participation de l'enfant orphelin
au conseil de famille

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 99, 1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, permettant à l'enfant orphelin de participer au conseil de famille [Rapport n° 396, 1997-1998].
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous appartient de vous prononcer aujourd'hui sur la proposition de loi, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, permettant à l'enfant orphelin de participer au conseil de famille réuni à la suite du décès de ses parents.
Il s'agit du second texte émanant du Parlement des enfants qui est soumis au vote de la représentation nationale.
Ce Parlement des enfants réunit, depuis 1994, les délégués de 577 classes de CM2 choisies dans chaque circonscription législative afin de débattre des thèmes de la démocratie représentative, du travail des parlementaires et du fonctionnement des assemblées.
En 1996, pour la première fois, chacune de ces classes a préparé une proposition de loi sur un sujet de son choix. Les dix meilleures propositions ont été sélectionnées par les enseignants dans chaque académie puis par un jury national.
Ce texte constitue le prolongement de la préoccupation d'une élève de CM2 d'une école de Tours qui venait de perdre son père dans un accident ayant en outre rendu sa mère invalide. Cette situation dramatique l'avait conduite à s'interroger sur la possibilité pour un enfant d'exprimer son souhait de vivre dans une famille choisie par lui en cas de décès de ses deux parents.
Or, l'état actuel du droit positif ne permet pas d'apaiser les inquiétudes de cette jeune écolière : en effet, si l'intérêt de l'enfant préside toujours au choix des mesures adoptées à son égard, l'enfant reste largement étranger aux choix qui peuvent être faits par le conseil de famille.
Aujourd'hui, lorsque les parents d'un enfant sont tous deux décédés, la loi prévoit l'ouverture d'une mesure de tutelle. Le juge des tutelles doit alors convoquer un conseil de famille qui, aux termes du code civil, est chargé de régler les conditions générales de l'entretien et l'éducation de l'enfant, et de lui désigner un tuteur.
Actuellement, seul le mineur âgé de plus de seize ans peut assister, à titre consultatif, à une séance du conseil de famille, soit que le juge l'estime utile, soit que la réunion du conseil de famille ait été provoquée sur l'initiative du mineur, auquel cas sa présence est obligatoire.
Le droit positif, en ce domaine, apparaît donc en décalage par rapport au principe général désormais posé par le code civil, en application des engagements internationaux de la France, notamment de la convention internationale des droits de l'enfant, selon laquelle le mineur doué de discernement peut faire entendre son point de vue dans les procédures le concernant.
La proposition de loi issue du Parlement des enfants prévoyait à l'origine trois dispositions : tout d'abord, l'audition du mineur orphelin de plus de sept ans par le juge avant la réunion du conseil de famille pour lui permettre d'exprimer ses souhaits sur l'organisation de sa vie future ; ensuite, la réunion du conseil de famille, à la suite de cette audition, et en l'absence du mineur ; enfin, la réunion du conseil de famille en présence de l'enfant âgé d'au moins treize ans, le juge ayant la possibilité, en dessous de cet âge, d'apprécier l'opportunité de la présence du mineur.
Les préoccupations des enfants se retrouvent dans le texte proposé par la commission des lois de l'Assemblée nationale, voté par cette dernière et dont vous êtes saisis.
L'article 1er de cette proposition de loi étend au mineur capable de discernement la faculté, jusqu'alors réservée au mineur de plus de seize ans, de provoquer la convocation du conseil de famille, sauf décision contraire du juge. Le magistrat ne peut cependant s'opposer à la demande que par une décision spécialement motivée. Le mineur de seize ans révolus conserve, bien sûr, le droit de provoquer la réunion du conseil de famillle.
Cette disposition, qui n'était pas expressément prévue par le Parlement des enfants, va toutefois dans le sens d'un renforcement des droits de l'enfant. Cet article permet en outre de réaliser un alignement de la situation des enfants orphelins faisant l'objet d'une mesure de tutelle de droit commun avec le statut des pupilles de l'Etat.
En effet, l'article 60, alinéa 2, du code de la famille et de l'aide sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 1996, a prévu que ces derniers, lorsqu'ils sont capables de discernement, doivent être entendus par leur tuteur et par le conseil de famille ou l'un de ses membres désigné par lui à cet effet, avant toute décision du président du conseil général relative à leur lieu et à leur mode de placement.
La faculté d'appréciation laissée au juge des tutelles permettra d'éviter une éventuelle dérive dans l'application de ce texte.
