M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 185, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, la restructuration autoritaire pensé par le gouverneur de la Banque de France va mobiliser ce matin même, au Palais du Luxembourg, de nombreux maires et élus parfaitement déterminés à s'opposer à ce projet.
Leur réaction, madame le secrétaire d'Etat, est à la mesure de l'ampleur des menaces qui pèsent sur l'institution, avec l'abandon de certaines activités et la fermeture de quelque 92 caisses de succursale.
Le projet est ancien, et M. Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et des finances, en réponse à l'une de mes interventions, confirmait bien, et même justifiait, « cette réorganisation interne annoncée par le Gouvernement ». Il estimait par ailleurs que cette réorganisation interne n'entrait pas dans le cadre de la loi d'orientation, pour l'aménagement et le développement du territoire, ce qui m'avait beaucoup surpris.
Madame le secrétaire d'Etat, nous contestons cette position. Je ne donnerai pas lecture de l'article 29 de cette loi, chacun ici le connaît, mais nous considérons que la fermeture de nombreuses caisses viserait directement la mission de service public.
De surcroît, et quoi qu'en dise M. le gouverneur, les syndicats et les élus, instruits par un passé plutôt douloureux, affirment que les fermetures de caisses peuvent, à terme, déboucher sur des fermetures de succursales. C'est dire si l'impact immédiat ou à moyen terme de cette restructuration risque d'être dévastateur en matière de service public et d'aménagement du territoire.
L'enjeu est donc d'importance, et je ne peux que regretter plus fortement encore, jusqu'à ce jour du moins, la mise entre parenthèses de tout véritable dialogue social au sein de l'entreprise. Le fait, notamment, que la pratique de ce dialogue social se soit déplacée vers le nouveau ministre est assurément très révélateur.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai relevé, et je m'en réjouis, le constat de désaccord formulé très récemment par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie quant à ce déficit de dialogue social dans l'entreprise.
J'ai bien noté également la fermeté du ministre dès lors qu'il s'agit de faire respecter des garanties aussi essentielles que l'emploi, la qualité du service public et l'aménagement du territoire.
Si des évolutions s'imposent, il convient à mon avis de les rechercher dans le sens du renforcement des missions du service public.
La réforme des dispositions concernant le surendettement ou le passage à l'euro ou encore les problèmes liés à l'exclusion bancaire devrait permettre de renforcer ces missions de service public d'une manière plus générale.
Enfin, pour en venir au plan local - je veux parler de la Banque de France de Narbonne - il y a là sûrement nécessité de tenir compte de la situation économique s'agissant d'un arrondissement dont la population ne cesse de progresser et pour laquelle les statistiques établies par l'INSEE font état d'une augmentation de quelque 14 % à l'horizon 2010.
Je veux également signaler - autre paradoxe - les menaces qui pèsent sur la recette des finances de Narbonne. Là encore, l'administration semble persister dans l'erreur, cela depuis plusieurs années. Il importe, madame le secrétaire d'Etat, de réexaminer ce dossier et de réorienter la manoeuvre.
Je reviens, pour terminer, à la Banque de France.
Madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement entend-il peser de tout son poids sur les décisions de la Banque de France et de son gouverneur ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, il est vrai que la Banque de France examine actuellement une réorganisation interne de l'activité de caisse de certaines succursales.
Compte tenu de l'importance de ces évolutions, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a précisé d'emblée qu'aucune décision ne devait être prise avant qu'un dialogue social approfondi sur les fonctions des services de caisse des succursales dans le contexte du système européen de banques centrales ait eu lieu. Selon les informations dont nous disposons, le gouverneur a engagé cette phase de concertation.
Il faut qu'elle se poursuive afin de dégager des solutions adaptées dans le respect de trois objectifs fondamentaux que vous avez eu raison de rappeler : l'emploi, ce qui exclut tout licenciement qu'il s'agisse du personnel statutaire ou contractuel - M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'avait rappelé dès le départ ; l'aménagement du territoire - vous avez raison égaglement sur ce point - qui exige qu'aucune succursale de la Banque de France ne soit fermée ; la qualité du service public - notamment en matière de sécurité et de circulation fiduciaire - le réclame.
Ce n'est qu'à l'issue de cette phase de dialogue social, et dans le respect de ces principes, que le conseil général de la Banque de France sera appelé à se prononcer sur ce projet, ou sur des projets.
Parallèlement, vous avez raison de souligner aussi que la réforme des procédures de surendettement - à laquelle je suis très attachée, monsieur le sénateur - contribuera à renforcer le rôle des succursales de la Banque de France dans le traitement des cas de détresse sociale. C'est une mission essentielle qu'il nous appartient de mettre à nouveau sur le chantier. Je tiens à préciser que les personnels la remplissent de façon très correcte, et très sociale, au sens vrai du terme.
