ACCORD AVEC LA NAMIBIE
SUR LA COOPÉRATION CULTURELLE,
SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 203, 1997-1998) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique. [Rapport n° 266 (1997-1998)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à votre approbation vise à autoriser la ratification de l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique entre la France et la Namibie, signé à Windhoek le 22 mars 1995, au nom du Gouvernement français, par M. Bernard Debré, ministre de la coopération.
Ce texte n'est proposé à votre examen qu'aujourd'hui, car certaines de ses dispositions nécessitaient la négociation préalable d'un accord fiscal. C'est chose faite depuis le 29 mai 1996, et cette convention fiscale devrait vous être présentée très prochainement.
La Namibie est, vous le savez, le dernier pays africain à avoir accédé à l'indépendance en 1990, après des années de lutte contre le gouvernement colonial sud-africain de l'époque, qui lui avait imposé, outre la tutelle politique, le régime de l'apartheid. Elle s'est dotée dès 1990 d'un régime démocratique assez remarquable et elle conduit depuis lors une politique de rééquilibrage socio-économique tout à fait nuancée.
La France avait défendu, pendant des années, le droit à l'indépendance du peuple namibien et avait refusé de lier cette question au retrait des troupes cubaines de l'Angola, comme le faisaient certains membres du conseil de sécurité. Cette attitude nous a valu depuis la reconnaissance et l'amitié du Gouvernement namibien, en particulier de la part du Président Nujoma. Sur ce fondement historique, la France et la Namibie ont tissé depuis l'indépendance un véritable lien d'amitié dont la prochaine visite du Président de la République à Windhoek, le 25 juin prochain, témoignera avec éclat.
La France a apporté une aide importante à ce pays qui doit surmonter de très fortes inégalités sociales entre les communautés noires et blanches, que ne traduit pas le produit national brut par habitant, qui est le quatrième d'Afrique. Notre pays est l'un des premiers bailleurs de fonds de la Namibie : 162,9 millions de francs ont été décaissés entre 1990 et fin 1996. Notre aide depuis 1996 est d'environ 25 millions de francs par an, auxquels il faut ajouter les interventions de la Caisse française de développement, autorisées par le Gouvernement namibien depuis le mois de juin 1996.
L'accord de coopération qui vous est soumis aujourd'hui est de facture tout à fait classique ; il permettra d'encadrer et de développer la coopération franco-namibienne dans les secteurs technique, éducatif, culturel, de l'administration publique et de la recherche, afin de soutenir le développement économique et social de la Namibie. Il institue notamment une commission mixte que nous espérons pouvoir réunir bientôt pour la première fois. Cet accord est conclu pour une période de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction ensuite pour de nouvelles périodes de deux ans.
Outre l'utilité technique d'un tel accord, celui-ci permet à la France de donner plus de visibilité à son action et de renforcer les relations d'amitié qui existent déjà avec un pays dont le rôle régional ne doit pas être sous-estimé. Modèle démocratique et pôle de stabilité, la Namibie est en effet, en dépit de sa faible population qui en fait un enjeu commercial modeste, un de nos points d'ancrage dans le sous-continent austral, où nous entendons renforcer notre présence. Le récent voyage du ministre des affaires étrangères en Afrique du Sud et la tournée du Président de la République au mois de juin prochain en Namibie, en Afrique du Sud, au Mozambique et en Angola témoignent de cette volonté.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord sur la coopération culturelle, scientifique et technique franco-namibien, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la géographie, comme l'histoire, paraît avoir placé la Namibie aux marges des intérêts français en Afrique.
Ancienne colonie allemande, mise sous la tutelle de l'Afrique du Sud après la Première Guerre mondiale, ce pays, cerné de vastes déserts et peuplé par moins de deux millions d'habitants, mérite pourtant la plus grande attention. En effet, dernier pays africain à avoir accédé à l'indépendance, le 21 mars 1990, la Namibie s'est dotée d'un régime politique stable et démocratique, et bénéficie en outre d'un fort potentiel de développement dans une région entraînée par le dynamisme économique de l'Afrique du Sud.
Je reviendrai, si vous le permettez, sur ces différents aspects.
Tout d'abord, la Namibie jouit d'un régime stable et démocratique.
Cette stabilité repose pour une large part sur la recherche du consensus, consensus certes favorisé par la personnalité du Président de la République, M. Samuel Daniel Nujoma, considéré comme le principal artisan de l'indépendance et, à ce titre, comme le père fondateur de la nation namibienne. En outre, M. Nujoma peut s'appuyer sur l'ancien mouvement de libération, la SWAPO, la South West Africa People's Organization, devenu le parti majoritaire.
Toutefois, la stabilité de la Namibie doit aussi beaucoup au souci constant manifesté par le pouvoir quant au respect des équilibres politiques et sociaux du pays. C'est peut-être là d'ailleurs la marque la plus évidente de l'ancrage démocratique de la Namibie.
