M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 121, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 48, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les indemnités des élus des communautés urbaines de plus de 400 000 habitants versées entre l'application de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 et la promulgation de la loi de finances rectificative pour 1992 du 31 décembre 1992 sont validées en application et dans le respect des dispositions de l'article L. 23-6 du code des communes dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 février 1992.
« II. - Pour compenser les charges résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus, les droits prévus aux articles 575 et 575A du code général des impôts sont relevés à due concurrence. » Par amendement n° 179, MM. Mauroy et Allouche, Mme Derycke, M. Raoult et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les indemnités des élus des communautés urbaines de plus de 400 000 habitants versées entre l'application de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux et la promulgation de la loi de finances rectificative pour 1992 du 31 décembre 1992 (n° 92-1476) sont validées en application et dans le respect des dispositions de l'article L. 23-6 du code des communes dans sa version antérieure à la loi n° 92-108 du 3 février 1992 précitée.
« II. - Les pertes de recettes pour les collectivités locales sont compensées par une augmentation à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 121.
M. Paul Loridant. Cet amendement porte sur les indemnités des élus des communautés urbaines de plus de 400 000 habitants.
En déposant ce texte, notre groupe pose une question de caractère ponctuel, découlant de l'application de la loi du 3 février 1992 et portant, en l'occurrence, sur le problème des indemnités versées aux élus locaux.
Il est question pour nous non pas, quand bien même nous pourrions ouvrir ce débat, de procéder à la relecture critique des dispositions de la loi de 1992, mais bien plutôt de partir d'une situation concrète.
Cette loi de 1992 était en effet porteuse d'un certain nombre d'effets pervers, dont le moindre n'est pas d'avoir créé le vide juridique qui motive précisément le dépôt de cet amendement.
En effet, la fixation des règles de détermination des indemnités versées aux élus des conseils de communautés urbaines a occasionné, entre la promulgation de la loi du 3 février 1992 et la loi de finances rectificative pour 1992 datée du 31 décembre de la même année, une distorsion sensible de traitement et un vide juridique particulièrement préjudiciables à la légalité des délibérations.
Nous proposons donc, pour que soit fermée en quelque sorte la parenthèse, que ce vide soit comblé grâce à l'adoption de cet amendement n° 121 tendant à donner une base aux délibérations des conseils de communautés urbaines sur le montant des indemnités versées aux élus.
M. le président. La parole est à M. Angels, pour présenter l'amendement n° 179.
M. Bernard Angels. Mon argumentation rejoint, bien sûr, celle que vient de développer mon collègue M. Loridant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 121 et 179 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, la commission des finances souhaite connaître l'avis du Gouvernement. Toutefois, si celui-ci n'exprime pas d'opposition d'ordre juridique, elle serait plutôt favorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 121 et 179 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cette mesure de revalorisation rétroactive des indemnités d'élus locaux, qui porte sur une période ancienne de six ans, me laisse perplexe.
Il est, en revanche, un point sur lequel je ne suis pas perplexe : si la Haute Assemblée prenait une mesure de cette nature, il serait exclu que la dépense correspondante, portant sur des indemnités versées il y a six ans, soit compensée par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
En conséquence, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur la première partie des deux amendements et j'émets une opposition résolue sur le paragraphe II de l'amendement n° 121 et sur les paragraphes II et III de l'amendement n° 179, c'est-à-dire sur les gages proposés.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, compte tenu des explications qui ont été données par le Gouvernement, la commission ne peut que s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Emmanuel Hamel. Positive ou négative ?
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 179, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 122 est présenté par M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 190 rectifié est déposé par M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le III de l'article L. 3334-8 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également exonérés de ce prélèvement les départements qui enregistrent d'une année sur l'autre une perte de base d'imposition à la taxe professionnelle laquelle est la conséquence d'un changement d'exploitant dans les entreprises dont le régime d'imposition à la taxe professionnelle est déterminée par les articles 1471 et 310 HH de l'annexe II du code général des impôts. »
« II. - Les pertes de recettes pour les collectivités locales sont compensées par une augmentation à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement. »
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 122.
