M. le président. La parole est à M. Clouet auteur de la question n° 206, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean Clouet. Madame le ministre, le château de Vincennes, ensemble domanial classé au titre des monuments historiques, est occupé conjointement par des services dépendant du ministère de la culture et de la communication et du ministère de la défense, notamment par les services historiques des armées. Cette dualité a conduit, en 1988, à la création d'une commission interministérielle - sous la présidence de M. Jean-Philippe Lecat, l'un de vos prédécesseurs, madame le ministre - chargée d'assurer la gestion du site, de conduire les travaux de restauration, de favoriser son animation ainsi que sa mise en valeur.
Depuis 1988, près de 100 millions de francs, provenant pour les deux tiers de la culture et pour un tiers de la défense, ont été dégagés mais ce sont plus de 300 millions de francs qu'il faudrait encore y consacrer, selon les dernières estimations de l'architecte en chef des monuments historiques.
Le donjon a été fermé au mois de septembre 1996 et son accès au public sera interdit au moins pour cinq années encore si les travaux se déroulent au rythme actuel et s'il n'y a aucune mauvaise surprise.
J'observe que, dans l'hypothèse d'une simple reconduction de la dotation annuelle actuelle, il faudrait plus de trente ans pour finir les travaux, sans tenir compte de l'oeuvre du temps, qui imposera de nouvelles interventions sur certaines parties du monument.
Ainsi M. Jean-Philippe Lecat pouvait-il écrire en 1993 : « Croit-on que si le Royaume-Uni, la Russie ou l'Allemagne possédaient, aux portes de leur capitale, un ensemble monumental témoin de leur histoire nationale et de la naissance de l'Etat qui fonda leur rang parmi les nations, ils hésiteraient à faire de sa renaissance le grand projet de la décennie à venir ? »
Est-il raisonnable de se résigner à voir le château de Vincennes, présent dans l'imaginaire de chaque Français en raison, notamment, du souvenir qui l'associe à Saint Louis, rester indéfiniment délaissé, masqué par d'éternels échafaudages et soustrait à la fréquentation du public ?
Je persiste à croire que non.
C'est pourquoi je vous demande, madame le ministre, si cet admirable ensemble monumental qu'est le château de Vincennes ne pourrait pas se voir affecter une dotation budgétaire augmentée, en vue d'une accélération des travaux, ou, mieux encore, faire l'objet d'un « grand projet » doté d'un financement approprié dont les bases seraient éventuellement élargies.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je partage, monsieur le sénateur, votre sentiment sur la place qu'occupe le château de Vincennes au premier rang du patrimoine historique et architectural de la France.
Cette conviction, qui est également celle du ministre de la défense, exige de parvenir à une gestion coordonnée du château, permettant à chacun d'exercer sa mission dans de bonnes conditions. En témoignent les décisions récemment prises par la commission interministérielle du château de Vincennes, consistant à compléter la protection de l'ensemble au titre des monuments historiques, le château ne bénéficiant aujourd'hui que de protections partielles, et à redéfinir la situation domaniale de chacun des éléments du château.
Parallèlement, et depuis plusieurs années, un effort est mené par nos deux ministères pour développer la fréquentation du monument et sa présentation au public : fouilles archéologiques du manoir capétien, journées du patrimoine, expositions organisées par le ministère de la défense, visites gérées par la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, concerts, projet de nouvelle mise en lumière de la sainte-chapelle et de la tour du village, participent de cette préoccupation majeure. La ville de Vincennes s'associe d'ailleurs à ces opérations, avec les « fêtes du château ».
La restauration du château bénéficie également d'un effort conjoint de nos deux administrations. Ainsi, en raison de l'importance majeure de ce monument, le ministère de la culture cofinance, à titre très exceptionnel, les travaux de restauration des parties classées du château qui sont affectées au ministère de la défense.
Pour autant, cette restauration doit être menée progressivement. Si les besoins globaux en travaux ont été estimés à 300 millions de francs - je confirme le chiffre que vous citez, monsieur le sénateur - tous ne présentent pas le même degré d'urgence.
Dans l'idéal, plusieurs monuments insignes exigeraient eux aussi la mise en oeuvre rapide de crédits considérables. Il convient cependant de répartir, en fonction des besoins les plus pressants, une enveloppe donnée entre ces édifices et la grande majorité des monuments classés, appartenant ou non à l'Etat, dont la conservation doit également être assurée.
Pour ce qui concerne spécifiquement le donjon de Vincennes, élément phare du monument avec la sainte-chapelle, l'opération de restauration devait en effet demander cinq années. Cette contrainte assez lourde, mais que la Caisse nationale des monuments historiques et des sites tente de compenser partiellement par une information extérieure des visiteurs sur l'édifice et le chantier, ne pourrait être levée par la seule multiplication des crédits. Il convient en effet de consacrer le temps nécessaire aux phases d'études préalables et de mener les travaux selon une progression précise, élaborée en fonction des données structurelles déterminées par ces études.
Vous avez rappelé, monsieur le sénateur, que 100 millions de francs ont été consacrés à la restauration du château de Vincennes depuis dix ans et que ces crédits provenaient pour les deux tiers du ministère de la culture. L'enveloppe prévue par ce département pour le château s'élève en 1998 à 13,27 millions de francs, grâce à la restauration des crédits liés au patrimoine, auxquels il convient d'ajouter les sommes consacrées à l'entretien et les investissements de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites. L'effort sera poursuivi dans les années à venir, principalement sur le donjon, puis en fonction des besoins qui apparaîtront par ailleurs et de la programmation des travaux que nous pourrons dégager des études que j'évoquais précédemment.
M. Jean Clouet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Madame le ministre, après vous avoir remerciée de votre réponse courtoisement circonspecte, permettez-moi de vous remettre en mémoire que tous les rois de France, jusqu'à Louis XV inclus, ont résidé au château de Vincennes, et que le général de Gaulle avait envisagé de le faire.
Sans aller jusque-là, peut-être pourriez-vous, madame le ministre, vous y rendre quelques instants, si vous ne l'avez déjà fait. Je suis sûr que vous ne regretterez pas cette visite. (Sourires.)

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