Séance du 26 mai 1998






ÉLOGE FUNÈBRE DE BERNARD BARBIER,
SÉNATEUR DE LA CÔTE-D'OR

M. le président. Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Bernard Barbier. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Bernard Barbier nous a quitté le 25 février dernier, laissant un vide douloureux dans notre Haute Assemblée.
Unanimement estimé et respecté, Bernard Barbier était une de ces personnalités marquantes et originales qui font la richesse du Sénat de la République. Une réflexion indépendante alliée à une solide expérience de terrain faisait de lui un parlementaire exemplaire. D'une richesse de coeur exceptionnelle, Bernard Barbier était surtout, pour nous, un vivant symbole de l'urbanité et de la convivialité.
Bourguignon de souche et de coeur, il naît à Lyon le 30 juin 1924, dans une famille de négociants en vin. Après des études à Dijon puis à Lyon, il participe à la campagne de France comme volontaire dans le 1er régiment d'artillerie coloniale. La Croix du combattant volontaire et la Croix de Guerre 1939-1945 récompenseront son courage pendant cette période difficile, dont il parlait peu.
Les années de guerre forgent chez lui le sentiment d'appartenance à une génération qui s'est fixé pour devoir le relèvement d'une France meurtrie. Séduit un temps par la perspective d'une carrrière militaire, il entre néanmoins, à la Libération, dans l'entreprise familiale, une société spécialisée dans la production de crémant de Bourgogne, pour y travailler aux côtés de son père. Il ne quittera plus les activités de la vigne et le négoce du vin.
Au-delà de ses activités professionnelles, Bernard Barbier s'engage alors pour la défense de ce qui est tout à la fois une activité économique et un art de vivre. La liste est longue des organismes aux noms évocateurs et savoureux qu'il préside ou contribue à animer.
Bernard Barbier était depuis 1947 « maître des requêtes de la Confrérie des chevaliers du Tastevin ». A sa grande fierté, il en était devenu le Grand Maître il y a quelques années. Membre du comité régional de l'Institut national d'appellation d'origine, au sein duquel il oeuvre à la reconnaissance des produits bourguignons et de leur qualité, président de la fédération nationale des syndicats de producteurs de vins mousseux à partir de 1976 et administrateur de la confédération nationale des vins et spiritueux, il contribue, avec autant d'efficacité que de convivialité, au dynamisme de cette branche importante de l'activité nationale.
L'engagement politique est le second héritage familial de Bernard Barbier, dont le père et le grand-père ont été élus municipaux en Bourgogne.
En 1969, il est élu maire de Nuits-Saint-Georges. L'année suivante, il est secrétaire général de l'association des maires de Côte-d'Or. Maire de ce qu'il appelait une « petite ville au grand nom », Bernard Barbier s'attache au développement économique de sa commune.
Pour ce faire, Bernard Barbier croit dans les potentialités de l'intercommunalité. La coopération intercommunale représente pour lui la voie d'un renouveau de l'action locale en faveur de l'aménagement du territoire et du développement. Président d'un important SIVOM, il est chargé en 1987 d'un groupe de travail sur le sujet.
Conseiller général du canton de Nuit-Saint-Georges de 1969 à 1992, il est plus particulièrement chargé des finances au conseil général.
Passionné par l'action publique au service du développement des activités et de l'économie, il entame en 1979 une carrière parlementaire après le décès de notre ancien collègue André Picart. Il rejoint alors la commission des affaires économiques de notre assemblée, où ses collègues lui confient l'imposant dossier de la plani-fication.
Rapporteur du projet de loi portant réforme de la planification, il dénonce une vision dirigiste de l'économie et de la société portée par des conceptions du Plan héritées de la période de reconstruction. Avec conviction, il plaide pour une planification souple, indicative et surtout décentralisée. Considérant le Plan comme un vecteur d'information privilégié, il souligne la nécessité d'un soutien financier accru à des organismes d'expertise comme le Centre d'études des revenus et des coûts, le Centre d'études prospectives et d'informations internationales et le Centre de recherche, d'études et de documentation sur la consommation. Pour contrepartie à l'assouplissement du Plan et à l'affirmation de son caractère indicatif, il défend la définition de programmes prioritaires d'exécution pour donner des garanties à des secteurs d'intervention primordiaux. Dès l'année suivante, il est chargé du suivi de l'exécution de la loi de planification.
C'est dans ce cadre qu'il milite pour une meilleure information du Parlement dans le domaine des prévisions économiques.
La loi de 1982 crée dans chaque assemblée une délégation pour la planification, chargée d'informer le Parlement sur le suivi de l'exécution du Plan et sur l'environnement économique dans lequel il se déroule. C'est tout naturellement que Bernard Barbier en assumera la présidence, avec autorité et beaucoup de compétence. C'est ainsi qu'il sera amené à présenter chaque année un rapport d'information au nom de la délégation pour la planification sur les perspectives économiques à moyen terme. Ces rapports contribueront à éclairer la Haute Assemblée sur l'environnement économique dans lequel elle est amenée à faire des choix.