M. Paul Loridant. Cet amendement a une portée particulière. Il concerne en effet tous les départements et, plus spécialement, le département que je représente, l'Essonne, et qui vit actuellement une triste expérience.
Il existe un dispositif de solidarité financière entre les départements qui impose à certains d'entre eux une contribution financière sur leur dotation globale de fonctionnement d'un montant significatif, alors même que ces départements peuvent être frappés par des pertes de bases de taxe professionnelle importantes.
C'est le cas du département de l'Essonne dont le taux de contribution à ce mécanisme est de 15 % alors que ses critères sociaux pris en compte pour déterminer son prélèvement s'avèrent être très proches, en 1998, des seuils nationaux. Comme d'autres départements, notamment en Ile-de-France, l'Essonne abrite, dans sa partie nord, des zones urbaines, parfois en difficulté, caractérisées par d'importantes concentrations de logements sociaux.
Par ailleurs - et c'est la spécificité qui justifie cet amendement - des événements peuvent intervenir dans la vie économique qui modifient considérablement le contexte fiscal.
Ainsi, dans le département de l'Essonne, la compagnie Air Inter ayant disparu par suite de sa fusion avec Air France en 1997, le siège social a également quitté le département.
Cela a eu pour conséquence un nouveau calcul des bases de taxe professionnelle, qui s'est révélé très défavorable au département, à deux titres : en raison, d'une part, de la perte nette de bases de taxe professionnelle et, d'autre part, de l'impact négatif sur l'alimentation du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, et qui touche aussi le département du Val-de-Marne.
Compte tenu de la situation de l'Essonne, aux prises avec des problèmes urbains très aigus, il serait opportun d'accorder à ce département une exonération temporaire au titre de la perte exceptionnelle de matière fiscale sur l'exercice 1997-1998.
En effet, le cumul du prélèvement sur sa dotation globale de fonctionnement, de la perte de taxe professionnelle et des difficultés de gestion du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle crée une charge considérable à un moment où les finances départementales sont sollicitées pour l'emploi et la politique sociale.
J'ajoute que la situation du conseil général de ce département se révèle particulièrement difficile eu égard aux affaires qui ont pu affecter son exécutif. Vous le savez, un changement de majorité heureux est intervenu lors des dernières élections cantonales. En faisant l'inventaire, on s'aperçoit que certaines choses devaient absolument être rectifiées dans la gestion de ce département !
C'est pourquoi je prends la liberté, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, mais aussi en tant que sénateur de ce département, d'inviter le Sénat à adopter cet amendement, sachant que la disposition en question pourrait évidemment s'appliquer à d'autres départements connaissant une situation similaire, à savoir des pertes nettes de bases de taxe professionnelle à la suite de mouvements d'entreprises.
Il me semble que cet amendement devrait retenir toute l'attention de la Haute Assemblée, qui, comme chacun le sait, est le représentant des collectivités locales, en particulier des départements.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon, pour présenter l'amendement n° 190 rectifié.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est évidemment l'acuité d'une mésaventure locale qui a attiré l'attention des élus départementaux sur les dispositions particulières intervenant ou n'intervenant pas dans le cas qui nous occupe. En l'occurrence, elles n'interviennent pas, maisje voudrais attirer tout spécialement votre attention sur le type de situation que cet incident permet de mettre en lumière.
Le département de l'Essonne a sur son territoire, enclavé avec un autre département, un aéroport, celui d'Orly. Il y a là, des avions, des personnels, toutes sortes de contraintes liées à cette présence, mais évidemment aussi quelques avantages en matière de financement de l'action publique.
