M. le président. « Art. 2. - L'article 2 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 précitée est ainsi modifié :
« 1° Les premier et deuxième alinéas sont supprimés ;
« 2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les conditions fixées par les statuts du Système européen de banques centrales, la Banque de France détient et gère les réserves de change de l'Etat en or et en devises et les inscrit à l'actif de son bilan selon des modalités précisées dans une convention qu'elle conclut avec l'Etat ;
« 3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Dans le respect des dispositions de l'article 109 du traité instituant la Communauté européenne et de l'article 6, paragraphe 2, du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, la Banque de France peut participer, avec l'autorisation du ministre chargé de l'économie, à des accords monétaires internationaux. »
Sur cet article, la parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2 du projet de loi dispose : « Dans le respect des dispositions de l'article 109 du traité instituant la Communauté européenne et de l'article 6, paragraphe 2, du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, la Banque de France peut participer, avec l'autorisation du ministre chargé de l'économie, à des accords monétaires internationaux. »
Parmi ces accords, se trouvent ceux qui sont passés par la France avec un grand nombre de nations africaines. Ces accords instituent un franc CFA et créent une vaste zone dans laquelle ce franc CFA est la monnaie officielle, stabilisée à une valeur déterminée et constante par rapport au franc français.
Le franc CFA, vous le savez mes chers collègues, constitue le dispositif primordial d'une présence économique française dynamique en Afrique, ainsi qu'un élément essentiel d'une francophonie vivante et agissante.
Or, de nombreuses questions se posent aujourd'hui à ce sujet dans tous ces pays. Une grande inquiétude s'est répandue. Les sénateurs représentant les Français établis hors de France qui visitent ces pays sont l'objet de nombreuses questions, qui se résument en celle-ci : que deviendra le franc CFA quand la monnaie unique entrera en vigueur ?
On craint, sans doute sans raison, une nouvelle dévaluation. Quel sera le taux du franc CFA par rapport à l'euro ? Sa valeur et son éventuelle parité seront-elles garanties ?
Certes, nous avons déjà reçu plusieurs assurances à ce sujet de la part du Gouvernement, et notamment de M. le ministre délégué à la coopération.
Mais puisque l'article 2 se réfère aux accords monétaires internationaux, l'occasion se présente pour nous de vous interroger une fois de plus, monsieur le ministre. Nous attendons de vous une réponse claire, qui apaiserait non seulement l'opinion publique de ces pays, mais également tous nos compatriotes qui y résident.
J'espère que vous pourrez nous dire ce qu'il adviendra, selon vous, du franc CFA à l'échéance très proche de l'avènement de l'euro en France et dans les autres pays européens concernés.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Puisque vous m'y invitez, je saisis l'occasion de vous répondre sur le franc CFA. S'il n'est pas directement lié à notre débat, vous avez cependant eu raison de poser cette question.
Une réunion de la zone franc s'est tenue à Libreville, voilà une dizaine de jours. J'y ai assisté avec M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération.
En effet, l'inquiétude existe parmi nos partenaires quant aux conséquences du passage à l'euro sur le franc CFA.
La réalité, vous le savez mais je le répète, c'est que cela n'aura aucune conséquence.
Soyons clairs : aujourd'hui, un franc français vaut cent francs CFA ; lorsque le passage à l'euro sera fait, si la parité retenue est de un euro pour six francs - ce ne sera évidemment pas cela, mais je retiens cette hypothèse pour simplifier et obtenir des chiffres ronds - un euro vaudra six cents francs CFA. Evidemment, il ne se passera rien dans les deux zones, ni dans la zone centrale, ni dans la zone occidentale.
Un certain nombre d'articles de presse ont paru. Leurs auteurs n'étaient pas très bien informés ou, éventuellement, n'étaient pas très bien intentionnés car, vous le savez, en matière de dévaluation, les rumeurs servent toujours ceux qui veulent spéculer sur la monnaie. Certains de ces articles émanaient même d'anciens responsables, au plus haut niveau, de la politique française.
Je regrette, comme le Président de la République, que ces avis aient pu être émis. Ils n'ont aucun fondement. Une dévaluation se produit lorsque les économies rencontrent des difficultés. Cela a été le cas en 1993-1994 avec la dévaluation du franc CFA. Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que j'étais alors dans l'opposition. Aujourd'hui, force est de reconnaître que cette dévaluation a porté ses fruits. Elle a été douloureuse au début pour les populations de ces pays. La croissance très forte que l'on constate dans la zone franc - plus de 5 % dans tous les pays de la zone franc ; on n'a jamais vu cela dans toute l'Afrique sub-saharienne - justifie la mesure qui a été prise. La zone franc apparaît aujourd'hui, parmi les pays africains, comme l'endroit où, pour la première fois depuis très longtemps, les taux de croissance économique étant supérieurs à la croissance de la population, le revenu par habitant va s'élever et, on peut l'espérer, un décollage économique va se produire.