Le deuxième article de la proposition de loi pose le principe de l'audition du mineur capable de discernement par le juge des tutelles avant la convocation du conseil de famille.
Enfin, le troisième article de la proposition de loi permet à ce même mineur d'assister au conseil de famille, à moins que son intérêt ne s'y oppose. Il convient de souligner que cette restriction est conforme aux voeux et au texte même du Parlement des enfants.
L'article reprend par ailleurs la disposition actuelle du code civil aux termes de laquelle le mineur âgé de seize ans révolus est obligatoirement convoqué lorsque le conseil de famille a été réuni à sa demande.
Le Gouvernement a donné son entière approbation à la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale. Il se rallie évidemment aujourd'hui au texte qui est soumis à vos suffrages et il se réjouit de la perspective de voir introduire dans notre législation des dispositions qui permettront à l'avenir d'atténuer, autant que faire se peut, le désarroi de jeunes enfants déjà durement éprouvés par le malheur et qui se trouvent en outre confrontés à des situations procédurales totalement subies sur lesquelles jusqu'alors ils n'avaient aucune possibilité de peser.
Je ne doute pas que le Sénat, sensible à la dimension humaine du problème soulevé par les « législateurs en herbe » du Parlement des enfants, votera sans hésitation cette proposition de loi.
Je voudrais conclure en adressant mes remerciements à M. le rapporteur, qui, je le crois, partage entièrement mon sentiment. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, les remerciements qui viennent d'être adressés au rapporteur doivent à l'instant être retournés à Mme le ministre puisqu'elle a fait tout le travail en expliquant très exactement l'objet de cette proposition de loi et ses différents articles.
Issue du Parlement des enfants, cette proposition de loi a été étudiée par les enfants avec un sérieux touchant, ce qui n'est pas si fréquent en matière législative.
L'Assemblée nationale a mis en forme ce texte, et ne l'a pas dénaturé en le rendant trop sec, trop juridique. On y retrouve donc l'esprit et l'inspiration de ces jeunes législateurs.
Ce texte, il est tout simple, comme Mme le ministre vient de l'expliquer.
Tout d'abord, le juge des tutelles devra, et non plus pourra, entendre le mineur de seize ans préalablement à la réunion du conseil de famille.
Ensuite, le mineur pourra demander lui-même la réunion du conseil de famille.
Enfin, ce même mineur, sauf si le juge considère que c'est contraire à son intérêt, pourra assister au conseil de famille.
Vous avez pu remarquer qu'il n'y a pas d'âge défini et que l'on a utilisé la formule qui figure dans le code civil de mineur « capable de discernement ». Les enfants avaient évoqué l'âge de raison « sept ans ».
Sept ans, est-ce l'âge du discernement ? C'est peut-être parfois le cas ! Cela étant, il ne nous appartient pas d'en décider puisque, dans chaque cas, le juge sera amené à décider s'il est opportun que l'enfant assiste et participe au conseil de famille.
La commission a pensé qu'il était judicieux de vous proposer d'adopter conforme ce texte, dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
Il représente en effet, au-delà de son caractère touchant, une certaine avancée juridique en matière de droits de l'enfant.
De plus, il est conforme à l'esprit de la convention internationale et de la convention européenne des droits de l'enfant.
Enfin, quand on sait que le conseil de famille est en réalité le seul organe pouvant prendre les décisions les plus importantes pour l'avenir d'un orphelin, il est tout à fait souhaitable que le mineur qui a perdu ses père et mère, puisse, dans les conditions indiquées par le texte, participer à la définition de son avenir jusqu'à l'âge de sa majorité.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose, mes chers collègues, d'adopter cette proposition de loi sans aucune modification. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous discutons pour la deuxième année consécutive d'une proposition de loi issue du Parlement des enfants.
L'an dernier, M. Roger-Gérard Schwartzenberg reprenait une proposition sur la fratrie. C'était en effet le maintien de la fratrie, la non-séparation des frères et soeurs, qui était au coeur de la préoccupation enfantine. A l'origine et dans l'esprit des enfants, en cas de mesure d'assistance éducative, c'était, finalement, cette préoccupation qui l'emportait, telle que transformée par le législateur, dans tous les cas, du placement en famille d'accueil au divorce.
Aujourd'hui, nous discutons donc d'une autre proposition de loi permettant à l'enfant orphelin de participer au conseil de famille.