Une fusion est intervenue entre Air France et Air Inter. Ce n'est pas le sujet d'en discuter, mais elle a eu lieu ! Or les avions sont toujours là tout comme le personnel et les contraintes. Je ne parle pas du bruit ; je m'en tiens à tout ce qui concerne la vie quotidienne. Le siège social change de département et, aussitôt, la contribution de l'entreprise à la richesse collective et à l'action publique s'interrompt.
Le 28 février, un mois avant le moment où il fixe ses taux, c'est, pour le département de l'Essonne, l'annonce de ce que sont ses bases : en l'occurrence, 82 millions de francs sont perdus pour le département, auxquels s'ajoute ce qui est perdu au titre du fonds de péréquation départemental de la taxe professionnelle.
Dans une telle situation, nous serions en droit de demander de l'aide. Nous ne le ferons pas, mais nous pensons que le moment n'est pas le mieux venu pour nous demander, à nous, d'aider les autres départements, aide d'ailleurs légitime dans des circonstances ordinaires, et de contribuer ainsi - c'était bien normal, compte tenu de la richesse de l'Essonne - à cette péréquation entre les départements, à la hauteur de 15 % de notre DGF, ce qui est une participation importante de l'avis des élus locaux, et même difficile à accepter puisque nous sommes juste en dessous du seuil qui nous fait entrer dans cette catégorie. Nous l'acceptions toutefois en temps normal.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre cas vaut peut-être pour d'autres départements, mais je n'en suis pas sûr, car il s'agit d'une situation assez exceptionnelle, même tout à fait exceptionnelle. En tout cas, il nous semble que les départements dans ce cas devraient être soulagés de leur effort de contribution à la péréquation de solidarité avec les autres départements, au moins de la part représentative de la recette perdue... pas de tout ! Tel est le sens de cet amendement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous veniez à l'accepter, il est évident que se serait un immense soulagement pour nous, et certainement aussi pour ceux qui se sentiraient concernés.
Au demeurant, il faut bien que l'impôt ait une base de justice, vous en conviendrez, mais il est tout de même assez paradoxal de solliciter - et même d'imposer - l'aide de gens qui eux-mêmes en ont besoin !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 122 et 190 rectifiés ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission a bien compris que cette dispense de participation permettrait au département de l'Essonne de compenser la perte qui a été évoquée tout à l'heure...
M. Paul Loridant. En partie !
M. Alain Lambert, rapporteur. ... en partie.
L'amendement a néanmoins des conséquences que la commission des finances n'a pu apprécier dans le temps qui lui était imparti. En effet, chacun le sait, les amendements lui parviennent le soir à vingt heures et elle les rapporte le lendemain en commission.
Mais le Gouvernement, lui, a peut-être eu plus de temps et de moyens que nous pour éclairer le Sénat sur les conséquences de ces amendements et lui permettre ainsi de se déterminer en toute sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai écouté avec attention MM. Loridant et Mélenchon.
Nous partons d'une disposition de solidarité financière qui permet d'abonder la dotation globale de fonctionnement de certains départements pauvres au prorata de leur éligibilité à la dotation de fonctionnement minimale.
Il est proposé que soient exonérés de la contribution à ce mécanisme de solidarité financière les départements qui enregistreraient, d'une année sur l'autre, une perte de base d'imposition à la taxe professionnelle, lorsque cette perte est la conséquence d'un changement d'exploitant pour certaines entreprises « particulières », il s'agit par là d'entreprises exerçant une partie de leurs activités en dehors du territoire national, mais disposant en France de locaux ou de terrains.
MM. Loridant et Mélenchon ont eu la franchise d'expliquer que, derrière ces dispositions d'apparence générale, se situait, selon les termes mêmes de M. Mélenchon, un cas exceptionnel. Or il me paraît difficile, à un moment où la péréquation est un thème sur lequel le Gouvernement réfléchit et cherche à renforcer les mécanismes qui ont été mis au point dans le passé, de régler un cas exceptionnel de cette façon.
