M. le président. Par amendement n° 165, MM. Peyronnet, Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 39, un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter du 1er juin 1998, l'immatriculation de tout véhicule automobile doit être effectuée dans le lieu de stationnement habituel du véhicule, dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Contrairement à ce que laisse entendre notre collègue, je ne suis pas obsédé par cette question de la vignette. Reconnaissons, cependant, que depuis un certain nombre d'années, des entreprises, disposant souvent d'une flotte de véhicules importante, font immatriculer ceux-ci dans un certain département. Les immatriculations de véhicules neufs y ont été multipliées par six ces deux dernières années, entraînant une multiplication des enregistrements de cartes grises.
Il y a là une situation tout à fait injuste. Ce département n'est pas en cause, car il a le droit de pratiquer la politique fiscale qu'il souhaite. Au reste, l'effet recherché n'était pas celui-là, et c'est d'ailleurs tardivement, en 1994, que les premières entreprises ont découvert le créneau. Il n'empêche que cette distorsion remet en cause le principe même d'un transfert important de fiscalité et, par là même, l'un des fondements de la décentralisation. De ce point de vue, des correctifs s'imposent, pour les cartes grises comme pour les vignettes. Des propositions ont été faites en ce qui concerne la vignette. Il semble nécessaire de clarifier à l'échelon législatif les conditions de localisation des véhicules pour remédier aux failles du dispositif en vigueur.
Actuellement, le code de la route prévoit que tout propriétaire de véhicule doit faire une simple déclaration de mise en circulation au préfet. Or, il est apparemment facile de fournir une fausse domiciliation, qui entraîne un transfert de fiscalité injuste et non justifié. Un décret fixera les conditions de détermination du lieu de stationnement habituel du véhicule.
Cette disposition me semble résoudre les problèmes, facilement dans certains cas, mais un peu plus difficilement dans d'autres. Le problème serait résolu facilement pour tous les véhicules particuliers, puisque le domicile du propriétaire du véhicule est connu. Il serait aussi facilement résolu pour les véhicules qui font l'objet d'une location de longue durée, puisque l'on connaît le domicile de la personne qui a signé le contrat et qui utilise le véhicule.
S'agissant des véhicules loués pour une courte période, le problème sera sans doute réglé assez simplement si on cale le dispositif sur celui qui concerne la taxe professionnelle. En effet, on sait très bien, pour les sociétés, mais aussi pour leurs agences dans les différents départements, calculer leurs immobilisations. Or, celles-ci concernent, pour une grande part, leurs véhicules.
Par conséquent, quoi qu'il ait été dit, la notion de « lieu de stationnement habituel du véhicule » est assez simple à appliquer, et un décret pourrait la préciser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. J'ai traité longuement cette question dans mon rapport écrit. Aussi, je serai concis, afin de ne pas prolonger le débat.
La commission des finances considère que la seule réforme acceptable serait celle qui porterait sur des critères incontestables pour définir le lieu d'immatriculation. La formulation retenue par M. Peyronnet ne nous semble pas être d'une précision telle qu'elle soit facilement applicable. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Peyronnet pose un vrai problème. En amont de ce dernier, il faut rappeler deux choses.
Tout d'abord, le principe de liberté de vote des taux et des tarifs des impôts affectés aux collectivités locales est un principe fort de la décentralisation, sur lequel il ne faut pas revenir.
MM. Jacques Machet et Michel Mercier. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ensuite, cette liberté des collectivités locales ne doit pas être détournée de son objet par des redevables qui, en quelque sorte, « font leur marché » afin de bénéficier des taux bas adoptés par certaines collectivités, alors qu'ils n'ont, en fait, aucune implantation réelle sur le territoire de celles-ci.
Pour être clair, ce qui est en cause - et j'ai eu l'occasion de répondre à M. Vecten sur ce point - c'est non pas le département de la Marne, mais le fait que certaines entreprises de location tiennent compte de la décision - libre - de ce département d'instituer des montants de vignette faibles pour y domicilier et y faire immatriculer des véhicules alors qu'ils n'y iront jamais.
La proposition de M. Peyronnet permet-elle de résoudre cette question ? Les véhicules qui appartiennent à des particuliers ne posent pas de problème, vous l'avez reconnu vous-même, monsieur Peyronnet. En ce qui concerne les entreprises, nous cherchons une notion d'affectation du véhicule qui soit précise. Nous discutons actuellement avec les professionnels, notamment de la location de véhicules automobiles, pour trouver une solution qui soit à la fois convenable du point de vue de l'équité fiscale - c'est l'objectif du Gouvernement - et opérationnelle, c'est-à-dire facile à mettre en oeuvre.
Cette concertation n'est pas terminée. Monsieur Peyronnet, je peux vous garantir que le Gouvernement travaille dans le même esprit que les auteurs de l'amendement que vous venez de présenter. Nous aurons rapidement des résultats, c'est-à-dire des propositions qui soient justes et concrètes.
Je vous demande donc de faire confiance au Gouvernement sur ce sujet. J'ai bien compris que vous aviez déposé un amendement d'appel. Sachez que le Gouvernement répondra prochainement à votre préoccupation. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement - ce serait une décision raisonnable - sinon, afin de ne pas contrarier les concertations qui sont en cours, je serai, à mon très grand regret, obligé de recommander au Sénat de le rejeter.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous allez résoudre prochainement ce problème de la vignette, qui est pendant depuis fort longtemps.
Pour que le dispositif soit applicable dès la campagne 1999, votre réponse devra intervenir avant novembre 1998. Aussi, pouvez-vous prendre l'engagement qu'avant la fin de la présente session ou au début de la prochaine, c'est-à-dire en octobre, nous disposerons des éléments qui permettront aux départements de déterminer le montant de leur vignette ? C'est très important, sinon nous perdrons une année.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux rassurer M. Poncelet. La concertation qui est en cours aboutira dans les délais voulus pour que la mise en application du nouveau dispositif intervienne dès la vente de la prochaine vignette, c'est-à-dire en novembre 1998.
M. le président. L'amendement n° 165 est-il maintenu, monsieur Peyronnet ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Compte tenu des explications qui ont été données, notamment à M. le président de la commission des finances, et de l'engagement que vous avez pris et dont je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, je retire cet amendement, qui était effectivement un amendement d'appel.
M. le président. L'amendement n° 165 est retiré.

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