Séance du 13 mai 1998







M. le président. « Art. 4. _ Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification.
« Cette demande est motivée.
« L'autorité administrative saisit sans délai la commission consultative du secret de la défense nationale. »
Par amendement n° 3, M. About, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « engagée devant elle », d'insérer les mots : « , ou une commission parlementaire dans les conditions fixées à l'article 1er, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement relatif à la saisine par la commission parlementaire, que le Sénat a adopté tout à l'heure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Défavorable par coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 4 :
« Si l'autorité administrative ne procède pas directement à la déclassification demandée, elle saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement tend à réintroduire la procédure, votée par le Sénat en première lecture, permettant à l'autorité responsable de déclassifier d'elle-même, dans les cas les plus simples, les documents faisant l'objet d'une demande émanant soit d'une juridiction, soit d'une commission parlementaire, et réservant la saisine de la commission consultative aux cas les plus complexes qui requièrent une investigation plus poussée et une analyse particulière.
Relevons que, aujourd'hui, l'autorité a déjà la possibilité de déclassifier à tout moment, même à la demande d'une juridiction ou d'une commission, comme l'a rappelé M. le ministre. Il paraît donc un peu incohérent de lui ôter ce droit, comme le fait le texte adopté par l'Assemblée nationale : la rédaction qui nous est soumise impose en effet une saisine automatique de la commission consultative, sans plus aucune possibilité pour l'autorité de déclassifier, ce qui ne me paraît conforme ni au fonctionnement actuel ni au fonctionnement désiré.
Nous souhaitons par conséquent que soit maintenue la possibilité pour l'autorité de déclassifier et que, chaque fois que l'autorité ne veut pas immédiatement déclassifier, la commission consultative soit saisie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, je voudrais rappeler au Sénat que, si ce texte a été élaboré avec la cohérence qui est la sienne, c'est parce que nous pensons que la recherche de la vérité devant une juridiction et la préservation de l'outil de sécurité que représente le secret sont des valeurs de même importance. Si la commission n'était saisie par le Gouvernement qu'en cas de refus de déclassifier, cela instaurerait une sorte de charge de la preuve. La demande de levée serait la règle et le refus de levée deviendrait une exception. Or je ne crois pas du tout que tel soit le cas.
On peut parfaitement imaginer que, lors d'un procès médiatisé, soit présentée une demande de déclassification fortement appuyée par une campagne d'opinion et qu'un membre du Gouvernement, cédant à la pression, accepte la déclassification alors que celle-ci serait peu favorable aux intérêts de l'Etat.
Il me semble que cette commission a une double fonction : protéger la libre investigation des juges lorsque celle-ci est nécessaire à la manifestation de la vérité mais aussi assurer la démarche de continuité et de permanence de l'Etat qui conduit l'exécutif à protéger le secret de la défense nationale.
Il serait donc beaucoup plus judicieux que, dans certains cas, la commission propose au Gouvernement un refus de déclassifier, et ce même en cas de pression médiatique il faut tout de même, en effet, que la légitimité de chacun des pouvoirs garde sa place - afin qu'un membre du Gouvernement qui, sous la pression, serait tenté de céder de manière tactique puisse résister à cette tentation. C'est la raison pour laquelle, entre autres - il y a par ailleurs la préoccupation de clarification juridique des enjeux, pour bien éclairer les demandes futures des juridictions - le Gouvernement souhaite que la commission soit saisie dans tous les cas, ce qui ne représentera ni une charge anormale ni une prolongation de délai trop difficile puisque tout permet de prévoir que le nombre de demandes de déclassification s'élèvera à quelques dizaines par an.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 4 rectifié.
M. Nicolas About, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Je crois que nous ne nous comprenons pas très bien, et je souhaite donc apporter quelques précisions.
M. le ministre propose de s'interdire une possibilité de déclassifier, quand il le souhaite, alors que, dans notre rédaction, le Gouvernement pourrait saisir systématiquement ladite commission. Je ne vois pas en quoi notre proposition est désobligeante ou présente une difficulté.
De la même façon, notre texte prévoit que la commission consultative sera saisie non lorsque le Gouvernement ne voudra pas déclassifier mais uniquement quand il ne pourra pas déclassifier immédiatement : s'il ne peut pas répondre à la demande sans délai, il sera alors tenu de saisir la commission. Ce n'est pas du tout pareil. Mais, dans tous les cas, la possibilité est donnée au Gouvernement de saisir systématiquement la commission, pour répondre au voeu de M. le ministre.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
M. Guy Penne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Je partage tout à fait l'interprétation de M. le ministre et souhaite dire à M. le rapporteur que l'amendement n° 4 rectifié, s'il était adopté, amoindrirait le rôle de la commission consultative et pourrait nuire finalement à sa légitimité auprès des juridictions des citoyens.
Or, actuellement, la légitimité des commissions revêt une grande importance.
Il ne me paraît donc pas bon de s'en remettre uniquement à la bonne volonté du Gouvernement, même si je ne doute pas de celle des gouvernements et des ministres quels qu'ils soient. Je préfère donc qu'il y ait une automaticité de la saisine de la commission consultative.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5