Les élus le savent, le département en question verra sa perte de base de taxe professionnelle compensée de deux manières : d'une manière directe, par le mécanisme de compensation qui est prévu dans le cadre du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, et d'une manière indirecte - par un moindre prélèvement mais un prélèvement, tout de même - au titre du mécanisme de solidarité en raison de la baisse du potentiel fiscal du département.
Je crois très franchement que l'on ne peut pas régler des cas particuliers, quelque douloureux qu'ils soient, en remettant en cause des dispositions de portée générale. C'est la raison pour laquelle, ayant bien entendu les explications des deux sénateurs de l'Essonne, je leur demande de bien vouloir retirer leurs amendements, sinon je serais obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'avis du Gouvernement éclaire-t-il la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission des finances reste sur un avis de sagesse.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 122 et 190 rectifié.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. La réponse de M. le ministre est extrêmement décevante.
M. Emmanuel Hamel. Nous partageons votre sentiment !
M. Jean-Luc Mélenchon. Les contacts ayant été pris il y a assez longtemps, nous aurions gagné à connaître l'état d'esprit du Gouvernement, ce qui nous aurait permis, s'il le fallait, de formuler autrement notre proposition.
Bien sûr que l'argument que nous défendons est naturellement lié à une circonstance exceptionnelle qui a attiré notre attention sur un point particulier, mais nous n'avons pas voulu, ni mon collègue M. Loridant ni moi-même, légiférer pour l'Essonne ! Nous sommes des législateurs trop expérimentés et trop fermes dans nos convictions pour avoir eu une telle tentation. Ce n'est donc pas du tout de cette manière qu'il faut comprendre le sens de notre intervention.
Nous voulions attirer l'attention sur les entreprises qui, parce qu'elles ont une activité à l'extérieur du territoire national, peuvent être, de ce fait, amenées à opérer des fusions qui n'ont strictement rien à voir avec le déroulement réel de leur activité économique. En effet, dans le cas qui nous préoccupe - mais j'imagine que cela pourrait concerner de nombreuses autres entreprises - comme je l'ai dit tout à l'heure, les avions sont toujours au même endroit, les gens aussi...
Or la base de la servitude que représente telle ou telle taxe, c'est, bien sûr, la compensation de la contrainte qui est créée. L'impôt n'est pas fait pour meurtrir ni pour punir ! Il est fait pour contribuer au bien commun.
Par conséquent nous, nous avons toujours les mêmes servitudes et, au demeurant, c'est bien l'Etat qui est intervenu et qui a donné son feu vert pour que la fusion se réalise.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous vous préoccupez de considérations générales, qui sont celles du Gouvernement, concernant le réaménagement de la péréquation, vous auriez pu tout aussi bien mentionner vos préoccupations relatives à l'aménagement du territoire et nous dire que ceux qui ont pris la décision auraient dû aussi prendre en compte ses conséquences pratiques pour nos populations. Or ils ne l'ont pas fait.
Une fois la décision prise, à nous de nous débrouiller avec les avions, la population que nous avons toujours, et les 82 millions de francs que nous avons en moins !
Nous ne demandons pas à l'Etat de venir remplir notre caisse. Nous lui disons simplement que nous ne sommes pas les mieux placés pour participer à la péréquation des richesses, qui est légitime, entre les départements qui ont un potentiel fiscal fort et ceux qui en ont un plus faible, ce que nous ne contestons pas.
J'ai attiré votre attention sur le fait que nous étions à la limite du seuil qui nous fait entrer dans cette catégorie. Il n'est pas besoin, mes chers collègues, de vous décrire la situation particulière dans laquelle se trouvent nos grands ensembles urbanisés de la région parisienne, et qui résulte d'aberrations accumulées et de décennies de décisions absurdes ! Il n'en reste pas moins que nous en sommes aujourd'hui les gestionnaires !