C'est largement le fruit de la dévaluation. A l'époque, il y avait des raisons économiques d'en conduire une. Aujourd'hui, il n'y en a strictement aucune ; les finances publiques sont encore difficiles, mais elles sont en voie d'assainissement dans la plupart de ces pays. Le passage à l'euro n'a et n'aura aucune influence sur le fonctionnement de la zone franc. Le ministère des finances en France continuera de gérer cette affaire avec ses partenaires. D'ailleurs, le fait que ce soit le Trésor qui soit chargé de la gestion de la zone franc depuis le début, et pas la Banque de France, montre bien que l'opération que nous examinons aujourd'hui, qui concernera l'euro et affectera la Banque de France, ne concerne pas la zone franc, puisque celle-ci n'a jamais eu de rapport avec la Banque de France.
Il s'agit d'une opération budgétaire, avec un compte au Trésor qui reflète les excédents des comptes en zone franc. A la suite du passage à l'euro, aucune modification n'apparaîtra dans les pays concernés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par le troisième alinéa (2°) de l'article 2 pour le troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 :
« Sans préjudice du transfert d'avoirs de réserve de change à la Banque centrale européenne, visé à l'article 30 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, et du transfert des avoirs de réserve de change lié aux obligations de la Banque de France envers les organisations internationales, visé à l'article 31 du dudit protocole, la Banque de France détient et gère les réserves de change de l'Etat en or et en devises et les inscrit à l'actif de son bilan selon des modalités précisées dans une convention qu'elle conclut avec l'Etat. »
Par amendement n° 17, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par le 2° de l'article 2 pour le troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 par la phrase suivante :
« Elle les utilise conformément aux besoins de l'économie nationale et notamment de l'emploi. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Alain Lambert. rapporteur. Cet amendement, que j'ai évoqué tout à l'heure lors de la discussion générale, est d'ordre rédactionnel.
Il s'agit d'un amendement de forme, mais il est également important sur le fond parce qu'il tend à améliorer la lisibilité de la loi.
Je vous propose d'éviter de légiférer par référence, en permettant d'intégrer à notre droit le contenu des textes qui sont actuellement désignés par leur numéro d'article. Cet amendement vise ainsi à préciser que les articles du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne concernés sont les articles 30 et 31, relatifs au transfert d'avoirs de réserve de change. La rédaction proposée me semble plus lisible.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 17.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement participe de la même conception que l'amendement n° 16 que nous avons défendu à l'article 1er.
En l'occurrence, il s'agit de donner à notre banque centrale la capacité d'intervenir dans la vie économique du pays, en utilisant les moyens dont elle dispose pour favoriser le développement économique et ce qui en découle, c'est-à-dire la création d'emplois.
Je ferai observer que, dans le monde dans lequel nous vivons, nous connaissons d'autres banques centrales qui jouent ce rôle, je pense en particulier - cela a été dit par certains de nos collègues lors de la discussion générale - à la Federal Reserve Bank américaine ou encore à la Banque d'Angleterre, pays non qualifié pour l'euro parce que non demandeur, soit dit en passant, qui détient directement une part du capital de certaines entreprises.
Il ne nous paraît donc pas particulièrement aberrant de souhaiter que les ressources de notre banque centrale soient mobilisées pour favoriser le développement économique, d'autant que nous avons l'impression que le maintien de la parité de l'euro n'est pas à proprement parler ce que l'opinion publique attend de la mise en place ce celui-ci.
Je tends d'ailleurs à penser que si nos concitoyens paraissent mal ou peu informés de ce que signifie concrètement le passage à l'euro, c'est peut-être tout simplement aussi parce que leur préoccupation essentielle, outre les problèmes de conversion, serait de savoir si cette monnaie unique va contribuer à résoudre certaines des difficultés sociales et économiques qu'ils connaissent.
L'euro - scepticisme est plutôt un scepticisme sur la capacité de l'euro à servir pour contenir et réduire le niveau du chômage, à accompagner la croissance réelle ou encore à réduire les inégalités sociales et les exclusions.
L'euro serait-il, si l'on peut dire, compatible avec le traité sur l'Union européenne, qui stipule, dans son article 2, que « La Communauté a pour mission de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, l'égalité entre les hommes et les femmes, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les Etats membres ? »
C'est donc sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 17.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Mme Beaudeau manifeste tout à coup une confiance beaucoup plus grande pour la Banque centrale, puisqu'elle nous propose d'utiliser les réserves de change de l'Etat pour faire de la politique économique ! Cela ne paraissant pas vraiment souhaitable à la commission des finances, cette dernière a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 17.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 17 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme l'a indiqué M. le rapporteur, l'amendement n° 1 est de nature rédactionnelle. Je ne vois aucune objection à l'amélioration de la rédaction du texte.
