CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE CIVILE AVEC LE BRÉSIL

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 204, 1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil. [Rapport n° 313 (1997-1998)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis 1981, la France et le Brésil sont liés par une convention d'entraide judiciaire en matière civile, commerciale et administrative. Toutefois, le texte a, dès son entrée en vigueur, montré ses graves limites : trop grande lenteur du côté brésilien dans la transmission des actes ; divergences d'interprétation fortes entre les parties, notamment sur la notion de commission rogatoire ; lacunes en matière de protection des mineurs.
Aussi la partie brésilienne a-t-elle très vite proposé une renégociation pure et simple. Un premier échange de vues, en 1989, portant sur trois conventions, n'a pas abouti. Reprises à Paris les 28 et 30 novembre 1994, les négociations ont permis la signature, le 28 mai 1996, de trois conventions portant sur l'entraide judiciaire en matière civile, en matière pénale et en matière d'extradition.
La convention d'entraide judiciaire en matière civile, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, s'applique également au droit de la famille, au droit commercial et au droit du travail, sous réserve de la compatibilité de la demande d'entraide avec l'ordre public de l'Etat requis.
La convention précise que les ressortissants de chacune des parties ont, dans l'autre partie, les mêmes droits que les ressortissants de cette dernière en matière d'accès à la justice, de caution et d'assistance judiciaire.
L'expression « commission rogatoire », dont l'acception avait été source de difficultés d'application de la convention de 1981, a maintenant cédé la place à celle de « demande d'obtention de preuves » ; enfin, avec les décisions intervenues en matière civile, peuvent aussi être reconnues et exécutées les décisions qui, en matière pénale, ont trait à l'action civile tendant à la réparation d'un dommage.
Les conditions que doivent remplir les décisions judiciaires devant être reconnues et exécutées sont les conditions classiques que l'on retrouve dans ce type de convention. Toutefois, en matière de droit de garde des mineurs, l'exception d'inconciliabilité des décisions ne peut être soulevée pour s'opposer à la reconnaissance d'une décision de l'autre Etat, tant qu'un délai d'un an ne s'est pas écoulé entre le départ du mineur de son pays de résidence habituelle et la date d'introduction de l'instance en exequatur de cette décision dans l'Etat requis.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996, et qui fait l'objet du projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Habert, en remplacement de M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre excellent collègue Hubert Durand-Chastel se trouvant actuellement en Turquie, il me revient de le remplacer pour présenter le rapport de la commisison des affaires étrangères du Sénat sur la convention d'entraide judiciaire en matière civile, signée entre la France et le Brésil le 28 mai 1996.
Avant de présenter ce texte à caractère juridique et technique, on me permettra d'évoquer rapidement la situation actuelle du Brésil et l'état de nos relations bilatérales avec ce pays.
Le Brésil, cinquième pays du monde par sa superficie - 8,5 millions de kilomètres carrés - apparaît aujourd'hui comme une démocratie stabilisée fondée sur un régime présidentiel et des institutions largement décentralisées.
En matière économique, il a amorcé, sous l'impulsion de M. Fernando Henrique Cardoso, en sa qualité de ministre des finances puis de chef de l'Etat, une mutation profonde. La politique de stabilisation - le « plan Real » - a considérablement réduit l'inflation. Le Brésil a engagé de grandes réformes de structures visant à libéraliser l'économie à la fois par une ouverture aux échanges et aux capitaux internationaux et par une réduction du rôle de l'Etat dans l'économie.
Malgré des résultats très significatifs, cette politique de redressement économique est cependant entrée, l'an passé, dans une phase plus difficile marquée par un ralentissement de la croissance, une détérioration des finances fédérales et une aggravation du déficit commercial.
Néanmoins, le Brésil, fort de ses 160 millions d'habitants, dispose d'un considérable potentiel de développement économique. Il entend, par ailleurs, jouer un rôle moteur sur le continent sud-américain, au travers, notamment, du marché commun du cône sud, le Mercosur, qui constitue la priorité de sa politique étrangère.
La mutation économique du Brésil et son rôle régional ont, bien entendu, incité la France à renforcer son intérêt pour ce pays, un intérêt qui date d'ailleurs de plus de quatre siècles, du début du XVIe siècle - de la venue des navigateurs normands et bretons, de la fondation, dans la baie de Guanabara, du premier établissement européen, celui de Nicolas de Villegagnon, en 1555, de Fort-Coligny, de la « France antarctique » - jusqu'en 1560.
Nous nous souvenons de ce passé émouvant, mais aussi du choix fait par le Brésil, au milieu du XIXe siècle, de la devise d'Auguste Comte et du positivisme, « Ordre et progrès », que nous avons le plaisir de voir sur son drapeau lorsque nous nous rendons là-bas.