Il ne me semblait pas excessif de demander à être soulagé d'un effort dont, encore une fois, nous ne contestons pas la légitimité, mais dont nous disons qu'il n'est plus dans nos moyens.
M. Paul Girod. Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je suis contre ces amendements pour plusieurs raisons.
D'abord, comme on l'a dit tout à l'heure, on légifère pour les départements en général, et pour l'Essonne en particulier ; autrement dit, on légifère pour l'Essonne et, accessoirement, pour les départements en général !
Ensuite, il s'agit de résoudre par le biais de la loi un problème bien précis, mais que lesdits amendements ne résolvent en aucune manière, ou alors qu'ils résolvent de façon bien curieuse !
Je passe sur le fait que les avions sont toujours là...
M. Jean-Luc Mélenchon. Bien sûr ! Ce n'est pas vous qui y vivez avec !
M. le président. Monsieur Mélenchon, laissez parler M. Paul Girod !
M. Paul Girod. Je vis avec d'autres difficultés et beaucoup plus de difficultés fiscales que le département de l'Essonne. Croyez-moi, il y a bien des départements ruraux qui se contenteraient du potentiel de taxe professionnelle par habitant du département de l'Essonne !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas un argument, le potentiel fiscal de l'Essonne !
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous prie de ne pas interrompre M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je parle du potentiel fiscal de taxe professionnelle par habitant. Et j'irai même plus loin, monsieur Mélenchon : il y a bien des départements ruraux qui se contenteraient du quart de ce que recueille le département de l'Essonne à ce titre !
Par conséquent, de ce côté-là, il faut aussi modérer légèrement le discours.
Mais voici ce qui me choque le plus dans ce qui est proposé : les pertes de recettes résultant pour les départements du paragraphe I de ces amendements - il s'agit non pas de l'Essonne, mais des autres départements qui vont être privés de la redistribution de la contribution de l'Essonne au fonds de solidarité - « sont compensées à due concurrence par des attributions de dotation globale de fonctionnement ». C'est ignorer totalement le mécanisme de cette dotation. La DGF fonctionne en effet à enveloppe fermée, ce qui signifie qu'il faudra prélever sur d'autres départements les sommes nécessaires pour compenser celles que l'Essonne ne fournira plus.
Quant aux pertes de recettes pour l'Etat, je me demande de quoi l'on parle : quelles pertes de recettes ? L'Etat, dans cette affaire, est dans la situation d'un certain Ponce Pilate et n'a rien à voir dans l'histoire, sauf si l'amendement prescrivait une attribution supplémentaire de l'état à la DGF, ce qui, dans ce cas, ne serait même pas une perte de recettes mais constituerait une dépense supplémentaire.
Parce que l'on ne légifère pas sur un cas particulier, si douloureux soit-il, et encore, sur la douleur, il faudrait probablement nuancer parce que les pertes de recettes dont il s'agit sont pour les autres départements et pas pour le sien ; parce que, enfin, l'Etat n'est pas concerné dans cette affaire, sauf si l'amendement était rédigé autrement, pour ces trois motifs donc, j'estime que ces amendements ne sont ni recevables ni opportuns. (M. Jacques Machet applaudit.)
Encore une fois on ne légifère pas sur un cas particulier.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. La réponse de M. le secrétaire d'Etat ne m'étonne pas. Ce débat m'en rappelle un autre, analogue, auquel j'ai eu à participer voilà quelques années, qui concernait une situation particulière - certains ici s'en souviennent peut-être - je veux parler de la chute brutale du potentiel fiscal de la ville de Belfort.
Je m'étais trouvé dans la même situation que M. Sautter ce soir et je m'étais opposé à l'amendement proposé, parce que je n'avais pas eu vraiment le temps d'en étudier l'ensemble des implications. Toutes ces questions de péréquation et de prélèvements au profit de départements pauvres sont, il est vrai, très compliquées.