La recherche de l'équilibre se manifeste en particulier dans deux domaines.
Il faut tout d'abord souligner l'attitude adoptée à l'égard des ethnies minoritaires : la seconde chambre, le Conseil national, représente les treize régions et permet ainsi de limiter l'influence de l'ethnie majoritaire des Ovambos, concentrée au nord du pays et soutien traditionnel de la SWAPO.
On relève, en outre, la politique menée à l'égard de la minorité blanche. La volonté de réconciliation nationale a conduit à exclure toute épuration dans la fonction publique. De même, le Gouvernement, respectueux du principe constitutionnel de propriété et, surtout, désireux de ne pas déstabiliser une agriculture dominée par les grands propriétaires blancs, a, pour le moment, différé la réforme agraire initialement projetée.
Le pragmatisme et le souci d'équilibre dont la vie politique intérieure de la Namibie offre l'exemple inspirent la diplomatie de ce pays.
Membre de la Communauté de développement de l'Afrique australe, la Namibie a cherché à tirer parti de la dynamique d'intégration économique régionale. Dans cette perspective, elle s'est efforcée de tisser des relations harmonieuses avec ses voisins.
Les rapports noués avec l'Afrique du Sud, principal interlocuteur de la Namibie, ne présentent plus de contentieux majeur depuis la restitution, par Pretoria, en mars 1994, de l'enclave du port de Walvis Bay, en mars 1994.
Sur le plan économique, la Namibie présente plusieurs atouts. Sous son apparence austère, le désert de Namibie, mais plus encore les fonds sous-marins qui le bordent recèlent d'importants gisements de diamants.
Par ailleurs, sa côte, qui est particulièrement poissonneuse, en fait un des hauts lieux de la pêche et des investissements en matière de transformation des produits de la mer.
Ces ressources, auxquelles il faut tout de même ajouter un potentiel touristique extrêmement important, ne suffiraient peut-être pas à susciter à elles seules l'intérêt des investisseurs étrangers sans l'atout majeur que représente l'appartenance de la Namibie à un ensemble régional, l'Afrique australe, fort de 140 millions d'habitants et appelé à connaître sans doute une croissance importante dans la perspective de la création d'une zone de libre-échange dans un délai de dix ans.
Ces atouts ne produiront toutefois leur plein effet que lorsque la Namibie aura surmonté les handicaps d'une économie encore dépendante et fragilisée par certaines inégalités sociales.
Favoriser une redistribution de la richesse tout en préservant un cadre économique libéral et en évitant le départ de la population blanche, qui constitue l'un des éléments moteurs de l'économie namibienne, apparaît ainsi pour la Namibie comme l'une des clefs de la réussite.
Je voudrais maintenant en venir aux relations bilatérales en soulignant que la Namibie constitue un point d'accès privilégié pour une présence française renforcée en Afrique australe.
La France a su nouer avec la Namibie des relations politiques très confiantes et bénéficie d'une image positive en Namibie, image qui est due non pas seulement à la francophilie reconnue du Président Nujoma, mais aussi au soutien constant que nous avons apporté au processus d'indépendance de la Namibie.
Depuis lors, des contacts réguliers et fréquents ont permis de préserver et d'approfondir des relations bilatérales confiantes. Le Sénat français a d'ailleurs sa part dans l'intensification de ces relations, car le président Monory a effectué, l'an passé, à Windhoek une visite extrêmement appréciée et remarquée.
La présence économique française bénéficiera certainement du développement de notre politique de coopération avec la Namibie. L'aide française ne devrait pas seulement en effet conforter la qualité des relations bilatérales ; elle permettra de financer de nouveaux marchés dont nos entreprises pourront tirer parti.
Aujourd'hui, le développement de la coopération appelle et justifie un cadre juridique sous la forme de l'accord de coopération signé à Windhoek le 22 mars 1995.
En conclusion, avec la mise en place d'un Etat de droit et d'une politique pragmatique et prudente, la Namibie a su incontestablement réussir sa transition démocratique. A ce titre, l'expérience namibienne présente une valeur exemplaire pour le continent.
Ce pays, même s'il lui reste à surmonter une situation sociale encore délicate, dispose d'un réel potentiel de développement dans la perspective de l'intégration économique régionale. Or ce pays, que son histoire comme son environnement portent plutôt vers la sphère germano-anglosaxonne, s'est montré très attaché à l'amitié de la France. Il y a donc là un atout pour notre pays au moment même où il cherche à diversifier ses champs d'intérêt sur le continent, et également pour nos entreprises, qui ne peuvent rester indifférentes au dynamisme économique de cette partie de l'Afrique.
Le développement de notre coopération permettra de conforter l'image positive dont bénéficie la France en Namibie. C'est pourquoi la commission vous invite à adopter le présent projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique, signé àWindhoek le 22 mars 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

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