M. le président. La parole est à M. Dussaut, auteur de la question n° 161, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Bernard Dussaut. Madame la ministre, plusieurs parlementaires ont déjà appelé l'attention de M. le ministre de l'agriculture sur la situation des retraités agricoles. Si je me permets à mon tour de l'interpeller à ce sujet, c'est que, loin de ne pas reconnaître les efforts significatifs qui ont été consentis par le Gouvernement, il me semble de mon devoir de continuer à être le porte-parole de ces retraités.
On estime que 7 millions de personnes vivent dans notre pays sous le seuil de pauvreté. Cette situation ne concerne pas que les villes : nous avons malheureusement tous des exemples pour illustrer cette précarisation rurale, qui touche plus particulièrement le troisième âge de l'agriculture.
Ces agriculteurs sont fiers et courageux. Ils attendent depuis longtemps une reconnaissance ; ils sont las d'attendre et ils sont animés d'un profond sentiment d'injustice : ils ont travaillé toute leur vie, souvent à partir de quatorze ans, voire plus jeunes, mais ils n'ont, pour certains, cotisé à la caisse de retraite qu'un nombre minime d'années par rapport aux années travaillées.
La plupart de leurs enfants ont quitté les campagnes, sont salariés et cotisent pour d'autres régimes de retraites.
Un effort budgétaire a été consenti à l'automne dernier. Il va permettre un relèvement de 425 francs mensuels pour les retraites les plus faibles, et le dégrèvement des cotisations de sécurité sociale portera cette augmentation à 500 francs.
Nous devons saluer ce premier effort, qui, au regard des mesures toutes symboliques du précédent gouvernement, est significatif.
Cependant, aucun versement n'a encore été effectué. Le décret d'application est annoncé, mais il n'est toujours pas paru. Les retraités de l'agriculture réclament des précisions quant au contenu de ce décret et à sa date de parution.
Confrontés à une situation transitoire, puisque les exploitants actuellement en activité acquièrent des droits à la retraite au moins équivalents à ceux des salariés, nous devons aujourd'hui accomplir cet effort.
Par ailleurs, d'après ce que j'ai pu constater, l'avant-projet de loi d'orientation agricole ne contient pas de dispositions relatives à la revalorisation des retraites agricoles, contrairement à ce que nous étions en mesure d'espérer.
Il est vrai que nous connaissons le coût d'une revalorisation des retraites : M. le ministre de l'agriculture avait lui-même précisé que les porter à 75 % du SMIC aboutirait à un doublement des dépenses du BAPSA, soit 45 milliards de francs.
En outre, il a souligné que cette revalorisation demeurait l'une des priorités du Gouvernement et que les dispositions allant dans ce sens s'échelonneraient sur la durée de la législature.
Pourriez-vous nous donner quelques indications sur les étapes d'un échéancier, ainsi qu'un « avant-goût » des mesures qui pourraient figurer, par exemple, dans le projet de loi de finances pour 1999 ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, M. Le Pensec est actuellement en Autriche pour s'entretenir avec son homologue de la réforme envisagée de la politique agricole commune. Il m'a donc demandé de répondre à sa place à votre question.
Depuis 1990, le régime d'assurance vieillesse agricole est harmonisé avec le régime général, tout en restant plus favorable que ce dernier pour les titulaires de faibles revenus, inférieurs au SMIC. En effet, en aucun cas, depuis cette date, même lors d'une année déficitaire, un exploitant n'acquiert, au titre de cette année, des droits à retraite inférieurs à 75 % de ceux d'un salarié rémunéré au SMIC.
En outre, au terme d'une carrière entière de chef d'exploitation, il bénéficiera de la garantie d'un relèvement de sa retraite à un niveau proche de celle d'un salarié ayant cotisé au SMIC.
Pour ce qui est des périodes antérieures à 1990, la garantie d'une retraite minimale généralisée à 75 % du SMIC déconnecterait en fait la pension des revenus d'activité sur lesquels les agriculteurs cotisent. Elle modifierait ainsi la logique contributive sur laquelle se fonde notre système d'assurance vieillesse.
Néanmoins, si les exploitants actuellement en activité acquièrent des droits à retraite au moins équivalents à ceux des salariés, le Gouvernement considère que les pensions servies aux anciens exploitants qui sont à la retraite restent, en général, extrêmement faibles, même si cela s'explique parce qu'ils ont cotisé au cours de leur carrière sur de faibles revenus d'activité.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé la mise en place d'une première mesure de revalorisation des pensions des retraités les plus modestes. La majoration profitera aux anciens aides familiaux, aux conjoints d'exploitants et à ceux d'entre eux qui ont été chefs d'exploitation pendant quelques années, dès lors qu'ils auront consacré la totalité ou l'essentiel de leur carrière à l'agriculture. Cette disposition concerne 274 000 agriculteurs.
La majoration très substantielle arrêtée et financée dès la loi de finances pour 1998 permettra ainsi d'attribuer une revalorisation aux agriculteurs ayant accompli entre trente-deux ans et demi et trente-sept ans et demi de carrière dans l'agriculture, atteignant 5 100 francs par an pour ceux qui auront effectué une carrière de trente-sept ans et demi.
Le décret d'application de cette disposition est en cours de signature par les ministres concernés. Il sera, bien sûr, applicable aux pensions versées début avril au titre du premier trimestre de 1998.
Par ailleurs, je rappelle que la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie entraîne la suppression de ces cotisations pour les retraités de l'agriculture non imposables. Ainsi, 700 000 petits retraités de l'agriculture bénéficient de la suppression de la cotisation d'assurance maladie de 2,8 % appelée sur leur avantage vieillesse sans contrepartie de CSG, ce qui représente une revalorisation supplémentaire de leur pouvoir d'achat pouvant atteindre 75 francs par mois.
Pour conclure, monsieur le sénateur, je tiens à rappeler que le Gouvernement s'est engagé à assurer une pension décente aux agriculteurs sur la durée de la législature. Le ministre de l'agriculture et de la pêche s'attache à définir les catégories de retraités dont la situation demande à être encore améliorée.
M. Bernard Dussaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Madame la ministre, je vous remercie de m'avoir transmis la réponse de M. le ministre et des précisions qu'elle contenait quant aux engagements pris par le Gouvernement.
Au demeurant, je pense que la possibilité de vivre et de vieillir dignement tient de la responsabilité collective. Il faudra donc faire jouer la solidarité nationale. Peut-être serons-nous amenés à réfléchir à un éventuel rattachement des retraités du régime agricole au régime général pour qu'ils puissent bénéficier, au même titre que tous, de cette solidarité ?

MISSION DES SAFER