L'Assemblée nationale l'avait voté tout de même, me demandant d'essayer de trouver une solution à la faveur de la navette.
Pendant la navette, j'ai effectivement trouvé une solution, qui, je dois le dire à nos collègues MM. Loridant et Mélenchon, était absolument différente, fondamentalement différente, mais aboutissait au même résultat que celle qui avait été proposée par M. Chevènement, auteur de l'amendement qui concernait sa ville.
Je trouve notre collègue M. Paul Girod bien sévère. J'appartiens, comme lui, à un département qui n'a pas le potentiel fiscal de taxe professionnelle du département concerné, mais vous avouerez, mon cher collègue, vous qui êtes gestionnaire d'un département, même président de conseil général, et depuis longtemps, que c'est tout de même un rude coup lorsque, au moment où vous devez voter le budget, on vous dit subitement que vous avez 100 millions de francs, 95 millions de francs ou 88 millions de francs de moins dans la caisse ! Vous savez tous, les uns et les autres, que nous comptons sur une certaine rentrée fiscale et que nous établissons nos prévisions de dépenses en fonction de ces rentrées fiscales. Aussi, quand on nous annonce brutalement que les rentrées escomptées ne seront pas dans les caisses, cela pose des problèmes, même aux collectivités favorisées.
Ce n'est pas M. Chérioux qui dira le contraire : la ville de Paris est favorisée du point de vue fiscal et, si on lui faisait un coup comme cela, deux mois avant le vote de son budget,...
M. Jean Chérioux. Mais vous l'avez fait !
M. Michel Charasse. Moi ? Je ne l'ai jamais fait !
M. Jean Chérioux. Vos amis l'ont fait !
M. Michel Charasse. Vos amis en ont fait bien d'autres, et je ne vous en accuse pas pour autant. Rendons à César ce qui est César !
En tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous souhaite d'être un jour gestionnaire d'une collectivité locale : vous verrez, deux mois avant le vote du budget, c'est quand même saumâtre !
Je pense, moi, que l'on pourrait tout de même profiter de la navette pour trouver une solution. C'est pourquoi je vais voter l'amendement de MM. Loridant et Mélenchon. J'avais dit à M. Chevènement, à l'époque, que, s'il n'y avait pas de solution, je n'en aurais pas. M. Chevènement m'avait répondu : « J'en prendrai acte ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous pose une question, mais peut-être n'avez-vous pas la réponse : le département concerné, et les autres qui pourraient l'être pour des motifs analogues - parce qu'il peut y en avoir d'autres, même si ce n'est pas forcément pour des sommes aussi importantes - a-t-il droit à la compensation du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ? Parce que, dans ce cas-là, sur 1998, il touche 90 % du montant de la perte.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mais oui !
M. Michel Charasse. Sur 1999, il en touche 75 % ; sur l'an 2000, 50 % et, sur 2001, 25 %. Ensuite, la perte est définitive.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y a pas le feu à la maison si ce département est éligible au fonds de compensation, puisqu'il ne perd que 10 % !
Prenez-vous l'engagement d'examiner le problème, qui est assez complexe, soit à la faveur de la navette, soit d'ici à l'examen du projet de la loi de finances pour 1999, afin que le dossier soit réglé pour le 1er janvier 1999 ? Si vous répondez de façon satisfaisante aux questions que je vous ai posées, compte tenu des indications que j'ai fournies, notamment sur la compensation dès 1998 de la perte de recettes et l'éligibilité au fonds de compensation, on peut alors se donner un temps de réflexion. Sinon, ce temps sera celui de la navette, car je voterai cet amendement. Et ce ne serait pas la première fois que, ici, au Sénat, nous prendrions en compte les difficultés particulières d'une catégorie très spécifique de collectivités locales. J'ajouterai, cher président Girod, que même c'est notre rôle !