Je veux d'abord dire à quel point ce type de démarche me paraît important. Les deux propositions relèvent en effet de la même philosophie : considérer l'enfant non plus comme un projet, mais comme un sujet. C'est une véritable mutation que vivent nos sociétés développées, dans le droit-fil de la convention internationale des droits de l'enfant de l'ONU en date du 20 novembre 1989 et ratifiée par la France dès 1990.
Certes, et depuis fort longtemps, des lois ont protégé l'enfant, et ce n'est pas un hasard si la première des lois sociales, au xixe, le concerne. Mais l'enfant a été longtemps considéré comme un être à éduquer, à protéger, et non forcément à écouter.
C'est donc une véritable écoute de la parole de l'enfant que nous promouvons aujourd'hui : écoute d'une parole cachée, enfouie, et c'est la loi de 1989 sur les infractions sexuelles, que nous venons de compléter tout dernièrement ; écoute de la parole de l'enfant qui ne veut pas être séparé de ses frères et soeurs ; écoute de la parole de l'orphelin dans le cadre du conseil de famille.
Il est tout à fait symbolique, je le répète, que, dans les deux derniers cas, l'initiative soit partie des enfants eux-mêmes, alors que, spontanément, le législateur adulte ne pensait pas à ce type de disposition.
L'Assemblée nationale a donc adopté la proposition de loi de notre collègue député Renaud Donnedieu de Vabres, qui comporte trois articles, que je ne reprendrai pas, Mme la ministre et M. le rapporteur les ayant rappelés. J'insisterai simplement sur le fait que, dans l'article 1er, la convocation du conseil de famille est de droit pour le mineur de moins de seize ans, sauf décision motivée du juge, et même « spécialement motivée », selon le texte. C'est important, car cela renforce le droit d'initiative du mineur.
Le point de débat porte bien sur l'âge minimal de l'enfant. Les discussions du Parlement des enfants ont évoqué les deux âges de sept et treize ans. La proposition de loi ne fixe pas d'âge minimal, qu'elle laisse à l'appréciation du juge, ce qui paraît raisonnable, et précise simplement que le mineur doit être capable de discernement.
A titre indicatif, selon les statistiques du ministère de la justice, sur les 4 596 mineurs visés par une ouverture de tutelle en 1996, la moitié concernait des enfants de moins de treize ans, un quart des mineurs de seize à dix-huit ans, un autre quart des mineurs de treize, quatorze et quinze ans. Si l'on baissait la barre d'âge à onze ans on aurait environ 500 enfants de plus. Les chiffres d'enfants concernés semblent donc relativement faibles. Mais la décision n'en est pas moins importante sur le plan symbolique.
Toutefois, les données chiffrées que je viens d'indiquer sont à corriger, car elles n'intègrent pas - ou intègre seulement en partie - les pupilles de l'Etat. Rappelons, que derrière cette expression, se cumulent ce que l'on appelle les accouchements sous X, les abandons d'enfants, du moment que les parents ne reviennent pas sur cet abandon dans un délai d'un an, les orphelins de père et de mère confiés à l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, et les enfants pour lesquels une décision de retrait de l'autorité parentale est intervenue.
Les pupilles de l'Etat étaient en 1995 au nombre de 3 659 et sont à ajouter, pour une bonne part, aux 4 596 enfants concernés par l'ouverture de tutelle. Ce sont donc environ 10 000 enfants qui sont, ou qui peuvent être, concernés par la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui.
J'en profite pour dire qu'une partie des chiffres fournis par le ministère de la justice et par le ministère de l'action sociale se recouvrent, mais une partie seulement, et qu'il est actuellement pratiquement impossible de connaître le chiffre exact des enfants en tutelle juridique ou administrative, faute d'une coordination entre les administrations des deux ministères, ce qui me paraît fortement dommage.
Ces enfants de l'aide sociale à l'enfance relèvent eux aussi de conseils de famille, qui sont mis en place au niveau départemental par le préfet. Or la loi dite Mattei, adoptée en juillet 1996, qui a modifié le régime juridique de l'adoption, a également prévu des droits pour l'enfant mineur pupille de la nation. Mme la ministre l'a rappelé. Je ne reviens pas sur cette loi. J'ai combattu, dans cet hémicycle, un certain nombre de ses dispositions. Mais le problème n'est pas là.
La loi Mattei prévoit, en effet, que le mineur capable de discernement - on retrouve la même expression que dans la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui - doit pouvoir exprimer son point de vue sur l'ensemble des questions relevant des autorités exerçant la tutelle. Ce renforcement est destiné à obtenir que le choix et la mise en oeuvre des mesures le concernant correspondent précisément à ses besoins.