Le Gouvernement est donc très attaché à ce que, par une discussion constructive avec les partenaires sociaux et avec les élus, une solution adéquate soit trouvée à ce dossier, en particulier lorsqu'il s'agit de Narbonne. M. Dominique Strauss-Kahn l'a clairement indiqué aux partenaires sociaux et aux élus lorsqu'il les a reçus récemment.
Nous ne pouvons admettre que l'impact d'une décision de ce type sur une ville, où qu'elle soit sur notre territoire, ne soit pas pris en compte. Vous avez raison de parler de la loi sur l'aménagement du territoire : nous avons rappelé que nous étions, bien évidemment, profondément attachés à ce que toute évolution du service public soit accompagnée d'une réelle étude d'impact. Nous ne pouvons donc pas accepter qu'une telle étude ne soit pas faite.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Vous avez parlé de la recette des finances, monsieur le sénateur. Il est vrai qu'à ce jour, et simplement sur une orientation générale, les directeurs départementaux doivent soumettre un certain nombre d'évolutions en la matière, davantage en fonction des réorganisations que nous leur demandons - en ce qui concerne l'informatique, par exemple - qu'en fonction de suppressions ou d'ouvertures, qui, bien que malheureusement rares, seraient possibles dans certains quartiers. Nous avons effectivement demandé que le service public des finances soit présent dans certaines grandes banlieues d'où il est absent. Forts de cette orientation, certains directeurs départementaux ont effectivement annoncé que des recettes devaient disparaître.
Je ne connais pas suffisamment le point où en est le dossier dont vous parlez, mais je pense qu'à ce jour aucune proposition de fermeture n'a été acceptée, monsieur le sénateur. Je vous demanderai donc de bien vouloir nous faire parvenir des éléments d'information supplémentaires sur ce point particulier, car nous sommes très vigilants sur tout service public, a fortiori lorsqu'il dépend du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces propos, que je qualifierai d'encourageants.
Certes, nous savons que, conformément au traité sur l'Union européenne et à la loi du 4 août 1993, la Banque de France est devenue indépendante, indépendance qui ne s'applique toutefois qu'à la politique monétaire afin d'assurer la stabilité des prix, ce qui nous permet d'admettre la compétence du conseil général s'agissant des mesures relatives à la circulation fiduciaire, sans omettre le rôle important du censeur, nommé d'ailleurs par le ministre.
Je crois qu'il y a là, madame le secrétaire d'Etat, un moyen de peser sur certaines orientations, puisque les décisions du conseil général de la Banque de France sont définitives, à moins que le censeur n'y fasse opposition.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roland Courteau. Autre remarque : pour justifier ces fermetures, le gouverneur met en avant la fragilité du compte d'exploitation due, paraît-il, à la baisse des taux d'intérêt. Cette remarque avait été formulée par M. Jean Arthuis voilà un an ou deux.
Je crois savoir que l'entreprise a dégagé dans une période plutôt difficile quelque deux milliards de francs de bénéfice net. Je crois savoir aussi que, selon les experts, les revenus de la Banque de France seront plus importants encore avec la mise en place de la Banque centrale européenne.
Enfin, que penser de cette obstination à vouloir restructurer, réorganiser, c'est-à-dire à fermer des caisses, au moment où chacun convient ici qu'il faudrait rendre ces dernières plus aptes encore à faire face aux exigences de la mise en place de l'euro ?
Bref, il s'agit selon nous, et mon collègue Gérard Delfau s'associe à ma démarche,...
M. Gérard Delfau. Tout à fait !
M. Roland Courteau. ... de nourrir le travail de la Banque de France et de conforter les activités du métier.
Et pourquoi ne pas évoquer, dans mon propos, une autre mission de service public mise en avant par les syndicats et par vous-même, madame le secrétaire d'Etat, voilà quelques instants, et qui relève de la solidarité nationale ?
En effet, la multiplicité des accidents de la vie - chômage, divorce, maladie - a engendré une précarité extrême. Il faut donc revoir le dispositif relatif au surendettement et écouter ceux des personnels de la Banque de France qui savent de quoi ils parlent, comme vous l'avez souligné à juste titre, et qui ont des propositions à faire en matière d'information, de médiation, d'élargissement du droit au compte, d'utilisation de certains moyens de paiement en toute gratuité et d'accompagnement social, toutes propositions dont la mise en oeuvre nécessite, il est vrai, que la Banque de France dispose de moyens humains et financiers plus importants, et non le contraire ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)

FISCALITÉ DES PLUS-VALUES
LORS DE LA TRANSFORMATION
DU STATUT JURIDIQUE D'UNE SOCIÉTÉ