Bernard Barbier jugeait cependant insuffisant l'édifice ainsi construit. C'est ce qui l'avait conduit à déposer, il y a peu, une proposition de loi tendant à instituer un office parlementaire pour la prospective économique. Attaché à la qualité du contrôle parlementaire, Bernard Barbier était, dans bien des domaines, un précurseur.
La prévision économique ne sera cependant pas son unique préoccupation. Ses interventions sur la défense des produits alimentaires de qualité témoignaient avec acuité de son souci de la prospérité économique des régions productrices d'aliments de qualité.
En 1990, Bernard Barbier aura la charge du rapport sur le projet de loi relatif aux appellations d'origine contrôlée des produits agricoles et alimentaires bruts ou transformés, qu'il améliorera très sensiblement.
Lors de l'examen du projet de loi Evin, il fait sensation à la tribune en proposant au ministre de la santé la dégustation d'une bouteille de Nuits-Saint-Georges, refusant avec humour l'assimilation des vins de qualité à un facteur d'alcoolisme.
Sa curiosité le conduira également à s'intéresser aux questions internationales.
A la tête du groupe d'amitié France-Yémen, créé en 1990 après la réunification des deux Yémen, il apportera son soutien aux efforts démocratiques de ce pays dans un contexte d'instabilité économique et politique. Il travaillera en particulier, dans le domaine culturel, à faire connaître la grande richesse du pays de la reine de Saba.
L'esprit toujours en éveil, Bernard Barbier manifestait une curiosité intellectuelle sans limites et les intérêts les plus éclectiques. Mais tous conserveront de lui le souvenir d'un homme aux qualités humaines exceptionnelles.
Au nom du Sénat tout entier, je voudrais dire notre émotion à sa famille, à ses amis, à tous ceux à qui Bernard Barbier était cher.
J'assure de notre profonde sympathie ses amis du groupe des Républicains et Indépendants et ses collègues de la commission des finances ainsi que son épouse et ses deux fils.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je tiens à m'associer à la peine du Sénat et à celle de la famille de Bernard Barbier, sénateur de la Côte-d'Or, dont nous honorons aujourd'hui la mémoire.
Je ne reviendrai pas sur le parcours de celui qui fut, vingt-six années durant, le maire de Nuits-Saint-Georges, membre de la Haute Assemblée de 1979 à 1998 et conseiller général puis vice-président du conseil général de la Côte-d'Or entre 1969 et 1992. Dans l'éloge remarquable que vous venez de prononcer, monsieur le président, vous avez tout dit de lui, et je ne saurais mieux faire.
Aussi, dans ce court instant, permettez à un Bourguignon de la Nièvre de saluer tout le talent et le mérite d'un Bourguignon de la Côte-d'Or, dont une grande partie de la vie se confond avec le destin d'une région et la promotion de son identité, particulièrement dans le domaine viticole.
Chacun sait l'attachement profond qui liait Bernard Barbier à la terre de Bourgogne, une terre solide et charpentée, prestigieuse et généreuse, à l'image de ses vins, qui ont conquis le reste du monde, et sans doute un peu aussi à l'image de l'homme que nous évoquons aujourd'hui.
Nul ne peut ignorer la foi qui animait Bernard Barbier lorsqu'il parcourait la planète pour lui donner en partage ce morceau de France qu'il aimait tant. Il le fit jusqu'au dernier jour, et il le fit bien. Nuits-Saint-Georges, aux yeux des peuples du monde, lui doit sans nul doute une grande partie de sa réputation.
Au titre de son activité parlementaire, le Gouvernement, le Sénat, sa commission des affaires économiques et du Plan et sa commission des finances garderont de Bernard Barbier le souvenir d'un sénateur parmi les plus actifs de la Haute Assemblée, aussi sérieux et travailleur que truculent et jovial. Les nombreuses fonctions qu'il a exercées au sein du palais du Luxembourg en témoignent : il fut vice-président de la délégation parlementaire pour les Communautés européennes de 1980 à 1989, président de la délégation parlementaire pour la planification depuis 1983, rapporteur spécial du budget de l'industrie, président du groupe d'études sur l'énergie depuis 1983.
Son apport individuel est désormais inscrit dans la postérité républicaine et personne n'oubliera sa contribution, qui fut éminente, à l'édification du patrimoine commun.
A l'homme, au citoyen, au combattant volontaire de vingt ans, à l'élu qu'il fut, j'adresse, au nom du Gouvernement, la reconnaissance qui est due à celles et à ceux qui servent la nation au mieux de leurs compétences et de leurs talents.
A vous, madame Barbier, à vos enfants, à vos proches, je renouvelle notre compassion dans la peine qui vous atteint et vous assure de notre très chaleureuse sympathie.

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