Or cette loi attend toujours ses décrets d'application. Au moment où nous allons voter, ce qui me paraît être un progrès, il serait bon que les mêmes dispositions relatives aux pupilles de l'Etat, votées il y a maintenant deux ans, puissent effectivement passer dans la réalité.
Mes chers collègues, à la suite des derniers textes adoptés sur ce sujet, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui donne une plus juste place à la parole d'un être humain la plupart du temps aimé, protégé, mais pas toujours respecté : l'enfant. Les sénateurs radicaux de gauche, comme l'ensemble du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, la voteront, bien sûr, sans hésiter. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 20 novembre dernier, qui tend à permettre à l'enfant, à la suite du décès de ses parents, de participer au conseil de famille.
Ce texte reprend l'une des dix propositions issues des travaux du Parlement des enfants, réuni le 21 juin 1997 à l'Assemblée nationale.
C'est la seconde fois, depuis l'adoption, sur l'initiative du groupe communiste républicain et citoyen au Sénat, de la proposition de loi tendant à faire du 20 novembre la Journée nationale des droits de l'enfant, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, que les députés et sénateurs ont à se prononcer sur des mesures émanant directement d'enfants et les concernant en tout premier lieu.
Mme Dusseau a rappelé l'adoption en 1996 de la loi relative au maintien des liens entre frères et soeurs, sur proposition du Parlement des enfants et dont j'ai eu le privilège d'être le rapporteur au Sénat.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ces initiatives qui, comme je le soulignais en 1996, en reprenant très directement des suggestions formulées par des enfants, traduisent indéniablement une prise de conscience nouvelle de la nécessité de mieux protéger l'enfance et de se mettre plus attentivement à son écoute.
Il est temps, en effet, de doter l'enfant, traditionnellement objet de droit, d'une certaine qualité de sujet de droit, comme le prévoient, d'ailleurs, les articles 13 et 17 de la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée en 1989 par l'ONU et ratifiée par la France le 2 juillet 1990.
C'est en tout cas le message que nous envoient les enfants et auquel nous devons être très attentifs. Ils nous initient par là à une démarche nouvelle : partir des droits de l'enfant d'abord et non de l'enfant, objet des parents. C'est tout le sens et le rôle du Parlement des enfants.
Ainsi, à partir de la situation douloureuse des enfants confrontés au décès de leurs deux parents, évoquée par un jeune élève de CM2, est née la présente proposition de loi. Je me permets une parenthèse : en tant qu'ancien instituteur, longtemps maître de classes de CM2, j'ai été particulièrement sensible à ces démarches.
Dans le droit actuel, quand les deux parents décèdent, la loi prévoit l'ouverture d'une tutelle. L'enfant orphelin n'est autorisé à participer au conseil de famille relatif aux décisions les plus importantes pour son avenir qu'à partir de l'âge de seize ans.
L'enfant mineur restait donc étranger au fonctionnement et à l'organisation de la tutelle qui le concerne pourtant en premier lieu, ce qui était pour le moins surprenant eu égard au principe, consacré par la convention des Nations unies du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et ratifiée par la France, selon lequel l'enfant mineur, « capable de discernement », peut faire entendre son point de vue dans les procédures le concernant.
D'ailleurs la loi du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, à la famille, aux droits de l'enfant et aux juges aux affaires familiales a pris en compte cette émergence des droits de l'enfant en subordonnant, par exemple, l'adoption plénière de l'enfant âgé de plus de treize ans au consentement de l'intéressé, ou encore en ouvrant au juge la faculté de procéder à l'audition de l'enfant dans le contentieux de l'attribution de l'autorité familiale.
Le Parlement des enfants a donc entendu légitimement permettre à l'orphelin de faire connaître ses souhaits quant à l'organisation de sa vie future, et ce avant toute intervention du conseil de famille.
C'est ainsi que le premier article prévoit d'élargir au mineur de moins de seize ans et « capable de discernement » - la formule est correcte et intéressante - notion intégrée dans notre code civil depuis 1993, la possibilité de convoquer le conseil de famille, sauf décision contraire spécialement motivée par le juge.
Selon l'article 2, avant la réunion dudit conseil de famille, le mineur est auditionné par le juges des tutelles.
Enfin, le dernier article permet au mineur de moins de seize ans d'assister au conseil de famille, si le juge ne l'estime pas contraire à son intérêt. C'est aussi une formule intéressante.