Récemment, les relations politiques franco-brésiliennes se sont intensifiées. Depuis 1996, des contacts politiques au plus haut niveau ont eu lieu. Un nouvel accord-cadre de coopération a été signé et des projets de coopération transfrontalière avec les régions mitoyennes de la Guyane ont été mis en oeuvre.
En matière culturelle, la coopération franco-brésilienne est également très ancienne. Elle demeure largement concentrée sur l'action en faveur de la langue française. Nos trois grands lycées français de Brasilia, de Rio de Janeiro et de Sao Paulo scolarisent plus de 2 000 élèves et l'Alliance française dispose d'un réseau très dense, réparti sur cinquante-deux villes, qui accueille actuellement quelque 30 000 élèves.
C'est, bien entendu, dans le domaine économique qu'il paraît essentiel de renforcer nos relations. Nous ne sommes que le vingtième fournisseur du Brésil, avec lequel nos échanges sont déficitaires. Nous devons toutefois nous féliciter de la vigueur de notre flux d'investissement, qui a placé la France au premier rang des investisseurs étrangers en 1996.
Après cet aperçu très rapide du Brésil et de ses relations avec la France, examinons le texte dont nous sommes saisis et que M. le ministre vient d'exposer fort clairement, ce qui me dispensera d'entrer dans les détails.
Il s'agit d'un dispositif classique d'entraide judiciaire, qui a pour objet de faciliter, par-delà les frontières, l'action de la justice, notamment la notification des actes, la recherche de preuves ou encore l'exécution des décisions de justice. Notons que la convention se limite au domaine civil et ne couvre ni l'entraide judiciaire en matière pénale ni surtout - c'est important - l'extradition.
Nous sommes liés actuellement au Brésil par une convention de coopération judiciaire vieille de dix-sept ans puisqu'elle date du 30 janvier 1981. Mais cette convention a connu, dès le départ, de nombreuses difficultés qui ont rendu son application impossible.
La présente convention, signée le 28 mai 1996, vise à combler la lacune qui s'est créée et tente de résoudre les problèmes qui se posent sur le plan judiciaire entre les deux pays.
C'est en particulier le cas pour les modalités de notification des actes judiciaires, qui n'ont pas réglé de manière claire la question de la traduction des documents. La nouvelle convention pose clairement le principe de la traduction des actes : leur transmission par l'Etat requérant s'accompagne d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.
La deuxième difficulté provient d'une interprétation divergente entre les parties de la notion de commission rogatoire. La nouvelle convention consacre l'interprétation donnée par la France. Les termes de commission rogatoire sont abandonnés au profit de la notion d'obtention de preuves, seule concernée par la convention d'entraide judiciaire.
Troisièmement, la définition des actes établis dans l'un des deux pays qui bénéficient dans l'autre pays d'une dispense de légalisation était trop large et donnait lieu à des fraudes. La nouvelle convention est beaucoup plus précise et permet à l'une des parties de demander une enquête à l'autre lorsqu'il y a un doute « grave et fondé » sur l'authenticité de l'acte.
Enfin, la nouvelle convention d'entraide judiciaire apporte une amélioration très importante en matière d'exécution des décisions judiciaires qui concernent la garde des mineurs, afin d'éviter que le parent qui a illégalement déplacé - quelquefois enlevé - l'enfant ne puisse faire échec à une décision de justice rendue dans le pays d'origine. Ce risque sera dorénavant sérieusement réduit, car, dans le cas où ce parent a saisi une juridiction dans son propre pays, l'application d'une décision rendue dans le pays d'origine ne pourra être refusée que s'il s'est écoulé un délai supérieur à un an entre le déplacement de l'enfant et la demande d' exequatur de cette décision.
Enfin, de manière générale, on peut estimer que la nouvelle convention adopte une rédaction plus claire, plus lisible et plus actuelle que celle de 1981 puisqu'elle s'inspire des accords de même nature qui ont été négociés par la France depuis une dizaine d'années.
Il faut signaler, pour terminer, qu'il s'est écoulé près de dix années entre le début des négociations franco-brésiliennes et l'engagement du processus de ratification. Un premier texte avait été mis au point en 1989, suivi d'une seconde version - la version actuelle - adoptée en 1994. Ce texte n'a été signé qu'en 1996 et n'arrive devant le Parlement qu'en 1998.
Au moment où la France entend intensifier ses relations avec le Brésil, il paraît indispensable de permettre l'entrée en vigueur, trop longtemps différée, de cette nouvelle convention d'entraide judiciaire en matière civile, qui se substituera au texte de 1981, inapplicable - je l'ai dit - sur de nombreux points.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à approuver le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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