M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adressait à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, mais je comprends, bien sûr, qu'elle ne puisse être aujourd'hui parmi nous...
Par arrêté en date du 21 janvier dernier, le Gouvernement vient de décider une annulation de crédits de près de 313 millions de francs sur le chapitre 67-03 des charges communes, lequel concerne les interventions et les réalisations d'équipements en faveur des banlieues défavorisées.
Cette décision est pour le moins surprenante, et c'est un euphémisme. Comment le Gouvernement peut-il envisager de réduire l'aide de l'Etat aux zones urbaines en difficulté au moment même où nous assistons à la recrudescence, dans ces zones, des flambées de violence ? (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Ne vaudrait-il pas mieux restaurer enfin, dans ces zones, l'autorité de l'Etat et des pouvoirs publics et se doter des moyens nécessaires à une vraie politique de la ville ? La rigueur budgétaire doit-elle frapper ce qui devrait être le champ d'intervention prioritaire de l'action de l'Etat ?
Ce qui est grave, mes chers collègues, c'est qu'il ne s'agit pas là d'une mesure ponctuelle et isolée, non, il s'agit bien de la poursuite d'une action de sape systématique de la politique de la ville. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Christian Poncelet. C'est vrai !
M. Dominique Braye. En effet, cette mesure s'ajoute à l'absence emblématique d'un vrai ministère de la ville...
M. Paul Raoult. Qu'a fait Gaudin ?
M. Dominique Braye. ... et au démantèlement insidieux des instruments de cette même politique de la ville. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Ne vous laissez pas détourner de votre propos, monsieur Braye.
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas son genre ! (Sourires.)
M. Dominique Braye. Cette mesure porte la baisse réelle des moyens de la politique de la ville à 11,76 % par rapport à 1997.
Tout le problème est là, dans la réalité des chiffres et la réalité des actions sur le terrain.
La réalité de la politique du Gouvernement éclate un peu plus chaque jour...
Un sénateur du RPR. Ça c'est vrai !
M. Dominique Braye. ... en dévoilant le fossé qui existe entre les effets d'annonce du Gouvernement et la réalité de ses actions.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Deux minutes trente !
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Dominique Braye. La récente réunion des maires, qui s'est tenue au palais des Congrès et à laquelle assistait un certain nombre d'entre nous... (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La question !
M. Dominique Braye. Monsieur le président, il faudrait les faire taire, je ne peux pas m'exprimer ! (Rires.)
M. le président. Veuillez poursuivre et poser votre question.
M. Dominique Braye. Je voudrais tout de même m'exprimer !
Cette récente réunion sur le problème des violences urbaines et à laquelle quatre ministres assistaient a illustré ce décalage entre les discours ministériels convenus et le laxisme de l'action concrète sur le terrain.
Elu local, j'ai dû m'absenter...
M. le président. Votre question, monsieur le sénateur !
M. Dominique Braye... hier après-midi de cet hémycicle à dix-sept heures, car une nouvelle agression d'un chauffeur de bus par six jeunes délinquants venait de se produire dans le quartier difficile de l'agglomération que j'administre.
M. le président. Je vous en prie, posez votre question !
M. Dominique Braye. J'y arrive, monsieur le président.
Dois-je dire à ce chauffeur, aujourd'hui hospitalisé, et à ses collègues en grève que le Gouvernement comprend leur problème mais qu'il estime qu'avant la répression il faut encore avoir recours à la prévention ?
M. Paul Raoult. Démagogue !
M. Dominique Braye. Dois-je leur expliquer...
M. le président. Votre question, monsieur le sénateur !
M. Dominique Braye. J'y viens !
M. le président. Vous le dites, mais vous ne la posez pas !
M. Dominique Braye. Comment dire et vanter une chose et pratiquer systématiquement son contraire ?
M. le président. la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je réponds dès que je le peux, monsieur le président !
M. Dominique Braye. Comment pouvez-vous justifier cette funeste amputation budgétaire et renier ainsi, dans la pratique, le catalogue de vos bonnes intentions ?
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous seul avez la parole.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, j'apprécie la manière posée avec laquelle vous avez finalement posé votre question.
Il eut été bien difficile de prélever 312 millions de francs sur le budget total de 1 millard de francs consacré à la ville.
D'abord, le budget de la ville figure dans le budget du ministère de l'emploi, de la solidarité et de la santé.
Je vous rassure : rien, pas un franc, monsieur le sénateur, n'a été détourné pour d'autres raisons, qui seraient légitimes, de ce budget-là, à savoir celui de la solidarité et de la ville.
Je vous remercie d'avoir posé la question. Il eût en effet été très curieux, alors que ce budget est consacré pour l'essentiel à la recherche de l'emploi, à la réinsertion et à l'aide particulière aux personnes en détresse qu'on ait pu enlever de l'argent.
M. Dominique Braye. Vous l'avez fait !

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Eh bien, monsieur le sénateur, je démens cette assertion et je puis vous apporter tous les détails.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité - vous l'avez souligné avec quelque ironie - se trouve en ce moment même à l'Assemblée nationale pour débatttre du projet de loi sur la réduction du temps de travail. C'est une première réponse, une réponse essentielle, car il s'agissait bien d'un fonds de secours, d'urgence, les chômeurs étant dans la rue, vous vous en souvenez...
M. Dominique Braye. La banlieue n'y croit pas !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'ai bien compris, en particulier, monsieur le sénateur, que ces chômeurs venaient de cette banlieue dont vous parlez.
Nous avons cru de notre devoir, M. le Premier ministre nous l'ayant indiqué, de faire en sorte que cette réponse d'urgence soit apportée à ces chômeurs qui venaient de cette banlieue-là. (Applaudissements sur les travées socialistes.) C'est ce que nous avons fait !
Evidemment, il fallait que chacun fasse des sacrifices - M. Sautter et Mme Royal l'ont rappelé - et c'est ainsi que les budgets se sont « sacrifiés » : 700 millions de francs sont venus des budgets civils et 300 millions de francs du budget militaire.
Je puis vous préciser que cette ligne de crédits, ce fonds d'urgence a été réuni au moyen de l'annulation de crédits déterminée par l'arrêté du 16 janvier et que ces crédits ont été simultanément ouverts sur la section « santé, solidarité et ville » du budget du ministère, par le décret d'avance du même jour. Ils ont été imputés sur le chapitre 47-21 de ce budget, sur l'article qui porte les crédits déconcentrés de lutte contre l'exclusion, car c'est bien de cela, monsieur le sénateur, qu'il s'agit. Votre véhémence m'a permis de le préciser, je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RELANCE DE LA POLITIQUE
DES ZONES D'ÉDUCATION PRIORITAIRES