M. le président. Par amendement n° 94, MM. Duffour, Pagès et Dérian, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet et Borvo, MM. Fischer et Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent d'insérer, après l'article 40, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sont éteintes les condamnations à une peine d'interdiction du territoire français, lorsqu'elles ont été prononcées en vertu des articles 19, 27 ou 33 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 avant l'entrée en vigueur de la présente loi. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé la régularisation d'un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière selon des critères précisés par la circulaire du 24 juin 1997.
Pour autant, et dans un certain nombre de cas, la régularisation se révèle impossible parce que des étrangers régularisables et reconnus comme tels par l'autorité préfectorale ont été condamnés, par le passé, à des peines d'interdiction du territoire... pour des délits liés à l'irrégularité de leur séjour !
La loi prévoit divers moyens de lever cet obstacle à la régularisation.
Si l'interdiction du territoire constitue la peine principale, la grâce présidentielle peut être obtenue. S'agissant d'une peine complémentaire, celle-ci doit être levée par la juridiction qui l'a prononcée. Dans tous les cas - vous le savez, mes chers collègues - les procédures sont longues et les résultats souvent variables.
Afin de pallier ces inconvénients, nous proposons l'extinction pure et simple des peines d'interdiction du territoire dans le cadre de délits liés à l'irrégularité des séjours dans notre pays.
Lors de l'examen de cet amendement par l'Assemblée nationale, la commission des lois a estimé que ce dernier « affaiblissait la portée des sanctions et notamment celles émises pour séjour irrégulier ».
A de multiples reprises dans les années antérieures, la politique de l'immigration dans notre pays a été l'objet de bouleversements législatifs, pour des raisons tout à fait diverses.
Le Gouvernement, en annonçant sa volonté de rompre avec les erreurs du passé en matière d'immigration, se doit de rompre également avec les effets d'une politique génératrice à l'excès de condamnations pour séjour irrégulier.
L'amendement n° 94, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, répond donc de manière logique et équitable à la nécessité dans laquelle nous sommes de repartir sur de nouvelles bases quant à la politique de l'immigration que nous souhaitons voir mise en oeuvre dans notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable, parce que suivre l'auteur de l'amendement reviendrait à valider de façon systématique toutes les violations des règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Je crois que la circulaire ministérielle du 24 juin 1997, adressée aux préfets, est bien précise à cet égard : « Pour les personnes visées par la présente circulaire et ayant fait l'objet d'une mesure judiciaire d'interdiction du territoire, la délivrance d'un titre de séjour suppose que celle-ci ait été préalablement sollicitée et obtenue de la juridiction compétente pour qu'elle la relève de cette interdiction. »
Je crois que, sur ce point, la circulaire ministérielle est bonne et qu'il n'y a donc pas lieu d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. A partir du moment où le texte de l'ordonnance n'est pas modifié, il est très difficile de procéder par la voie que propose M. Pagès : il s'agirait en effet d'une pure et simple amnistie par rapport à une législation qui existe et qui doit rester clairement marquée.
En revanche, il a été parfaitement possible d'envoyer une directive aux préfets leur demandant d'assigner à résidence les étrangers qui sont dans cette situation pour qu'ils puissent demander de France même le relèvement de l'interdiction judiciaire du territoire qui les frappe. Voilà un dispositif simple et pratique qui, sans remettre en cause l'architecture globale de l'ordonnance, permet d'aller dans le sens de l'intention que vous avez manifestée, monsieur le sénateur.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT,
vice-président

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