M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean Chérioux. Sauf pour Paris !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai plaisir à me répéter et à redire à M. Charasse que le département se verra compenser - j'emploie le futur et non le conditionnel - de deux façons : il le sera, d'une part, de manière directe par le mécanisme de compensation prévu dans le cadre du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, dont vous avez excellemment décrit les mécanismes et, d'autre part, de manière indirecte par un moindre prélèvement au titre de la solidarité.
Il me semble, monsieur le sénateur du Puy-de-Dôme, que le Gouvernement vous apporte toutes les assurances nécessaires.
Je vous remercie d'ailleurs d'avoir en quelque sorte soutenu le Gouvernement en la matière dans sa demande de retrait des deux amendements, parce que, comme vous l'avez très bien dit, dans votre style inimitable, le feu n'est pas dans la maison !
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Permettez-moi d'abord une observation générale. Je ne suis pas de ceux qui, dans cet hémicycle, exacerbent en permanence les différences entre les départements dits urbains et les départements dits ruraux. Pour être né dans une zone rurale, sur les bords de la Méditerranée, et pour être sénateur d'un département urbain, je connais les nuances entre les deux.
Mais je voudrais dire à nos collègues sénateurs d'un département rural qu'il ne faut pas nécessairement considérer que les zones urbaines se trouvent dans une situation idyllique. Il existe aussi des zones difficiles, et des banlieues. Ainsi, voilà quatre ou cinq jours à peine, la salle du conseil municipal des Ulis a reçu un cocktail Molotov. Pas plus tard qu'hier soir, c'est une maison pour tous, un équipement collectif, dans la même commune dont j'ai l'honneur d'être maire, qui a été la cible d'une tentative d'incendie volontaire.
Or vous ne m'avez jamais vu pleurer ici sur la situation de détresse des maires de banlieue - pourtant, elle est bien réelle - encore que je puisse penser que, dans cette enceinte, les banlieues sont sous-représentées. Mais je fais référence à un autre débat sur la légitimité et sur la façon dont le Sénat peut s'exprimer au nom des collectivités locales.
M. Jean Chérioux. La « légitimité » ? Le terme semble excessif.
M. Paul Loridant. C'est une réalité et c'est un élément d'explication.
Par ailleurs, entre la situation d'avant-hier et celle d'hier, sur le site d'Orly, il ne s'est rien passé, mes chers collègues ! Simplement, administrativement, le siège social d'Air Inter, qui était sur la commune de Paray-Vieille-Poste, a été transféré à Roissy. Mais, pour le reste, le nombre d'escales d'avions et de salariés reste identique, absolument rien n'a changé. Le simple transfert de siège social provoque la situation que nous évoquons. Donc, c'est un élément d'information que vous devez garder à l'esprit.
Enfin, j'attire l'attention sur le fait que le problème qui touche le département de l'Essonne, mes chers collègues, peut très bien affecter un autre département.
Je n'osais pas évoquer la ville de Belfort, compte tenu de ma position, mais je connais ce cas pour avoir moi-même déposé ici un amendement semblable à l'amendement proposé à l'Assemblée nationale. La ville de Belfort a connu, il y a quelques années, à peu près la même situation. A la suite d'une fusion et d'un changement d'actionnaires, le siège social d'une entreprise avait été transféré.
Donc, mes chers collègues, j'entends les arguments du Gouvernement, mais j'attire votre attention sur le fait que cette situation peut toucher n'importe quel département. Puisque nous sommes le Grand conseil des communes de France et représentants des collectivités locales de France, que le Sénat, dans sa sagesse, se prononce, mais ayez bien en tête, mes chers collègues, que ces phénomènes peuvent toucher n'importe laquelle de nos collectivités.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je ne voterai pas ces amendements, mais je tiens à exprimer mon regret d'entendre notre collègue M. Loridant mettre en cause, peut-être indirectement, mais de façon expresse, la légitimité des décisions prises par le Sénat !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 122 et 190 rectifié, repoussés par le Gouvernement et pour lesquels la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

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