Il ressort de ces dispositions que le critère fondamental est l'intérêt de l'enfant et qu'aucune mesure ne sera prise sans qu'il se soit exprimé ou à son insu.
Nous approuvons donc pleinement cette proposition de loi. Nous estimons aussi qu'elle appelle d'autres réflexions et nous invite à nous préoccuper davantage encore des nombreuses attentes des enfants, que ce soit dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la formation, du sport ou des loisirs. (Mme Joëlle Dusseau applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici appelés à débattre aujourd'hui, et pour la seconde fois, d'une proposition de loi issue des travaux du Parlement des enfants.
Mlle Joëlle Dusseau l'a rappelé tout à l'heure, ainsi que M. Robert Pagès. La première qui nous avait été soumise était la proposition de loi de notre collègue Roger-Gérard Schwarzenberg, qui avait repris celle qui avait été adoptée par le Parlement des enfants quelques mois plus tôt. Ce texte est devenu la loi du 30 décembre 1996 relative au maintien des liens entre frères et soeurs.
Aujourd'hui, la proposition de loi que nous sommes invités à examiner traite du droit de l'enfant orphelin ; en effet, ce texte a pour objet d'associer l'enfant orphelin plus qu'il ne l'est actuellement au fonctionnement de la tutelle ouverte au décès de ses parents.
Avant d'examiner brièvement ce texte au fond, je voudrais souligner la constance des préoccupations des enfants, qui ont exprimé sans aucun doute un souci largement partagé par leurs camarades. Ainsi, les thèmes retenus - la volonté de préserver les liens entre les frères et les soeurs en cas d'éclatement de la cellule familiale, le droit des enfants orphelins - traduisent leur inquiétude face à la solitude due à la disparition, aux difficultés et même à la démission des parents.
Il nous appartient d'aider les enfants à surmonter ces difficultés, sur le plan pratique uniquement, en aménageant le plus possible les éléments de notre droit qui les concernent, en tenant compte des observations formulées.
Rappelons que l'organisation de la tutelle qui s'ouvre au décès des parents en application de l'article 390 du code civil confère un rôle fondamental au conseil de famille, sous la surveillance du juge des tutelles.
En effet, si le tuteur est chargé, au quotidien, de prendre soin de la personne du mineur, de le représenter et d'administrer ses biens, tous les actes importants intéressant le mineur sous tutelle ne peuvent être accomplis qu'avec l'autorisation du conseil de famille, lequel a pour mission d'assurer la protection des intérêts de l'enfant.
Pourtant, si l'article 415 du code civil prévoit que le mineur peut être convié par le juge à assister aux séances du conseil de famille dans le cas où sa présence paraît utile, il pose comme condition que l'enfant soit âgé d'au moins seize ans et qu'il ne prenne part à la réunion qu'à titre consultatif.
Qu'il s'agisse donc du choix de la famille d'adoption ou de toutes les questions intéresssant la vie de l'enfant sous tutelle, les décisions sont prises par le conseil de famille sans que l'enfant ait son mot à dire.
Insatisfait par l'état actuel de notre législation et soucieux d'aider tous les enfants qui ont perdu leurs parents, le Parlement des enfants a adopté une proposition de loi tendant à modifier les textes du code civil afin de renforcer les droits des enfants orphelins.
Il est donc proposé d'obliger le juge des tutelles à convoquer le conseil de famille à la demande du mineur âgé de moins de seize ans et capable de discernement - qui a « l'âge de raison », pour reprendre l'expression des enfants que M. le rapporteur a fort justement rappelée ici - le magistrat ne pouvant s'y opposer que par une décision spécialement motivée.
Par ailleurs, le texte prévoit que, préalablement à la réunion du conseil de famille, le mineur capable de discernement sera entendu par le juge seul, en présence d'un avocat ou de la personne de son choix. Ainsi, l'orphelin pourra exprimer ses souhaits sur l'organisation de sa vie future, avant toute intervention du conseil de famille.
Enfin, est donnée au mineur capable de discernement la possibilité d'assister au conseil de famille à titre consultatif si le juge pense que ce n'est pas contraire à son intérêt.
Mes chers collègues, nous ne pouvons qu'approuver de telles dispositions, qui émanent des enfants. Elles traduisent la nécessité de prendre en compte les droits de l'enfant dans notre législation comme dans le fonctionnement de nos institutions.
Le groupe socialiste votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er