territoire doit être pris en compte et aucune succursale ne doit être fermée ;
enfin, c'est la qualité du service public rendu par la Banque de France qui
doit servir de guide à l'évolution normale de sa gestion interne.
De ce point de vue, de nouvelles fonctions seront dévolues aux succursales de
la Banque de France, ce qui, loin de diminuer leur activité, aura tendance à
l'augmenter. Ainsi, le Gouvernement présentera dans quelques semaines au Sénat
et à l'Assemblée nationale un texte sur l'exclusion comprenant un titre
consacré au surendettement dans lequel la part de la Banque de France pour
mieux traiter les situations de surendettement que connaissent nos concitoyens
sera très importante.
Nous allons donc faire en sorte que le dialogue social se poursuive. Nous
verrons au bout du compte quelles sont les évolutions acceptées de part et
d'autre et comment il convient de les mettre en oeuvre.
Les assurances que je viens de vous donner, monsieur le sénateur, devraient
vous tranquilliser. Je ne peux guère développer plus ce point puisque M. le
président m'interdit de parler plus de deux minutes trente !
(Sourires.)
Ce qui est sûr, c'est que nous veillerons ensemble à ce que l'emploi et
l'aménagement du territoire soient satisfaits, tout en permettant à la Banque
de France de s'adapter à ses nouvelles missions.
Vous m'avez demandé si j'étais disposé à recevoir les élus qui, disiez-vous,
frappent vainement à ma porte depuis le 20 janvier.
Le 20 janvier, ce n'est pas si loin ! D'ailleurs, ils ne frappent pas
vainement à ma porte puisque je suis évidemment disposé à les recevoir. Mais je
ne leur dirai pas autre chose que ce que je viens de vous indiquer maintenant
!
Depuis le 20 janvier, j'ai accompagné le Président de la République dans
quelques déplacements, ce qui explique que je n'ai pas pu vous recevoir jusqu'à
présent. Toutefois, je ne manquerai pas de le faire très rapidement, et nous
attendrons ensemble l'issue du dialogue social qui s'est renouvelé au sein de
la Banque de France pour pouvoir en tirer des conclusions.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur le ministre, en deux minutes trente-neuf, vous avez été très bon !
Cela prouve que, lorsqu'ils parlent peu, les hommes politiques sont parfois
très convaincants.
(Sourires.)
AVENIR DE LA BANQUE DE FRANCE