J'indiquerai simplement que les termes « sans préjudice du transfert d'avoirs » ne me paraissent pas satisfaisants dans la mesure où ils laissent supposer que l'on risque justement d'exclure ce transfert. Ne serait-il pas possible de retenir la formulation : « Dans les conditions du transfert d'avoirs », qui serait plus claire et donc préférable ?
Sous cette réserve, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 1.
S'agissant de l'amendement n° 17, nous retrouvons, comme le disait Mme Beaudeau, les motivations invoquées lors de la discussion de l'amendement n° 16. Par conséquent, et pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées tout à l'heure à propos de l'article 1er, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 17.
M. le président. Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?
M. Alain Lambert. rapporteur. Je l'accepte, et je rectifie l'amendement n° 1 en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Lambert, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de l'article 2 pour le troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 :
« Dans les conditions du transfert d'avoirs de réserve de change à la Banque centrale européenne, visé à l'article 30 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, et du transfert des avoirs de réserve de change lié aux obligations de la Banque de France envers les organisations internationales, visé à l'article 31 dudit protocole, la Banque de France détient et gère les réserves de change de l'Etat en or et en devises et les inscrit à l'actif de son bilan selon des modalités précisées dans une convention qu'elle conclut avec l'Etat. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 17 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 2, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par le cinquième alinéa (3°) de l'article 2 pour le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 :
« Dans le respect des dispositions de l'article 109 du traité instituant la Communauté européenne, relatives aux instances internationales dans lesquelles les Etats membres peuvent négocier et aux accords internationaux qu'ils peuvent conclure, ainsi que dans le respect de l'article 6, paragraphe 2, du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, relatif aux institutions monétaires internationales auxquelles la Banque centrale européenne et, sous réserve de son accord, les banques centrales nationales sont habilitées à participer, la Banque de France peut participer, avec l'autorisation du ministre chargé de l'économie, à des accords monétaires internationaux. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. L'inspiration est la même, monsieur le président : nous cherchons à rendre la loi le plus lisible possible.
Les dispositions communautaires concernées ici sont les suivantes : l'article 109, paragraphe 5, du traité, qui est relatif aux instances internationales dans lesquelles les Etats membres peuvent négocier et aux accords internationaux qu'ils peuvent conclure, et l'article 6, paragraphe 2, du protocole sur les statuts du SEBC et de la Banque centrale européenne, qui est relatif aux institutions monétaires auxquelles la Banque centrale européenne et, sous réserve de cet accord, les banques centrales nationales sont habilitées à participer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je dois dire que cet amendement me pose un petit problème. En effet, il se réfère à l'article 109, mais, en réalité, il décrit, pour vouloir le préciser - l'intention est bonne - ce qui figure dans l'article 109, paragraphe 5, ce qui aboutit à ce que le 3° de l'article 2 ne vise que l'article 109, paragraphe 5.
Or, comme vous le savez, le projet de loi élaboré par le Gouvernement a été soumis à l'Institut monétaire européen de façon que celui-ci donne son avis sur ce qui lui semblait cohérent en termes de convergence juridique. Alors que la rédaction gouvernementale initiale était assez proche de celle que nous propose M. le rapporteur, l'Institut monétaire européen a fait remarquer que l'article de la loi devait englober l'ensemble de l'article 109 et pas simplement son paragraphe 5.
Par conséquent, je crains que, avec la meilleure intention du monde, nous n'allions vers une difficulté juridique et que le jeu n'en vaille pas la chandelle. En effet, à mon avis, le fait de mieux préciser dans une rédaction ce que l'on veut dire n'emporte pas l'adhésion si, par ailleurs, on prend le risque de voir ce point « retoqué » parce qu'il ne concernerait pas l'ensemble de l'article 109 du traité.
Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, je vous invite à retirer cet amendement, qui risquerait finalement de créer plus de problèmes qu'il n'en résoudrait.
M. le président. L'amendement n° 2 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission des finances a beaucoup fait pour que ses rédactions ne donnent lieu à aucune improvisation, et un travail très approfondi a ainsi été réalisé.
J'imagine que les observations que vient de formuler M. le ministre sont très importantes ; mais, en tout état de cause, elles ne m'ont pas été présentées à un moment où j'aurais pu vérifier si le texte que je propose au Sénat, et qui a été adopté par la commission des finances, pose effectivement les problèmes que M. le ministre vient d'indiquer.
Notre souci absolu, compte tenu des délais très rigoureux dans lesquels nous sommes enfermés, a été que le débat puisse s'opérer dans les meilleures conditions. Nous en sommes simplement à l'article 2 et nous commençons à connaître des problèmes !
Je ne voudrais pas donner l'impression d'une trop grande légèreté, et je maintiens, car c'est l'obligation dans laquelle je suis enfermé, l'amendement n° 2, tel qu'il est proposé.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article additionnel après l'article 2